La face cachée du récit

Chapitre 11 : Le revers de la médaille

Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 23:43

Entrez votre texte iciLa rentrée s’était plutôt bien déroulée. Le professeur de sortilèges avait été agréablement surprise de constater que la plupart des élèves étaient beaucoup plus concentrés et que de nombreux progrès avaient été réalisés dans sa matière. Toutefois, même s’il s’agissait d’une bonne nouvelle, Circia savait que cela n’était que le résultat du climat de peur qui s’était installé suite à l’évasion massive de dangereux Mangemorts d’Azkaban. Ombrage, autoproclamée Grande Inquisitrice, avait formellement interdit aux professeurs de parler de ce qui se passait à l’extérieur. Ce nouveau décret n’avait pas été très bien accueilli par les membres de l’équipe éducative. McGonagall lui avait d’ailleurs dit qu’elle ne se gênerait pas pour répondre aux élèves qui lui poseraient des questions, car il était important pour eux de connaître la vérité. Circia était parfaitement d’accord avec sa collègue et alla même jusqu’à faire des allusions au retour du mage noir à chaque fois qu’elle en avait l’occasion.

La tension arriva à son comble un matin de mars. Le chicaneur titrait : « Harry Potter parle enfin : la vérité sur Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom et le récit de la nuit où je l’ai vu revenir ». L’interview avait provoqué chez Dolores Ombrage une fureur frôlant l’hystérie et elle avait immédiatement interdit sa lecture par un énième décret. Tous les autres professeurs s’étaient fait passer un exemplaire. L’interview était donc rapidement devenue leur sujet de conversation le plus secret, mais également le plus courant.

« Je ne dis pas que Potter n’aurait pas dû le faire, mais cela a donné une raison de plus à Ombrage de lui mener la vie dure ! », lâcha le professeur McGonagall, assise dans l’un des fauteuils de la salle des professeurs.

« Ca ne peut lui faire que du bien. Il a sans aucun doute donné cette interview pour se rendre un peu plus intéressant ! », affirma le maître des potions qui se tenait dans un coin de la pièce, les bras croisés sur sa poitrine.

Tous les regards se tournèrent vers lui ; chacun des professeurs affichait une mine surprise et désapprobatrice. Rogue haussa les épaules comme s’il était lui-même surpris par la réaction de ses collègues.

« Si personne ne croit le plus grand sorcier de notre époque qu’est Dumbledore, cela ne fonctionnera pas plus avec un garçon tel que Potter ! Le chicaneur ! Qui d’entre vous a déjà lu sérieusement ce torchon ?! », ajouta-t-il d’un air condescendant.

McGonagall soupira mais n’ajouta rien. Circia n’était pas d’accord avec ce que son collègue venait de dire et comptait bien le lui faire savoir, elle.

« Vous plaisantez, j’espère ! C’était très courageux de sa part. Le ministère le fait passer pour un fou, le monde magique le désavoue et lui ne se cache pas ! On sait tous ici qu’il dit la vérité et s’il a besoin de quelque chose, c’est d’être soutenu ! Il a déjà assez souffert ! », répondit-elle en se levant d’un bond de son siège, faisant désormais face au professeur de potions.

La bouche de l’homme se tordit de colère et il se décolla du mur pour faire un pas en avant.

« Souffert ! Ne faites pas de Potter un martyre, tout le monde souffre ! Et s’il ne se cache pas, c’est parce qu’il est trop orgueilleux pour ça, tout comme l’était son père ! »

« Vous êtes pourri par l’orgueil, mais cela ne vous empêche pas de cacher votre passé de Mangemort derrière Dumbledore ! », cracha-t-elle sans ciller.

« Circia ! », cria le professeur de métamorphose en bondissant de son fauteuil, jugeant sans doute que sa collègue avait été trop loin.

Le visage de Rogue perdit le peu de couleur qu’il possédait et sa baguette se pointa droit sur la poitrine de la Vélane. Cette dernière sortit sa baguette à son tour. La tension était à son comble. Qui allait frapper le premier était la seule question qui pouvait être posée à cet instant.

« Cessez vos enfantillages ! », ordonna Minerva comme s’il s’agissait d’adolescents dans sa salle de cours.

Circia et Rogue se défiaient du regard. La jeune femme sentait son sang bouillir dans ses veines. Elle ne voulait qu’une chose : lui faire mal. Après une dizaine de secondes de silence complet, tous deux abaissèrent leur baguette. L’homme lui jeta un dernier regard et quitta la pièce dans un bruissement de cape.

« Qu’est-ce qui vous a pris ?! », demanda Minerva McGonagall, vraisemblablement en colère.

Le professeur de sortilèges soupira et baissa le regard. Elle en voulait à Rogue ; elle lui en voulait de l’avoir ainsi ignorée après cette fameuse nuit durant les vacances de Noël et, au fond d’elle-même, elle savait que l’élu n’avait été qu’une excuse pour s’en prendre à lui.

« Je ne sais pas ! Je suis désolée, ça n’arrivera plus ! », répondit elle honteuse, quittant à son tour la salle des professeurs.

Il fallait à tout prix qu’elle arrive à gérer sa colère, pour finalement passer à la seconde étape : faire ce que Rogue lui avait vivement conseillé et oublier cette nuit ! Etre assise seule derrière son bureau ne l’aidait en rien à appliquer ses bonnes résolutions. Elle ne cessait de penser à lui, d’essayer de comprendre ce qui avait pu se passer. Elle laissa son regard se balader dans la pièce et ses yeux se posèrent soudain sur un vieil exemplaire de la Gazette du Sorcier. Un sourire charmeur, qu’elle commençait à connaître, attira son attention. La jeune femme se leva et attrapa la page du journal. Circia hésita un instant. Elle releva les yeux vers l’horloge et constata qu’il était tout de même un peu tard pour une petite visite de courtoisie. Son attention se reporta une fois de plus sur la photo qui s’agitait fébrilement et sa décision fût prise.


Vingt et une heure trente. Une silhouette mince apparut au centre d’une place plongée dans l’obscurité. Elle marcha rapidement jusqu’à une porte et frappa fébrilement. Circia attendit. Aucune réponse ne se fit entendre. Elle jeta un rapide coup d’œil derrière elle et hésita à toquer de nouveau. Peut-être n’aurait-elle pas dû venir… Au moment où elle tournait les talons, la porte grinça et, dans son encadrement, dévoila une créature difforme et sale.

« Bonsoir, je… Je venais voir le maître de maison… », dit-elle alors que l’elfe l’observait avec dédain.

« La noble maison des Black ne reçoit pas de sale hybride répugnant », lâcha-t-il avant de lui claquer violemment la porte au nez.

Circia sursauta, ne s’étant pas attendue à être reçue de cette façon. Sans tergiverser, elle frappa de nouveau, cette fois plus brutalement. La porte s’ouvrit pour la seconde fois.

« Retourne dans ta tanière espèce de sale rat et ne t’avises plus jamais d’insulter mes invités ! »

« Bien maître… », siffla l’elfe d’une voix pleine de fausseté.

Sirius Black apparut devant la jeune femme, un sourire rayonnant sur le visage.

« Circia ! », s’exclama l’homme, visiblement ravi de la trouver devant sa demeure.

« Désolée, il est un peu tard, mais j’ai besoin de prendre un verre et je ne bois jamais toute seule… », lâcha-t-elle visiblement gênée, un timide sourire au coin des lèvres.

Sirius secoua vigoureusement la tête pour lui indiquer qu’il n’y avait aucun problème. Il s’écarta rapidement et, d’un geste de la main, l’invita à entrer. Tous deux se dirigèrent vers la cuisine. Le maître de maison l’aida à retirer sa cape et ils s’installèrent devant la cheminée. Une bouteille de whisky pur feu trônait déjà sur la table basse et les flammes se reflétaient dans un verre à moitié vide. L’homme fit venir à eux un autre verre et la bouteille y déversa son liquide ambré. Circia le prit et avala la boisson d’une traite, ce qui tira un rire amusé à son hôte.

« En effet, vous aviez bien besoin d’un verre… », dit-il en agitant sa baguette pour la servir à nouveau.

Circia, confortablement enfoncée dans un des grands fauteuils rouges, afficha un sourire de politesse, sans pour autant quitter des yeux le foyer dont les flammes virevoltaient en tous sens. Sa morosité semblait prendre le dessus. Elle ne savait plus quoi penser et, pour la première fois de sa vie, ressentit le poids de la solitude.

Jusqu’alors, la jeune femme avait préféré être indépendante, pouvoir tout quitter sans avoir de regrets, en quelque sorte ne pas avoir d’attaches et être libre. La vélane ne savait pas si cela venait des années qui avaient passé trop vite ou si son rapprochement avec Rogue y était pour quelque chose, mais ce soir, elle avait ressenti le besoin d’aller rendre visite à quelqu’un. Sirius était là, également seul et prêt à lui ouvrir sa porte…

L’hôte resta silencieux. Il respectait ce mutisme, mais Circia sentait son regard braqué sur elle. Au bout que quelques minutes, elle reporta son attention sur lui.

« Désolée… Je ne suis pas certaine d’être de bonne compagnie ce soir… », souffla-t-elle avant de boire une gorgée de son verre.

Sirius afficha un sourire bienveillant et haussa les épaules.

« Votre présence me suffit… », répondit-il doucement en la couvant des yeux.

Circia l’observa un instant. Elle se mordilla nerveusement la lèvre et finit par soupirer. Elle était lasse, lasse de toujours afficher ce masque de femme forte et indépendante. Ici, dans cette maison, avec cet homme qu’elle ne connaissait pourtant que peu, elle avait l’impression de pouvoir se laisser aller, être elle-même sans se sentir jugée.

« Ce n’est pas trop dur d’être considéré comme un criminel ? », lâcha-t-elle brusquement, sans avoir pris soin de mesurer ses paroles.

Le visage de Sirius Black s’assombrit légèrement et sa voix devint plus grave.

« Cette douleur n’est rien, comparée à la perte de mes meilleurs amis… », répondit-il en se levant.

Il s’avança vers la cheminée, déposa son verre sur le rebord en bois et s’y appuya, tournant le dos à son invitée.

« Vos meilleurs amis ? », s’enquit-elle, certaine de ne pas être au courant de tout.

Sirius soupira et se racla la gorge. Pendant une seconde, la vélane s’en voulut d’avoir été aussi indiscrète, mais l’homme semblait enclin à parler. Il se retourna vers elle et afficha un sourire triste.

« James et Lily Potter… Les parents de Harry… Ils étaient… Ma seule famille. Nous étions à Poudlard ensemble. Il y avait James Potter, Remus Lupin que vous connaissez, Peter Pettigrow et moi-même. Lorsque Dumbledore a appris que Voldemort était à la recherche des Potter, Peter a été choisi pour être le Gardien du secret du sortilège de Fidelitas qui devait les protéger… »

Le maître de maison marqua une pause. Il déglutit difficilement et, comme pour se donner le courage de continuer, il termina son verre d’une seule traite.

« J’aurais pu… J’aurais dû l’être… Mais nous avons pensé qu’il serait trop facile pour Voldemort de deviner que j’étais le gardien. Ce lâche de Peter s’est empressé de vendre James et Lily à son maître. Il a ensuite fait croire à sa propre mort, m’accusant alors de la trahison. Mais je les vengerai, je les vengerai… Je me le suis promis…»

Sirius baissa les yeux. Circia remarqua son malaise et vit sa main se crisper vivement sur son verre, qui menaça d’éclater à tout instant. La jeune femme se leva et s’approcha de lui pour le lui reprendre délicatement et le reposer sur la cheminée. Sa main se posa sur son bras pour le réconforter. Elle ressentait toute la détresse de cet homme ravagé. Ses longs cheveux bruns lui retombaient sur le visage. Avec délicatesse, la vélane les repoussa et lui caressa doucement la joue. A cet instant Sirius releva les yeux vers elle, leurs regards se rencontrèrent et Circia n’eut pas le temps de bouger que les lèvres de l’homme se pressaient déjà contre les siennes. La jeune femme, surprise, resta immobile, laissant les mains de son hôte emprisonner ses hanches. Déjà perdue, la vélane se sentit comme aspirée dans un gouffre. Sans savoir ce qu’elle était réellement en train de faire, elle répondit au baiser et enroula ses bras autour du cou de Black. C’était presque un automatisme. Le vide qui hantait son cœur lui enlevait toute notion de réalité. Ce baiser semblait étancher sa soif de tendresse mais, malheureusement, cette partie d’elle-même semblait ne pas avoir de fond. Après quelques minutes relativement intenses, le baiser prit fin. Circia eut l’impression de revenir à elle et fit plusieurs pas en arrière. Complètement déboussolée, elle bafouilla et s’apprêta à partir.

« Je suis désolé... Je ne sais pas ce qui m’a pris… », souffla Sirius, visiblement confus.

Circia secoua nerveusement la tête. Avec maladresse, elle percuta le fauteuil et se précipita hors de la maison, oubliant sa cape.

Troublée, embrouillée, presque étourdie, Circia arriva finalement dans ses appartements. Elle se laissa tomber sur son lit. La jeune femme n’en voulait pas à Sirius. Peut-être avait-elle donné l’impression de s’intéresser à lui de cette façon ? Cependant, lorsque leurs lèvres étaient entrées en contact, la vélane n’avait pu s’empêcher de repenser à Rogue et à la façon dont il l’avait embrassée, touchée… Sirius Black était un homme bien. Il semblait s’intéresser réellement à elle, tandis que Rogue ne faisait que la repousser et l’ignorer. A bout de nerfs, elle réussit finalement à s’endormir, recroquevillée sur son lit. Elle ne se reconnaissait plus, elle n’était plus elle-même…

Quelques jours plus tard, la grande inquisitrice mit sa menace à exécution. Alertés par de grands cris, toute l’école se retrouva rapidement dans le hall d’entrée. Circia, quant à elle, fût informée par un groupe d’élèves qui passait devant son bureau qu’il y avait un problème. Elle se précipita donc à leur suite et arriva rapidement à l’endroit où un cercle s’était formé. Ne sachant pas vraiment ce qui se passait, le professeur de sortilèges se fraya un chemin parmi des élèves de première année. Elle aperçut enfin Sibylle Trelawney, debout, l’air complètement hystérique, sa baguette dans une main et une bouteille de xérès vide dans l’autre. Sans réfléchir, la vélane brisa le cercle et se précipita aux côtés du professeur McGonagall, qui tentait vainement de calmer sa collègue. Ce ne fût qu’à cet instant que Circia aperçut cette vieille chouette de Dolores Ombrage, un sentiment de supériorité et de délectation encré sur le visage.

« P-Poudlard est ma m-maison ! », sanglota le professeur de divination.

« C’était votre maison ! », rectifia le professeur Ombrage.

La vélane, aidée de Minerva, tenta de soutenir sa collègue, mais celle-ci s’écroula lamentablement sur ses malles, dans un râle digne d’un animal blessé. Alors que le professeur de métamorphose s’empressait de contester l’autorité de la déléguée du ministère et que la situation manquait de déraper à tout moment, les grandes portes en chêne s’ouvrirent avec violence, laissant apparaître le directeur, étrangement calme. Ombrage sembla déstabilisée quelques secondes, mais se reprit rapidement et attaqua de nouveau avec un peu plus de véhémence.

Tous les regards passaient de Dumbledore à Ombrage dans un silence de mort. Seuls les sanglots de Sibylle se faisaient entendre à intervalle régulier, rendant l’atmosphère encore plus inquiétante. Malgré les contestations de la déléguée du ministère, Dumbledore ordonna au professeur Trelawney de rester, même si elle n’avait plus de poste. Le directeur se tourna ensuite vers la vélane et le professeur McGonagall.

« Puis-je vous demander de raccompagner Sibylle chez elle, professeurs ? »

Les deux femmes acquiescèrent d’un signe de tête et aidèrent leur collègue à se tenir sur ses deux jambes pour retourner à l’intérieur. Aucun des élèves n’avait le courage de parler. Ce fût donc dans un calme lugubre que les trois professeurs traversèrent la ronde. En passant devant Ombrage, Circia lui jeta un regard noir et réussit à lire sur les lèvres de l’horrible femme :

« Je vous ai à l’œil. »

Le professeur Merteuil sentit son sang ne faire qu’un tour dans ses veines. Sa main se posa instantanément sur sa baguette. Mais avant qu’elle n’ait pu terminer son geste, l’infirmière de l’école, madame Pomfresh, lui tira sur le coude et l’obligea à continuer son chemin. Depuis leur entretien, Circia avait pleinement conscience que l’employée du ministère ne louperait pas une seule occasion de la mettre dehors, mais elle ne comptait pas lui en laisser la possibilité !

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