Juste la montagne, toi, et moi.

Chapitre 4 : Joël

2292 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/10/2019 20:19


Les hululements font place aux chants mélodieux des oiseaux diurnes. Ce doux réveil se mêle toujours au clapotis de la rivière. C'est toute la nature qui est en effervescence avec les premiers rayons du soleil. Une petite alouette lulu se pose sur Heidi, en se demandant quel est ce drôle d'animal. Réveillée par les petits pas  du passereau, la jeune fille ouvre les yeux et se penche en avant, ce qui provoque immédiatement l'envol du petit volatile.


- Peter, on s'est endormi, regarde le jour est levé.

 Le jeune homme peine à ouvrir les yeux. 

-Ahrg, je ne sens  plus mon épaule. 

- C'est de ma faute je suis désolée.

- Mais non t'inqui...

Enfin il émerge, et réalise qu'il fait jour.

-Mais quesqu'on fait là ?!?

- On a du s'endormir hier soir.

- Il faut vite qu'on retourne là-bas! S'ils se rendent compte qu'on est partis et qu'ils nous cherchent chez maman ou ton grand-père on saura pas quoi dire !!

- Ne t'inquiètes pas, ils vont avoir fait la fête toute la nuit, ils ne se seront rendu compte de rien. Ils dansent peut-être même encore. Et de toute façon on aurait qu'à dire la vérité, je ne vois pas le problème.

- On devrait quand même y retourner vite.


Ils se mettent rapidement en route. Peter est inquiet, si le grand-père de Heidi est au courant pour cette nuit, il aura de sérieux problèmes. Grand-père penserait que c'était tout à fait voulu de sa part, et peut-être même qu'il pensera qu'il cherchait plus. Ils se sont juste endormis  sans même le vouloir, mais comment prouver ça? Étrangement pas la moindre pensée ne lui est passée par la tête, réalise-il, sûrement la fatigue conclut-il… Tant mieux , ça aurait été très compliqué pour lui dans cette situation sinon.


Quand ils arrivent, le champ résonne encore au son des instruments, et beaucoup dansent encore, mais il est évident que la fatigue a  fait son oeuvre. Les convives encore en train de danser sont bien moin nombreux et ceux assis le sont bien plus. Voilà Peter rassuré. Mais Joël arrive précipitamment vers eux. 


" - Heidi ! Je t'ai cherché partout, comme je ne te retrouvais pas, j'ai vraiment eu peur qu'il ne te soit arrivé quelque chose.


Peter bout, de quel droit il lui adresse encore la parole, et de quel droit il la tutoie ?!


- Mais je...  tente de répondre Heidi. Seulement, elle est aussitôt interrompue.

- Je te cherchais pour m'excuser. Je n'avais pas réalisé que c'était toi hier. L'autre jour quand je t'ai renversé, j'étais très pressé de retrouver ma cousine, je ne l'avais pas vu depuis un an. Mais ce n'est pas une excuse, je n'aurais pas dû te laisser comme ça, ce n'était vraiment pas correct de ma part."


Heidi est touchée par ces excuses, il n'est peut-être pas autant sans gêne qu'elle le pensait. Et c'est vrai que son excuse paraît très fiable, et puis il paraît  vraiment désolé. En plus il avait vraiment l'air inquiet quand il est arrivé vers elle et Peter à l'instant.


Sans même laisser le temps à Heidi de répondre, Peter l'attrape par le bras et l'éloigne du jeune homme.


- Mais quesqu'il t'arrive Peter ?!

- Tu ne voit donc pas qu'il n'y a pas un mot de vrai dans tout ce qu'il dit !!! Il se moque de toi, et toi tu cours.

- Tu est dur, il me paraît vraiment sincère.

- Parce qu'il joue bien la comédie, c'est tout.

- Mais pourquoi est ce que tu veux qu'il fasse ça, il n'a rien à y gagner ? Ce n'est pas logique!

- Pourquoi ? C'est bien ça qui m'inquiète."


...


Heidi et Peter n'étant pas motivés  ni l'un ni l'autre pour faire la fête, ils sont restés tous deux  assis très longtemps. Ils ont regardé les autres danser le regard dans le vide. Enfin la désinstallation commence, mais rares sont les convives disposés  à se fatiguer pour donner un coup de main aux mariés . 


" - Je vais les aider Heidi.

- D'accord, je t'attends."


À peine Peter s'était-il éloigné que Joël s'assoie à côté  de Heidi.


"- Heidi, je n'ai pas eu le temps de te dire le plus important tout à l'heure. J'ai passé quelques télégraphes hier soir, et il y a des intéressés pour tes romans.

- Pardon ? Je..

- Tu as bien entendu.

- Mais c'est merveilleux !!!

- Ça n'a pas été chose aisée, mais j'ai fait preuve de grande persuasion. Je possède de nombreuses connaissances en ville et j'ai su trouver les mots pour les convaincre, explique-t-il avec vantardise.

- Merci infiniment !!

Aussitôt elle part en courant vers Peter.

- Peter ! PETER !!!

- Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ?

- Mes romans ! Ils vont peut être enfin être publiés !! répond-elle au comble de la joie. 

- C'est vrai ?!? Ouaaa !!

- Mais oui c'est vrai ! Je suis tellement heureuse !!

- Comment c'est arrivé ?

- Joël a  passé quelques  télégraphe...

- Qui ?

- Joël, le cousin de Anna!

- Lui ?!

- Quoi ! Tu ne vas pas encore lui reprocher ça quand même !

- Non ; mais t'es sûre qu'il vas rien te demander en retour ?

- Mais non, c'est pour se faire pardonner.

- Humm ... j'espère. 


***


Deux jours se sont écoulés depuis le mariage. Heidi a pu partager plus de temps avec Anna, qui a décidé de rester quelques temps avant de repartir. La vie calme au village a vite repris son cours. La pluie arrivée il y a quelque temps a redonné vie à la localité, et même un lendemain de fête, tous s'activent pour rattraper le temps perdu durant la sécheresse. Et il faut fair vite, l'automne sera vite là , tous doivent être prêts avant qu'il n'arrive.


Ce matin là Joël est allé tôt acheter un bouquet au fleuriste du village voisin, et a entrepris de gravir la montagne en direction du chalet de Heidi et grand-père. C'est une froide et humide mâtinée, mais la brume qui effleure  les courbes de la montagne forme un spectacle magnifique. Il est encore tôt quand le jeune homme frappe à la porte. C'est Heidi qui répond.



"- Oui oui Peter, j'arrive.

Bonjour grand frère, quesque tu fais dej... Ah bonjour Joël, je ne pensais pas que c'était toi. Excuse moi, répond-elle un peu déçue. 

- Mais non, ce n'est rien. Voilà des fleurs pour la plus belle des fleurs.

- Heuuu merci, mais c'est pour quoi ? répond-elle en se demandant qui a bien pu inventer une phrase aussi ridicule. 

- Il n'y a pas besoin de raisons en particulier pour offrir des fleurs à une demoiselle, dit-il d'un ton charmeur.

Mais en réalité, je suis venu te parler de tes écrits.

- Ah oui ?!? Et alors tu as des nouvelles ?!!!?!

- Je suis vraiment désolé, mais la réponse sera plus longue que prévue à arriver.

- Oh zut. "

Heidi est déçue, elle espérait vraiment avoir une réponse positive rapide, et ce retard n'annonce vraiment rien de bon. Elle s'est surement encore fait de fausses joies. Mais attendons toujours, on ne sait jamais.


En réalité Joël a bien reçu des réponses, et elles sont toutes négatives. Les éditeurs ne veulent même pas avoir de copies des romans, le seul fait qu'ils ont été rédigés par une jeune fille habitant si loin de l'effervescence des villes est, d'après eux, une raison suffisante pour ne pas s'y intéresser. On ne peut écrire quelque chose de correct qu'en vivant au cœur de la foule et du mouvement.

Mais pour Joël, l'attente d'une réponse est un excellent moyen de continuer à se rapprocher insidieusement de cette si jolie jeune fille.


Peter arrive à ce moment-là, précédé de ses chèvres, et aperçoit Joël. Il le dévisage avec un regard si noir qu'il ferait peur à n'importe qui." C'est encore lui qui sera le plus dur à gérer, se dit Joël en s'éloignant pour ne pas avoir à faire à lui, il le faudra bien pourtant". Mais si il connaissait grand-père, il ne penserait pas ça...



" -Bonjour grand frère, comment tu vas ? Décidément vous êtes tous matinaux aujourd'hui.

- Humm , il est venu fair quoi là ton bourge blanc-bec ?

- Me dire que ya du retard pour les réponses de mes romans.

- Ah. Et le bouquet c'est pour quoi ?

- Juste comme ça il m'a dit.

- Hummm."

Il marmonne quelques mots incompréhensibles. Il n'aime pas du tout ça. Ce jeune bourge malpoli tourne bien trop autour de sa Heidi, et ce n'est sûrement pas pour rien. Il a sûrement une idée derrière la tête, et ça lui déplaît fortement.



***


Durant les semaines qui suivirent, Joël rendit de nombreuses visites à Heidi, et petit à petit, il a poursuivi ses projets de rapprochement. Il apporte chaques fois des nouvelles de l'avancement des publications de ces romans (fausses bien sûr), allant jusqu'à lui demander des copies, réclamées par de soit disant éditeurs.


Heidi doit bien s'avouer que toutes ces attentions à son égard la touche, et qu'elle y est de moins en moins indifférente. Il est tout de même resté au village rien que pour elle, pour lui donner le suivit des nouvelles de ses romans. Elle ne comprends pas pourquoi grand-père et Peter ne peuvent pas le supporter ni l'un ni l'autre, toujours avec leurs drôles d'idées qu'il a quelque chose en tête.


Aujourd'hui la journée est plus chaude qu'à l'accoutumée. L'été qui devrait bientôt disparaître semble s'accrocher et refuser de céder sa place à l'automne. Comme s’il  allait de paire avec la chaleur, Joël arrive au chalet dans ses vêtements du dimanche. Heidi étant dehors, elle l'aperçoit tout de suite .


" - Dis moi que tu as des bonnes nouvelles s'il te plait. Mais… quesque tu fait habillé comme ca ? 

- Aujourd'hui tu fais une pause , on ne parle pas roman. Tu vas finir par devenir folle si tu ne penses qu'à ça. Prépare-toi, je t'emmène boire un verre.

- Oh c'est tellement plus gentil de ta part. Mais tu veux  dire quoi par “prépare’toi” ?

- Change-toi, coiffe-toi, fais-toi belle tout simplement.

- Mais je n'ai pas d'autres vêtements, et je ne sais pas me coiffer autrement.

- J'imagine que tu ne sait pas non plus te maquiller alors?

- Je n'ai même pas de maquillage, ça ne sert à rien en montagne, et pour être honnête ça ne me tente pas du tout. 

- Bon je vois, ça ira comme ça, mais laisse-moi au moins te coiffer alors.

- Pardon ?! Mais pour faire quoi ?

 ...enfin si ça te fais plaisir pourquoi pas. "


Le jeune homme la fait asseoir sur une des deux chaises du chalet, et commence à lui démêler les cheveux.


" - Aie !! Tu fais mal !

 - Oh je suis désolé je vais faire plus attention. "


Il lui arrange soigneusement les cheveux avec une coiffure la plus élégante qu'il le peut. Une fois fini , Heidi se regarde dans le reflet de l'eau et se trouve complètement ridicule, mais tant pis, c'est exceptionnel ; si ça peut lui faire plaisir, elle lui doit bien ça.


En redescendant, la jeune fille se demande comment on peut être aussi malhabile et lent pour descendre, et se retient pour ne pas éclater de rire. Elle ne peut s'empêcher de le comparer à Peter, si à l’aise en montagne, le pied sûr.


Après une interminable et laborieuse descente, ils arrivent enfin à l'unique petit bar du village qui ressemble plus à un café, c'est un petit endroit chaleureux où aiment se rejoindre les habitants. À l'intérieur, il n'y a qu'un comptoir et deux tables en bois très rustique. Les mûres sont entièrement en pierres, et les quelques meubles sont composés de bois. Dans un angle on peut voir une cheminée à foyer ouvert qui renforce le côté chaleureux en hiver.

Dehors il y a plus de tables, c'est là que s'installent les jeunes gens.


"- Après vous mademoiselle, dit Joël en tirant la chaise de Heidi.

- Merci.

- Commande ce qui te fera plaisir.

- Et bin un verre de lait de chèvre frais alors.

- Tu ne préfère pas autre chose ? Enfin tant pis."


Joël passe commande, et pendant que l'unique serveuse arrive, il poursuit :


" - Heidi, je voulais te parler, c'est très important !

- Oui ? Répond-elle un peu surprise.

- Ça fait un petit moment qu'on se connaît maintenant et plus le temps passe, plus j'apprécie les moments passés à tes côtés. Je voulais donc te demander si mon affection est partagée, et si tu accepterais qu'on apprenne à mieux se connaître.

- Mieu se connaitre... tu veux dire... que...

- Pour s'installer ensemble dans la montagne si on continue à s'entendre aussi bien."


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