Hellish Story (Tome 1)

Le lendemain de la bataille, Charlie s'était déjà remise à travailler sur son ambitieux projet : le nouvel hôtel. Elle débordait d'idées fantastiques qu'elle proposait avec enthousiasme à Vaggie pour attirer de nouveaux pécheurs sur les chemins de la rédemption. Mais Lucifer, de son côté, avait rapidement embarqué sa fille dans une pièce à part pour lui parler de choses importantes.

Pendant ce temps, Husk et Angel étaient assis au bar, comme à leur habitude.

Angel était un pécheur à l'allure d'araignée. Il avait la particularité de posséder quatre bras, voire six s'il le souhaitait. Il était accro à la drogue et au sexe, probablement à cause de son travail. Il travaillait pour Valentino des Vees, un overlord influent. Depuis longtemps, Angel était une star pornographique pour les films produits par Valentino, et diffusés par Vox grâce à son entreprise Vox-Industries™ et ses technologies avancées de Vox-Techs™. De son vrai prénom Anthony, il avait grandi à New York dans une famille mafieuse d'origine italienne. Il était mort en 1947 à l'âge de trente ans, d'une overdose de phéncyclidine - une drogue populaire de l'époque surnommée « Angel Dust », d'où son pseudonyme en Enfer. Il avait tué de nombreuses personnes durant sa vie, et s'était prostitué sous la pression de son père qui lui réclamait toujours plus d'argent. C'est ainsi qu'il avait atterri dans le royaume de Lucifer.

Husk, quant à lui, ressemblait à un chat humanoïde, avec des ailes et des oreilles d'animal. Ancien overlord, il avait perdu toutes ses âmes et son statut après avoir vendu la sienne à Alastor, le démon de la radio, lors d'un pari. Il était désormais au service de ce dernier, obligé de lui rendre tous les services qu'il exigerait jusqu'à la fin des temps. Husk était aujourd'hui le barman de l'hôtel Hazbin. Addict aux jeux d'argent et à l'alcool, sa dépendance avait causé sa perte. Il avait été tué dans les années 70, vers la soixantaine, à cause de dettes trop importantes. Son péché était l'avarice.

Les deux pécheurs s'étaient énormément rapprochés depuis que Husk avait sauvé Angel au casino, alors que Velvette et Valentino tentaient de le droguer avec un filtre d'amour. Depuis, ils se fréquentaient même en dehors de l'hôtel. Angel semblait développer des sentiments pour Husk, car ce dernier - avec Charlie, un peu - était le seul à lui avoir tendu la main et permis de se montrer tel qu'il était.

- Le petit roi sait vraiment pas comment s'y prendre avec la princesse, j'suis plié de rire, se moqua Angel, regardant Charlie et son père s'éloigner.

- Imagine que tu sois parti pendant plus de deux siècles, et qu'en revenant, tu découvres que ta gamine a reconstruit sa vie sans toi... et avec ce foutu Alastor en plus. Moi, je trouve qu'il se débrouille plutôt bien. J'aurais pas fait mieux à sa place, rétorqua Husk, tout en nettoyant un verre derrière le bar.

- Mouais... J'le sens pas le sourire en costard. Il était où pendant qu'on se faisait défoncer par les anges ? J'suis sûr qu'il prépare un truc pas net.

- Alastor ? Évidemment qu'il prépare un truc. Il est là pour foutre la merde, pas pour aider la princesse. Je le connais depuis longtemps. Il a forcément un plan derrière la tête, et il veut récupérer du pouvoir. Il a sûrement été affaibli pendant la bataille, alors il va chercher à se recharger. En commençant par Charlie... et peut-être même le roi.

- Eh, mais tu me caches des trucs Husky', hein ? demanda Angel avec un sourire aguicheur.

- Arrête de m'appeler comme ça ou je t'enfonce cette bouteille dans le gosier, grogna Husk, brandissant la bouteille dans sa main.

- J'adore quand tu me dis des trucs salaces, bébé, rétorqua Angel en lui caressant les oreilles.

- Angel, TU ARRÊTES ! T'es pas au boulot ici, donc t'es pas obligé de jouer à tous tes petits jeux bizarres, s'agaça Husk en le repoussant.

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Plus loin, dans le bureau privé du roi...

Lucifer et Charlie s'étaient éclipsés pour discuter à l'abri des oreilles indiscrètes. Ils s'étaient réfugiés dans le bureau fraîchement rénové de l'ange déchu.

Charlie, grande et gracieuse, possédait de longs cheveux blonds et de grands yeux rubis hérités de ses parents. Obstinée, passionnée, elle se battait depuis des années pour son rêve de réhabilitation, malgré les innombrables avertissements de son père sur la dangerosité du peuple des Enfers.

- Tu voulais me parler ? demanda-t-elle, intriguée par cette réunion improvisée.

- Oui, assieds-toi, chérie. C'est important.

Lucifer referma la porte, et Charlie s'installa sur le canapé, attendant avec une certaine nervosité.

- Tu me fais peur, papa... Il y a un souci avec le Paradis ? Ou avec l'hôtel ? insista-t-elle.

- Non, rien de tout ça... Mais... il faut que je te parle de Lilith. Plus précisément, du jour où tu es née.

- Ma mère ? Bien sûr, je t'écoute.

Lucifer s'assit à côté d'elle, le regard un peu fuyant.

- Charlie... je suis désolé, mais... Lilith n'est pas ta mère. Elle ne l'a jamais vraiment été. Enfin, techniquement, si... mais seulement sur le papier.

- Quoi ? Sois clair ! Qu'est-ce que tu racontes ?! s'indigna-t-elle, écarquillant les yeux.

- Quand nous avons été bannis, Lilith et moi, le Paradis a eu tellement peur que nous ayons des enfants... qu'ils ont lancé une sorte de malédiction. Tous les enfants que nous pourrions avoir seraient voués à... ne pas survivre.

Charlie, choquée, se figea.

- Lilith était terrorisée à l'idée de faire d'autres fausses couches. Tu peux comprendre ça, pas vrai ?

Charlie baissa les yeux. Elle aussi, des siècles plus tôt, avait fait une fausse couche avec Seviathan Von Eldritch, le fils de Léviathan, à cause du stress et des violences. Lucifer, dévasté par cet événement, avait juré de ne plus jamais laisser un seul homme approcher sa fille.

- Papa, je...

- Laisse-moi finir, chaton... Lilith ne parvenait pas à garder ses grossesses au-delà de trois mois. Alors j'ai décidé... de te porter moi-même.

- Quoi ? C'est impossible... souffla-t-elle en se couvrant la bouche.

- Je suis un ange, chérie. Je peux changer de forme, de sexe. Je peux... être tout ce que je veux. Et je ne regrette pas de l'avoir fait. Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. Sans toi, je ne sais pas ce que je serais devenu.

- Mais pourquoi tu ne me l'as jamais dit ? soupira-t-elle, plus soulagée que blessée.

- J'avais peur. Peur que tu me regardes autrement, peur de tout gâcher. C'était plus simple pour toi, enfant, de croire que tu avais une mère. Peu importait lequel j'étais.

- Papa... je t'aurais aimé quoi qu'il arrive. Tu aurais dû me le dire plus tôt. Ça explique beaucoup de choses. Ton besoin de me protéger, ta peur des anges... Rien ne change entre nous, je te le promets.

- Je t'aime, Charlie...

Ils se prirent dans les bras. Puis elle s'éloigna, essuyant discrètement ses larmes.

- Je dois y aller, Vaggie m'attend. On garde ça pour nous deux.

- Attends... Tiens, pour tes yeux.

Il fit apparaître un mouchoir par magie, qu'elle accepta avec un sourire discret.

Lucifer resta seul dans le bureau, bouleversé mais soulagé. La réaction de sa fille avait dépassé toutes ses attentes. Elle avait tant grandi...

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En sortant, il croisa Alastor, adossé au mur, manifestement en train de l'attendre depuis un moment. Lucifer tenta de l'ignorer et de filer discrètement.

- Monsieur Lucifer, comment allez-vous en ce matin infernal ? Vous m'avez l'air de fort mauvaise humeur, constata Alastor, moqueur.

- Oh va te faire foutre, Alastor. Tu ne sais rien de ce que c'est, avoir un enfant. Alors épargne-moi ton sarcasme, grogna Lucifer.

- Je confirme, je n'y connais rien. Mais... je suis au courant pour Charlotte. Et pour votre petit arrangement avec Sa Majesté Lilith.

Alastor lui posa une main sur l'épaule. Un geste inattendu, venant de lui qui détestait les contacts.

- C'est pas vrai... souffla Lucifer, mal à l'aise.

- Désolé. Mais j'ai entendu votre discussion. Par hasard.

- Tu es le seul au courant j'espère ?

- Disons que j'étais juste au bon endroit au bon moment. Il valait mieux que ce soit moi plutôt qu'Angel, non ?

Lucifer soupira, honteux.

- Et... qu'est-ce que tu en penses ? demanda-t-il à contrecœur.

- De votre petit secret ? Franchement... je trouve ça stupide que vous ne l'ayez pas dit plus tôt. Mais c'est plutôt courageux.

- Eh bien... merci, je suppose.

Lucifer esquissa un petit sourire. Alastor sembla brièvement déstabilisé. Ils échangèrent un regard intense. Cela faisait bien longtemps que Lucifer n'avait pas regardé quelqu'un ainsi. Même Lilith ne l'avait jamais regardé de cette manière.

Alastor, visiblement troublé, se réfugia rapidement dans le sarcasme.

- Je m'en doutais. Vous êtes orgueilleux, arrogant, mais... parfois utile. Très rarement, ajouta-t-il avec un sourire en coin.

- T'avais autre chose à dire ou t'es juste venu faire chier ? Parce que moi, j'ai une vie.

- Pourquoi tant d'agressivité ? Je vous ai complimenté !

- Si t'es ici, c'est parce que tu cherches quelque chose... ou que tu fuis quelque chose.

Alastor s'agita, visiblement touché. Lucifer en profita pour enfoncer le clou :

- Et respecte ta part du marché. Tu restes loin de ma fille. On est d'accord ?

- Et pourquoi je devrais t'obéir ?

- Parce que c'est un ordre du roi des Enfers, et qu'on a fait un pacte. Je t'ai sauvé la vie. Tu m'as promis.

- Qu'est-ce que je vous ai promis déjà ?

- Fais pas l'imbécile. T'approche pas de Charlie, ou je te fais expulser d'ici. Je sais même pas pourquoi elle t'a laissé entrer dans sa vie !

Lucifer fit apparaître une boule de feu dans sa main. Alastor le fixa sans bouger.

- Comme vous voudrez.

Le roi se calma et laissa retomber son bras. Ses yeux mirent un moment à retrouver leur couleur normale.

- On est liés, toi et moi... à cause de ce fichu pacte. Alors fais pas de conneries. Je dois y aller. On se reverra, Bambi.

Lucifer remit son chapeau et s'éloigna. Il détestait être pris au dépourvu. Il savait qu'Alastor savait... et cela le mettait mal à l'aise.

De son côté, Alastor observait Lucifer s'éloigner. Tout ce qu'il avait dit... il l'avait dit exprès. Pour le provoquer.

Mais quelque chose avait changé.

Alastor avait toujours respecté les mères. Pour lui, elles représentaient la vie, la douleur, la puissance. Les femmes devaient être honorées. Les hommes, eux, étaient responsables de tant d'atrocités... Ses victimes avaient toujours été masculines, à l'exception de femmes qui avaient abandonné ou tué leurs enfants. Celles-là, il les jugeait impardonnables.

Et pour lui, Lucifer avait toujours été ce genre de père... un lâche.

Mais découvrir que Lucifer avait porté Charlie... que c'était lui qui lui avait donné la vie...

Cela changeait tout.

Lucifer n'était pas un père négligent. C'était une mère qu'on avait arrachée à son enfant.

Et pour la première fois depuis son arrivée en Enfer, Alastor regretta certaines de ses paroles.

Quelques heures plus tard, la nuit était tombée sur les Enfers. Le ciel était d'un rouge presque noir, parsemé de milliers d'étoiles dorées scintillantes. Tous les résidents de l'hôtel Hazbin dormaient.

Charlie dormait auprès de Vaggie, Angel chez les Vees, Husk dans sa chambre.

Alastor était seul.

Et Lucifer... aussi.