Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets
CHAPITRE XIII : SACRIFICE
Tony avait vu Christianus se mettre à marcher de manière distraite, presque soupçonneuse. Tony se dit que le charme stagnant dans ce tunnel devait faire son effet sur l’agent du Vatican. Ce n’était sûrement qu’une question de secondes avant que lui-même ne soit atteint. Qu’est-ce qui allait lui arriver ? Quel souvenir désagréable le charme ferait revenir à la surface ? Il y en avait tellement. Sa première idée s’arrêta sur un des évènements les plus récents de sa vie : sa cybernétisation et les changements drastiques qu’elle avait entrainé dans sa vie. Il pensa surtout à son ex-fiancée, Isabelle. Il avait choisi de s’effacer totalement de sa vie, envoyant son frère Alexandre lui effacer la mémoire. Tony avait utilisé les moyens des services secrets de l’ONS pour savoir si tout allait bien dans sa vie. Il fut rassuré d’apprendre que la jeune femme ne semblait avoir aucune séquelle importante. Elle était juste déboussolée certains jours. Tony avait même poussé l’expérience jusqu’à la bousculer dans un magasin pour voir si elle le reconnaîtrait. Il était sûr de ne plus rien être dans sa vie après ça.
Le paysage environnant changea du tout au tout. Tony n’était plus dans le couloir sombre et humide du souterrain. Le vent lui fouettait le visage, le soleil lui chauffait le crâne. Des gouttes de sueur ruisselaient sur son visage. Heureusement, il portait des lunettes de vol, ce qui empêchait les gouttes acides de tomber dans ses yeux et de pouvoir voler très vite sans être gêné par le vent. Tony tendit le bras sur le côté sans même prendre la peine de regarder. Ses doigts se refermèrent sur le souaffle qui lui avait été lancé par un de ses coéquipiers. Ils avaient tellement répété cette tactique qu’ils n’avaient plus besoin de se regarder pour se trouver. Il faut dire que cela faisait cinq ans qu’ils jouaient ensemble.
Tony vit la robe gris-bleu de son autre coéquipier le dépasser par la gauche. Les poursuiveurs en noirs de l’équipe adverses se positionnèrent pour intercepter une passe vers lui. Ils étaient tombés dans le panneau, comme prévu. Tony fit une feinte de passe mais la balle fila vers le but central, le traversant en faisant retentir un gong et un tollé d’applaudissement depuis les gradins. Les trois poursuiveurs en bleu se félicitèrent avant de reprendre position pour le renvoi.
Les joueurs en noirs s’élancèrent vers les buts des bleus dés le coup de sifflet de l’arbitre. Tony les observa attentivement. D’un geste, il indiqua à un de ses coéquipiers où il devait aller. Tony se pencha sur son balai pour foncer sur le porteur du souaffle. Un cognard le manqua de peu. Le joueur en noir le vit arriver et l’esquiva tout en passant la balle à son coéquipier à droite. La balle fut interceptée au vol par le poursuiveur bleu placé par Tony. Les trois poursuiveurs se mirent en formation d’attaque, surprenant l’équipe noire. Un poursuiveur noir parti à la poursuite des joueurs bleus mais fut stoppé en pleine course par un cognard savamment envoyé. Le souaffle transita dans les mains de Tony qui l’envoya presque immédiatement au troisième poursuiveur. Celui-ci rata son contrôle et la balle rouge tomba. Un poursuiveur noir en profita pour s’en emparer et foncer vers les buts des bleus pour y marquer.
Tony regardait son coéquipier. Ce dernier le remarqua et fit une grimace d’excuse. Tony demanda un temps mort. Les deux équipes firent cercle chacun de leur côté. Tony s’adressa tout de suite au joueur maladroit.
« Qu’est-ce qui s’est passé François ? demanda-t-il. C’était une passe facile.
-Désolé Tony, fit François.
-Il ne faut plus faire ce genre de maladresse. Nous menons de cent-quarante points. Mais il nous faut cent-soixante pour gagner la coupe en plus des cent-cinquante du vif d’or. Plus que deux buts sans en encaisser. Amandine, tiens-toi prête à choper le vif.
-Je suis prête depuis le début du match, assura l’attrapeuse.
-Les batteurs, empêchez leurs poursuiveurs de nous emmerder. Quand nous aurons cent-soixante points d’avance, Kevin, tu resteras sur les poursuiveurs. Patrice, tu attaques leur attrapeur.
-Pas de problème, acquiesça Patrice.
-Malik, reste concentré et continue comme d’habitude.
-Plus rien ne passera, promit Malik.
-Les poursuiveurs, tactique numéro trois. J’ouvre. On y retourne. Qui est de fer ?
-Les Dragons ! s’exclamèrent les joueurs d’une seule voix.
-De quoi sont les Dragons ?
-De fer !
-Qui sommes-nous ?
-Les Dragons de Fer ! »
Les joueurs reprirent leur place. Tony jeta un dernier coup d’œil à François. L’arbitre passa la balle à Tony et siffla la reprise. Tony fonça seul droit vers les buts adverses. Un poursuiveur noir vint à sa rencontre. Tony attendit le dernier moment pour passer la balle sur sa gauche. Il fit ensuite un crochet pour prendre la place de son coéquipier pendant que lui venait au centre. Tony descendit de quelques mètres et attendait. C’est maintenant qu’il saurait. Son coéquipier fit la même manœuvre que lui mais en passant le souaffle à François. Ce dernier s’en saisit et vint se placer au centre. Un troisième joueur adverse vint tenter sa chance. François tarda à passer le souaffle et le joueur en noir parvint à dévier la passe. Le souaffle tombait vers le sol. Un poursuiveur noir allait s’en emparer quand Tony, qui s’y attendait, s’en empara juste sous son nez. Tony fonça vers le but sans se retourner et décocha un tir, marquant un nouveau but.
Les joueurs en bleu se félicitèrent. Au moment où François vint faire de même, Tony le regarda droit dans les yeux.
« Tu restes en arrière, lui ordonna-t-il. Heinrich, tactique numéro cinq, toi et moi. »
Heinrich acquiesça d’un mouvement de tête avant d’aller se replacer. Tony lança un coup d’œil vers son attrapeuse. Celle-ci cherchait toujours le vif des yeux en restant au dessus du jeu des poursuiveurs. Les noirs relancèrent le match. Ils virevoltaient dans l’air comme ils en avaient l’habitude, la marque de fabrique des Anges des Ténèbres. Mais Tony avait bien observé leurs matchs précédents, se servant d’une pensine pour les regarder encore et encore, jusqu’à ce qu’il connaisse le moindre de leur mouvement, la moindre mimique. Il devina le prochain mouvement des attaquants et se plaça dans l’angle mort du porteur du souaffle. Lorsque celui-ci arma son bras pour faire une passe tendue, Tony lui arracha la balle des mains. Le joueur en noir finit son mouvement de lancé sans la balle, surpris, il se retourna pour se lancer à la poursuite de Tony qui avait déjà dépassé la moitié du terrain.
La défense noire était en retard. Heinrich et Tony les baladèrent par des passes rapides voir volleyées. Puis, une fois arrivé dans la zone de tir, Heinrich marqua en feintant le gardien. Les poursuiveurs des Dragons se replacèrent rapidement. Tony lança une œillade à son attrapeuse. Elle avait sûrement repéré le vif car elle partit en piqué vers l’extrémité nord du terrain. Tony ne la suivit pas des yeux plus longtemps, les poursuiveurs noirs reprenaient déjà le chemin des buts. Ils savaient aussi bien que les Dragons que la victoire finale du championnat de jouait sur ces quelques points. Mais alors qu’ils allaient marquer après une erreur de défense de François, le coup de sifflet de l’arbitre indiqua que l’attrapeuse des Dragons de Fer venait de mettre fin au match.
Les joueurs en bleus se félicitèrent en hurlant de joie, venant tous entourer leur attrapeuse. Seul François resta un instant à l’écart avant de venir se joindre à la liesse. Tony devait lui parler, mais seul à seul. Le directeur de l’Académie de Magie lui remit la coupe de Quidditch, faisant hurler de joie les supporters des Dragons de Fer.
Ils venaient de sortir des vestiaires. Tony tira François à l’écart. François faisait une tête inquiète.
« Combien t’ont-ils donné ? demanda Tony sans préambule.
-Dix gallions, répondit François. Mais vu qu’on a gagné, ils vont vouloir que je les rembourse.
-Tu te rends compte que tu nous as trahis ?
-J’avais besoin d’argent. Je n’ai pas eu le choix. Je pensais pouvoir te faire croire à une mauvaise journée, mais j’ai sous-estimé ton sens de l’observation. Que veux-tu que je dise ? Que je m’excuse ?
-Ça ne servirait à rien. J’ai pensé un moment te passer le flambeau de capitaine de l’équipe. Je vais le passer à Amandine finalement. Je lui dirais ce que tu as fait et tu ne feras plus parti de l’équipe.
-Tu veux m’interdire de quidditch !
-Non, tu peux toujours aller voir une autre équipe pour l’année prochaine. Mais tu es viré de la notre. »
Anthony ne resta pas plus longtemps et préféra rejoindre ses coéquipiers qui commençaient déjà la fête avec leurs supporters. Anthony décida d’attendre le lendemain pour parler à Amandine. Il fit le premier toast de la soirée. Il se retourna en sentant une main sur son épaule. Alexandre le félicitait d’un sourire fraternel. Cette vision rappela à Anthony qu’il se trouvait dans une vision générée par un charme angélique.
« Beau match, fit Alex.
-Merci, dit Anthony.
-Tu comptes faire quoi de François ? »
Le fait qu’Alex ait remarqué la maladresse volontaire de François n’avait pas surpris Anthony. Ils avaient été élevés de la même façon.
« C’est déjà fait, il va être viré de l’équipe, dit Anthony. J’en parlerais demain à Amandine.
-Elle fera un bon capitaine, acquiesça Alex. Et tant que j’y pense, j’ai vu François être « invité » par des mecs des Anges des Ténèbres. Ils allaient vers la volière je crois. »
Anthony sourit à son jumeau et quitta la fête pour se diriger vers la volière. Il s’approcha discrètement, repérant François entouré de quatre membres de l’équipe des Anges. Ces derniers ne semblaient pas vraiment jouasses. Anthony s’était rapproché assez pour pouvoir entendre leurs paroles.
« Tu n’as pas fait ce qu’il fallait, dit un garçon.
-Ce n’est pas ma faute ! se défendit François. J’ai essayé mais Chaldo m’a grillé. Il m’a mis à l’écart, vous l’avez bien vu ? Et maintenant, je suis viré de l’équipe !
-Tu veux quoi ? Qu’on chiale ?
-Je vais vous rendre votre argent.
-Ça, t’as intérêt. Mais nous voulions la coupe. Et par ta faute, elle nous a échappés. Tu vas payer pour ça. »
Les membres de l’équipe des Anges sortirent leurs baguettes. Anthony avait le choix entre intervenir et laisser faire. François avait mérité une bonne leçon. Mais ce n’était pas vraiment son genre de laisser faire un lynchage.
Le maléfice allait être prononcé. Tony tira sa baguette d’un geste fluide et sans incanter, il décocha un Experlliarmus qui désarma le malveillant, sa baguette s’élevant haut au dessus de lui. Tony ne laissa pas aux autres le temps de comprendre ce qui se passait. Il fonça, bondissant pour allonger un des garçons d’un coup de pied sauté latéral. Il pivota d’un coup pour assommer un deuxième d’un coup de pied retourné au crâne. Le troisième pointa son artefact sur Anthony.
« Tarantallegra ! cria-t-il. »
Anthony bloqua le maléfice de sa baguette et contre-attaqua d’un sortilège de saucissonnage. Il se déplaça rapidement et vint se placer entre le dernier et François. Il attrapa d’une main la baguette qu’il avait arrachée au début du combat et pointa les deux sur la gorge du dernier agresseur.
Le membre de l’équipe des Anges n’en revenait pas de la facilité et la vitesse avec laquelle Anthony Chaldo avait mis hors de combat quatre personnes.
« Salut Vincenzo, fit Anthony.
-Pourquoi tu l’aides Chaldo ? demanda Vincenzo. Il vous a trahis.
-Ce n’est pas une raison pour le laisser se faire rosser par une bande de connards. Il ne fait plus parti de l’équipe, mais il en a été un membre important un long moment. Tiens-le toi pour dit. »
Chaldo baissa les baguettes et rendit la sienne à Vincenzo. Ce dernier ne demanda pas son reste et tourna les talons.
Anthony se tourna vers François.
« Rentre aux dortoirs, dit-il. Je crois que tu devrais aller te coucher.
-Merci Tony, fit François en partant. »
Tony resta seul un moment. Il avait agi comme son père le lui avait appris. Ne jamais tourner le dos à une injustice. Même si François avait trahi l’équipe, il ne pouvait oublier autant d’années d’amitié dans l’équipe des Dragons. Il se rendait compte qu’il avait joué aujourd’hui son dernier match de quidditch. Il finissait ses études le mois prochain et quitterait l’Académie de Magie définitivement. Plusieurs équipes professionnelles l’avaient contacté mais il avait toujours repoussé leurs offres. Il aimait le quidditch, mais il préférait ne pas se soustraire à ce qui était devenu une sorte de tradition familiale. Il savait que personne dans sa famille ne lui en voudrait, elle serait toujours là pour le soutenir quelque soit son choix. Mais il estimait devoir suivre un dessein plus grand qu’amuser une foule de fans hystériques. Il allait donc rejoindre la Division Esotérique de l’ONS. Tout comme son frère Alexandre. Mais pour lui c’était différent, personne n’aurait pu imaginer qu’il fasse un autre choix, cela faisait déjà un an que la famille lui avait accordé le titre de Corbeau.
Anthony aurait aimé faire une carrière sportive. Mais il ne regrettait pas son choix final. C’est avec cette satisfaction qu’il commença à retourner vers la fête. Mais une voix l’interpela.
« Vous êtes fidèle en amitié même envers ceux qui vous ont trahi ! C’est impressionnant ! »
L’homme qui sortait des buissons était maigre et ridé. Il donna à Anthony l’impression de pouvoir s’envoler au moindre coup de vent.
« Puis-je savoir qui vous êtes ? demanda Anthony méfiant.
-Je m’appelle Edgar Saro, je suis recruteur pour l’équipe des Gargouilles de Laudun.
-Si c’est pour me proposer une place dans votre équipe, je suis navré de vous dire que je refuse. Je ne souhaite plus jouer au quidditch.
-Laissez-moi en douter monsieur Chaldo. Votre façon de jouer démontre que vous aimez ce sport au plus haut degré. Vous êtes un passionné. Et un joueur extrêmement doué également. Vous avez tout intérêt à rejoindre les Gargouilles. Votre jeu très tactique trouvera tout son sens au sein de l’équipe.
-Je viens de vous dire que je n’étais pas intéressé, dit Tony, un brin agacé.
-Alors, vous voulez dire que c’était votre dernier match ? Que vous arrêtez définitivement de jouer au quidditch ?
-C’est tout à fait cela, confirma Tony.
-Mais, un talent comme le votre, ce serait du gâchis.
-Je souhaite faire autre chose de ma vie que de voler à la poursuite d’une balle. »
La conversation s’était arrêtée là. Anthony avait planté là le recruteur et était retourné faire la fête avec ses amis pour la dernière fois. Mais il n’était pas vraiment à Beauxbâtons à la fin de sa scolarité aujourd’hui. Tout cela n’était qu’illusion. Il se trouvait sous terre, au Mexique, dans un tunnel enchanté par de la magie angélique. Le charme présent cherchait à le déstabiliser, à le fragiliser.
« Vous pensez vraiment que la vie que vous avez choisi vous comble ? lança Edgar Saro. Vous pensez que vous avez déjà sauvé le monde ne serait-ce qu’une fois ? Ou que vous allez le sauver ?
-Je n’ai jamais regretté mon choix. Et je sais que je n’ai pas encore sauvé le monde. Mais au moins, j’agis pour le préserver.
-Et bien sûr, cela ne t’a apporté que de la satisfaction. Qu’en est-il d’Isabelle ? Elle t’a oublié, mais son souvenir est toujours vivace dans ton esprit. Tout comme tes sentiments pour elle. Ne te voile pas la face. Tu as sacrifié plus que tout autre pour préserver un monde qui ne sait même pas que tu te bats pour lui.
-Ça me va.
-En es-tu sûr ? Tu aimais le quidditch. Tu as choisi d’arrêter pour entrer à la DE. Tu aimes Isabelle. Tu as choisi de disparaître de sa vie.
-Oui j’ai choisi. J’ai fait mes choix et je les assume pleinement. Certains me font souffrir, c’est vrai. J’ai pensé un moment faire carrière dans le quidditch. Mais je voulais me battre pour quelque chose de plus grand. J’aurais aimé pouvoir partager ma vie avec Isabelle. Mais je me devais de disparaître pour qu’elle puisse vivre sa vie sans contrainte et sans regrets. Vivre une vie que je ne suis plus en mesure de lui donner. Elle mérite mieux qu’un homme en partie machine. Elle ne l’aurait pas supporté.
-N’est-ce pas plutôt toi qui ne l’aurait pas supporté ? Avoue : tu as peur d’affronter son regard, n’est-ce pas ?
-Oui, je l’avoue. J’ai peur. Mais mes autres raisons n’en sont pas moins valables. Je continuerais sur la voie que j’ai choisie. Des regrets, j’en aurais sûrement un jour. Je verrais à ce moment là. Je vais continuer d’avancer sans me retourner. Vos paroles ne me toucheront plus. »
Anthony s’éloigna de la projection d’Edgar Saro. Il s’efforça de fermer son esprit à ses mots, à sa présence. Le parc de l’Académie de Magie Beauxbâtons s’estompa pour laisser place au tunnel de pierre.
NDA : Pour tout ce qui concerne le Quidditch à Beauxbâtons, je vous suggère de vous reporter au chapitre II de la fanfiction « Le Corbeau, Livre II : Sang de Dragon » où je décris les différentes équipes que j’ai imaginé.