Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 2 : Le retour de Anna.

2465 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/09/2019 20:12

Le jour se lève sur le chalet, partout les oiseaux entonnent leurs chants matinaux. Les rayons de soleil s'infiltrent à travers les sapins et viennent éclairer le visage de Heidi encore endormie et la réveiller en douceur. Elle ouvre les yeux doucement et regarde, presque par réflexe, l'horizon éclairé par les lueurs orangées de l'aurore.  La pluie récemment tombée à comme redonner vie à la montagne, et tous les animaux qui avaient disparus refont enfin leur apparition après cette longue famine.



La jeune femme se réjouit en revoyant tous ces paysages chers à son coeur de nouveau comme auparavant. Tout cela lui a tellement manqué ces derniers temps, voir ses belles montagnes mourir lui brisait le cœur. 



Ça fait à présent une semaine que cette nuit d'orage a eu lieu ; et chaque après midi, elle l'a passé avec son ami de toujours, comme ils le faisaient durant leur enfance. Ça faisait bien trop longtemps qu'elle ne se rendait plus à l'estive et elle avait décidé qu'elle ne laisserait plus jamais passer autant de temps, ce qui n'est pas pour déplaire à Peter, bien au contraire.


Elle le voit justement passer par sa fenêtre précédé des chèvres, avec un papier à la main, avant de venir frapper au chalet.



" - Heidi est là grand-père ?


- Bonjour Général en chef des chèvres. Oui elle dort encore, quesque tu lui veux ? répond il de son air bourru.


- Tiens mais pourquoi donc il veut me voir si tôt, songe Heidi.


- Rien, je doit juste lui remettre ce mot, continue Peter.


- Et bien donne le moi je lui transm...


- Attend, interrompt Heidi en descendant les marches, encore en chemise de nuit.


Peter rougit en l'apercevant, la vision de son amie en chemise de nuit lui fait repenser à cet éclair cette fameuse nuit d'orage. Le grand père lui jette un regard qui en dit long, ce qui rend immédiatement ses couleurs au jeune homme.


- C'est bon je suis levée, quesqu'il y a ?


- Euu... bégaie Peter. Je voulais juste te filer un mot que m'a donné Anna pour toi. Tiens, dit-il en lui tendant une enveloppe.


- Elle est au village alors c'est vrai ? Tu sais ce que c'est ?


- Non elle m'a pas dit. Allez je file, à ce tout à l'heure.


- Tu reste pas un peu ?

Attend... !! !


Trop tard, il était déjà parti .


- Pourquoi il t'a fait un clin d'oeil en te disant à tout à l'heure ? gromelle grand-père.


- Mais j'en sais rien moi, j'imagine qu'il est content de me voir cet après-midi parce qu'il m'aime bien... c'est tout ."



Grand-père continue à marmonner dans sa barbe, blanche depuis longtemps, et part travailler comme à son habitude.



Heidi s'assit et déchire l'enveloppe à la va-vite . C'est un faire-part d'une vieille amie qui vivait au village autrefois. Elle lui annonce qu'elle se marie dans une semaine, au village, et qu'elle souhaiterait que Heidi soit présente. Elle avait bien entendu que son amie était dans le village en ce moment ; mais pensant que ça n'était pas vrai, elle n'y avait pas fait plus attention que cela. Comment pouvait-elle être ici, elle qui a  dit tant de mal de la vie à la montagne avant de partir, et qui a fait tant d'éloges de la vie en ville. Pourtant elle est bien là. Heidi se réjouit de pouvoir la revoir, après tout ce temps, mais la reconnaîtra-t-elle ?



***



C'est en repensant à tout ça que la jeune montagnarde se dirige vers l'estive. Ce matin, elle a rédigé un nouveau chapitre du livre qu'elle écrit, un passage important qui va  changer le destin du héros.

Encore un de plus qui ne trouvera pas l'intérêt des éditeur songe-t-elle. Elle a déjà envoyé de nombreuses fois des copies de ses écrits  ; mais rares sont ceux qui lui ont envoyé des réponses… négatives. Y arrivera-t-elle seulement un jour se demande-t-elle ?



***


Peter est de bonne humeur aujourd'hui, depuis une semaine que Heidi vient lui tenir compagnie, il se sent plus heureux. Il se lève bien plus facilement le matin, en pensant qu'il vas passer du temps avec celle qu'il connaît depuis si longtemps et qui égaie ses journées depuis toutes ces années. Il est celui qui la connaît  le mieux (probablement même encore mieu que son grand-père) et elle est sans doutes celle qui le connaît le mieux également. D'un simple regard, ils se comprennent sans même avoir besoin de parler ; et à quelques exceptions près, ils connaissent toutes les réactions de l'autre avant qu'elle ne se produisent, et en connaissent les raisons. Des frères et soeurs charnels eux-même ne se connaîtraient pas mieux . Pour Peter, la vie sans Heidi ne serait tout simplement plus possible, et il sait  qu'il en est de même pour elle. Les six ans qui les séparent ne se remarquent pas le moins du monde, et ni l'un ni l'autre n'y prête attention.



Le jeune homme scrute l'horizon depuis un bon moment maintenant, comme chaque jour, espérant l'apercevoir. Enfin une silhouette se détache du paysage.



"- Heidi !! Viens vite je suis là !


- Oui j'arrive, viens manger !


Le jeune chevrier arrive en courant.


- Alors cette lettre, c'était quoi ?


- Elle m'invite à son mariage. Je suis vraiment heureuse de la revoir, s'enthousiasme la jeune femme.


- Ah bon, répond-il sans conviction. Puis il marque une pause semblant réfléchir, soudain il éclate de rire.


- Mais quesque tu as ?


- Tu sera moins heureuse quand tu vas devoir enfiler une robe !! Continua-t-il en pouffant de rire.


- Une robe ? Pourquoi une robe? répondit-elle complètement interloquée. Je n'en ai plus depuis longtemps de toute façon.


- Tu ne crois quand même pas que tu vas aller à un mariage comme ça ?


-Ah oui zut, mais je n'ai rien d'autre, comment faire ?


- Tu as du temps pour trouver une solution ? La fête se déroulera dans combien de temps ?


- Comment ? Tu ne le sais pas ? Elle ne t'a pas invité ? Mais je ne veux pas y aller alors, seule au milieu de tous ces gens , non ce n'est vraiment pas possible !!


- Mais tu étais si contente de voir Anna tout à l'heure pourtant ?


- Oui mais...


- Tu as peur de la foule je sais. Attend, elle m'invitera peut être aussi.


- On verra, mais de toute façon je n'ai pas de robe, et Anna se marie dans une semaine. Je pourrais toujours la voir à un autre moment. "



C'est sur ces  réflexions qu'ils attaquent les quelques aliments qu'avait amené Heidi.


Elle avait toujours eu peur des grand rassemblements, d'autant plus s'il s'agit d'inconnus. Alors s'imaginer seule au milieu de tous ces gens, sans même Peter, Klara ou grand-père à ses côtés,  c’était trop pour elle.



***



Le lendemain, Heidi descend une fois de plus au village, son grand-père lui a demandé la veille si elle pourrait aller chercher quelques provisions pour lui. En arrivant elle croise Madame Merlit.



"- Alors ma petite Heidi, tu vas aux noces la semaine prochaine ? Et dis-moi, comment vas-tu te coiffer ? Et t'habiller ?


- Euu...


- Eh bien, tu sembles bien perplexe, quelque chose ne va pas?


- C'est-à-dire que je n'ai pas de robe, et je n'ai aucune idée de comment me coiffer. Je sais juste rassembler mes cheveux avec un lien.


- Oh mais ce n'est pas un problème! Ma fille a laissé tous  ses vêtements quand elle est partie, et c'est moi qui la coiffait tout le temps.


- Julia ? Mais je ne pourrais jamais mettre ses vêtements.


- Mais enfin pourquoi ? Je suis sûr que tu as la même taille qu’elle . Viens donc avec moi, qu'on regarde tout ça ensemble. "



Oui biensûr la taille des vêtements de Julia n'est pas problème ; mais comment dire à sa mère qu'elle s'habillait de manière bien trop sophistiquée et féminine à son goût. Heidi la trouvait  même provocatrice de temps à autre. Malheureusement il est sûrement trop tard pour sortir de cette situation. Madame Merlit l'amène déjà chez elle.



" - Regarde tout ça, je suis sûr qu'on va trouver ce qu'il te faut" dit  la villageoise devant une très grande quantité de vêtements en tout genre, tous soigneusement rangés. Il y en a tellement qu'on pourrait ouvrir un magasin, songe Heidi. Des robes, des tailleurs, il y en a de toutes les couleurs et toutes les matières.


- "Oh !! Celle-là sera parfaite pour toi, c'est merveilleux, s'enthousiasme la villageoise. Avec cette paire d'escarpins tu sera magnifique.


Quelle catastrophe, cette robe est bien trop serrée, et ces chaussures bien trop hautes, se désespère Hedi.


- Je ne peux pas mettre ces  vêtements, ils sont...


- Tut tut tut ! Je ne veux rien entendre tu seras parfaite. Vas donc plutôt essayer tout ça. "


Heidi est désespérée mais elle n'ose pas répliquer quoi que ce soit à cette femme si sûre d'elle, qui ne cherche qu'à lui faire plaisir qui plus est.


"- Oh ma petite!! Tu est magnifique, cette robe te  va à ravir !! Essaies donc les escarpins maintenant."


La jeune montagnarde, qui marche le plus clair de son temps pieds nus et porte tout au plus des bottes quand il neige, manque de justesse de tomber en tentant de faire un pas .


"- C'est impossible de marcher avec ces choses aux pieds!"


Madame  Merlit éclate de rire.


"- Tu n'as donc jamais portée "ces choses" comme tu dis ? Il ne te reste donc plus qu'a  t’entraîner , tu as une semaine devant toi."



Quelle calamité pour Heidi.



***



 Comme chaque jour, Peter vit  immédiatement Heidi arriver et lui fit signe. Il remarqua très vite que quelque chose tracassait son amie.



" - Peter c'est une catastrophe !


- Mais qu'est ce qui se passe ?? Tu m'inquiètes !!


- C'est la mère Merlit, elle veut me prêter une robe!!!!


- Et il est où le problème, c'est plutôt une bonne nouvelle non?


- Mme Merlit!!


- Ohhh ! La mère de Julia ! Réalisa enfin le jeune homme, la fille toujours en vêtements du dimanche. Il éclata de rire.

TOI avec les robes à JULIA !! J'aurais jamais crue ça ! "


"- Mais arrête ya vraiment rien de drôle !


- C'est pas un drame non plus. C'est quand même pas des nuisettes.


- Encore heureux. "


Peter réalise brusquement que tous allaient voir sa Heidi dans une tenue qui la mettrait  sûrement bien trop en valeur à son goût, ce qui le contrarie fortement. Il connaît les gars du villages et encore plus ceux des villes, il les connaît trop même...


"- De toutes façon, vu que tu n'y vas pas, moi non plus !! Je serais malade, j'aurais la migraine où la grippe, je sais pas, je trouverais.


- Arrête, t'es même pas migraineuse, et on est en plein été ! s'esclaffe Peter. De toute façon Sarah s'est excusée ce matin, elle avait oublié de me remettre mon invitation. Elle a  invité tous ses vieux amis, ceux qui ont quittés le village arriveront la veille de son mariage.

Tu veux que je te prête une de mes robes à la place ? continua Peter en pouffant de rire


- Mais qu'est c'que t'es bête! Tu vas finir par me faire mourir de rire.  "



Il n'en faut pas plus pour qu'ils soient tous deux pliés en deux à force de rire. Peter trouvait  toujours les mots pour la faire rire en toutes situations.



***



Ils avaient encore passé un bon après-midi quand Peter redescendit  au village. Il venait de faire rentrer ses chèvres dans la grange qu'il a  bâti à côté du chalet familial, et de rendre les autres à leurs propriétaires. Il rentre à présent chez lui. Mais en tournant dans une rue, il aperçoit un jeune homme qui ne vient pas du village. Il se doute immédiatement qu'il s'agit de celui qui a bousculé Heidi, il y a rarement des étrangers au village. Elle n'avait pas accordé la moindre attention à cet incident, qui n'avait absolument aucune importance d'après elle. Mais ce n'est pas le cas de Peter. On ne touche pas à sa jeune amie : ça le rend absolument fou.



"-Alors c’est toi qui jettes les filles au sol ?!?! 


- Pardon ? Répond le jeune homme. 

Ah, tu parle peut-être de la sauvageonne qui marche sans regarder où  elle va ? Je l'avais prise pour un garçon avec son pantalon et ses cheveux mal peignés. C'est elle qui devrait s'excuser de m'avoir importuné !



Peter parvient difficilement à se maîtriser:

- Je ne te permet pas de l'appeler ainsi !!!


- Ni toi de me tutoyer. Mais pardon ça doit être ta copine. Vous allez bien ensemble, la sauvageonne avec le sauvageon, ironise-t-il avec un ton narquois.


Cette fois c'en est  trop.


Le jeune berger l'attrappe par les épaules et le plaque au mur.

- Ce n'est pas ma copine, c'est ma soeur, hurle-t-il, et je t'interdis de lui manquer de respect.

La prochaine fois c’est toi qui finira au sol, et je te jure que tu t'en souviendra !!!"


Le jeune riche prend peur.


"- Pardon je m'excuse, lâchez-moi maintenant."


Il relâche la pression, sans le lâcher complètement.


"- Et tu ira t'excuser!! Insiste il en appuyant sur le "tu"."


Il le lâche enfin avant de partir. L'inconnu se frotte les épaules, Peter a bien plus de forces que quand il était enfant. C'est lui qui s'occupe des tâches chez lui à présent, de fendre le bois pour l'hiver entre autres ; et par la force des choses, il a finit par ne plus ressembler à un petit garçon. Cela n'est pas passé inaperçu auprès des filles du village ; sauf pour Heidi qui n'y prête pas attention. Peter est son meilleur et plus proche ami, son grand frère, et le reste n'a pas d'importance.



En s'éloignant le jeune homme repense à ce qu'il a dit au jeune inconnu : " c'est ma soeur". Il l'a dit sans y prêter attention, naturellement, les mots sont sortis tout seuls de sa bouche. À présent il se demande pourquoi...

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