Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

           CHAPITRE X : HYUNG-JI PARK

           Joshua passait des heures connecté au Serylgia Nëmarialey. Tirya restait à ses côtés dans ses moments là. Alors qu’il sentait son esprit saturé, il relâcha la connexion et réintégra son corps comme il avait pris l’habitude de le faire à une vitesse qui avait surpris les érudits Eldars. Il se laissa aller sur son siège, gardant les yeux fermés pour ne pas être agressé par la lumière du jour. Il resta ainsi un long moment et, doucement, il commença à faire rouler ses muscles et à rouvrir ses yeux. Le premier visage qu’il vit fut celui fin et gracieux de Tirya. Celle-ci lui avait apporté un rafraîchissement.

           Tirya se laissa tomber sur une chaise. Elle demeurait froide et droite sans rien dire. Joshua la remercia et but une gorgée. La boisson lui fit beaucoup de bien. Il tourna les yeux vers la jeune eldar. Enfin, jeune, il savait que c’était relatif et qu’elle devait être bien plus âgée que lui. Mais en apparence, elle avait l’air de n’avoir pas plus de vingt ans. Joshua avait remarqué que les femmes Eldares étaient en majorité magnifiques. Si le peuple sylvestre sortait de son isolement et se mêlait aux Sorciers, ces derniers ne manqueraient pas de tenter de les séduire. Garder une femme toujours belle toute sa vie, qui ne subisse pas les ravages du temps, n’était-ce pas le rêve de la plupart des hommes. Cette pensé amusa Joshua. Personnellement, il préférait l’idée de vieillir de concert avec la femme qui partageait sa vie. Le doux visage de Mei-Lin et son regard timide qui le faisait toujours craquer lui apparut à l’esprit. Il sourit de contentement.

           Tirya remarqua le changement d’attitude chez le jeune homme. Ce n’était pas quelque chose d’habituel chez les Eldars qui ne faisaient part que rarement de leurs émotions. Un sourire n’était jamais aussi franc chez eux. En voyant Joshua paraître si heureux, elle ne put s’empêcher d’être un peu jalouse des Humains. Elle aimerait pouvoir sourire ainsi. Sans qu’elle ne le remarque, les commissures de ses lèvres se relevèrent alors qu’elle observait le visage de Joshua. Elle se sentait bien à le regarder dans cet état de grâce. Elle le trouvait plutôt beau. Cette dernière pensée lui fit l’effet d’une décharge électrique. Elle détourna aussitôt les yeux, tentant de porter son attention sur autre chose. Mais le visage souriant de Joshua demeura dans son esprit, comme le soleil après l’avoir regardé trop longtemps.

           Joshua remarqua le rapide mouvement de Tirya. Il n’avait pas vu qu’elle l’observait une seconde plus tôt. Ce mouvement lui avait juste rappeler qu’elle était là.

« Vous ne souriez jamais chez les Eldars ? questionna-t-il.

-Que… Que voulez-vous dire ? demanda-t-elle légèrement troublée.

-Et bien, j’ai remarqué que votre peuple n’exprimait que très rarement ses émotions par le biais de mimiques faciales, de gestes, et à vrai dire, vous n’en parlez pas non plus.

-Nous conservons toujours le contrôle sur nos pensées, dit Tirya. Nos émotions, nous en avons, mais elles ne guident pas nos actions et nos réactions. Nous réfléchissons toujours avant de parler ou d’agir.

-Je vois, je trouve ça un peu… dommage.

-Que voulez-vous dire ?

-Et bien, vous manquez de spontanéité. Parfois, il faut se laisser porter par ses émotions. C’est ce qui fait de nous des êtres vivants. Nous ne sommes pas des machines.

-Diriez-vous ça aussi à votre ami qui a un corps de machine ?

-Tony n’est pas une machine. Son corps a dû être cybernétisé pour qu’il puisse survivre. Mais son esprit est toujours le même qu’à l’origine. Il ressent des émotions, les montre et s’en sert.

-Diriez-vous que je suis une créature froide et sans cœur ?

-Non, je n’ai pas dit ça, et je ne le pense pas plus. Je suis sûr que vous avez des émotions, qu’elle vous brûle l’âme parfois jusqu’à la déraison. Je trouve juste dommage que vous ne les démontrez pas.

-Ça nous arrive. Mais très rarement. Vos amis vont bientôt arriver. Voulez-vous aller les accueillir ou allez-vous vous connecter de nouveau ?

-J’ai besoin d’une pause et de voir le soleil.

-Alors attendez-moi, je vous demande un instant et je vous emmène au port.

-D’accord, sourit Joshua en conclusion. »

           Tirya s’isola en prétextant devoir se rendre aux commodités. Elle s’adossa au mur et soupira profondément. Elle avait coupé court à la discussion. Elle avait réussi à fuir le regard de cet humain mais le dernier sourire qu’il lui adressa avait fait naître une chaleur dans ses entrailles. Elle passait beaucoup de temps avec lui depuis qu’ils étaient arrivés à Valinorya. C’était une mission confiée par l’Eldryan. Cependant elle se rendait compte qu’elle aimait parler avec lui de sujet qui n’avait rien à voir avec leur présence ici. Tirya n’était pas habituée à ce genre d’émotion. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’il lui arrivait. Comprenant qu’elle ne démêlerait pas ce mystère pour le moment, elle rejoignit Joshua, évitant de le regarder mais devinant son sourire.

           Quand Joshua et Tirya arrivèrent sur le port, un ATEF de la DE était en approche. Ariana accueillit son ami.

« Tu as réussi à te déconnecter ? fit-elle ironiquement.

-Ouais, ça me fait du bien de prendre l’air, répondit Joshua.

-Pourquoi Tirya reste en arrière ? »

Effectivement, Tirya était restée quelques mètres plus derrière Joshua. Elle observait les ATEF dans leur manœuvre.

« Je ne sais pas, répondit en tout honnêteté Joshua. Elle ne veut peut-être pas s’approcher de plus d’Humains. »

Ariana regarda un instant Tirya. Son regard fut attiré par une autre présence, celle de Nalyon qui se trouvait encore plus en retrait. Son expression était impénétrable mais Ariana devinait qu’il ne voyait pas l’arrivée de plus d’êtres humains d’un bon œil.

           L’ATEF, guidé par les indications de Tony, se posa sans encombre sur la zone prévue. Les réacteurs cessèrent de siffler et la rampe arrière s’ouvrit. Anthony, Ariana et Joshua s’approchèrent. Un homme de moyenne stature, asiatique, portant une tenue militaire sombre bariolée descendit en premier. Il serra la main à Tony sans hésitation.

« Salut Hyung, bienvenu en terre Eldare, fit-il.

-C’est incroyable, nous sommes proches du cercle arctique et on se croirait en Méditerranée, dit Hyung. Alors ce sont eux les Eldars. Quel niveau ont leurs soldats ?

-Plutôt bon, mais besoin d’une remise à niveau tactique en particulier. Tu as amené qui ?

-Pas grand monde, juste Yanis et Moktar. Vu que tu es là, j’ai pensé que tu aimerais participer. Et Potter peut servir d’aide-instructeur je pense.

-Avec plaisir, mais ce n’est pas notre mission première, nous ne serons pas toujours là je pense.

-On s’en arrangera. Potter, content de vous revoir.

-Moi de même instructeur Park, fit Ariana. On ne s’était pas revu depuis la cérémonie en hommage à Alex.

-C’est vrai, acquiesça Hyung. J’ai un message pour vous, tenez.

-Ils auraient pu me l’envoyer par le réseau, fit remarquer Ariana en présentant son TOI pour télécharger le message provenant de celui de Park.

-C’est un message d’ordre privé. Le Patron a suggéré que je vous l’amène. J’en ai un autre pour vous je crois. Vous êtes bien monsieur Ollivander ?

-Oui monsieur, confirma Joshua. Heureux de vous rencontrer. Ariana m’a raconté son stage.

-Ça ne vous donne pas envie de venir ? plaisanta Park.

-Je suis plus un rat de bibliothèque qu’un homme d’action, s’excusa Joshua. Vous avez un message pour moi.

-Oui, il m’a été confié par la même personne que celui de Potter. Mais je pense que l’origine en est différente.

-Viens Hyung, je vais te présenter à nos hôtes, dit Tony. »

           Hyung suivit Tony jusqu’au comité d’accueil eldar.

« Eldryan, je vous présente le chef-instructeur Hyung-Ji Park, le responsable du centre commando de l’ONS. Et les instructeurs Yanis Illanovitch et Moktar Merrouche. »

Les trois instructeurs s’inclinèrent respectueusement devant les Eldars. L’Eldryan fit de même en signe de bienvenu.

« J’espère que vous ferez un agréable séjour et que votre instruction sera pleinement profitable à nos guerriers, souhaita l’Eldryan.

-Je ferai tout ce qu’il faudra pour ça Eldryan, assura Hyung.

-Eldryan, je suggère que nos instructeurs s’installent au plus vite pour qu’ils puissent tout aussi rapidement commencer leur travail. L’agent Potter et moi-même allons les assister dans leur tâche. Mais nous devons aussi assurer la bonne mise en place de relation entre nos peuples.

-Tony, je me charge de ça, intervint Lucifel. Fais ce que tu as à faire. Irael, tu vas te joindre à eux. Je ne pense pas avoir besoin d’escorte ici.

-Comme vous désirez seigneur Lucifel, s’inclina Irael.

-Et bien voilà qui est arrangé. Commandant Farlandis, guidez les instructeurs à leur quartier et emmenez-les ensuite au camp d’entrainement.

-A vos ordres Eldryan, obéit Farlandis. »

           Les bagages et matériels des instructeurs commençaient à être déchargés. Ariana en profita pour s’isoler un peu en s’écartant du groupe. Elle généra autour d’elle une zone de silence à l’aide de sa baguette et ouvrit le message remit par Park. Il s’agissait d’un message holographique. Le cœur d’Ariana bondit dans sa poitrine quand elle vit apparaître les couettes brunes de Sarah. La fillette sourit.

« Bonjour maman. Mei-Lin m’a dit que je pouvais t’envoyer un message pour te raconter tout ce qui se passe. A l’école, on prépare un spectacle. J’espère que tu seras revenue pour venir le voir. Sinon Mei-Lin a dit qu’elle te le filmera mais ce ne sera pas pareil. Je préférerai que tu viennes. J’ai un grand rôle dedans. Mais c’est un secret. Ce sera une surprise. Je me suis disputée avec Eléonore. Je ne veux plus jamais lui parler. Jamais. Elle a dit à Julien que j’étais amoureuse de lui alors que c’était un secret. Je la déteste. J’ai reçu une lettre de mamy. Elle se demande pourquoi tu t’es encore absentée. Je ne lui ai rien dit. Je sais que c’est un secret. Mei-Lin m’apprend à faire des gâteaux de chez elle. Je t’en ferai quand tu seras rentrée. Je t’aime maman. Tu me manques. »

La vidéo s’arrêta. Ariana était contente d’avoir reçu ce message, mais un peu triste également. Elle aimerait pouvoir être avec sa fille en ce moment. Mais elle avait du travail. Un devoir même, pour protéger sa petite fille adorée. Une fois que tout sera terminé, elle pourra passer du temps avec Sarah. Sarah n’était pas de son sang, mais elle l’aimait plus que tout au monde.

           Ariana dissipa la zone de silence et, tout sourire, rejoignit ses amis.

« Bonne nouvelle ? questionna Joshua.

-Une message de Sarah, répondit Ariana. Et le tien ?

-Je vais retourner me connecter au Serylgia Nëmarialey, je regarderai ce message sur le chemin.

-Vu que le mien vient de Sarah, le tien vient sûrement de Mei-Lin.

-Oui, sûrement, fit Joshua en rougissant légèrement. Bon, à plus tard. »

           Dix minutes plus tard, l’équipe d’instruction quitta le port en suivant Farlandis. Joshua fit de même avec Tirya. Lucifel demeura avec les membres de la Chambre. L’Eldryan invita le vieil ange dans ses quartiers.

« Souhaitez-vous un rafraîchissement seigneur Lucifel ? demanda l’Edryan.

-Volontiers, acquiesça Lucifel. Mais ce que je voudrais surtout c’est savoir. »

Un serviteur posa un calice devant Lucifel et se tourna vers l’Eldryan. Celui-ci, d’un geste de la tête, lui intima l’ordre de sortir. Le serviteur s’inclina et quitta la pièce, fermant derrière lui.

« Je me doutais bien que nous ne pourrions rien cacher bien longtemps à un ancien Séraphin, de surcroit, à l’ancien chef du bataillon des Ailes Noires, dit l’Eldryan.

-Au risque de vous décevoir, je ne suis pas le seul à avoir compris que vous nous cachiez quelque chose, fit Lucifel.

-L’agent Chaldo je suppose. C’est un espion aguerri, cela ne m’étonne pas non plus.

-Et l’agent Potter. Malgré son peu d’expérience, elle a de l’instinct.

-Je vois. Il y a douze milles ans, lorsque les vôtres ont quitté Eden pour repousser les Dæmons jusqu’à Tartare, nous ne les avons pas suivi. Nous avons prêté serment de demeurer sur cette planète et de la protéger en cas d’échec des vôtres. Jusqu’à l’annihilation de notre peuple si cela s’avérait nécessaire. Les années ont passé avant que nous soyons sûrs de votre victoire. Nous la pensions totale mais il semble que nous ayons été trop optimiste. Nous avons donc eu raison de continuer à respecter notre serment. Le serment de notre peuple. Ce ne fut pas facile de le respecter. Nous avons choisi de vivre en marge de l’Humanité pour que cette dernière puisse se développer sans la peur du retour des Dæmons. Et les Humains, avec leur industrialisation à outrance, devinrent une nouvelle menace. Nous aurions pu et aurions eu totalement le droit de nous attaquer à eux. Mais nous avons choisi d’attendre. Nous ne voulions pas embraser ce monde d’un nouveau conflit de notre fait. Qui sait si nous n’aurions pas été la source de la mort d’Eden en agissant ainsi ? L’Humanité a compris seule ses erreurs et les a réparées. Notre peuple était sauf. Mais vous l’avez remarqué, certains des nôtres conservent une rancœur envers les Humains.

-Comme Nalyon, fit remarquer Lucifel.

-La mère de Nalyon est morte quand il était enfant. Sa maladie fut causée par la pollution générée par l’Humanité. Le père de Nalyon était membre de la Chambre. Il se laissa gagner par la haine et appela à la guerre contre l’Humanité. Il renia notre serment et fut mis au ban de notre société. Nous pensions qu’avec lui, nous bannissions cette haine, mais ce fut sans compter sur son fils. Nalyon en veut aux Humains mais également à la Chambre. Il estime que nous avons trahi son père et notre peuple.

-Et vous le gardez quand même au sein de la Chambre ?

-Il n’est pas aussi tranché que son père. Je l’ai élevé en grande partie. Je sais qu’il n’est pas aussi mauvais qu’il veut le faire croire.

-Bien, je me fis à votre jugement. Mais vous ne m’avez pas encore dit ce que vous nous cachez, à moi et à la DE. Et en particulier à Ariana Potter. Nalyon a lâché un mot, arrêté in extremis par votre fidèle Tirya : araya. Quelle en est la signification ? »

           L’Eldryan ne répondit pas immédiatement. Il regarda distraitement par la fenêtre durant plusieurs secondes. Lucifel attendit. L’Edryan se tourna de nouveau vers le Premier.

« L’Eldyr, dit-il simplement. »

Lucifel ferma paresseusement les yeux. Il comprenait enfin en partie.