L'Ankou

Chapitre 28 : Epilogue : Jusqu'au bout du monde et au-delà

Chapitre final

1389 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/08/2012 08:10

EPILOGUE : JUSQU’AU BOUT DU MONDE ET AU-DELA

 

Les pirates de l’Ankou abandonnèrent le Saint et son équipage hagard, ignorant où ils étaient et pourquoi. L’Ankou reprit la mer, s’éloignant de Rapa Nui jusqu’à la prochaine génération. Sur le pont, alignés sous des linceuls blancs, les pirates tombés lors de la bataille attendait dans le silence.

La nuit était tombée. John attendait sur la passerelle, regardant au loin sur l’horizon. Il était perdu dans ses pensés et ne remarqua la présence de Kate que quand elle l’entoura de ses bras. Ils gardèrent le silence encore un moment.

« Ils t’attendent, dit-elle.

-Je sais, répondit-il. Mais je ne sais pas si je trouverais les mots.

-Tu dois juste laisser parler ton cœur. Ils sont conscients que ce n’est pas facile pour toi non plus.

-Comment va ton frère ?

-Il va bien. Justin l’a soigné. Il lui faudra un peu de temps pour s’habituer à n’avoir qu’une seule main mais je lui fais confiance pour ça. Morgane a l’air de s’en vouloir pour Yoann.

-Elle est forte. Mais c’était son meilleur ami. Il lui faudra du temps. Quand à Akiko…

-Elle survivra, assura Kate. Elle a perdu le capitaine, mais elle porte son enfant. Elle sera forte pour lui. En souvenir du capitaine.

-Tu as sûrement raison. Bien, allons-y. »

           John et Kate descendirent sur le pont. Les hommes firent silence. John ne parla pas durant un moment. Il regardait les corps alignés, sachant que celui qui se trouvait juste devant lui n’était autre que Gaël.

« C’est une nuit plus sombre que les autres pour nous, commença John. Ce soir, cinq des nôtres, cinq compagnons, cinq amis, cinq frères sont morts. Je ne pense pas avoir besoin de dire leurs noms car ils résonnent inlassablement dans nos cœurs et nous ne les oublieront jamais. Mais j’ai besoin de les dire tout de même : Abdallah Diarouli, Simon Levieux, José Novéna, Yoann Frédart et le capitaine Gaël Morbrez.

« La mort de celui qui fut notre capitaine durant tant d’années laissera un vide dans nos âmes. Il était notre chef et notre ami. Il était mon mentor et mon oncle. Il était celui qui a su si bien m’enseigner les valeurs des pirates de l’Ankou, valeurs qu’il avait faits sienne : l’Honneur, le Respect, la Tolérance. Il ne s’abaissait jamais au niveau de ses adversaires. Et pourtant, il était un combattant des plus redoutables. Je me souviens encore des coups qu’il m’a donné pour m’inculquer l’art du combat. Sa perte est pour moi bien plus douloureuse que tous les coups qu’il m’a donné. Je me sens une fois de plus orphelin. Il était mon oncle. Non, il était bien plus que ça. Il fut comme un second père pour moi. Et je ne pense pas que ma sœur me contredira. »

John s’était tourné vers Morgane qui acquiesça d’un sourire crispé, blottie contre Igor, les yeux rougis par les larmes.

« Mes pensés vont surtout vers celle qui partageait sa vie, continua John. Akiko. Gaël l’a aimée plus que sa vie. Chacun des sourires qu’il lui adressait reflétaient tout l’amour qu’il ressentait pour elle. Je ne vois pas quoi dire de plus. »

Akiko se tenait droite et fière comme toujours. Mais ses yeux traduisaient une peine sans borne. Elle passait machinalement la main sur son ventre. Cet enfant était tout ce qui restait de Gaël.

« C’est l’âme en peine que je me dois de succéder à mon oncle à la tête de l’équipage de l’Ankou. J’espère juste faire aussi bien que lui. Ce sera dur, mais je vous promets d’essayer. Peuples des Océans, ce soir nous vous confions leurs corps. Mais seulement ça. Car leurs âmes resteront à voguer avec nous pour toujours. Kenavo Abdallah. Kenavo Simon. Kenavo José. Kenavo Yoann. Kenavo Gaël. »

           Plusieurs pirates s’avancèrent pour se saisir des civières sur lesquelles reposaient les corps. Morgane fut de ceux qui s’occupèrent de Yoann. Elle lui devait bien ça. Pour Gaël, Igor, Justin et Natalia s’en chargèrent. La quatrième place fut occupée par Denys. Personne ne lui fit la remarque qu’il n’était pas de l’équipage. Ce soir, ils étaient tous frères. Les corps glissèrent silencieusement dans l’onde glacée. John resta un moment à observer les flots. Kate lui tenait une main. Morgane vint lui prendre l’autre.

           « Quels sont les ordres, capitaine ? vint demander Igor. »

John se rendait à peine compte qu’il devait maintenant commander l’Ankou. Cela lui faisait peur, mais il ne reculerait pas. Un Morbrez ne fuit jamais. C’est ce que lui avait appris son oncle. Il serra sa sœur contre lui quelques secondes et déposa un baiser sur les lèvres de Kate avant de se tourner vers son second.

« Cap au sud-est, ordonna-t-il. »

 

           Quelques mois plus tard, l’Ankou jeta l’ancre dans la crique isolée d’une petite île des Caraïbes. John souriait mais il ne pouvait s’empêcher d’être triste malgré tout. Un autre de ses compagnons allait le quitter aujourd’hui. Helmut était occupé à passer de mains en mains. Tout le monde voulait dire au revoir à l’humain le plus ancien sur le navire.

           Enfin, le vieux gabier arriva à John. Ils se serrèrent la main dans un premier temps mais cet instant d’émotion dérapa jusqu’à une franche accolade.

« Tu es sûr de vouloir quitter le bord ? demanda John pour la énième fois.

-Il vaut mieux que je le fasse maintenant avant d’être un poids pour tout le monde, dit Helmut. Place aux jeunes.

-J’aurais aimé que tu deviennes mon second.

-Tu en as trouvé un très bien. Tout ira bien. Avec toi à la tête de l’Ankou, je sais que je peux partir sans m’inquiéter. Tout comme Gaël savait qu’il pouvait avoir confiance en toi.

-Merci pour tout mon vieil ami.

-Le dernier membre en date de l’équipage veut également te dire au revoir Helmut, lança Akiko en s’avançant. »

           Akiko tenait dans ses bras un petit bébé regardant autour de lui d’un air encore perdu. Il était né quelques jours auparavant. En respect de la volonté de Gaël, Akiko lui donna un nom japonais : Kaoru Morbrez. Helmut prit la petite fille dans ses bras en l’embrassant affectueusement. Le bébé rit en agitant les bras et les jambes.

« Cette petite aura la force de son père et la grâce de sa mère, fit le gabier en rendant Kaoru à sa mère. Ça promet ! Prend soin de toi Akiko.

-Toi aussi Helmut, fit la japonaise en déposant un baiser sur la joue du gabier.

-Le soleil jusqu’à la fin de mes jours ! Tout ira bien pour moi. Au revoir à tous. »

           John regarda tristement le canot déposer Helmut à terre. Le vieux gabier disparu rapidement par un chemin. Denys s trouvait à côté de John.

« Il va me manquer ce vieux bougre, dit l’anglais.

-Ouais, acquiesça John.

-Bien, quels sont les ordres capitaine ? demanda Denys

-On lève l’ancre, cap à l’est lieutenant, fit le jeune capitaine.

-Jusqu’où ?

-Jusqu’au bout du monde et au-delà. »

 

FIN

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