Une enquête de longue durée
''Je suis née fille quelque part dans ce monde. Suis-je une vraie Américaine ou ai-je d'autres nationalités qui circulent dans mon sang ? Mes parents, me cherchent-ils ou bien sont-ils morts ? M'ont-ils abandonné ou y a-t-il une autre possibilité plus joyeuse ?
Tout ce que je sais, c'est que je ne les connais pas, et que, donc peut-être, je n'ai pas grandi avec eux, ou peut-être quelques heures tout de même. M'ont-ils abandonné en pensant que j'aurai une meilleure vie ou juste parce que je n'étais pas voulue ? Toujours autant de questions sans la moindre réponse. Je pense qu'il est temps pour moi de me lancer, mes yeux coulent déjà avant même de commencer. Mes pages se mouillent de mes larmes. Heureusement, je suis seule devant cette page, je n'ai jamais eu le droit de pleurer même si je l'eus déjà fait, mais jamais devant mes tortionnaires non, jamais. Je me mets dans une bulle, fixe un coin, un objet ou tout autre chose et j'attends qu'ils terminent leur œuvre. Le fait de ne pas pleurer devant ses personnes cruelles les énervait au plus au point, mais pour moi, cela aurait été leur donner encore plus de satisfaction de me voir ainsi. Je peux juste remercier Bernard de m'avoir appris à garder les douleurs reçues à l'intérieur de moi-même si, parfois, non souvent en fait à cause de lui en cachette, je pleurais souvent, il a tué toutes les personnes que j'ai pu aimer. Et voilà pour quoi je ne veux plus aimer...
Ma vie au plus lointain que je me souvienne à commencer avec une famille de quatre personnes : le père alias ''le tueur des prostituées'', sa femme, mais elle, je n'ai aucun souvenir. Je ne me souvenais même pas de son visage, il m'est réapparu quand je l'ai vu sur le dossier la concernant au QG. Et les fils, Marc et Paul. Pour moi, avant de rencontrer Steve et de connaître leur lien de parenté, ils étaient mes parents puis mes frères, mais en fait, il n'en est rien. Alors des questions se posent encore une fois : sont-ils mes kidnappeurs ? Des amis de mes véritables parents ? Une famille d'accueil ? On ne sait pas, car aucune identité sur eux n'a été trouvée. Steve ne sait pas que je connais les noms des enfants.
Il y a aussi une autre personne que je voyais régulièrement, le flic en uniforme, le frère de mon pseudo-père. Je me souviens juste le voir s'approcher de moi puis plus rien. Je me réveillais plus tard et il n'était plus là, mais j'avais de grosses douleurs en bas du ventre et à mon sexe. C'est tout ce que je peux dire sur lui sauf, que, comme Steve, je pense qu'il a supprimé les identités de sa famille, la sienne des fichiers et aussi, que peut-être si vraiment, c'est le cas, l'avis de recherche me concernant. Steve pense qu'il est le responsable de mon kidnapping, le policier en charge de mon enquête et qu'il eut dit à mes parents biologiques que me retrouver à moins d'un miracle était impossible. Il a une deuxième version aussi, il pense qu'il a pu donner à mes parents le corps d'un enfant, autre que le mien pour classer l'affaire...
Avec le père, on allait régulièrement dans des hôtels où il faisait l'amour à des filles, je regardais simplement, assise dans un coin, attachée. Puis, quand on partait, la fille avait ses yeux grands ouverts, elle ne parlait plus, en fait, maintenant, je sais, elle était morte. Il me mettait dans la voiture, puis il y retournait seul avec de gros bidons.
Je me souviens de cette voiture jaune, cette couleur que j'ai apprise avec Bernard parmi d'autres. Je vois l'ombre de cette femme, qui devait être pour moi ma mère, assise sur le siège passager avant, le père au volant puis Paul et Marc à l'arrière durant des sorties en famille, loin de toute personne. Moi, j'étais attachée et au sol. Les garçons mangeaient toujours des bonbons et des gâteaux. Je me souviens surtout des gâteaux. Ils s’émiettaient beaucoup et ils me gardaient les miettes. Une fois toutes les miettes récoltées dans le paquet puis celles qui tombaient dans leur main, ils les mettaient dans un bol. L'un d'eux me prenait, me posait sur le dos puis tenait un entonnoir dans ma bouche, l'autre versait les miettes à l'intérieur. Je me souviens du rire de la mère, de ma couche qui se remplissait d'urine et de mes yeux trempés en ce temps-là, je pleurais. C'est tout ce que je peux dire de cette vie avec eux. Je sais que Steve dirait : '' c'est déjà bien, ça nous aide beaucoup''. C'est une phrase qu'il aime dire au témoin même si derrière, sans que celui-ci ne le voie, il dit ensuite à Daniel à l'extérieur du bureau en soufflant de plus : ''Son témoignage ne nous avance à rien, on a rien.'', d'un ton si désespéré.''
Steve sourit à ce dernier résumé. Il raconte à Daniel la vie de Sarah avec cette famille, une vie qu'il n'apprécie pas. Elle a souffert. Il a eu des réponses à ces questions, mais il se demande bien ce qu'elle a pu vivre avec ce flic. Il s'éloigne de nouveau de Daniel puis retourne à sa place, à la lecture du cahier, difficilement, mais il a besoin de savoir. Daniel le regarde puis il pense au résumé de Steve, de l'histoire de Sarah. Au moment où elle a commencé à écrire : juste après sa première crise de nerfs.
''Les ''braqueurs de banques'' et aussi ma rencontre avec Steve. Ce sont les fils de Bernard qui m'eut trouvé dans la voiture. Ils ont volé la voiture du père, quelle erreur ! Ou pas. Je ne connais pas toute mon histoire d'avec le père. Je me souviens, j'essayais de me réchauffer sous la couverture et l'un des fils m'a vu. Ils ne savaient pas quoi faire de moi et donc l'un d'eux a appelé quelqu'un. Quand on est arrivé, j'ai vu la personne qui était, quelques minutes, avant à l'autre bout du fil, leur père et pour eux, leur vrai père. Avec eux, j'ai connu trois maisons de la meilleure à la pire : la première celle de Bernard où j'ai appris à marcher, parler, manger et rire ; la seconde où il y avait beaucoup d'argent, celle où Steve m'a récupéré ; et la dernière, celle que Steve cherche, je l'appelle la ''maison invisible'', car elle est cachée dans les bois, sous terre. Et c'est dans cette maison, que j'ai souffert dès que Bernard et ses enfants ont décidé qu'il était temps pour moi de faire partie de leur équipe. Un long chemin difficile m'attendait et c'est sur ce chemin que j'ai connu la douleur physique et émotionnelle, le cesse de larmes. Tout l'amour que j'avais pu éprouver pour Bernard, jusqu'à l'appeler ''papa'' est parti subitement. Mon entraînement intensif a commencé.
J'ai quitté une chambre chaude avec un bon lit pour une couverture sous une planche où je ne pouvais que rester couchée et je préférais souffrir de ne pas me mettre du dos au ventre ou l'inverse plutôt que de quitter ce petit trou noir. Quand j'y sortais, c'était pour apprendre à tirer avec différentes armes puis à me battre. J'ai eu des cours intensifs : grammaire, orthographe, histoire, maths... Et même le dictionnaire à apprendre. J'ai souffert pour tout ça, beaucoup. J'étais attachée à une chaîne, ma cheville porte toujours la marque. Elle était courte pour éviter qu'il ne me rate pour me donner une gifle sur le visage, des tapes dans le dos ou encore pour poser ma main sur la table et me claquer le dictionnaire d'une force inouïe dessus. Mais un jour, physiquement, je suis devenue plus forte que mon maître, et il a trouvé une solution pour que je n'essaie plus de fuir pendant des entraînements : il a ramené des animaux des refuges. C'est là que tout est devenu encore plus dur. Je devais apprendre plus vite, ne faire aucune erreur et je suis passée des balles à blanc à de vrais plombs durant les entraînements de tirs.
Je faisais au mieux pour ne faire aucune faute. Les animaux souffraient, il les frappait, les jetait contre un mur ou dans la petite rivière au courant particulièrement rapide. Il était impossible pour eux de survivre à ça. Une fois, il ne restait qu'un chat, je l'avais appelé Gribouille, il était très beau d'un joli pelage noir. Je l'ai tué, enfin, Bernard m'a mis l'arme dans les mains puis, ensemble, on a tiré sur la boîte en carton, là où mon chat se trouvait emprisonné. Pour en être à arriver à tuer mon chat, il y a une raison : j'ai essayé de tirer sur Bernard pendant un entraînement pour fuir avec Gribouille, j'avais tout le savoir pour survivre à l'extérieur, sauf que j'ai fait une erreur que plus jamais je ne ferai, je n'oublierai plus de compter mes balles, plus jamais... Il a ensuite mis sa dépouille sous la planche avec moi, j'ai vécu avec mon chat des jours et des jours accompagnés d'une mauvaise odeur et d'insectes. Il est encore sous cette planche. Un jour, je récupérerai sa dépouille et je l'enterrerai avec les autres. Il me manque et c'est pour ça qu'Eddie doit rester loin de moi, mais, en fait, je ne sais pas si je tiendrai encore très longtemps. Il me fait mal au cœur. Alors finalement, j'ai un cœur ! J'aime Eddie, j'aime Daniel et surtout, j'aime Steve !
Mes punitions à la suite de la mort de Gribouille étaient difficiles à supporter. Il est passé par moi, car les refuges n'acceptaient plus de vendre à lui ou à ses fils des animaux. Ils auront à eux trois réussis à acheter six chiens et huit chats... J'ai reçu les mêmes punitions qu'eux, mais de différentes façons : jetée au sol au lieu d'un mur ou d'un arbre, la tête dans une bassine d'eau plutôt que dans la rivière, des coups de bâton, de crosse ou autres objets longs pour remplacer les balles. Pour me donner de l'endurance, je courrais pieds nus dans les bois dix kilomètres, attachée à l'un des fils avec une corde. Un fils pour l'aller et à un autre pour le retour. Si je tombais au sol, ils continuaient et ils me traînaient... Je devais me soigner seule et avec de l'alcool. Il m'a brisé mon poignet un jour après un braquage, j'ai essayé de fuir en ouvrant la portière arrière. Hank m'a rattrapé par les cheveux, j'ai eu très mal autant que pour mon poignet. Quand j'eus compris que Bernard allait me punir et de quelle manière, j'eus pris une forte inspiration pour ne pas crier et pleurer, mais, mais mes yeux ont coulé et du coup, ses fils se sont déchaînés sur moi avec des coups de pied, de mains et d'objets. J'ai rencontré Steve peu de temps après ça...''
« Steve, dit Daniel en se rendant près de lui. Ça va ? Tu es rouge de colère, je le vois.
- Heu, tu sais quoi, je vais souffler un peu. On en parlera après. Tu veux bien ?
- Où en es-tu ?
- Je viens de finir sa vie avec les « braqueurs de banques ». Plus j'avance, plus c'est dur. Elle a préféré parler à un bouquin plutôt qu'à moi !
- Je sais mon pote, je sais. Mais, vois les bons côtés, là-dedans, tu as toutes les preuves, tous les faits.
- Je ne sais pas. Je ne sais pas si je vais le garder ou le remettre à sa place.
- Elle va savoir à ton regard que tu as trouvé quelque chose sur elle. Tu ne pourras pas lui mentir. Vous avez cette chimie entre vous, ce n'est pas possible.
- Elle nous aime Daniel. Eddie, toi et moi, elle nous aime. Elle l'a écrit. », dit-il ému en quittant son siège.