Haïr l'amour
5-Faire face
Le soleil vint doucement réveiller les deux jeunes femmes qui dormaient sur le lit, entièrement habillées. Lily s’étira et regarda son réveil qui indiquait sept heures. Sept heures ! Elle secoua Emeline :
-Debout !! Tu dois être au boulot dans une heure !
-Qu’est ce qui se passe ? grogna Emeline en s’asseyant. Oh ma tête !
-Je te disais que tu bossais dans une heure, pour ton mal de tête, bouge pas, je dois avoir de la potion anti-gueule de bois qui traine.
-Oh Lily je t’aime !
Lily se leva difficilement et se dirigea vers la salle de bain où elle dénicha deux fioles de potions. Elle en avala une cul sec avant d’apporter la deuxième à son amie.
- On n’aurait peut-être pas dû ouvrir cette deuxième bouteille de whisky pur feu finalement-dit Emeline d’une voix pâteuse avant d’avaler la potion.
-Oh qu’est-ce que tu veux, cela faisait tellement longtemps que je ne m’étais pas autant lâcher que je ne regrette pas-répondit Lily
-Tu ne dirais pas ça si la potion anti-gueule de bois n’existait pas !-souligna la brunette en se levant
-Pas faux, il faudra que je pense à personnellement remercier son inventeur un jour !
-Oui on lui doit une fière chandelle à celui-là. Dis je peux te prendre ta douche ?
-Vas-y.
-Merci.
Pendant qu’Emeline se douchait, Lily alla réveiller les petits et entreprit de préparer deux biberons. Elle en tendit un à Neville qui s’en empara affamé et donne l’autre à Harry. Un hibou frappa alors à la fenêtre. Son fils dans les bras elle l’ouvrit et attrapa la lettre que tenait l’oiseau. Elle se rassit et lut la missive. Emeline arriva alors dans la cuisine, propre et maquillée, toute trace de la soirée effacée :
-Hey ! Coucou p’tit loup dit-elle en caressant le front d’Harry- et salut Nev’ !
Le petit garçon lui fit un grand sourire avant de retourner à son biberon.
-Tiens Emy tu tombes bien, je viens de recevoir une lettre de John, le médicomage de Frank et Alice.
Le visage d’Emeline se ferma immédiatement.
-Que dit-il ?
-Il nous apprend qu’Alice nous a désignées comme personnes à contacter en cas d’urgence après Frank.
-Ce n’est pas vraiment une surprise, leurs parents ne sont plus là…
-Oui, mais il nous propose également de venir à dix-neuf heure trente ce soir pour nous expliquer l’état définitif d’Alice et les traitements éventuellement possibles. Tu auras fini de bosser à cette heure-là ?
-Oui, réponds lui que c’est possible, je m’arrangerai avec Junker pour partir plus tôt, il me doit bien ça.
Emeline travaillait au ministère de la magie, au département de relations Sorciers-Moldus. Elle veillait au respect du secret magique.
-Je réponds à John alors. Je finis à dix-huit heures pour ma part.
Emeline acquiesça et tartina quelque toast pendant que Lily répondait au dos du même parchemin. Quand elle eut fini elle se leva :
-Tu peux habiller Harry pendant que je prends ma douche ?
-Ouep, mais tu ne manges rien ?
-Pas faim…-grommela Lily
-Lilou, ne recommence pas !
-Je ne recommence pas Emy, je ne suis juste pas totalement remise d’hier, et tous ces évènements me coupent l’appétit, c’est tout !
Emeline observa son amie avec suspicion, elle était tellement bornée…
-Tu as plutôt intérêts à manger à midi Lily !
-Oui maman, promis-répondit son ami
La brunette soupira face à la réaction puérile de Lily. Celle-ci fila sous la douche et quand elle en sortit Harry était habillé ainsi que Neville et tous deux jouaient dans le salon près d’Emeline qui lisait la gazette.
-Quelles nouvelles ?-demanda Lily
-Rien de réjouissant…deux Moldus ont été tués hier par des fanatiques de tu-sais-qui.
-Encore !
-Oui… bon je vais arrêter de me remplir la tête de ces horreurs, il faut que j’aille bosser ! En fait comment fais-tu pour Neville ?
-Je vais demander à Jane de la garder avec Harry, elle acceptera bien ça au moins quelques temps.
-D’accord. Bon à ce soir Lil’, on se rejoint à l’hôpital. Bonne chance pour aujourd’hui.
-Bon courage. A ce soir Emeline.
La brunette sortit après avoir embrassé les enfants et un ‘poc’ se fit entendre, signe qu’elle avait transplané. Lily attrapa son manteau, se tourna vers les enfants et expliqua à Neville qu’il allait passer la journée chez une dame très gentille pour jouer. Le petit demanda si c’était Lucy, qui était sa nourrice habituelle, mais Lily lui expliqua qu’aujourd’hui il allait chez celle d’Harry, Jane. Le petit garçon acquiesça et Lily espéra qu’il avait bien compris et que tous ces changements d’environnement n’allaient pas trop le perturber. Elle mit Harry dans un maxi cosy, prit la main de Neville et se rendit sur le palier pour transplaner. Tous les trois arrivèrent devant une petite maison qui se trouvait au centre de la ville de Plymouth, non loin de l’hôpital où Lily travaillait. Jane était une dame d’une cinquantaine d’année qui gardait Harry depuis sa naissance. Elle était un peu sèche mais avait un grand cœur, elle lui rappelait parfois le professeur Mcgonagall, son professeur de métamorphose à Poudlard qui était arrivée alors que Lily était en deuxième année. Lily déposa donc Neville et Harry chez Jane, qui accepta de garder un enfant de plus sans problème quand elle connut la situation des parents du pauvre petit.
Lily put donc partir travailler. Sa journée de boulot passa lentement, trop lentement à son gout. Elle était trop anxieuse pour se concentrer sur sa tâche. Elle visita les patients qui avaient été opéré la semaine dernière, effectua quelques consultations pour un homme qui avait avalé un vif d’or ou une femme qui s’était fait pousser des pustules sur tout le visage à cause d’un sort raté. Les gens étaient vraiment imprudents parfois… Le midi elle mangea rapidement un morceau pour faire plaisir à Emeline. L’après-midi passa tout aussi lentement. Une opération, des tests, des rendez-vous, des cris sur ses internes qui ne comprenaient pas quelle mouche avait piqué le Docteur Potter, d’habitude si pédagogue. Enfin, alors qu’elle s’occupait de la rééducation d’un homme qui avait perdu la jambe un mois plus tôt à cause d’un sort de magie noir, l’horloge indiqua dix-huit heures. Elle finit la séance en essayant de ne pas trop manifester son impatience de partir et se rendit dans la salle de garde. Elle y déposa sa blouse, récupéra son sac et salua les quelques collègues qui prenaient un café. Pffiou…cette journée était enfin finie. Le rendez-vous à Ste Mangouste n’était que dans une heure et demie, mais elle avait prévu de faire autre chose avant, une chose qui la rendait anxieuse. Moins anxieuse certes, que l’état d’Alice et Frank, mais tout de même.
La jeune femme transplana devant l’entrée des visiteurs du ministère de la magie. Ce n’était pas la première fois qu’elle y venait, à une époque il n’était pas rare qu’elle vienne chercher James au quartier général des aurores. Mais ce n’était certainement pas son but aujourd’hui. Elle s’engouffra dans la cabine téléphonique et composa le numéro qui permettait d’accéder au ministère. Une standardiste lui demanda l’objet de sa visite, qu’elle annonça clairement. Une minute plus tard, un badge apparut et la cabine commença à s’enfoncer dans le sol. Lily atterrit dans l’atrium du ministère, après avoir fait contrôler sa baguette et son identité, elle avança vers l’ascenseur. Lorsqu’elle y pénétra, il était bondé. Elle s’engouffra au milieu des employés qui discutaient et des hiboux qui transportait des notes de service. Elle avait toujours trouvé affreux ces hiboux qui volaient partout dans le ministère, il était temps qu’ils trouvent un autre moyen de communiquer ! Enfin la voix de l’ascenseur annonça : « Niveau -5, département de la justice magique, département de la coopération international. »
Lily sortit non sans bousculer quelques personnes au passage et se dirigea d’un pas décidé vers le département de la justice et entra. Il n’y avait en effet qu’ici qu’elle pouvait faire ce qu’elle désirait, c’est-à-dire demander des papiers pour le divorce. Elle s’avança vers un bureau qui se tenait au milieu de la pièce et où était assis un homme plongé dans un dossier.
-Excusez-moi monsieur, commença Lily
-Que puis-je pour vous, demanda l’homme en levant la tête avant de la reluquer de la tête aux pieds.
-J’aimerai savoir ou m’adresser pour une demande de divorce.
-Une demande de divorce ? Une si jolie femme que vous, c’est vraiment dommage. Votre mari ne sait pas ce qu’il perd.
Lily claqua la langue d’agacement.
-Monsieur, vos remarques sont totalement inappropriées, pouvez-vous me renseignez, s’il vous plait.
-Adressez-vous au bureau de Mme Sorpe là-bas, dit-il de mauvaise grâce.
-Merci ! dit sèchement Lily avant de se diriger vers le bureau indiqué.
-Mais si jamais vous avez besoin un jour de consolation, n’hésitez pas madame !-lança l’homme
Lily serra les points de colère, comment osait-il ! Elle prit trois grandes inspirations, pour s’empêcher de tuer ce malotru et frappa un peu fort à la porte de maitre Sorpe. Elle était fière d’elle, elle avait réussi à se contrôler… Elle entendit une voix lui dire d’entrer, ce qu’elle fit avant de se figer. Décidément Merlin lui demandait des comptes… Devant ses yeux se tenait une femme d’une quarantaine d’année qu’elle ne connaissait pas et qui devait être Mme Sorpe, jusque-là pas de problème. Non, celle qui avait arrêté son geste se trouvait à la droite de l’avocate. Port altier, cheveux châtains, lunettes encadrant des yeux d’un bleu profond, le visage doux, il n’y avait pas de doute. Devant elle se tenait ni plus ni moins Elizabeth Potter, avocate renommée pour ses plaidoyers lors d’affaires concernant des mangemorts, femme de feu Charles Potter, mère de James et accessoirement sa belle-mère. Elizabeth Potter était une femme imposante, mais d’une gentillesse et d’une loyauté sans limite. Après la mort de son mari quatre ans plus tôt, elle avait continué à avancer, à faire le bien autour d’elle, sans jamais faillir. Lily l’avait toujours admiré, et savait que sa belle-mère l’appréciait. En d’autres circonstances elle aurait été ravie de la revoir mais là…
-Tiens Lily ! Cela fait longtemps que je ne vous ai pas vu par chez nous.
Lily ôta enfin la main qu’elle avait laissée sur la poignée. Mme Potter plaisantait-elle ? Cherchait-elle à la tester ? Lily ne savait pas quoi répondre, et si la mère de James n’était pas au courant de leur séparation ? Lily avait toujours été étonnée de la relation qu’entretenaient la mère et le fils. Une certaine distance les séparait, comme dans beaucoup de famille de sang pur ou l’éducation était bien plus stricte mais Elizabeth restait tout de même très proche de son fils unique. De toute façon, James n’aurait pu cacher quelque chose d’aussi gros pendant plus d’un an, c’était impossible ! Lily ne savait que répondre, elle était gênée.
-Bonjour Elizabeth-commença-t-elle les yeux baissés
-Pour vous ce sera Mme Potter, Lily-répondit l’avocate d’un ton toujours aussi aimable.
Bien, au moins elle était fixée. Sa belle-mère était au courant de leur séparation. Cette femme avait vraiment le don de mettre à l’aise ou mal à l’aise dès qu’elle était présente dans une pièce et ce toujours avec un ton égal sans élever la voix. Et la phrase qu’elle venait de prononcer n’avait certainement pas pour but de mettre sa belle-fille à l’aise.
-Je vous ai connu plus bavarde, mon enfant et plus souriante aussi-continua Elizabeth
-Je…je, cette situation est un peu gênante Eli…madame-répondit Lily.
-Je ne peux que le constater, mais assumez vos choix au lieu de fuir, faites face à la situation, vous arriverez bien mieux à vous reconnaitre dans le miroir.
Ah, cette voix douce était vraiment exaspérante ! Pourquoi utiliser ce ton pour dire de pareilles choses… Encore une fois quelqu’un qui l’accusait de fuir, décidément, ils devaient tous s’être donné le mot ces derniers temps. Mais elle ne fuyait pas ! Elle évitait les conflits !
-Toujours pas décidée à répondre à ce que je vois, que faites-vous donc ici ? demanda Elizabeth fixant toujours Lily.
Cette dernière leva les yeux pour la première fois depuis qu’elle était entrée dans la pièce et répondit avec aplomb, car après ce qu’elle allait faire personne ne pourrait plus l’accuser de fuir. Elle faisait enfin face.
-Je ne fuis plus. Je suis venu, Madame Potter, demander une procédure de divorce.
De la surprise passa dans les yeux de sa belle-mère. Visiblement elle ne s’attendait pas à cela. Elle sembla sur le point de dire quelque chose mais se retint. Elle attrapa un dossier sur le bureau de sa collègue et s’avança vers la porte. Avant de sortir elle dit :
-Dans ce cas je vais vous laisser…faire face…à votre façon. Mais je pense qu’il serait bon que nous discutions toutes les deux un de ces jours Lily.
Sur ces paroles elle sortit de la pièce sans attendre de réponse. Lily soupira. Comme si elle avait besoin d’avoir en plus sa future ex-belle-mère sur le dos !
-Bien madame, nous allons pouvoir passer à l’affaire qui nous intéresse
Lily se tourna vers l’avocate qui jusque-là n’avait pas prononcé un mot et la remercia intérieurement d’être aussi professionnelle et de ne pas faire de commentaires sur l’échange auquel elle avait assisté. Elle s’assit sur la chaise que lui présentait Mme Sorpe.
-Vous veniez pour une demande de divorce c’est bien cela ?
-Oui en effet, maitre.
-Quel est votre nom ?
-Je suis Lily Potter.
L’avocate la fixa quelques instants semblant comprendre toute la teneur de la scène qui s’était jouée entre sa collègue, Elizabeth, et cette jeune femme.
-Bien, connaissez-vous la procédure ?
-Non, aucunement.
-Je vais vous expliquez. Tout d’abord, il faut savoir qu’un divorce nécessite bien sur l’accord des deux conjoints, sauf si une preuve d’infidélité a été apportée envers l’un des deux époux. Dans ce cas-là un procès est engagé et cela peut durer plusieurs mois, c’est pourquoi nos clients préfèrent souvent faire cela à l’amiable quel que soit la raison de leur séparation. Je vais donc vous donner des formulaires à remplir, la femme sortit un papier qu’elle mit devant la jeune femme, cette partie-là doit être remplie par vous et celle-ci par votre mari, vos deux signatures doivent être apposées à la fin du document. Une fois ce papier rempli, vous le remmènerez au ministère et alors un rendez-vous sera pris pour vous et votre mari. Le délai peut être de maximum un mois. Durant ce rendez-vous, un juge sera présent, nous vous poserons quelques questions, et si vous le souhaitez toujours, nous procèderons à la séparation des biens et nous pourrons prononcer le divorce. Avez-vous tout compris ?
Lily acquiesça.
-Je vais donc ouvrir un dossier à votre nom. J’aimerais savoir votre nom de jeune fille, les prénoms et nom de votre mari ainsi que votre date de mariage.
-Lily July Evans et James Charles Potter. Nous nous sommes mariés le 12 aout 1981.
-Merci- dit Mme Sorpe en inscrivant les informations sur un dossier- Si vous n’avez pas de question, je vous laisse repartir avec les documents à remplir.
-Je n’ai pas de questions, merci pour vos services et bonne soirée madame, dit Lily, quelque peu étonnée par la courte durée de l’entretien.
-Bonne soirée Madame Potter-dit L’avocate en serrant la main de sa cliente.
Lily sortit du bureau et passa devant le malotru sans lui adresser un regard. Elle se retrouva bien vite dans l’ascenseur, toujours serrée au milieu d’une dizaine de personne. Alors que la voix annonçait le bien connu ‘niveau -7, département de la police magique. Quartier général des aurores’ Lily se sentit pousser des ailes. Bousculant les hôtes de l’ascenseur elle descendit à cet étage. Elle allait donner tout de suite le papier à James, cela éviterait qu’elle doive aller le voir directement chez lui, dans leur ancienne maison, ce dont elle n’avait aucune envie. Elle s’avança donc rapidement vers le quartier général des aurores avant que son courage ne décide d’aller voir ailleurs. Elle entra dans la pièce principale où régnait un joyeux brouhaha. Des aurores discutaient, entraient et sortait des bureaux. Elle avait toujours aimé l’agitation constante qui donnait une atmosphère vivante au quartier général. Plusieurs têtes se tournèrent vers elle quand elle entra et en la reconnaissant la saluèrent d’un sourire.
-Tiens Mme Potter ! Quel honneur, ça fait longtemps, la salua Peakes, un collègue de son mari.
-Salut Peakes, comment vas-tu ?
-Bien, beaucoup de boulot ! Mais dis-moi ça fait un bon bout de temps qu’on ne t’as pas vu par ici ! Tu as perdu l’habitude de venir chercher ton petit mari à la sortie du travail ?
-Oh c’est juste que mes horaires ont changé depuis l’année dernière, du coup je n’ai plus trop de temps pour venir ici-mentit-elle.
-Ahhhh ! Et qu’est-ce qui t’amène ?
-Justement, je cherche James. Il est dans son bureau ?
-Et non ! Malheureusement il n’est pas là ma belle, il est en mission jusqu’à demain, il ne te l’a pas dit ?
-Oh ..si, si mais j’ai dû oublier ! Tant pis alors, bonne soirée Peakes !
-Salut Potter !
La jeune femme s’éloigna, dépitée. En passant devant le bureau qui indiquait ‘Aurores Black et Potter’ elle vit la silhouette de Sirius par l’entrebâillement de la porte. Elle songea quelques instants à donner les papiers à son ancien ami mais se rétracta. Elle ne pouvait pas faire ça, c’était leur mariage, leurs problèmes et elle se devait de les gérer elle-même. Il y a un an, elle aurait parlé de tout cela à Sirius et il lui aurait remonté le moral en la faisait rire, Peter l’aurait aidé à analyser la situation et Remus l’aurait conseillé sur la marche à suivre. Mais maintenant c’était trop tard. En choisissant de partir comme une voleuse elle avait coupé les ponts avec son mari mais également avec tous les maraudeurs alors qu’eux n’avaient rien fait. Et cela ne lui avait tant jamais manqué qu’aujourd’hui… Sentant qu’elle partait sur la dangereuse pente de la mélancolie, Lily secoua la tête et s’éloigna de la porte avant de faire une bêtise. Avoir des regrets ne servait à rien, elle n’aurait pu rester ami avec ces trois-là sans côtoyer James. Hors c’était ce qu’elle voulait éviter à tout prix !
Elle sortit du ministère, ses papiers toujours à la main. Il était 19h15, elle avait juste le temps de marcher jusqu’à Sainte Mangouste pour évacuer la tension due à cette heure mouvementée qu’elle venait de passer et au rendez-vous qui l’attendait à l’hôpital. Elle marcha jusqu’à une rue du centre de Londres où se trouvait l’entrée des visiteurs de Ste Mangouste. Autour d’elle les Moldus sortaient du travail, se pressaient sans avoir aucune conscience de l’énorme hôpital qui se trouvait juste sous leur nez. En effet, l’entrée du célèbre établissement sorcier se cachait derrière une vitrine d’un magasin de vêtements désaffecté auquel les Moldus ne prêtaient aucune attention grâce à un astucieux sort de repousse moldu. Lily s’avança vers la vitrine et s’adressa à un mannequin. L’étrange échange dura une petite minute avant qu’une porte n’apparaisse et que la sorcière ne s’y engouffre. Elle apparut dans le hall et se dirigea directement vers Emeline et le médicomage qui étaient déjà présents.
-Bonsoir John, dit-elle
-Bonsoir Lily. Suivez-moi s’il vous plait.
Lily et Emeline suivirent le médicomage qui les mena dans une petite salle à l’étage où se trouvaient les Londubat. Il désigna deux chaises aux jeunes femmes avant de s’installer lui-même.
-Bien, comme je vous l’ai dit hier, nous avons aujourd’hui réveillé Monsieur et Madame Londubat de leur sommeil artificiel.
Les deux amies accordaient toute leur attention au médicomage, le visage grave.
-Après avoir soigné leurs dernières blessures physiques nous avons levé le sort de sommeil. Alors nous avons pu juger de leur état.
-Et alors ?-demanda Lily
-Les deux époux ont réagi différemment, je vais commencer par Mr Londubat. Il est très désorienté, et ne semble pas réussir à bien se repérer dans l’espace. Pour ce qui est de la parole, tout va bien. Il est capable de faire une phrase complète, même si son discours n’est pas très cohérent ce qui est normal après le traumatisme qu’il a reçu.
-Est-il possible de faire quelque chose pour qu’il aille mieux ?-demanda Emeline
-Pour son problème de désorientation, je pense qu’avec le temps et de la rééducation, il peut y avoir une nette amélioration, il pourra peut-être d’ici un ou deux mois se déplacer tout seul sans perdre l’équilibre. Ses muscles doivent récupérer petit à petit, il doit réapprendre à diriger son corps, à coordonner ses mouvements.
-Se souvient-il de…sa vie ?-demanda Lily
-Le principal problème vient de là, depuis son réveil il n’a pas une fois parlé de sa femme, de son fils ou de quoique ce soit de sa vie. Il n’a pas non plus répondu aux questions que nous lui avons posées, nous sommes donc très inquiets, j’ai peur qu’il est perdu au moins une partie de ses souvenirs…
Lily et Emeline se regardèrent, horrifiées.
-Cette perte de mémoire est-elle définitive docteur ?-demanda Emeline
-Et bien, cela est vraiment spécifique à chaque cas. Parfois avec le temps il récupère une partie de sa mémoire, parfois il reste à jamais dans l’ignorance.
-Je ne sais pas quoi dire- avoua Lily
-Je sais que le choc est grand pour vous, mais ne le lâchez pas, voir des connaissances sera surement bénéfique pour sa guérison. Seulement il ne faudra jamais que vous lui racontiez quoique ce soit sur sa vie, il doit le découvrir par lui-même.
-Peut-il vois son fils ?-dit Emeline
-Pour l’instant je ne pense pas que cela soit une bonne idée, ni pour l’un, ni pour l’autre. Mais peut être que d’ici quelques temps cela lui fera du bien.
-Et Alice alors ? Comment se porte-t-elle ?
-Sur le plan physique, elle a l’air en forme. Ses réflexes sont toujours là et elle arrive à coordonner ses gestes. Pour ce qui est du plan psychique nous n’en avons aucune idée.
-Comment ça aucune idée !-dit Lily
-Et bien depuis qu’elle s’est réveillée votre amie n’a pas ouvert la bouche, elle s’est contentée de fixer le plafond pendant des heures, et de temps en temps elle s’est brusquement assise dans son lit, à regarder autour d’elle paniquée et s’est recouchée. Ce refus de communiquer peut signifier deux choses. Soit elle se rappelle de tout et est trop bouleversée pour parler, ce qui fait qu’elle se referme totalement sur elle-même. Soit elle ne peut tout simplement pas parler. Ses petites crises de panique devraient normalement disparaitre avec le temps, quant au reste…
Lily se prit la tête entres les mains, elle avait tellement de mal à s’imaginer son amie aussi faible. C’était tellement inconcevable !
-Pouvons-nous les voir ce soir ? questionna Emeline.
Mais le médicomage ne leur en donna pas la permission. Les époux Londubat devaient se reposer, et une visite ne ferait que les perturber. Il leur permit cependant de revenir le lendemain.
Les deux jeunes femmes se retrouvèrent alors dehors avec le cœur bien plus lourd qu’en entrant une heure plus tôt. Vingt-six ans ! C’était l’âge auquel notre vie se construisait, un âge où on avait encore des rêves d’avenir, des projets, un âge où on commençait à fonder une famille, un âge où l’on se battait pour ses convictions. Cela c’est ce que croyait encore Emeline et Lily il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui elles avaient appris que c’était aussi un âge où il fallait faire face, faire face à l’horreur du monde, faire face à la réalité, faire face à ses problèmes, faire face à la chute de ses amis. Et c’était dur, aussi dur que de se prendre un mur en pleine face.
Ce soir-là quand Lily serra de toute ses forces Neville dans ses bras en le récupérant chez Jane, elle ressentit pour la première fois depuis longtemps un manque, un manque immense, elle aurait tout donné pour sentir elle aussi des bras autour d’elle, ses bras à lui, ses bras musclé, ses bras réconfortants. Mais bien sûr, elle ne l’aurait admis pour rien au monde !
Faire face, oui. Mais il y avait des limites !