La face cachée du récit
Chapitre 2 : L’art de la guerre et de la suspicion
Catégorie: T
Dernière mise à jour 08/11/2016 13:57
Voilà une semaine que l’année scolaire avait commencé. La présence de Dolores Ombrage, l’employée du ministère, semblait n’avoir rien changé… Si ce n’était le fait de voir son cardigan rose fouiner dans les couloirs à toute heure du jour et de la nuit, comme le faisait déjà le concierge, Argus Rusard. Les premiers cours de l’année n’avaient pas été de tout repos et le professeur Merteuil commençait à désespérer. Après tout, le professeur Ombrage n’avait peut-être pas tort lorsqu’elle évoquait une certaine baisse de niveau à Poudlard, ou alors n’était-ce que l’exigence du professeur de sortilèges qui ne cessait de croitre en ces temps troublés. Seuls deux élèves de première année étaient parvenus, au bout d’une heure de cours, à faire léviter une plume, tandis que seule Miss Granger avait réussi du premier coup le sortilège d’attraction chez les cinquième année.
Ce jour-là, la nuit était rapidement tombée sur Poudlard. Circia Merteuil, assise derrière son bureau, s’abimait les yeux à corriger une centaine de copie à la lumière d’une simple lampe à huile. Fatiguée et dépité par le nombre de « P » qu’elle venait de distribuer, la jeune femme leva sa baguette et fit venir à elle une tasse de thé bouillante. D’un pas léger, elle se glissa jusqu’à la fenêtre et observa le parc, qui semblait s’étendre à l’infini. De sa place, Circia pouvait apercevoir une partie du lac, faiblement éclairée par la lune. Son esprit commençait à s’évader lorsqu’une ombre attira son regard. Un corps se dessinait dans l’obscurité du parc et se dirigeait rapidement vers le château, jetant des coups d’œil furtifs derrière lui. La sublime rousse fronça les sourcils ; qui pouvait bien se promener à l’extérieur du château à cette heure-ci ? Intriguée, elle s’éloigna de la vitre, de façon à voir sans être vue. La nuit rendait l’identification difficile, mais le visage de l’homme fut soudain faiblement éclairé par un rayon de lune. Circia ne pouvait s’y tromper : Rogue !
Dès son arrivée, le professeur Merteuil avait entendu tout un tas de rumeurs concernant le maître des potions, à propos d’un passé de Mangemort, repenti peu avant la chute du Seigneur des Ténèbres. Dans un premier temps, Circia n’avait prêté qu’une oreille distraite à ces bruits de couloirs, mais plus elle avait affaire à lui et plus il lui semblait déceler chez cet homme un côté plus sombre qu’il ne voulait bien le laisser paraître. Après une minute de réflexion, la jeune femme décida d’aller voir ce que Rogue manigançait. Elle déposa brusquement sa tasse de thé, qui déversa quelques goutes de son breuvage sur le bureau, et sortit de la pièce précipitamment. Les couloirs étaient lugubres, d’une froideur et d’une obscurité terrifiantes. Circia resserra sa poigne sur sa baguette, son cœur manquant de s’emballer à chacun de ses pas. La jeune femme avançait prudemment, ne sachant pas vraiment où elle devait aller et si cette escapade nocturne était véritablement une bonne idée. Soudain, quelque chose lui frôla le mollet. Elle fit un bon en arrière et étouffa un cri.
« Lumos ! », souffla-t-elle. Une douce lumière illumina le couloir et la jeune femme fut soulagée de découvrir la chatte de Rusard, Miss Teigne.
« Nox ! », lâcha-t-elle après avoir repris sa respiration et rangé sa baguette dans une des poches de sa cape.
Dans le silence le plus complet, Circia continua d’avancer et descendit les escaliers qui menaient au grand hall. Au moment où elle s’apprêtait à tourner au coin du couloir, la jeune femme fut violemment plaquée contre un mur et sentit un objet pointu lui effleurer la carotide.
« Vous vous êtes perdue… professeur ? », souffla une voix suave que la jeune femme reconnut immédiatement. Le visage du professeur Rogue apparut alors à quelques centimètres du sien, un sourire triomphant plaqué sur ses lèvres.
Le souffle coupé par la violence du choc, Circia resta silencieuse quelques secondes, avant de reprendre contenance et de plonger ses yeux dans ceux de l’homme qui la menaçait de sa baguette.
« Je pourrais vous poser la même question… professeur ! », répliqua-t-elle sans sourciller.
« C’est moi qui pose les questions, ici ! », grogna-t-il en appuyant encore un peu plus fort le bout de sa baguette contre le cou nu de la jeune femme.
Circia déglutit difficilement. Son cœur battait à cent à l’heure contre sa poitrine mais, étrangement, elle n’avait pas peur. Elle n’avait pas peur, bien que la rage qui habitait le regard de son assaillant sembla lui brûler la peau. Délicatement, elle fit remonter ses doigts le long du bras du professeur Rogue, jusqu’à atteindre la main qui tenait sa baguette.
« Inutile de jouer au plus fort, Severus. Nous savons tous les deux que vous ne l’utiliserez pas… », souffla-t-elle tout en resserrant ses doigts fins sur la main menaçante.
Circia le sentit frémir. Sa main gauche étant déjà occupée à tenir celle du maître des potions, elle remonta discrètement sa main droit vers sa poche, où se trouvait sa propre baguette. Mais à peine était-elle arrivée en haut de sa cuisse que Rogue abaissa son arme. Cependant, il ne bougea pas d’un centimètre. La jeune femme était complètement coincée entre le mur et le corps de son interlocuteur. Elle tenta de se dégager, mais il l’en empêcha en appuyant ses deux mains de part et d’autre de son visage.
« Sachez, Miss Merteuil, que vos dons de vélane ont sans doute une influence sur beaucoup de monde, peut-être même sur Dumbledore, mais ils n’ont aucun effet sur moi ! » Rogue avait parlé si près d’elle que Circia sentit son souffle chaud caresser sa nuque. Elle détailla son visage impassible quelques secondes, avant de plisser les yeux ; croyait-il qu’elle tentait de le séduire ? De se jouer de lui ? Si elle était sortie de ses appartements cette nuit, ce n’était certainement pas dans une intention charnelle quelconque, mais simplement pour le surveiller !
« Vous pensez réellement que je cherche à vous charmer ? », questionna-t-elle, un brin d’amusement dans la voix.
« Je ne sais pas ce que vous cherchez, mais je peux vous dire que malgré vos airs de grande dame, je ne me laisse pas avoir. Sachez que je n’ai aucune confiance en vous… », articula-t-il d’une façon glaciale.
Circia laissa échapper un rire sans joie, presque démoniaque.
« Confiance ? Vous osez parler de confiance, alors que vous vous promenez comme un fugitif dans le château à une heure si tardive ? Si ça peut vous rassurer, je n’ai pas non plus confiance en vous, Severus ! », cracha-t-elle sur un ton de défi. Elle accompagna sa diatribe d’un brusque mouvement vers l’avant, qui eut pour effet d’éloigner son dos du mur, mais aussi de la rapprocher considérablement du torse du professeur Rogue. Ce dernier finit par reculer d’un pas.
« Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! Maintenant, remontez-vous coucher. Les couloirs ne sont pas sûrs, il pourrait vous arriver quelques désagréments ! », lâcha-t-il avant de se retourner et de disparaître derrière la porte qui menait aux cachots.
Circia resta un instant interdite. Cette rencontre et cette discussion avaient eu quelque chose d’irréaliste. Rogue semblait dans une rage folle et, pourtant, sa colère ne paraissait pas venir du fait d’avoir surpris la jeune femme en pleine filature. Non, il avait eu l’air de lui reprocher autre chose, quelque une chose qu’elle ne parvenait pas à identifier. Le professeur Merteuil préféra en rester là de ses réflexions pour ce soir et décida de remonter dormir, toutes ces émotions l’ayant complètement épuisée. Cependant, elle avait la ferme intention d’aller en toucher deux mots à Dumbledore dès le lendemain, à la pause de midi.
Au petit matin, Circia Merteuil se réveilla en sursaut. La nuit avait été longue et mouvementée. Le visage de Rogue, son souffle sur sa nuque et ses yeux sombres plongés dans les siens avaient hanté son sommeil. Jusqu’alors, la jeune femme n’avait jamais rêvé de son collègue, ou tout du moins n’avait-elle jamais pensé à lui de cette manière. Circia se passa une main sur le visage et secoua la tête. Elle devait oublier ce mauvais rêve, cela ne voulait rien dire… C’est en tout cas ce dont elle souhaitait se convaincre.
Durant la matinée, le professeur Merteuil se sentait encore déstabilisée par son altercation avec le maître des potions. Incapable de se concentrer sur autre chose, Circia ne trouva d’autre moyen que d’infliger une interrogation surprise à sa classe pour avoir la paix. Malgré les remontrances des élèves, elle ne céda pas et ramena rapidement le calme en lançant arbitrairement un sortilège de mutisme sur Drago Malefoy. De peur de se voir à leur tour privés de leur voix, les autres ne se firent pas prier pour sortir un parchemin vierge et une plume, prêts à disserter sur le sortilège d’expulsion.
Les deux heures passèrent à une vitesse folle, du moins pour les élèves, qui furent surpris lorsque leurs parchemins s’envolèrent en direction du bureau du professeur de sortilèges. Circia, quant à elle, n’avait qu’une hâte : faire part de sa mésaventure au directeur de Poudlard.
La jeune femme ne prit pas la peine d’attendre que tous les élèves soient sortis pour elle-même quitter la salle de classe en direction du bureau de Dumbledore. En cinq minutes à peine, Circia se retrouva devant la porte en bois de chêne du prestigieux bureau de l’un des plus grands sorciers de tous les temps. A peine avait-elle frappé que la porte s’ouvrit toute seule, laissant apparaître le directeur, assis derrière son bureau, un sourire bienveillant sur le visage.
« Professeur Dumbeldore, j’aurais quelques mots à vous dire à propos de… », commença-t-elle en s’avançant au centre de la pièce.
« De Severus Rogue, n’est-ce pas ? », la coupa-t-il, presque amusé.
Circia resta interdite. Elle savait par expérience que le directeur était souvent surprenant et très perspicace, mais là, elle resta sans voix.
« Il est venu me voir il y a une heure, j’ai donc eu vent de votre… rencontre, si je puis m’exprimer ainsi… »
La jeune femme secoua la tête et soupira. Pourquoi n’y avait-elle pas pensé tout de suite ?
« Que vous a-t-il dit ? », demanda-t-elle, avide de connaître la version de son collègue.
« L’important n’est pas ce qu’il m’a dit mais ce que vous, vous allez me dire, professeur Merteuil. », répondit Dumbledore en se levant de son siège. Il n’avait pas l’air inquiet et semblait presque ne pas la prendre au sérieux.
« Eh bien, je me pose des questions. Il y a des rumeurs qui courent à l’encontre du professeur Rogue… Des rumeurs qui affirment qu’il aurait été un fidèle de Lord Voldemort avant sa chute et, même si je ne remets en aucun cas votre jugement en doute, je ne lui fait pas confiance. Le voir rôder dans le parc cette nuit a attiré mon attention et je ne sais pas quoi penser… », exposa-t-elle en cherchant à capter le regard du directeur, qui semblait ne l’écouter que d’une oreille.
Dumbledore resta silencieux quelques secondes, faisant des va-et-vient le long de son bureau. Puis il releva la tête et Circia croisa son regard bleu azur, qui sembla la transpercer.
« Je ne vous cache pas que ces rumeurs contiennent une part de vérité. Severus Rogue a fait de nombreuses erreurs de jugement durant sa jeunesse et, oui, il était ce que l’on appelle communément un Mangemort ou, en d’autres termes, un adepte de Lord Voldemort. »
Circia ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais le directeur lui fit signe de se taire et de le laisser finir.
« Cependant, Severus s’est rendu compte de ses erreurs et à retrouvé le droit chemin. Oh, vous allez sûrement me demander ce qui peut me laisser croire qu’il n’est pas un espion ou que, pressentant la chute de Voldemort, il ne s’est pas repenti que pour échapper à Azkaban. Eh bien, je vous répondrai simplement que le professeur Rogue m’a apporté des garanties plus que satisfaisantes, qui n’ont nullement besoin d’être connues de tous. Si vous avez confiance en moi, sachez que vous pouvez avoir confiance en Severus Rogue. »
La jeune femme tourna la tête et observa le parc à travers la vitre. Elle avait toujours eu confiance en Dumbledore. Il était le plus grand sorcier qu’elle connaissait et sa réputation était à priori sans tâche.
« Je ne sais pas… Comme vous, je crois sincèrement Harry Potter lorsqu’il affirme que le plus grand mage noir de tous les temps est de retour et je ne peux m’empêcher de penser qu’il faut faire quelque chose avant qu’il ait retrouvé toutes ses forces. »
Le visage du directeur sembla perdre son petit rictus amusé, qui fut remplacé par une certaine concentration.
« Miss Merteuil, j’aimerais vous proposer quelque chose. Bien entendu, je ne vous impose rien, mais je pense que cela pourrait vous intéresser. », souffla-t-il en revenant s’asseoir derrière son bureau.
« Asseyez-vous, je vous prie. »
Circia ne comprenait pas ce qui avait amené ce soudain changement de comportement de la part du directeur. Il semblait soucieux et plus sérieux qu’elle ne l’avait jamais vu. Sans dire un mot, elle s’approcha du bureau et prit place sur l’un des fauteuils qui lui faisaient face.
« Durant la première ascension de Lord Voldemort, nombre de sorciers issus des plus vieilles familles ont adopté sa philosophie et sont venus grossir les rangs de ses fidèles. Compte tenu du danger qu’ils représentaient, j’ai moi-même créé une société secrète destinée à lutter contre Voldemort : L’Ordre du Phénix. Jusqu’à cet été, cette société n’existait plus ; Lord Voldemort disparu, ses Mangemorts en fuite ou à Azkaban, elle n’avait plus de raison d’être. Mais comme vous l’avez très justement souligné à l’instant, il est de retour et le ministère ne semble pas encore enclin à prendre les mesures nécessaires. C’est pourquoi les anciens membres et moi-même avons décidé de nous réunir de nouveau et j’aimerais que vous vous joigniez à nous. Je ne vous cache pas qu’appartenir à l’Ordre du Phénix fait courir à ses membres de grands dangers. Beaucoup sont morts ou ont été abîmés à vie et je comprendrais que risquer votre vie ne soit pas dans vos projets. Je n’attends pas de réponse immédiate, seulement, promettez-moi d’y réfléchir. »
Le professeur Merteuil était restée accrochée aux lèvres du directeur durant tout son monologue. Elle n’arrivait pas à croire ce qu’elle venait d’entendre ! Une société secrète destinée à lutter contre Voldemort. La jeune femme était issue d’une famille française et avait fait sa scolarité à Beauxbâtons, aussi avait-elle naturellement entendu parler de ce mage noir qui menaçait à l’époque la Grande Bretagne. Toutefois, elle ne s’y était jamais vraiment intéressée, du moins pas avant l’été dernier.
« Si une guerre doit avoir lieu, je veux en être ! Il n’est pas question que je reste là à attendre que d’autres risquent leur vie à ma place ! », répondit-elle en fixant Albus Dumbledore dans les yeux. « Je n’ai pas besoin de réfléchir, j’accepte ! »
Le directeur afficha un mince sourire et secoua doucement la tête.
« Je n’en attendais pas moins de vous, Circia ! Vous me voyez ravi ! Je vous ferai parvenir prochainement la date et le lieu des rendez-vous. A bientôt. »
Circia comprit qu’il était temps pour elle de quitter ce bureau. Elle adressa un sourire à l’homme en face d’elle et s’apprêta à partir. Cependant, une question lui trottait encore dans la tête. Elle s’arrêta et se retourna une dernière fois.
« Professeur, j’ai une dernière question… Savez-vous ce que le professeur Rogue a contre moi ? Je veux dire… Hier soir, il a insinué des choses que je n’ai pas saisies. Il semble me soupçonner de quelque chose… », demanda-t-elle timidement.
Dumbledore étouffa un petit rire et une lueur enfantine apparut au fond de ses yeux.
« Ma chère Circia, je pense que le professeur Rogue vous en veut d’être vous, et s’en veut à lui de n’être qu’un homme… », répondit-il en ricanant légèrement avant de disparaitre derrière une immense porte au fond de son bureau.
La jeune femme fronça les sourcils. Elle n’avait pas exactement saisi ce que le professeur Dumbledore venait de sous-entendre, ou plutôt tâchait-elle de ne pas chercher à le comprendre. Désormais seule dans le bureau, elle fit demi-tour et quitta la pièce. Tout en descendant les escaliers, Circia se remémora l’entretien : elle avait découvert que le professeur Rogue était bel et bien un ancien Mangemort repenti, elle s’était engagée dans une société secrète qui risquait de lui coûter plus que la vie et le directeur semblait trouver plus qu’amusante l’altercation entre elle et Rogue. Décidément, la vie à Poudlard n’était pas de tout repos.