Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets

           CHAPITRE XV : AVANT LA BATAILLE

           Samus Denler venait de recevoir un dossier en provenance de la secrétaire d’Hector Guillou. C’étaient les informations qu’il avait demandé sur la femme accompagnant Julia Chaldo et parti avec Erius Sornas au Yucatán. Les renseignements avaient mis un peu de temps à lui parvenir mais il mit ça sur le compte de la volonté de Guillou de cloisonner les informations dont lui avait parlé la secrétaire.

           Le dossier disait que la jeune femme s’appelait Célia Under. Une sorcière ayant appartenu aux aurors australiens dans l’unité de protection spécialisée avant d’être recrutée par la DE un an auparavant. L’unité de protection spécialisée, la plupart des administrations magiques avaient intégré ce genre d’unité chargée de la protection des pontes de leurs ministères dans les services de Police Magique. Mais quelques pays, dont l’Australie avait placé cette unité sous l’autorité de leur département anti-mages noirs. Cela ne changeait rien au profil des membres de ces unités : des combattants aguerris, rompus aux techniques de contre-embuscade, de repérage en milieu de foule et en manœuvre d’exfiltration d’urgence. Les agents de ce type d’unité étaient habitués à travailler à la fois en groupe et en isolé, dans le cas de protection plus discrète. Ces agents étaient souvent reconnus comme étant les plus vifs, leur temps de réaction réduit au plus court.

           Ce qui surprit Samus Denler c’était l’âge de Célia Under : le dossier lui donnait vingt-cinq ans. Avec l’expérience, Denler avait appris à jauger les personnes autour de lui d’un simple regard, se fiant à leurs expressions et à leurs mouvements. Il savait aussi évaluer l’âge avec une certaine précision. Pour lui, Célia Under devait à peine avoir vingt ans. Et sa manière de se déplacer sur la vidéo envoyée par son agent au Mexique le fit douter. Elle ne se déplaçait pas de la manière d’une experte en protection rapprochée. Comme une combattante, certes, mais il manquait quelque chose. Et ce genre de vie marque à tel point que cela se voit forcément dans la vie quotidienne.

           Denler ne cessait de réfléchir. C’était devenu une seconde nature chez lui. Dans l’espionnage, quand on arrête de réfléchir, on meurt. Il y avait un décalage entre ce que disait le dossier et ses impressions. Toujours se fier à son instinct, mettre en doute les certitudes. Et Denler doutait de la véracité de ce dossier. Il savait que ça ne servait à rien d’éplucher le dossier dans les moindres détails en espérant y trouver une erreur flagrante. Les agents de la DE étaient trop bien formés pour faire ce genre d’erreur. Il ne trouverait aucune preuve mais son instinct était la seule dont il avait besoin : ce dossier était sûrement un faux. Donc, Hector Guillou était au courant pour sa secrétaire. Elle devait être sous contrôle mental lorsqu’il lui avait parlée.

           C’était un coup dur porté à la stratégie de l’Inquisition. Mais Denler savait que cela pouvait s’avérer être une opportunité. L’Inquisition réagirait en lançant l’opération Clé. La DE serait prise par surprise. Enfin, restait à ce que le Conseil de l’Inquisition se décide d’agir. Denler était bien conscient que certains cardinaux se montreraient réticents à agir.

           Samus Denler quitta son bureau et alla voir le cardinal Nova. Ce dernier le reçu immédiatement, sachant très bien que Denler n’était pas un homme à venir sans raison. Le cardinal pensait qu’il y avait quelque chose de nouveau et d’important concernant les agissements des Sorciers au Mexique.

« Monsieur Denler, que me vaut votre visite ? demanda le cardinal immédiatement. Des nouvelles du Mexique ?

-Rien de réellement important pour le moment concernant cette opération en propre, répondit Denler. La DE a déployé son unité action. Mais c’est surtout un détail qui me trouble. Une femme a rejoint l’UA avant qu’ils ne décollent. Je ne l’avais jamais vu et j’ai donc demandé à notre taupe de me renseigner sur elle. J’ai reçu un dossier la désignant comme une sorcière australienne appartenant à la DE depuis un an.

-Je ne vois pas ce qui vous a fait venir ici.

-Je n’ai aucune preuve, juste une impression, mais je pense que le dossier reçu est faux.

-Je serais un imbécile de ne pas prendre en considération l’instinct d’un homme de votre expérience. Que vous dit votre instinct ?

-La DE a identifié notre taupe et s’en sert contre nous. »

           Le cardinal resta silencieux. Il savait ce que cela signifiait, il venait de perdre un avantage tactique indéniable. Il fallait agir au plus vite.

« Appelez les membre du Conseil, ordonna-t-il. Nous devons nous réunir en réel.

-Cela prendra deux jours pour que certains membres du Conseil arrivent, dit Denler.

-Je ne veux pas prendre le risque que la transmission en vidéoconférence soit interceptée par la DE.

-Bien votre Eminence. Je m’y attèle tout de suite, assura-t-il en sortant. »

           Le cardinal Nova s’enfonça dans son fauteuil. Des évènements compliqués se profilaient à l’horizon. Des violences entre les deux communautés éclateraient sûrement. Mais au final, le peuple croyant serait préserver et l’Eglise retrouverait la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre à la tête de l’Humanité. Le temps de la consécration de la Gloire du dieu éternel viendrait bientôt.

           L’équipe marchait depuis des heures. Lucifel savait qu’ils atteindraient bientôt leur destination finale. Mais avant d’affronter la dernière protection, il devait s’assurer de quelque chose. Il fit faire une pause et en profita pour s’approcher d’Anthony Chaldo.

« Chaldo, j’aurais quelques questions à vous poser, dit Lucifel.

-Je vous écoute, assura Tony.

-Quelles sont les capacités de combat des autres ? En tant que chef, vous devez le savoir.

-Si vous me demandez ça, c’est que la prochaine protection implique de se battre. Vous savez déjà pour Irael, elle est l’élève de votre frère. Je l’ai vu combattre sur Mars. Elle manque encore d’expérience mais elle est forte.

-Mon frère a toujours été très pédagogue. Pour Christianus ? Il n’a pas de pouvoir.

-C’est vrai, mais c’est un excellent tireur et il sait se battre. Il est capable de vaincre les meilleurs agents de la DE.

-Exceptez-vous.

-Je n’en serais pas si sûr. Je pense que nous avons sensiblement le même niveau. Mon frère était bien meilleur combattant que moi.

-Etait ? Il est mort ?

-Oui, il y a peu en mission. Il nous a sauvés en se sacrifiant. Même s’il a laissé un vide. »

Le regard de Tony s’était posé sur Ariana qui discutait tranquillement avec Irael.

« Ariana est forte, continua Tony. C’est mon frère qui a commencé sa formation. Elle est jeune et un peu impulsive par moment. Mais elle ne nous fera pas défaut.

-Vous vous ressemblez, dit Lucifel.

-Que voulez-vous dire ? demanda Tony.

-Il y a quelque chose de similaire dans vos âmes. Quelque chose d’ancien. Vos ancêtres ont connu des épreuves similaires.

-La Guerre des Ténèbres, il y a quatre siècles. L’ancêtre d’Ariana est le héro qui a mis fin à la guerre en batant un mage noir nommé Voldemort. Mon ancêtre se battait à la même époque. Harry Potter et Pierrick Chaldo ont tout deux dû apprendre que la guerre est quelque chose de cruel, d’impitoyable, mais malheureusement de nécessaire pour demeurer libre. Ils ont tout deux payé le prix de ce conflit en perdant des amis chers. Mon ancêtre y a même perdu sa propre fille.

-C’est ça la guerre, dit Lucifel.

-A quoi pensez-vous ?

-Les Dæmons vont de nouveau chercher à dominer le système solaire. Pour l’instant, si j’en crois ce que vous m’avez dit, ils se préparent en cherchant le moyen d’avoir l’avantage d’emblée.

-Les Crânes de cristal.

-Oui. Mais même sans, ils lanceront l’assaut. Surtout s’ils sentent que l’Humanité est divisée et ne peut faire front.

-C’est le cas.

-Alors cette guerre est peut-être perdue d’avance. Vous comptez quand même vous battre ?

-Ne jamais reculer, toujours faire face. C’est une des philosophies de ma famille.

-J’approuve. Les Dæmons ne s’arrêteront que lorsque l’Humanité sera sous leur joug. Mais ce n’est pas une raison pour abandonner. Vivre libre ou mourir. C’est pourquoi nous n’avons pas suivi Jéhovah. Le suivre aurait été abandonné tout ce pour quoi nous avons combattu durant des siècles.

-Jamais à genoux, toujours debout. »

           Ils marchèrent encore un peu. Et ils finirent par atteindre une grande salle, la plus grande de tout ce complexe souterrain. La salle ne comportait pas d’autre sortie. Mais ce qui attira les regards des membres de l’expédition, ce fut la lueur pâle et bleutée émanant du Crâne de cristal. Ce dernier était placé sur un piédestal au fond de la salle et semblait les regarder de ses orbites vides.

           Malgré le fait qu’ils avaient atteint leur but, aucun ne s’avança. Tel un échiquier géant, une vingtaine de statues se dressaient dans toute la pièce. Elles étaient de forme humanoïde mais de deux fois le gabarit d’un humain lambda. Leurs têtes étaient assez massives. Si on regardait bien, leurs visages n’avaient pas grand-chose d’humain. La face était relativement plate, donnant une allure carrée au crâne et les dents que l’on devinait sur certains visages tenaient plus des crocs. Les mains comportaient cinq doigts terminés en griffes acérées.

           Ariana se saisit instinctivement de sa baguette et de son pistolet. Lucifel s’avança et se tourna vers ses compagnons.

« Ecoutez, dés que nous mettrons un pied au-delà de la ligne tracée sur le sol, ces statues prendront vie, annonça-t-il. Elles n’ont qu’un seul but : nous éliminer.

-Ce sont des golems ? demanda Tony.

-Ce doit être le mot qui les désigne dans votre langue. Nous n’avons jamais été très nombreux, nous autres les atlantes. Lors de la guerre contre les Dæmons, bien avant le projet Pandora, notre magie nous permettait de créer ces êtres de roche. Ils ont l’avantage de n’avoir ni âme, ni mémoire vivante. Contre des créatures se nourrissant de cela comme les Dæmons, c’était un avantage. Un peu moins contre leurs légions mais la puissance compensait les tares des… golems.

-Quelles tares ? questionna Christianus.

-Ils ne réfléchissent pas et ce contentent de foncer sans tactiques. Excepté celles qu’on leur programme. Ceux-ci n’ont qu’un seul ordre : détruire tout ce qui passera cette ligne.

-Sauf les Anges, fit remarquer Ariana.

-Non, même les Anges, contredit Lucifel. Je les ais programmé ainsi au cas où des atlantes s’allieraient aux Dæmons. En pariant sur le fait d’avoir pu passer toutes les autres barrières sans difficultés et que ceci constituerait une surprise.

-Je vois. Donc, nous allons devoir nous battre, dit Tony. »

           Tony sortit de sa poche une dague. D’un coup de baguette, il la fit grandir, dévoilant sa véritable forme, celle d’une épée chinoise. Il la fit tournoyer une seconde. Ariana se souvint du jour où elle avait rencontré Anthony, il lui avait parlé de l’épée de Pierrick Chaldo. Normalement, l’épée devenait la possession du Chaldo recevant le titre de Corbeau. Mais Alex, avec son habitude de ne pas respecter les traditions, avait choisi de porter un sabre. L’épée avait donc échoie à Anthony. Ariana ne l’avait vu que quelques fois s’entrainer avec. Et à chaque fois, il lui avait semblé que Tony ne faisait qu’un avec son arme. Tout comme Alex maniait le sabre avec une quasi-perfection. A croire que le combat coulait véritablement dans les veines des Chaldo.

           Ariana tourna les yeux vers Christianus. L’agent du Vatican vérifiait son pistolet et ses chargeurs. Non loin de lui, Irael fit surgir sa lance du néant. Lucifel l’observait d’un air appréciateur avant de faire de même avec un trident de métal noir.

« Ils ne s’arrêteront pas, même blessés, dit Lucifel. Ils ne connaissent pas la douleur. Détruisez-les en les attaquants principalement au cœur, c’est leur seul point faible et il est dur de l’atteindre. En avant. »

           Dés qu’ils eurent franchi la ligne, les statues se mirent à vibrer et à se redresser…