L'Ankou

Chapitre 26 : XII L'Entreyou

3035 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/08/2012 08:07

           CHAPITRE XII : L’ENTREYOU

 

           La jonque de Jawanyal et le navire de Shiphunt avait réussi à passé la tempête tropicale. Pas sans perte ni dommage mais ils pouvaient continuer leur route à la poursuite de l’Ankou. Shiphunt sentait qu’ils approchaient du but. L’Ankou ne pouvait être que là-bas. Et bientôt, il serait à lui. Il ignorait ce que recherchait Jawanyal mais cela valait sûrement le coup. Aussitôt qu’il aurait l’Ankou, il supprimerait l’indonésien et s’emparerait de cet objet.

           L’île où se trouvait l’Entréyou et dont Quinnon lui avait donné les coordonnées ne se trouvait plus très loin. Bientôt, tout serait fini…

 

           L’île de laquelle l’Ankou s’approchait était visiblement volcanique. Mais les deux volcans qui formaient les pointes est et ouest semblaient endormis. Le point culminant n’était pas un volcan mais une simple colline culminant à quelque chose comme cinq cents mètres. Entre les deux pointes les plus éloignées il devait y avoir une vingtaine de kilomètres. Des formes étranges et régulières se trouvaient à intervalles réguliers le long de la côte. En s’approchant, les pirates constatèrent qu’il s’agissait de statues géantes à l’apparence humanoïde avec des yeux d’un blanc presque transperçant.

« Où sommes-nous ? questionna Denys Tucson.

-Les habitants de cette île l’appelle Rapa Nui[1], répondit Gaël. Ces statues portent le nom de Moaïs.

-C’est ici l’Entréyou ? fit John.

-Oui. Approchons-nous de Benepu, la baie juste là. C’est là que nous allons jeter l’ancre. Mais avant, je dois faire quelque chose. Tu prends les commandes. »

           Gaël s’élança dans les vergues et se hissa jusqu’à la hune du mât de misaine. Il demanda au pirate présent de redescendre sur le pont. Une fois seul, il chercha quelque chose dans son pourpoint et en ressortit le pendentif de cristal récupéré à Jayakarta. Il le passa autour du cou, le laissant en évidence sur sa poitrine. Il mit les bras en croix.

« Nëmari assala namao, spalmodia-t-il. Nëmari nozalia Morbrez. Nëmari dayarosa fadayasi Ankou. Nëmaria daso Entréyou. »

Le pendentif se mit à briller d’une lumière intense. En écho, une lumière intense s’illumina au sommet de la plus haute montagne. Les yeux des moaïs s’illuminèrent avant de s’éteindre en imitant le sommet et le pendentif.

           Gaël redescendit sur la passerelle.

« Nous pouvons approcher sans risque, annonça-t-il.

-Je ne comprends rien, dit Denys.

-C’est normal et vous n’êtes pas le seul. John, va chercher Morgane. Je vais finir la manœuvre.

-Tout de suite, obéit le lieutenant.

-Ça y est, on y est, dit Justin qui montait accompagné de Natalia.

-Ça faisait longtemps, ajouta Natalia. Depuis toi et Soizic en fait.

-Nous ne venons ici qu’une fois par génération, dit Gaël. Et dans un seul but.

-Je sais que vous ne me répondrez pas mais j’ose poser la question : dans quelle but ? interrogea Denys.

-Je peux en partie répondre. L’Ankou ne peut être commandé que par un Morbrez. C’est ici, de cette île, il y a de ça plus de cinq siècles que l’Ankou a pris la mer pour un but qui est encore le sien aujourd’hui. Depuis, les Morbrez, génération après génération sont tous passés par ici. Il existe un lieu nommé Entréyou sur cette île. C’est là que tout sera révélé à la nouvelle génération de Morbrez. Pour que le but ultime de l’Ankou demeure.

-Je comprends un peu mieux.

-Justin, Natalia, Helmut, je vous confie l’Ankou et l’équipage, dit Gaël. Une partie peut descendre à terre. Ils en ont pour une journée. Je devrais être de retour dans une heure. »

           L’ancre fut jetée et un premier canot fut mis à la mer. Kathleen et John se disait un dernier au revoir avant de se quitter. Gaël fit de même avec Akiko. Le capitaine et ses deux neveux s’envolèrent à l’aide de balais. Ils atterrirent dans un premier temps dans un village autochtone situé au nord-ouest de l’île.

« Que venons-nous faire ici ? questionna Morgane.

-Saluer le chef des habitants de cette île, répondit Gaël. C’est la moindre des politesses.

-Morbrez, fit un vieil homme en s’approchant.

-Elao, fit Gaël. Nemao elani nëmari Entréyou.

-Némarië Sarlaf fanayoa.

-Fanayoa Némarië Sarlaf. On y va, ordonna Gaël. »

           Les trois sorciers reprirent leur vol pour venir atterrir sur le flanc du point haut de l’île. C’était visiblement les restes d’un ancien volcan. Ils posèrent leurs balais au pied d’un arbre et continuèrent à pied. Ils arrivèrent devant une grotte juste assez grande pour laisser passer un homme à la fois. Gaël se tourna vers ses neveux.

« Ecoutez-moi bien, dit-il. Nous allons entrer dans l’Entréyou. Seuls les Morbrez peuvent y accéder. La porte s’ouvre avec notre sang.

-Comme la Porte de Cristal, fit remarquer Morgane.

-Oui, mais en plus, il faut ça, ajouta Gaël en montrant le pendentif de cristal. Grâce à lui, nous avons pu accéder à l’île sans dommage. Et il va lancer le programme d’apprentissage une fois à l’intérieur.

-Programme d’apprentissage ? répéta John.

-Vous allez apprendre tous les secrets de notre famille et de l’Ankou. Comment il fonctionne et pourquoi.

-Le but ultime de l’Ankou, souffla John.

-Vous allez tout savoir aujourd’hui. Quoi que vous voyez, croyez-y. »

           Gaël les invita à le suivre alors qu’il s’engouffrait dans la grotte. Le boyau était long et humide. Ils débouchèrent finalement sur une petite salle dont le plafond était troué, donnant sur le ciel. Tout comme sur l’Ankou, une Porte de Cristal se trouvait au fond de la salle. Gaël sortit une dague et s’entailla la paume. Il posa la main ensanglantée sur la surface froide qui s’illumina.

« Suivez-moi, ordonna-t-il. »

Il passa au travers de la Porte de Cristal. John n’attendit pas et le suivit, imité par sa sœur.

           Les deux jeunes pirates crurent d’abord être dans l’Araryou Nëmarialey à bord de l’Ankou. Mais cette réplique était bien plus spacieuse et ne comportait pas d’autel en son centre.

« Bienvenu à l’Entréyou, dit Gaël. Je vais activer le programme et vous laisser. Le reste ne dépend que de vous. Ecoutez et apprenez. Je ne peux rien vous dire de plus. A Plus tard. »

Gaël s’approcha du fond de la pièce. Une encoche se trouvait dans la paroi, il y inséra le pendentif et sortit.

           Aussitôt que Gaël fut sorti, la pièce s’illumina d’un coup. Puis tout aussi soudainement, elle s’assombrit. Une silhouette apparut. Elle représentait un homme âgé d’une soixantaine d’années. L’image flottait et aucune présence n’en émanait. John se risqua à tendre la main vers cette apparition et la traversa sans rien ressentir.

« Pourquoi ne dit-il rien ? demanda Morgane.

-Je ne sais pas, répondit son frère.

-Le chargement des données linguistiques est terminé, se mit à dire l’apparition. Je peux maintenant m’exprimer dans une langue que vous comprenez. Vous êtes la nouvelle génération de la famille que j’ai choisi aux alentours de l’an 1100 du calendrier chrétien pour commander l’Ankou jusqu’à l’accomplissement du but ultime dans lequel il a été construit. Vous êtes ici pour comprendre pourquoi l’Ankou doit continuer son voyage et comment. Ceci est votre héritage. Mais également un fardeau qu’accepta votre ancêtre au nom de tous les siens pour les siècles à venir. Selon l’horloge interne de l’Entréyou, le temps n’est pas encore venu. Mais vous devez savoir, pour ne pas que l’Ankou cesse son voyage. »

 

           Gaël se posa sur la plage près de ses amis. Akiko vint jusqu’à lui, bientôt rejoint par Kathleen.

« Et John ? Et Morgane ? demanda-t-elle.

-Ils ont des choses à apprendre, dit Gaël. Ils seront de retour demain. En attendant, détendons-nous. Il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre. Ne t’en fais pas Kate, ils ne risquent rien. Sauf peut-être une migraine. »

Gaël s’excusa auprès de Kathleen et s’éloigna en tenant précieusement la main d’Akiko.

           Kathleen retourna auprès des autres, la mine pensive. Natalia sourit en venant s’asseoir à côté d’elle.

« Je me souviens que j’étais à ta place il y a près de trente ans, dit-elle. Je n’étais pas amoureuse de Gaël mais ça ne m’a pas empêché de m’inquiéter pour lui et pour sa sœur Soizic. Mais tu n’as pas à t’en faire, ils vont juste passer une journée dans un endroit spécial et revenir.

-Je ne m’en fais pas, assura Kathleen. C’est juste que…

-Il te manque, n’est-ce pas ?

-Oui.

-C’est normal. Tu es amoureuse. Je suis sûre qu’il pense à toi là où il est. »

 

           « Les noms des différents composants de l’Araryou Nëmarialey sont tous dans la langue eldar, exposa l’apparition. Le peuple Eldar a basé sa société et ses connaissances sur les cristaux. L’Ankou est une fusion entre les connaissances de ce peuple sage, la magie des Sorciers et la technologie des Moldus. Les écritures présentes dans l’Araryou Nëmarialey sont écrites en eldar. Le nom Araryou Nëmarialey signifie matrice cristalline de transfiguration physico-énergétique. Cela signifie que par le biais de cette pièce, vous pouvez modifier l’Ankou au gré de vos envies et de vos désirs. L’Ankou devra évoluer au fil des siècles pour toujours avoir un temps d’avance. Il n’a qu’une seule limite : l’imagination de son capitaine. L’Araryou Nëmarialey est commandée à partir de l’autel situé en son centre et appelé Faiyalan Saoya, l’interface de contrôle. Le Faiyalan Saoya contient un liquide ressemblant à s’y méprendre à de l’eau. Il s’agit en fait de Daorialay Saoyi Nëmaria, du cristal liquide de liaison. Il permet de créer le lien entre le capitaine et le navire pour effectuer les modifications ou prendre le contrôle du navire. Son principe est basée sur un échange d’énergie entre le capitaine et l’Araryou Nëmarialey. »

L’exposé dura ainsi durant des heures et des heures. L’apparition décrivait le moindre rouage de l’Araryou Nëmarialey. En l’écoutant, John et Morgane comprirent pourquoi Gaël était si fatigué en en sortant la dernière fois. Le lien ponctionnait beaucoup d’énergie au capitaine.

           La raison pour laquelle Tatiana Gorluna n’avait pas pu entrer dans l’Araryou Nëmarialey fut aussi donné : la Porte de Cristal était capable de reconnaître si le sang servant à son ouverture et la personne qui lui présentait étaient bien liés. Gaël s’était souvenu de ce détail pour son plan sept ans auparavant.

           « Si vous vous sentez perdu avec tout ces mots en eldars et les écritures de l’Araryou Nëmarialey, sachez que je suis en même temps que de vous donner les explications en train de vous transférer directement cette langue dans vos cerveaux, continua l’apparition. Vous me direz, pourquoi ne pas faire de même avec le fonctionnement de l’Ankou ? Et bien le cerveau humain a ses limites. Il ne peut assimiler plus d’une chose à la fois par la méthode télépsychique. Et l’autonomie en énergie de l’Entréyou ne permet d’activer le programme qu’une fois par génération. C’est pourquoi, vous devez supporter d’apprendre à l’ancienne. »

 

           Les heures passèrent. Morgane et John ne ressentait pas la fatigue. Ils auraient pu s’en montrer surpris si l’apparition ne leur avait pas expliquer plus tôt que l’Entréyou maintenait leurs corps et leurs esprits alertes pour suivre le programme.

« Vous savez maintenant tout du fonctionnement de l’Ankou, dit l’apparition. Selon l’époque où vous vivez, vous avez plus ou moins compris. L’important n’est pas de comprendre tout les rouages du fonctionnement de l’Ankou mais de savoir s’en servir. Et je dois vous dire dans quel but l’Ankou a été créé et pourquoi la famille Morbrez a dû se lancer dans cette quête à travers le temps. Lorsque j’ai rencontrer Yannig Morbrez, le premier capitaine de l’Ankou, cela faisait déjà trente ans que j’attendais sur cette île. Les habitants m’avaient nommé Némarië Sarlaf, le Messager du Cristal. J’étais apparu devant eux dans une boule de lumière cristalline. Ils m’ont pris pour un dieu ou un de leurs envoyés. J’ai mis ces années à profit pour construire l’Entréyou. Car j’avais un but à atteindre. Mais pour qu’il ait une chance d’être atteint, il me manquait un élément essentiel. Le hasard, Dieu, le destin, appelez comme vous le voulez, mais un jour, un navire venu de la très lointaine Bretagne échoua sur les côtes de Rapa Nui. Les survivants étaient tous très affaiblis. La première chose fut de les soigner. Heureusement, l’Entréyou permit de le faire en un temps record. J’expliqua la situation au capitaine Yannig Morbrez, un homme d’honneur comme j’en ais peu connu. Lui et son équipage devinrent les premiers passagers de l’Ankou. L’Ankou avait été fait en se basant sur les restes de leur navire échoué. Il fallut des mois pour que la lune permette de finaliser l’Araryou Nëmarialey. Mais après avoir vu l’Ankou disparaître au loin sur l’horizon, je savais que ma mission était terminée et que je pouvais mourir en paix.

« Dans plusieurs siècles, une terrible guerre va éclater, continua l’apparition. D’un côté, l’Humanité et ses alliés, de l’autre des êtres impitoyables venus du confins du système solaire : les Seigneurs de l’Oubli et leurs armées démoniaques. Leur but : faire de nous leurs esclaves et leurs nourriture. Ils se nourrissent de nos esprits, de nos mémoires. J’ai vu ces êtres ignobles détruire des pays entiers en quelques jours. Ils ont mis Mars à feu et à sang avant de s’attaquer à la Terre. Personne ne put les arrêter. Et pourtant, il ne manquait pas grand-chose pour tout faire basculer. J’ai perdu beaucoup d’êtres chers durant cette guerre, ma meilleure amie, ma famille, la femme que j’aimais. C’est elle qui m’a poussé à remonter le temps pour pouvoir doter l’Humanité d’une arme permettant de faire changer la victoire de camp. J’ignore si ce sera suffisant, mais l’Ankou et son équipage sont cette arme. Morbrez, vous portez l’avenir de l’Humanité sur vos épaules. Ma mort ne permettra jamais à me faire pardonner d’avoir mis un tel fardeau dans vos vies à travers les siècles et les générations. Votre famille ne connaîtra la paix qu’une fois la guerre contre les Seigneurs de l’Oubli terminée. En espérant que ça soit nos cris de joie qui la conclut et non pas le silence de notre disparition en tant qu’êtres pensants et évolués.

« Le temps est simultané. C’est pourquoi, un jour, vous me rencontrerez peut-être à mon époque d’origine. Si c’est le cas, ne me dîtes rien. Au cas où je devrais tout de même faire ce voyage. Ce que je ne souhaite pas car ça signifierait notre défaite. Mais guidez-moi vers ce qui pourrait nous mener à la victoire. Dans mon époque d’origine, je m’appelle Joshua Ollivander et je travaille pour la Division Esotérique des Services Secrets de l’ONS. »

 

« Nous devons garder espoir en notre avenir. J’ai mis tout l’espoir qu’il restait dans mon faible cœur dans l’Ankou et son équipage. Je vous en prie, allez jusqu’au bout du monde et au-delà. Pour l’Humanité. »


[1] Actuellement : l’île de Pâques.

Laisser un commentaire ?