Une vie

Chapitre 9 : LA SEPARATION

9525 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/02/2024 17:26

CHAPITRE 9

LA SEPARATION

 

Notes de l'auteur: Suite à ce chapitre, beaucoup d'entre vous vont certainement me détester. Le titre parle pour moi. J’ai fait en sorte que la perle soit toujours l’objet de convoitises. Je rappelle également que j’avais écrit cette fic avant que la suite d’Inuyasha et la fin de Naraku soit enfin disponibles. Soyez cléments ! Mais dites néanmoins ce que vous en pensez.;-)

Le chapitre est assez long!


 

Rin était fière de se promener dans la même tenue que son maître. Elle craignait toutefois d’abîmer les somptueux vêtements qu’il lui avait offerts. Elle en prenait grand soin, et de son épée aussi. Depuis le début, elle avait eu raison sur la personnalité de Sesshoumaru. C’était un youkai taciturne et pas du tout démonstratif, certes, mais elle trouvait qu’il émanait de lui une générosité et une affection … froides. Il ne lui avait d’ailleurs pas souhaité son anniversaire par un grand discours mais le cadeau qu’elle avait reçu pour ses dix-sept ans parlait à sa place. Sesshoumaru était un youkai qui préférait agir.

 

Il lui avait pourtant semblé étrange que le hakama qu’elle portait fût définitivement masculin mais elle ne s’en formalisa pas. Au contraire, elle tourna même la situation en plaisanterie. Elle décida de relier ses cheveux en une queue de cheval placée haut sur la tête. Elle était sûre de tromper son entourage, malgré la forme rebondie de son armure au niveau de la poitrine. Avec ses dix-sept printemps, Rin trouvait toujours tout extraordinaire et amusant; elle avait conservé sa naïveté enfantine bien qu’elle manifestât beaucoup de maturité aussi. Les cris extatiques étaient moins nombreux mais énervaient toujours Jaken.

 

Ce dernier n’arrivait d’ailleurs toujours pas à comprendre la motivation de son maître dans l’achat de ce costume d’amazone et la fabrication du sabre. Ils avaient écumé pendant plusieurs jours les différentes boutiques des tisserands humains les plus réputés. Sesshoumaru, lui-même, avait osé franchir le pas des échoppes non sans provoquer évanouissements et cris de terreur. Le batracien se surprenait à penser, mais seulement penser que, pour que son seigneur se rabaisse à ce point, il éprouvait … de l’attachement pour cette vile créature. Pouah ! Dégoûtant ! Il savait néanmoins que le Taiyoukai ne commettrait pas la même erreur que son père.

 

Concernant Sesshoumaru, il trouvait l’humaine de plus en plus intrigante. Certes, il l’avait élevée comme son propre enfant ; il l’avait vue grandir et s’épanouir en une belle jeune femme. Il ne pouvait nier ce dernier point. Pourtant, elle n’avait pas fini de le surprendre, et tout récemment, en plus. Comment avait-elle pu s’emparer du katana qui lui avait été offert sans être victime de son youki ?

 

En donnant l’un de ses crocs à Totosaï, Sesshoumaru savait très bien ce qu’il faisait. Le vieillard l’avait justement regardé avec de grands yeux. Le youki contenu risquait sûrement de la tuer si elle n’arrivait pas à le maîtriser ; et encore, cette énergie se laisserait-elle seulement approcher ? Rin avait saisi le sabre comme s’il avait été de facture courante ; elle ne savait même pas ce qui se cachait derrière et n’avait probablement rien ressenti … à moins que le youki ne se soit pas manifesté et l’ait acceptée. Curieux, alors que lui-même éprouvait de l’aversion pour la race humaine !

 

Peut-être qu’à cause de son infime pourcentage de sang youkai n’avait-elle eu aucune difficulté ? Cela faisait pourtant quelques semaines qu’elle manipulait son arme. Mais pourquoi s’en faire ? Si le cadeau qu’il lui avait offert était plutôt empoisonné, elle s’en était très bien sortie. Il admirait sa bravoure mais déplorait secrètement son inconscience et sa naïveté. Ils avaient pourtant croisé et vaincu de nombreux ennemis mais elle demeurait toujours souriante et extrêmement confiante dans l’avenir. Sa foi en lui était inébranlable et pourtant, un jour …

 

La perle de Shikon faisait toujours des envieux. Kagome était une farouche protectrice, aidée en cela par ses amis de toujours et son hanyou d’époux. Personne, depuis la défaite de Naraku, n’avait réussi à s’en emparer ou même pensé à la voler. Ç’aurait été suicidaire connaissant la nature des défenseurs et celle de leurs armes. De plus, il fallait désormais joindre Shippo.

 

Malheureusement, tout ce déploiement de forces se révéla inefficace contre un bandit notoire, Tetsuo et sa bande organisée. Difficile de croire que son armée de pilleurs n’ait encore jamais été vaincue, pas même par un youkai qui aurait croisé leur chemin. C’était à se demander si le chef lui-même n’était pas un démon pour ne jamais avoir essuyé de défaite.

 

Mais l’équipe d’Inuyasha, au fil du temps, avait relâché sa garde, persuadée que les ennemis à venir ne seraient plus de la même étoffe que Naraku. Mal leur en prit. Alors que le hanyou était allé chez Totosaï pour entretenir Tessaïga, Tetsuo, comme s’il avait flairé le bon moment, fit irruption dans le village et réussit à déjouer la vigilance des gardiens. Il mit ainsi la main sur la perle. Juste à ce moment, Kagome survint dans le petit sanctuaire qui conservait le précieux bijou. Sango et Miroku la suivirent, accompagnés, malgré eux, de leurs jeunes enfants. Le bandit ricana et avala la perle. Aussitôt, il se métamorphosa sous leurs yeux : sa couleur de peau vira au bleu, ses pupilles devinrent écarlates sa taille devint un peu plus imposante et tout le personnage fut auréolé d’un youki puissant et cruel.

 

Sans laisser aux humains le temps de régir, il projeta une boule d’énergie qui pulvérisa le sanctuaire et envoya rouler à plusieurs mètres les prétendus défenseurs. Tout le monde fut secoué par la violence du choc. Tetsuo sortit de ce qui restait du petit temple et s’adressa à ses troupes qui s’étaient pendant ce temps-là disséminées un peu partout dans le village.

 

—   Mettez le village à sac ! Prenez tout ce dont vous avez envie et rassemblez la population au centre. Trouvez moi également l’épée nommée Tessaïga ; je sais qu’elle se trouve ici.

 

Enfer et damnation ! Cet homme venait d’acquérir une puissance incalculable grâce à la perle. Mais si en plus, il réussissait à s’emparer de l’épée … Il fallait à tout prix empêcher Inuyasha de revenir ou bien aller le prévenir. Mais avant toute chose, la population devait être épargnée. Toutes les forces présentes étaient nécessaires.

 

Kagome sortit des décombres, aussitôt suivie par ses amis. Mais en voulant récupérer son arc dans la petite demeure qui jouxtait le sanctuaire, Tetsuo lui barra le chemin. La prêtresse qui n’avait hélas pas d’autre arme était plutôt mal en point devant son ennemi ; Miroku aidait les villageois à opposer une résistance tandis que Sango en profita pour mettre sa progéniture à l’abri. Seul Shippo assistait la jeune femme ; mais ses illusions ou même son feu follet, qui avait pourtant atteint une taille considérable avec l’âge, ne furent d’aucun effet. S’il ne pouvait pas se débarrasser de Tetsuo, au moins devait-il protéger sa mère adoptive en l’absence d’Inuyasha. Mais il fut balayé par un revers de la main. La puissance de ce geste habituellement anodin, due à la perle, fut telle que le kitsune atterrit à une bonne dizaine de mètres de Kagome.

 

Légèrement sonné, il vit néanmoins accourir Sango armée de son hiraïkotsu ; Kirara était en charge des enfants. Mais Tetsuo avait de la suite dans les idées. Il souleva la miko par les cheveux et la plaça contre lui. Il dégaina son sabre et le plaça sous sa gorge. Shippo et Sango, horrifiés, comprirent qu’elle lui servait de bouclier mais aussi d’otage.

 

—   Si vous tenez à ce que votre prêtresse reste en vie, je vous conseille de ne pas opposer de résistance ; il y va également de la sécurité des habitants.

 

Il appela ensuite à lui l’un de ses hommes qui fut surpris, pour ne pas dire effrayé, par le nouvel aspect de son chef. Tetsuo lui murmura quelque chose à l’oreille. L’homme partit et au bout de quelques minutes, on n’entendit plus aucun bruit ; ni cri de la population ni armes qui s’entrechoquaient. Tetsuo s’adressa ensuite au youkai et à la taijijya.

 

—   Vous deux, avancez jusqu’au centre du village. Et pas un geste de travers ou je me ferai un plaisir de vous jeter sa tête comme ultime souvenir ! nargua-t-il en resserrant son étreinte.

 

Les deux interpellés maugréèrent mais durent obtempérer. Quand ils arrivèrent à l’endroit indiqué, quelle ne fut pas leur surprise de trouver parmi les habitants mis hors d’état de nuire le moine ainsi que Kirara. La population était encadrée par les bandits dont les armes étaient levées, prêts à massacrer les villageois au premier claquement de doigts. Mais tout le monde, autochtones comme intrus, regardèrent s’avancer le quatuor et firent quelques commentaires à la vue de Tetsuo.

 

—   Allez rejoindre vos amis.

 

Sango et Shippo s’exécutèrent, maudissant leur sort mais heureux que la population soit toujours en vie. Ils ne s’étaient jamais retrouvés dans une telle impasse. Ensuite, Tetsuo s’adressa à ses hommes qui se remettaient peu à peu du choc causé par sa nouvelle apparence.

 

—   Est-ce que vous avez trouvé l’épée ?

—   N … non, chef, fit le plus courageux. On a pourtant cherché partout.

—   Vous en êtes bien sûrs ?

—   Sûrs et certains ! On a même défoncé les planchers au cas où il y aurait une cachette.

—   Bien ! dit-il avec un sourire qui ne présageait rien de bon. Il n’y a plus qu’à faire parler la population. Et quoi de mieux que de tuer cinq personnes, au hasard, comme ça, pour commencer ?

—   Non ! cria Kagome. Ne faites pas ça : je sais où elle se trouve.

—   Vraiment, petite miko ? demanda-t-il en feignant la curiosité. Si tu me racontes des histoires, ce ne sont pas cinq personnes, mais tout le village qui va y passer !

—   Je vous dis la vérité. Gardez-moi comme otage mais libérez les autres et je vous mènerai à elle.

—   Tu sais que tu es une petite maline, mais c’est hors de question. Je t’emmène avec moi et laisse tes amis sous bonne garde; et je leur déconseille de tenter quoi que ce soit. Au moindre faux pas … COUIC ! L’un de mes hommes sonnera du cor pour m’avertir. Et si tu t’es fichue de moi, j’enverrai le même signal.

—   Kagome-sama ! cria Miroku.

—   Non, Miroku-sama, ça ira ! Je vous fais la promesse de revenir vivante.

—   Que tu crois ! déclara Tetsuo en enfourchant le cheval le plus gros et en plaçant Kagome devant lui.

 

Sur ce, il battit les flancs de l’animal et partit au triple galop dans la direction qu’elle lui indiqua.

 

Non loin de là, Inuyasha revenait d’un pas lent vers son village. Totosaï avait fait un excellent travail de restauration. Le vieux démon était vraiment très habile de ses mains, mais cela ne l’empêchait pas de parler. Le hanyou apprit ainsi ce que son frère avait offert à sa protégée.

 

—   Inuyasha-sama ? demanda Myouga, le vieux démon puce qui sautillait sur son épaule.

—   Quoi, vieillard ?

—   Vous ne croyez toujours pas que votre frère ait pu changer ?

—   Keh ! L’enfer se sera refroidit bien avant !

—   Pourtant, Rin est depuis plus de dix années maintenant à ses côtés. Et puis, vous l’avez entendu comme moi, Sesshoumaru-sama a fait cadeau de l’un de ses crocs à la jeune humaine. Ça veut bien dire …

—   La ferme ! aboya Inuyasha. Mon demi-frère est un ambitieux, un meurtrier, un … malade ! Il se fiche complètement de l’humaine ! Un jour ou l’autre, il finira bien par s’en débarrasser !

—   Mon jeune maître, fit Myouga dépité en croisant ses bras sur sa poitrine. Vous êtes aveugle pour dire des choses pareilles !

—   Keh ! Il me déteste alors que je suis un demi-démon mais du même sang que lui. Pourquoi s’attacherait-il à une humaine ?

—   Mais tout simplement parce qu’il est …

—   Tais-toi, Myouga ! Je sens l’odeur de Kagome qui se rapproche et j’entends le bruit d’un cheval au galop. Je lui ai pourtant bien recommandé de ne pas s’éloigner du village. Ce n’est pas normal ! Il doit y avoir quelque chose de grave !

 

Sans perdre une seconde, Inuyasha fila dans la direction des pas du cheval. Myouga se cramponna fermement, de ses quatre bras, au col de son maître. Il déboucha tellement rapidement sur le chemin que le cheval de Tetsuo se cabra devant l’apparition soudaine du hanyou. Mais Tetsuo ne se laissa pas désarçonner. Une fois la bête calmée, Inuyasha vit clairement que sa femme était la captive de l’hum…, du youk … Il ne pouvait définir, même à l’odeur, le monstre qui se trouvait devant lui.

 

—   Salaud ! Je te conseille de la libérer immédiatement si tu tiens à la vie ! menaça-t-il en dégainant Tessaïga qui changea immédiatement de forme.

—   Ahhh ! Alors c’est toi, Inuyasha, le hanyou qui possède cette formidable épée ? Je me demande d’ailleurs comment un être aussi bas que toi peut la porter !

—   Ferme-là ! hurla-t-il

 

L’arrogance des propos de son ennemi ne lui rappelait que trop les commentaires que son frère tenait sans arrêt.

 

—   Donne-moi alors ton épée si tu veux que je la libère, répondit-il calmement. Ah ! J’oubliais ! Ton village est également aux mains de mes hommes. Tu n’as pas trop le choix on dirait, termina-t-il en tendant la main.

 

Le hanyou grognait. Comment avaient-ils pu en arriver là ? Ils avaient vaincu Naraku sans être acculés et il se voyait obligé de donner son bien le plus précieux en échange de la vie de sa femme. Kagome ne parvenait même pas à se débattre tant l’emprise du bandit était forte. Elle put néanmoins parler.

 

—   Non, Inuyasha ! Il possède déjà la perle de Shikon qu’il a avalée. Si tu lui donnes l’épée, nous sommes tous perdus. Ne te soucie pas de moi !

—   QUOI ?! Il possède la perle ? Et Miroku et les autres ?

 

Kagome baissa les yeux, honteuse.

 

—   Ils sont dans l’incapacité de faire quoi que ce soit.

—   Fichu moine ! pesta-t-il.

 

Soudain, malgré la gravité de la situation, il eut une idée de génie. Il murmura à son serviteur :

 

—   Eh, Myouga ! Rends-toi utile pour une fois et va au village. Avec ta petite taille, personne ne te remarquera et tu en profiteras pour … Myouga ?

 

Les paroles d’Inuysaha avaient été prononcées dans le vide.

 

Satané démon ! Dès qu’un danger arrive, il trouve toujours le moyen de filer et de réapparaître une fois que la situation s’est calmée. A moins qu’il ne soit déjà parti pour le village …

 

Myouga avait bel et bien quitté l’épaule de son maître mais pour en rejoindre une autre tout aussi familière bien que beaucoup moins amicale et qui patrouillait par le plus grand des hasards non loin du village. Mettre le pied sur ce territoire aurait été considéré comme une agression et la lutte fratricide aurait repris. Sesshoumaru passait à proximité, accompagné de Rin, Jaken et Ah-Un. Le stoïque youkai s’arrêta après avoir entendu une voix familière.

 

—   Myouga ? fit-il en feignant la surprise.

 

Rin qui se trouvait à quelques pas de lui, demanda à voix basse à Jaken :

 

—   Jaken-sama ! A qui Sesshoumaru-sama s’adresse-t-il ?

—   Ah, soupira-t-il. Au serviteur de son demi-frère ; Myouga, le démon puce.

—   Puce ? Je pensais que tous les démons avaient au minimum la taille d’un humain !

—   Vous les humains, vous aurez toujours l’esprit aussi réduit, souffla-t-il, désespéré. Chaque clan inu youkai possède un ou plusieurs subalternes puces.

—   Ahh ! Sourit Rin. Mais on ne trouve pas seulement des puces chez les inu youkai. Chez les chiens « normaux », les puces ne sont pas des serviteurs mais des parasites.

—   Stupide humaine ! Myouga n’a jamais été un parasite ! Voilà ce que fait la supériorité des youkai sur les humains ! tempêta-t-il.

 

Rin ne répliqua pas, curieuse de savoir à quoi pouvait ressembler un tel démon mais également pour entendre le reste de la conversation dont elle avait raté le début.

 

—   Hors de question ! tonna une voix.

—   Mais … enfin … Sesshoumaru-sama ! La situation est grave ! Personne ne peut l’aider.

—   Et ses amis humains ?

—   Coincés.

—   Hmmpf, se moqua-t-il ! Toujours aussi incapable.

—   Comprenez, Sesshoumaru-sama ! Si Tessaïga tombe entre les mains du brigand … Naraku n’était qu’un débutant.

—   Pourquoi me soucierai-je de cette épée qui s'est à peine laissé saisir pour se débarrasser des démons de Sara-hime ? Je me fiche du sort de ces humains.

—   Mais enfin … ! Myouga utilisa le dernier argument capable de le faire changer d’avis. Rin est humaine.

—   Laisse Rin en dehors de ça ! tempêta-t-il en jetant un coup d’œil à sa protégée.

 

Rin déglutit en sentant que tout à coup elle était au centre de la conversation.

 

—   Très bien ! conclut le vieux démon, les territoires de l’Ouest seront donc détruits et la mémoire d’Inutaïsho …

—   Je t’interdis de mentionner le nom de mon père, coupa sèchement Sesshoumaru. Va t’en !

 

Le petit démon ne se le fit pas dire une seconde fois. Il quitta l’épaule de Sesshoumaru pour se réfugier sur … celle de Rin, quelques pas derrière.

 

—   Pfouhh ! souffla-t-il en s’épongeant le front.

—   Hein ?! s’exclama Rin qui venait de prendre conscience de la présence du minuscule individu.

—   Oh ! Bonjour, Rin-sama !

 

Rin ne put que bégayer. Jamais encore elle n’avait vu un démon tel que Myouga, enjoué, aimable et inoffensif.

 

—   B … bonjour, Myouga-sama !

—   Pas de particule honorifique avec moi, jeune maîtresse. Mes maîtres m’ont toujours appelé « oji-san ».

—   Maîtresse ? Je crois que vous vous trompez sur la nature de mon statut.

—   Bien au contraire ! Je sais que vous êtes …

—   Myouga ! coupa Sesshoumaru passablement irrité.

Le vieux démon craignant pour sa vie se retrancha davantage derrière la nuque de Rin.

 

—   Rends-toi utile et conduit Rin et les autres au village. Et n’en profite pas pour boire une goutte de son sang.

—   Hai, fit humblement la puce. Allons-y, jeune maîtresse.

 

Les trois personnes qui voyageaient toujours avec Sesshoumaru s’éloignèrent dans la direction que leur indiquait Myouga. Jaken pestait, une fois qu’il ne pouvait plus être entendu de Sesshoumaru, de devoir se retrouver parmi des humains et, qui plus est, de s’abaisser à leur prêter main forte et Ah-Un devait se faire traîner de force par une Rin qui avait la mort dans l’âme.

 

—   Ne vous en faites pas, Rin-sama ! Notre maître n’a voulu que votre bien en vous éloignant du danger. Je crois qu’il ne supporterait pas de perdre une femme telle que vous … malgré les apparences, confessa le démon.

—   Tais-toi donc, vieillard sénile ! cria le crapaud. Sesshoumaru-sama ne s’abaissera jamais à avoir de la compassion et encore moins de l’affection pour les humains.

—   Je sais ce que je dis ! répliqua immédiatement Myouga, froissé d’avoir été contredit. Je suis au service des inu youkai depuis des temps immémoriaux. Je connais mes deux maîtres depuis le berceau, et avant eux, leur père ainsi que le père de ce dernier !

—   Peut-être, mais c’est moi qui suis au service du Taiyoukai ! Toi, tu as trahi ton clan pour le hanyou !

 

Et la discussion entre les deux démons tourna vite au règlement de comptes. Chaque serviteur vantait les qualités de son maître et blâmait les défauts de l’autre. Cette situation, en temps normal, aurait amusé Rin, mais le cœur n’y était pas. Quelque chose la travaillait ; elle était tiraillée entre son devoir d’obéissance et celui de porter assistance à son mentor. Soudain, elle s’arrêta net. Ah-Un fit de même ; les deux belligérants cessèrent aussitôt leur joute verbale.

 

—   Que se passe-t-il, Rin ? interrogea le crapaud.

—   Qu’y a-t-il, Rin-sama ? fit Myouga en écho.

 

Elle ne répondit pas mais garda la tête baissée.

 

—   Allez, Rin, gronda Jaken, pas de caprices ! Nous sommes supposés aider les habitants. On pourra bientôt apercevoir le village. D’ici à ce que nous arrivions, Sesshoumaru-sama aura déjà …

—   Stupide crapaud, tu l’as vexée en disant que Sesshoumaru-sama méprisait les humains. Or, elle est humaine !

—   De quoi je me m…

—   Jaken ! Ah-Un ! Occupez-vous des villageois ! lança tout à coup Rin qui lâcha la bride du dragon et faussa compagnie à son entourage.

—   Eh ! Attends ! hurla Jaken. Tu dois obéir à Sesshoumaru-sama ! Où vas-tu ?

—   L’aider et obtenir quelques renseignements, cria-t-elle de loin en saluant le batracien.

 

Elle alla si vite qu’elle ne put entendre ce dernier vociférer. Elle s’enfonça à nouveau dans la forêt et prit de la hauteur, au sommet d’un arbre, pour scruter les environs.

 

—   Incroyable ! émit Myouga. Je pensais que les humains …

—   Je ne suis plus vraiment humaine, corrigea Rin. Myouga ji-san, dites-moi tout sur LUI puisque vous le connaissez si bien.

—   Eh bien … à vrai dire …

—   Vous avez menti, c’est ça ? tempêta-t-elle, prête à l’écraser du doigt.

—   Non ! Non ! Pas du tout ! Mais il a tellement changé depuis que vous l’accompagnez !

—   Vraiment ? fit-elle en se calmant.

—   Bien sûr.

—   Myouga jisan, faites vite ! Je n’ai pas beaucoup de temps si je veux l’aider. Comment était Sesseika-sama ?

—   Cela m’étonne un peu que vous connaissiez son nom.

—   Sesshoumaru-sama ne me l’a jamais dit.

—   Ahhh ! Je comprends. Vous êtes vraiment remarqu …

—   Myouga ! rappela-t-elle à l’ordre.

—   Bien, bien ! Sesseika-sama était une femelle inu youkai d’une grande beauté et d’une grande intelligence. Elle était également redoutable dans le maniement des armes: Sesshoumaru-sama est d’ailleurs son portrait vivant. Tous les Tai youkai la courtisaient…

—   Mais elle préféra Inutaïsho à Masahiro.

—   Eh ?

—   Non, rien, rien. Est-ce qu’elle détestait les humains ?

—   Pas du tout! C’est à se demander d’où notre jeune maître a hérité de ce défaut. Bref, le couple royal eut bientôt la joie d’attendre un héritier mais …

—   Sesseika-sama mourut en couches.

—   Pourquoi me poser des questions si vous détenez les réponses ? pesta Myouga qui sautillait frénétiquement.

—   Excusez-moi mais pourquoi ne l’a-t-il pas ressuscitée avec Tenseiga ? Il ne l’aimait donc pas ?

—   Il ne possédait pas cette magnifique épée à l’époque. S’il avait pu …

—   …

—   Il demeura inconsolable quand il perdit son épouse. Il la pleura pendant plus de vingt ans.

—   Vingt ans ? gloussa-t-elle, surprise.

—   Les décennies s’écoulèrent. J’ai vu grandir le jeune maître. Nous avions tous l’impression de nous retrouver en présence de feu sa mère. Il a été élevé par des nourrices mais son père prit le relais dès qu’il le put. Il aimait énormément son fils, bien que ce dernier fût de nature taciturne. Mais plus les années passèrent et plus Inutaïsho devint distant : la surveillance des territoires de l’Ouest et …

—   Izayoi-sama.

—   Oui, fit-il lassé par autant d’interruptions. Il tomba amoureux de la belle princesse humaine mais, pour ne plus avoir à subir de perte irréparable, il prit cette fois les devants et fit forger les deux épées. Malheureusement, sa fin fut tragique : il perdit la vie en voulant sauver sa seconde épouse et son fils nouveau-né.

 

Myouga essuya une larme et se moucha bruyamment.

 

—   Je vois. Je comprends mieux à présent. Vous aviez l’air de beaucoup apprécier votre maître.

—   Ahhh ! soupira-t-il plein de nostalgie. Si seulement vous l’aviez connu … Je suis sûr qu’il vous aurait appréciée, non, mieux, adorée. Depuis que vous êtes en sa compagnie, Sesshoumaru-sama se comporte moins égoïstement.

 

Soudain, un épais nuage de fumée se forma au-dessus de la forêt, accompagné d’un bruit sourd. De son observatoire, Rin put localiser le combat.

 

—   Allons-y ! fit-elle enjouée. Et … merci pour les renseignements !

 

Sa gratitude ne trouva pas d’écho, Myouga avait préféré quitter les lieux avant que la situation ne se gatte.

 

Bien qu’il n’eût pas clairement mentionné ses intentions, Sesshoumaru s’était rendu à contre cœur auprès de son « cher » frère pour l’aider à vaincre leur nouvel ennemi. En réalité, il voulait surtout empêcher les territoires d’être mis à sac, peu importait le sort de son frère. Il arriva malheureusement trop tard car le hanyou avait cédé l’épée à Tetsuo afin de pouvoir récupérer sa femme.

 

—   Vous êtes tous les deux des incapables ! railla-t-il. Vous vous faites berner par de misérables humains. La miko est inefficace pour garder la perle et toi, tu ne trouves rien de mieux à faire que de donner l’épée en échange de sa vie.

—   Je n’avais pas le choix ! Le village aussi était menacé.

—   Tu avais le choix, répliqua –t-il froidement. Mais tu as cédé à tes sentiments pour cette humaine.

—   La ferme ! Si tu avais été dans le même cas que moi, tu n’aurais pas agi différemment.

—   Jamais je ne me retrouverai dans cette position parce que je n’ai pas tes faiblesses.

 

Tetsuo regardait d’un œil amusé les deux frères en train de se quereller. S’ils n’étaient pas capables de faire alliance, la victoire serait facilement acquise. Ce qui fut presque le cas. Inuyasha et Kagome gisaient à terre. Le hanyou était gravement blessé après avoir protégé de son corps, Kagome, inconsciente. Le coup porté par Tessaïga avait été violent ; la terre en avait tremblé et s’était soulevée en un nuage de poussière. Ne restait plus que Sesshoumaru en lice.

 

Comme d’habitude, ce serait à lui qu’incomberait la lourde et pénible tâche de réparer les bêtises et inconsciences de son frère. Armé de Tokijin, protégé par Tenseiga, il était sûr d’infliger quelques sévères dommages au brigand à défaut d’en venir complètement à bout. Naraku était vaincu ; ce n’était certainement pas un humain doté temporairement de pouvoirs phénoménaux qui allait l’empêcher de réaliser ses ambitions. De plus, bien que Tetsuo possédât Tessaïga, il ne connaissait pas du tout le pouvoir qu’elle contenait réellement et, par conséquent, ne pouvait pas déclencher une attaque encore plus puissante et encore moins la maîtriser. Autrement dit, le danger n’était toujours pas aussi grand que Myouga l’avait laissé entendre. Il se maudissait néanmoins d’être intervenu pour secourir son semblable. Correction ! Les territoires comptaient davantage. Même si Inuyasha était blessé, il pourrait faire face à cette situation, tout seul.

 

Seulement, la vue de son frère ensanglanté tenant fermement Kagome dans ses bras le troubla. Il méprisait cet écoeurant spectacle mais ce n’était pas cela qui le gênait. Plutôt un infime détail. La petite main de Kagome, tout juste visible sous la large manche du kimono de son mari et s’agrippant désespérément au tissu, lui rappela d’autres souvenirs. Pas ceux de son père en train de se vautrer avec sa dernière compagne humaine. Non. Le temps d’un battement de cil, il fut replongé quelques années en arrière.

 

Il revoyait Rin, le soir, se pelotonner contre sa fourrure duveteuse et chaude ; puis Rin serrant la manche gauche de son haori à l’époque où son bras n’avait pas encore repoussé ; Rin trouvant refuge derrière lui lorsqu’elle tomba nez à nez avec les sbires de Kouga et leur meute de loups ; Rin courant le rejoindre après avoir été délivrée des moines.

 

Non ! Il ne voulait pas comprendre ce que son frère éprouvait pour cette humaine et encore moins ce que son père avait pu ressentir. Preuve était faite que cette émotion que d’aucuns appellent amour était bien une faiblesse. Son père y avait laissé la vie et Inuyasha ne tarderait pas à le suivre. Non ! Il était au-dessus de tout ; personne n’avait encore réussi à le vaincre. Il n’éprouvait rien pour Rin, absolument rien.

 

—   Kazeno kizu ! incanta Tetsuo.

—   Quoi ?

 

Il était tellement absorbé dans ses considérations qu’il n’eut même pas le temps de parer l’attaque. Inexcusable ! Il fut projeté violemment, quelques bonne dizaines de mètres plus loin, par le souffle engendré par l’épée. Il se retrouva épinglé contre un arbre assez massif. Tout autour de lui, la végétation avait été rasée et lui-même ne dut son salut qu’à l’épée qu’il considérait toujours comme inutile.

 

Malédiction ! Comment avait-il pu être aussi inattentif et comment se faisait-il que l’humain connût cette botte secrète ? Il voulut répliquer en s’emparant de Tokijin mais il ne put bouger un seul muscle ; il n’était pourtant pas blessé ! La réponse à son interrogation lui fut instantanément délivrée par Tetsuo lui-même.

 

—   J’ai préféré prendre les devants et m’assurer que tu ne puisses plus bouger. Grâce à la perle de Shikon, je peux faire de toi ce qu’il me plaît. Tu n’es qu’un pantin entre mes mains, Sesshoumaru !

—   Maudit sois-tu ! grogna le démon.

—   Mais pour que mon plaisir soit complet, je préfère te voir souffrir lentement et ce n’est pas Tenseïga qui me le permettra. Tu m’excuseras donc, mais je la prends elle aussi.

 

Tetsuo s’approcha du youkai réduit à l’impuissance, Sesshoumaru montra les crocs en le voyant mettre la main sur l’épée de son père. Son youki voulut se libérer afin de lui permettre d’intégrer sa véritable forme. Ses yeux devinrent rouges, ses crocs plus longs, mais comme si son énergie avait été contenue, voire écrasée par de puissantes mains, il ne put se transformer. La situation commençait à devenir grave mais il se garda bien de se sentir en position d’infériorité.

 

Et Rin ? Qu’allait-elle … ? NON ! Il ne devait pas penser à elle ! Elle s’en sortirait très … Son nez et ses oreilles détectèrent une présence. Quand on parle du loup … Mais que faisait-elle ici ? Ne l’avait-il pas envoyée au village ? Et seule en plus ! Ni Jaken ni Ah-Un ne l’accompagnaient. Elle lui avait désobéi ?! Pour la première fois depuis dix ans, Rin ne s’était pas pliée à sa volonté ! Elle allait voir ce qu’il en coûte.

 

La jeune femme s’approchait de plus en plus et était bientôt en mesure de le voir lui et Tetsuo. Que fallait-il faire ? Lui crier de s’en aller et la voir pourchassée par le bandit ou bien se taire en espérant qu’elle ne serve pas de cible ? Avant qu’elle ne franchisse un dernier rempart d’épais buissons, Tetsuo entendit le youkai articuler placidement :

 

—   Rin, va t’en.

 

Mais trop tard. Elle était apparue sur la scène du combat. Rin regarda son maître, surprise de la position dans laquelle il se trouvait mais le fut plus quand ses yeux se portèrent sur l’inconnu. Il tenait l’épée de son oncle d’une main et celle de son tuteur de l’autre. Ce n’était pas normal et pas bon signe du tout.

 

—   Qui es-tu ? demanda Tetsuo.

 

Pour toute réponse, Rin dégaina son épée, se posta d’un bond loin de Sesshoumaru pour lui éviter un mauvais coup et se mit en position d’attaque.

 

—   Rin, je suppose ? sourit malicieusement le monstre. Comme l’a dit Sesshoumaru, tu devrais fuir.

—   Rin, marmonna le youkai, pour la dernière fois… dit-il en appuyant sur chaque syllabe, le regard sombre.

—   Je crois, poursuivit calmement Tetsuo, que tu ne lui seras pas d’un grand secours. Il est incapable de bouger.

—   Parce que vous combattez de façon déloyale ! répliqua Rin. Je ne sais pas quelle ruse vous avez employée mais sachez qu’une fois libéré, il va vous faire passer un sale qu’art d’heure. Et moi, je vais tout de suite vous donnez un avant-goût de ce qui vous attend. Il faut impérativement que je m’approche des épées et que je les récupère.

 

Elle se précipita sur Tetsuo et l’attaqua de toutes ses forces en parant admirablement ses assauts. Sesshoumaru les regardait faire et se demandait pourquoi le brigand n’utilisait pas le Kazeno kizu pour se débarrasser plus sûrement et rapidement de Rin.

 

—   Tu te débouilles plutôt bien pour une femme ! siffla-t-il admiratif.

—   Trop aimable ! J’ai un très bon maître !

 

Mais le ton de Tetsuo changea radicalement.

 

—   Fini de jouer ! Tu ne m’amuses plus !

 

Et d’un revers de la main, il la projeta comme un insecte à côté de Sesshoumaru. Elle fut instantanément immobilisée.

 

—   Zut ! jura la jeune femme.

—   Rin ! reprit Sesshoumaru.

—   Pardon, Sesshoumaru-sama.

—   Je t’avais pourtant dit de partir ! Si tu ne m’avais pas désobéi …

 

Rin, malgré sa position et le profond respect qu’elle éprouvait pour le youkai eut un éclat de voix. Sesshoumaru lui-même fut étonné par son attitude.

 

—   JAMAIS, Sesshoumaru-sama ! hurla-t-elle de désespoir. Jamais je ne vous abandonnerai, vous entendez ! Je vous dois la vie et vous suis redevable. Je vous suivrai même dans la tombe !

—   Silence ! cria Sesshoumaru qui ne put tolérer davantage autant d’insubordination.

—   Ohhh ! Comme c’est mignon ! Des aveux juste avant de mourir. Si j’avais le temps et le cœur, je crois que j’en pleurerais, fit Tetsuo faussement attendri.

 

Il se planta devant Rin qui respirait frénétiquement.

 

—   Moi qui croyais que les femelles démons étaient des laiderons … je suis ravi de voir que je me suis trompé, dit-il en prenant la main de la jeune femme.

 

Sesshoumaru sentit la colère monter en lui. Il pouvait sans difficulté deviner les pensées de Tetsuo par l’odeur particulière que celui-ci dégageait ; celle de l’excitation. Mais s’il le menaçait, il soupçonnerait quelque chose et prendrait encore plus de plaisir à faire souffrir sa protégée … et lui-même. Le bandit se montra plus hardi et caressa la joue de la jeune femme du bout du doigt, dégageant au passage quelques mèches de cheveux.

 

—   Je vous interdis de me toucher ! menaça-t-elle.

—   Mais tu ne m’interdiras rien du tout, susurra Tetsuo. Tu seras bientôt à moi.

—   Je ne vous appartiens pas ! poursuivit-elle sur le même ton.

—   Ni à Sesshoumaru d'ailleurs, ce qui me permet de te traiter à ma guise.

 

Son visage s’approcha de celui de Rin très lentement. Sesshoumaru ne pouvait qu’endurer ce spectacle. Il était devenu furieux. Ses yeux virèrent à nouveau à l’écarlate, il grinça des dents et se mordit la lèvre inférieure pour contenir sa colère ; un léger filet de sang coula. Il était le tuteur de Rin ; il devait la protéger contre toutes les agressions. Si elle devait mourir, ce ne serait certainement pas souillée et il n’était pas dit qu’il n’aurait rien tenté pour empêcher cela. Jamais personne ne poserait la main sur elle SANS son consentement !

 

Mais Rin, elle aussi, voulait défendre son honneur. Si elle était dans l’incapacité de bouger, au moins pouvait-elle gagner du temps dans l’espoir qu’il n’abuse pas d’elle … sous les yeux de Sesshoumaru, et surtout, pour que son oncle reprenne ses esprits et vienne leur porter secours. Dans un dernier sursaut de rébellion, elle lui cracha à la figure alors qu’il n’était plus qu’à quelques centimètres de ses lèvres.

 

—   Espèce de chienne ! proféra-t-il pour la gifler violemment aussitôt.

—   Jamais, déclara Rin d’une vois grave et assurée, vous ne pourrez. Mais si par le plus grand des hasards vous y parveniez, je jure de vous faire payer au centuple ce que vous m’aurez fait subir. Je vous ferai endurer mille morts et vous me supplierez à genoux pour que j’abrège votre calvaire.

 

Sesshoumaru sentit un changement dans le ton de Rin. Jamais encore elle n’avait menacé ses ennemis de la sorte, jamais elle n’avait semblé tellement cruelle dans ses paroles. Mais l’honneur de la jeune femme était en jeu et il était normal qu’elle réagisse aussi … instinctivement. Le goût du sang, la soif de vengeance ! Et lui, Sesshoumaru, se jurait de le ressusciter à chaque fois, grâce à Tenseïga, pour infliger encore et encore ses tortures jusqu’à la lassitude, s’il se désintéressait un jour de lui et s’il parvenait à oublier ce que le brigand avait commis.

 

Mais au moment où Tetsuo prit Rin par le col de son kimono, une voix résonna au loin :

 

—   Salaud ! Tu vas payer !

 

Tetsuo détourna la tête de sa principale cible pour voir au loin un hanyou portant une miko ; une flèche purificatrice fondait droit sur lui. Cette dernière l’atteignit au bras coupable d’une potentielle action déshonorante. Tetsuo lâcha Rin et s’écroula sur ses genoux dans un râle. Toute sa concentration se fixa momentanément sur la flèche. Rin et Sesshoumaru tombèrent de leur arbre.

 

Dans un réflexe inouï, bien qu’elle fût sous le choc d’une agression, Rin réussit à délester Tetsuo de ses deux épées. D’un bond, elle s’éloigna le plus loin possible de lui. Sesshoumaru fit de même mais dans la direction opposée. Tetsuo n’avait plus les deux formidables épées jumelles en sa possession et pesta.

 

—   Maudite ! marmonna-t-il en essayant de retirer la flèche.

 

Sans plus attendre, Rin, qui craignait à nouveau d’être immobilisée, lança à Sesshoumaru la précieuse Tenseïga et, comme si elle projetait un javelot, restitua l’autre épée à son oncle qui arrivait, sa femme ensanglantée sur le dos. Tetsuo était maintenant cerné par quatre combattants mais il était encore loin de s’avouer vaincu.

 

—   Vous ne pouvez toujours rien contre moi, même à plusieurs ! nargua-t-il. Je vous rappelle que votre village et ses habitants sont toujours sous la menace, dit-il en faisant jouer ses doigts sur le cor.

 

Il porta l’objet à sa bouche, sûr de sa victoire, mais Sesshoumaru l’empêcha d’avertir ses troupes en invoquant le youki de Tokijin par le biais du souryuha. Tetsuo n’eut pas le temps d’esquiver. Il reçut l’attaque de plein fouet mais demeurait toujours vivant grâce à la perle. Il réussit enfin à se débarrasser de la flèche.

 

—   Je suis indestructible ! Toutes vos armes ne me feront pas plus d’effet que le frottement d’aile d’un oiseau.

—   C’est ce qu’on va voir ! protesta Rin qui se rua sur lui.

 

Mais Sesshoumaru vint s’interposer entre les deux belligérants.

 

—   Va t’en, Rin. Ce combat ne te regarde en rien, lui dit-il, le dos tourné.

—   Mais Sesshoumaru-sama, si on est à plusieurs …

—   Rin ! Oserais-tu t’opposer à ma volonté ?

 

Alors que Rin et Sesshoumaru semblaient tenir ce qui s’apparentait à une altercation, Tetsuo profita de la confusion qui régnait pour s’emparer à nouveau du cor. Inuyasha et Kagome joignirent cette fois leurs forces. C’était l’ultime occasion pour frapper et terrasser l’humain malfaisant. Une autre flèche fut tirée en même temps qu’Inuyasha projetait le gokuryuha. Tetsuo était droit dans la ligne de mire. Il ne pouvait pas le manquer … ni Sesshoumaru et Rin d’ailleurs.

 

—   Mais bon sang ! Eloignez-vous ! cria Inuyasha. Sesshoumaru, qu’est-ce que tu attends ?

 

Sesshoumaru vit le tourbillon entourant l’aura mauve de la flèche. Il se précipita en direction de Rin, la saisit par le poignet et la projeta le plus loin possible, assez cavalièrement pour lui permettre de lui éviter l’attaque mais cela ne suffit pas. Le youkai bénéficiait de la protection de Tenseïga mais Rin subit encore une partie de l’attaque et fut littéralement soufflée au-dessus des arbres. Mais Tetsuo, lui, fut bel et bien éradiqué. Rin qui n’avait plus aucune notion de l’espace ne put se réceptionner correctement et atterrit lourdement sur le dos, engendrant un énorme nuage de terre et de poussière.

 

La sensation fut extrêmement désagréable. Elle avait l’impression qu’un rocher lui pesait sur la poitrine ce qui rendait sa respiration pénible et difficile. Il semblait même que son corps était coupé en deux et que la partie inférieure ne lui répondait plus. Elle se retrouva à moitié enfoncée dans le sol. Elle prit quelques secondes avant d’essayer de faire un mouvement. Ses capacités cérébrales, elles, fonctionnaient correctement.

 

—   Ouille, ouille, ouille ! Tu parles d’un choc. Je suis toujours vivante, seulement, est-ce que je suis encore en un seul morceau ?

 

Ceci dit, elle préféra, pour commencer en douceur et éviter un choc, bouger ses doigts, ses mains. Aucun problème ; elle pouvait même sentir le pommeau de son épée qu’elle avait gardé pendant le vol plané. Les bras, idem. Elle pouvait également mouvoir l’extrémité de ses orteils ainsi que ses jambes. Finalement, elle s’en était plutôt bien sortie. Quand elle se redressa doucement sur ses avant-bras, elle ne put pas en dire autant de son kimono ; il était déchiré à bien des endroits. Elle fit la moue en constatant le piteux spectacle. L’armure avait subi le choc frontalement mais l’épée était intacte.

 

Tetsuo, quant à lui, ne pouvait plus témoigner. Elle l’avait vu se désintégrer avant que l’attaque ne l’atteigne et ne la souffle. Tout était bien qui finissait bien. Il ne restait plus qu’à rejoindre Sesshoumaru et à … affronter sa colère.

 

Au moment où elle se redressa complètement, un grognement sourd se fit entendre. L’épée à la main, elle fit face au grondement menaçant, légèrement courbaturée, mais vaillante. Un éclair blanc surgit des arbres et vint la plaquer à nouveau au sol, dans la position qu’elle venait à peine de quitter avec lenteur. Sesshoumaru se retrouva au-dessus d’elle.

 

Ses crocs étaient visibles, ses yeux écarlates et il grognait. Il menaçait à tout moment de se transformer. Est-ce qu'un ennemi était dans les environs? Mais la personne qu’il fixait de ce regard de prédateur, c’était elle ! Elle pouvait sentir ses griffes s’enfoncer un peu plus dans ses épaules. C’était la première fois qu’il la regardait ainsi. Jamais elle n’avait senti son agressivité aussi palpable. Une boule se forma dans sa gorge ; pour la première fois de sa vie, Rin eut peur de Sesshoumaru. Qu’allait-il lui faire ? La sentence tomba.

 

—   Tu mérites la mort, dit-il calmement malgré le souffle qui traduisait sa rage. Tu m’as désobéi délibérément.

 

Qu’avait-il dit ? La mort ?! Il voulait la tuer ?! Rin ouvrit de grands yeux et le regard affectueux et admiratif qu’elle avait toujours porté à son protecteur se mut en une indicible terreur. Rin perdit, l’espace d’un instant, la confiance qu’elle avait eu en lui. Les tremblements de son corps, l’accélération de sa respiration, sa déglutition difficile et bruyante traduisirent ce changement de point de vue. Elle tressaillit lorsqu’elle l’entendit prononcer cette terrible phrase. Ce n’était plus son seigneur qu’elle avait en face ou plutôt au-dessus d’elle. Elle ne le reconnaissait plus. Le souffle chaud qui sortait de ses narines lui faisait penser à une bête fauve. Et cette fois, ce n’était pas une épreuve qu’il lui faisait passer !

 

Malgré la gravité de la situation et le caractère borné du youkai, elle tenta de se disculper et de faire voir le bon côté de l’histoire. Entre deux hoquets de frayeur, elle articula faiblement :

 

—   Je … je sais que je vous … ai désobéi, mais regardez … on est tous sains et saufs !

 

Mais au lieu de calmer Sesshoumaru, cette phrase ne fit que l’énerver davantage.

 

—   Silence ! tonna-t-il. Jamais tu n’aurais dû intervenir ! Tu vas goûter à ma colère.

 

Il lui parlait comme si elle était son ennemie ! Il n’avait plus aucune considération pour elle et il allait s’en débarrasser une bonne fois pour toute. Elle sentit venir sa fin. Mon dieu ! Comme elle aurait aimé que sa vie se termine différemment. Elle s’était imaginé passer le reste de ses jours, grisonnante, avec lui, toujours sous sa protection. Au lieu de cela, elle allait mourir jeune de la propre main de celui qui l’avait ramenée à la vie il y a quelques années. Non, vraiment ! C’était trop bête ! Mais tout aussi têtue de nature, elle voulut avoir une explication avant de partir et osa le regarder dans les yeux, ces yeux écarlates dans lesquels elle cherchait désespérément la douceur de l’ambre.

 

—   Pourquoi m’en voulez-vous à ce point ?

 

Il répliqua aussitôt, ne supportant pas l’audace et l’impertinence.

 

—   Moi, Sesshoumaru, n’ai pas à me justifier devant qui que ce soit et surtout pas devant un humain.

—   Sesshoumaru-sama ! Je vous en prie ! Si j’ai pu vous offenser, je suis prête à accepter la sanction. Mais je vous jure que j’ai uniquement agi pour votre bien, sanglota-t-elle, consciente que les larmes n’allaient pas du tout l’affecter. Mais ses nerfs lâchaient.

—   PARDON ? grogna-t-il. Tu crois que c’est un prétexte suffisant pour que je t’épargne ? Sesshoumaru n’a pas besoin qu’on s’occupe de lui. Tu crois peut-être, misérable humaine, que tu m’es d’une aide quelconque !

 

Ne pouvant plus garder son calme plus longtemps, il la mordit violemment au cou, sous la jugulaire. Rin hurla à pleins poumons lorsque les crocs pénétrèrent sa chair et déversa des torrents de larmes. Mais Sesshoumaru ne se retira pas, buvant le sang qui s’écoulait assez rapidement. Rin se replongea quelques années en arrière. Les loups. Elle ne réagissait plus, comme si son esprit avait quitté son corps. Mais son cœur battait à tout rompre. Elle allait bientôt passer de vie à trépas s’il continuait à se délecter du précieux liquide.

 

Ses pensées s’entrechoquaient ; elle ne pouvait plus raisonner rationnellement. Elle se souvenait de ce que lui avaient raconté les humains sur les démons et faisait la comparaison avec sa propre existence. Non ! Ils ne pouvaient pas avoir raison ! Tous les démons n’étaient pas des monstres ! Ils n’étaient pas tous cruels ! Pas Sesshoumaru ! Il était bon et généreux et elle l’admirait. L’admirait ? Seulement ? Non, il devait savoir. Dans un dernier effort, elle haussa la voix :

 

—   Sesshoumaru-sama ! Si j’ai fait cela c’est parce que je …

 

Les mots ne lui vinrent pas malgré l’énergie qu’elle y avait mis. Elle sentait toujours les crocs dans sa gorge mais elle inspira un bon coup :

 

—   Parce que je … JE N’AURAIS PAS SUPPORTE DE VOUS PERDRE !

 

Silence. Plus rien ne bougeait. Seules leurs respirations saccadées étaient audibles et la voix de Rin s’était perdue dans l’immensité de la plaine. Sesshoumaru finit par se retirer lentement. Quand elle le considéra entièrement, elle vit un filet de sang s’échapper du coin de ses lèvres, rougies elles aussi. Ses yeux n’avaient pourtant pas repris leur couleur initiale mais il semblait un peu plus calme. Elle, en revanche, était pétrifiée. Elle vit la main du youkai se saisir du col de son kimono et la soulever. Il la projeta violemment sur le côté et elle se retrouva à plat ventre. Elle était trop choquée pour bouger mais elle le regardait toujours. Sesshoumaru avait baissé la tête et fermé les yeux. D’une voix monocorde et sombre, il déclara :

 

—   Va t’en ! Je ne veux plus jamais te voir et surtout ne t’avise plus de réapparaître devant moi si tu tiens à ta misérable vie.

 

Rin, mue par l’instinct de survie, se releva promptement et s’éloigna en chancelant, sans demander son reste. Ce furent les dernières paroles qu’elle entendit accompagnées … d’un hurlement de bête fauve !

 

Sesshoumaru se redressa et rouvrit les yeux ; ils avaient retrouvé leur couleur ambrée. Il regarda en direction du ciel et huma l’air ; son frère n’était pas loin et devait avoir entendu la scène à défaut d’en avoir été le témoin visuel, d’où son absence d’intervention.

 

Inuyasha avait effectivement perçu le drame qui s’était produit à plusieurs dizaines de mètres de là. Mais son devoir était avant tout de s’occuper de sa femme et de vérifier que la perle était bien retournée entre les mains de sa légitime propriétaire. Une petite voix lui parvint ; c’était celle du démon puce.

 

—   Inuyasha-sama ! Nous avons réussi !

—   Nous ? interrogea le hanyou.

—   Je veux dire que nous sommes tous sains et saufs !

—   Evidemment, fit-il lassé, tu ne t’es pas beaucoup exposé !

—   Disons que … j’ai apporté le maximum d’aide en la personne de votre frère, corrigea-t-il.

 

Mais Inuysha explosa :

 

—   Ne me parle plus jamais de ce bâtard ! Tu as entendu ce qui vient de se passer ? Si jamais je le croise …

 

Le vieux démon baissa humblement la tête. Inuyasha se calma et remit sur le tapis la conversation qu’ils avaient avortée en raison du combat.

 

—   Alors, Myouga ? Qui avait raison ?


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