Une vie

Chapitre 15 : UN IRREPRESSIBLE BESOIN DE ...

10979 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/03/2024 12:28

CHAPITRE 15

UN IRREPRESSIBLE BESOIN DE ...


 

—   Ton dîner, Rin-chan, annonça la voix d'Aiku.


Sans laisser à la jeune fille le temps de réagir ou de lui dire quelque chose, le prince entra dans sa chambre avec un énorme plateau sur les mains. Il fit ensuite glisser le panneau derrière lui. La seule personne qui l'accueillit avec une joie difficilement contenue était Tai-chan. Ce dernier tournait frénétiquement autour des pieds du youkai si bien qu'il devait marcher lentement pour ne pas écraser la petite boule de poils surexcitée et ne pas risquer de s'étaler de tout son long avec la nourriture.

Rin sourit faiblement en voyant Aiku essayer d'éviter de piétiner son compagnon et ainsi perdre grâce et élégance dans sa démarche royale. Aiku s'en aperçut mais n'en prit pas ombrage ; un peu d'autodérision ne faisait pas de mal et ce n'était pas ce simple laisser-aller dans ses manières qui allait discréditer sa position. Son père pouvait faire pire et il était toujours sur le trône !

 

Il réussit enfin à approcher la jeune femme et s'agenouilla devant elle. Tai-chan se posa sur son arrière train, ... tout à côté du plateau. Oui, une fidélité à toute épreuve devant la nourriture ! Rin tenta de se relever pour avoir une position un peu plus correcte. Manger couchée ou semi-allongée n'était pas très agréable pour faire glisser aliments. Aiku se pencha pour l'aider. Il la prit derrière les épaules de telle sorte que la tête de la jeune fille vint se nicher contre sa poitrine. Quand il se retira, il put observer ses joues légèrement rosies. Ce n'était pas un reliquat de la fièvre, il en était sûr.

Quand Rin voulut s'emparer des baguettes, le prince la devança. Elle le regarda, curieuse. Comment voulait-il qu'elle mange ? Ce n'était pas de la soupe qu'on lui avait apporté cette fois !

—   Rin-chan, s'excusa promptement Aiku, verrais-tu un inconvénient à ce que ... ce que ...


Cette fois, c'était le youkai qui rougissait. Il inspira puis se jeta dans son aveu :

—   Est-ce que cela te dérangerait profondément si je portais la nourriture à ta bouche ? Tu es encore bien faible, se justifia-t-il.


Rin en fut estomaquée. Elle allait recevoir la becquée comme un nouveau-né ou une personne handicapée ?! Et de la part d'un youkai, en plus ! Elle qui avait toujours l'habitude de chercher sa propre nourriture, de la nettoyer et de la cuire, même en étant une enfant sous la protection d'un youkai très puissant ... Elle savait les youkai cygnes doux et attentionnés, mais là ! L'image d'Aiku la nourrissant la fit un instant sourire. Mais quand elle vit le regard implorant, presque insistant du prince, elle capitula.

Aiku était transporté de joie. Il s'installa aussitôt derrière Rin en écartant ses jambes et la cala confortablement contre son torse pour qu'elle n'ait pas à fournir d'effort autre que celui d'ouvrir la bouche et déglutir. Rin qui était déjà gênée au départ était quasiment cramoisie de honte. Non seulement elle ne s'attendait pas à se retrouver dans une pareille position mais en plus, le contact du youkai contre elle engendrait des sensations ... curieuses. Mais quand Aiku prit entre ses baguettes une première bouchée de viande, quelqu'un se manifesta.

Tai-chan, tapait de la queue sur le tatami et geignit. Il voulait sa part lui aussi. Rin regarda son compagnon littéralement saliver devant le morceau qui n'allait pas finir dans son estomac. La jeune femme voulut lui répondre mais Aiku fut encore une fois plus prompt.

—   Tai-chan, tu auras quelque chose d'encore bien meilleur concocté par ma sœur. Tu sais combien elle t'adore. Simplement, peux-tu attendre que Rin ait terminé ? Je t'emmènerai alors en cuisine.


L'inumata se calma et prit son mal en patience. Si Yukiko veillait personnellement sur son repas, cela ne pourrait être que tout simplement royal. Ce n'est pas qu'il dédaignait la nourriture dont les humains avaient besoin, mais son régime de carnivore avait des impératifs. Il savait que la jeune princesse allait particulièrement le gâter. Obéissant quand le sujet portait sur le repas, il se coucha bien sagement et attendit sont tour.

 

Les deux personnes avaient souri devant une telle démonstration de bienséance. Aiku parce qu'il était heureux de voir que Rin avait bien élevé son compagnon et Rin ... Rin souriait nerveusement, étonnée elle-même que son compagnon plie devant la volonté de quelqu'un d'autre, qui de surcroît n'était pas de sexe féminin.

 

Aiku reprit son morceau de viande qu'il guida jusqu'à la bouche de Rin. Franchement ! Une chance qu'il ne la voyait pas de face ! Elle avait accepté sa requête mais se sentait absolument ridicule en ce moment même. Quand, enfant, elle était malade, Jaken n'avait jamais daigné lui administrer des remèdes de cette façon. Elle buvait ses potions d'elle-même, qu'elle soit tremblante ou affaiblie. Et ne parlons pas de ... il cherchait les plantes nécessaires et c'était tout. C'est au crapaud qu'incombait l'indigne tâche de préparer les breuvages. Combien de fois avait-il pesté sur le fait qu'ils étaient terriblement ralentis à cause de la faiblesse des humains ? Elle ne saurait le dire. Mais les deux youkai avaient toujours eu de la chance que Rin ne soit qu'enrhumée ou légèrement fiévreuse.

Ici, c'était tout le contraire. Rin avait été sérieusement malade mais tout le palais, et surtout les membres officiels de la famille, s'étaient fait un devoir de la guérir. Son humanité, err ... sa « plus tout à fait humanité », n'affectait personne. Elle était acceptée pour ce qu'elle était, choyée même tout comme en ce moment. Aiku ne démordait de son rôle de nourrice. Un à un, les différent aliments qui composaient le repas étaient avalés. Timidement d'abord puis plus rapidement. C'était le signe que Rin était enfin un peu plus à l'aise.

Il l'avait sentie réticente au début et fortement paniquée. C'était normal étant donné qu'elle avait très peu de contact avec les gens, humains et youkai. Et ce n'était certainement pas Sesshoumaru qui allait l'éduquer dans ce domaine ! Toutefois, il la sentait se relâcher et accepter sans manières les aliments qu'il lui présentait. Il avait senti les battements de son cœur d'abord erratiques pour adopter une cadence plus régulière. Bien qu'elle soit simplement en contact avec lui par son dos, il pouvait apprécier la chaleur qu'elle dégageait. L'odeur de ses cheveux fraîchement lavés ne le laissait pas indifférent non plus. À cet instant, il n'avait qu'une envie : déposer les baguettes sur le plateau et de ses deux bras, serrer la jeune femme plus fermement contre lui et enfouir son nez dans sa chevelure de jais pour en respirer le capiteux parfum.

Non. Il ne fallait pas agir comme un barbare. Elle venait peut-être d'une contrée où la violence était reine mais la jeune femme n'y connaissait rien dans le domaine des sentiments et il aurait été dommage de l'effrayer par des actions trop brutales. Rin était une douce jeune femme en dépit de son habileté au combat. Merci Sesshoumaru !

Rin, quant à elle, avait tâché de faire abstraction de la personne qui lui portait la nourriture. Elle ne voyait que les bras et les mains d'Aiku. Heureusement. Elle se demandait s'il était aussi rouge qu'elle, si son regard était plus insistant que d'habitude. Elle put remarquer au début que les mains du prince héritier étaient tremblantes ; le futon allait être joli d'ici quelques secondes s'il ne se ressaisissait pas. Mais ces mouvements furent plus assurés au fur et à mesure. Un détail pourtant obnubilait Rin. Ses mains. Elles étaient douces et délicates ; la jeune femme pouvait voir les griffes au bout des doigts mais il manquait quelque chose. Il manquait un peu de couleur. Du magenta pour être précis. Sous forme de deux rayures parallèles qui partait du poignet pour tournoyer et arriver à la moitié de l'avant-bras.

 

L'espace d'un instant, le regard dans le vide, elle crut distinguer ses fameuses marques. Elle en ferma les yeux et s'imagina que ... Puis elle les rouvrit aussitôt. Ce n'était qu'un rêve, un vain espoir. Pourquoi penser à Sesshoumaru alors qu'il y avait quelqu'un de plus attentionné que lui, du même rang qui plus est, et plus ouvert d'esprit ? Comment arriverait-elle un jour à oublier son seigneur lige, son père de substitution, son maître ... sa seule envie de vivre ? Il fallait arrêter de se torturer et apprécier les gens qui vous portaient réellement de l'attention.

Lorsque la dernière bouchée fut avalée, Aiku porta aux lèvres de Rin un bol contenant du thé. Il observa les mouvements ondulatoires que faisait la gorge de la jeune femme au moment où elle avalait. Cette gorge blanche et immaculée mais qui, en se redressant légèrement pour boire les dernières gouttes, avait laissé entrevoir quelque chose qui mit le prince mal à l'aise. Une trace de morsure. Aiku perdit tous ses espoirs.

 

Rin était repue. Elle remercia poliment Aiku de l'avoir maternée comme il l'avait fait. Le prince rougit à ce compliment. Il se releva et Rin put à nouveau se rallonger. Comme il l'avait promis, il rapporta le plateau à la cuisine suivi par Tai-chan qui bondissait plus qu'il ne trottait. Le petit quadrupède ne réintégrerait la chambre de sa maîtresse que le lendemain, quand elle sortirait d'elle-même. Présentement, il serait agréablement logé chez Yukiko. Rin avait néanmoins exprimé le souhait qu'elle ne le rende pas obèse ; la jeune princesse avait une propension à gâter ses invités. Ce n'était pas par négligence, simplement par souci de bien faire.

 

Le lendemain effectivement, Rin sortit de sa chambre à la plus grande joie de tous les membres de la famille royale. Tai-chan lui fit une énorme fête : il lui léchait le visage sans relâche. Aiku regardait ce spectacle attachant et, l’espace d’un instant, aurait bien aimé se trouver à la place de l’inumata. Il chassa immédiatement ses pensées scabreuses de sa tête. Mais il était aussi heureux de revoir la jeune femme sur pieds.

 

D’ailleurs, pour lui témoigner sa joie, il lui offrit un magnifique bouquet de fleurs qui, malgré la saison, poussaient dans les jardins. Au début, il manquait d’imagination pour un cadeau. Rin était une combattante mais une femme quand même. Appréciait-elle les fleurs ? D’après ce que sa sœur lui avait raconté quand elle lui avait fait visiter le palais quand il était encore en convalescence, l’humaine s’était extasiée sur les jardins. Ils n’étaient pas aussi luxuriants que lors de la belle saison mais Rin pouvait déjà se faire une idée des lieux. C’était donc décidé, Aiku lui offrirait un bouquet.

 

La jeune femme reçut son présent avec surprise. C’est presque avec des mains tremblantes qu’elle tenait son cadeau qui dégageait un parfum agréable et délicat. Rin avait toujours confectionné ses bouquets d’elle-même. Ni Sesshoumaru en encore moins Jaken n’avaient éprouvé le besoin ou l’envie de lui faire plaisir par ces petites attentions. A part l’armure qu’elle avait reçue, rien du Taiyoukai depuis ce temps.

 

Rin cacha son visage dans le bouquet ; le fait de le humer était un prétexte suffisant pour cacher sa gêne et son contentement. Quand elle releva la tête, elle adressa un timide merci au prince qui, troublé lui aussi, se gratta nerveusement la tête. Pour désamorcer la situation, il proposa à Rin, si elle s’en sentait capable, de faire une promenade en sa compagnie. La jeune femme accepta immédiatement.

 

 

On vit ainsi déambuler un petit couple, plutôt trio puisqu’il fallait inclure Tai-chan, dans les couloirs du palais et les jardins. De temps en temps, la jeune femme s’enivrait de parfum capiteux. Comme il faisait froid, Rin était chaudement vêtue. Toutefois, au lieu de porter le kimono qui sied aux jeunes femmes, et qui l’immobilisait fortement, elle avait insisté pour porter quelque chose de plus confortable, c'est-à-dire de résolument plus masculin. Ses deux caméristes avaient hésité mais il avait été conclu que Rin porterait le kimono traditionnel pour les repas. Elle n’aurait pas besoin de courir ou de bouger énormément pendant ces moments-là. Rin accepta.

 

Son « contrat » avec Aiku était toujours d’actualité. Elle avait consciencieusement rangé son ancien kimono pour adopter la tenue locale et bien plus chaude que ce qu’elle portait. En plus, elle avait demandé à pouvoir continuer à s’entraîner au moins une bonne heure par jour avec son compagnon puisque même les gardes n’étaient pas à son niveau. Hors de question de demander l’aide du prince. Non pas parce qu’il était sous sa protection mais surtout – et Rin préféra ne pas mentionner ce fait - parce qu’il était aussi incapable qu’une jeune fille. Ne lui en déplaise. Il savait se défendre mais pour l’attaque … elle avait vu ce qu’un youkai cygne pouvait donner.

 

Les jours passaient. Quinze jours s’étaient écoulés depuis sa maladie et Rin appréciait de plus en plus cet endroit. Et aussi la population. Elle appréciait réellement de se promener hors des murs du palais et de se mêler à la population qui ne la regardait pas de manière craintive ou de haut. Que c’était agréable de pouvoir faire la conversation au marchand de légumes hanyou ou à son voisin ferronnier d’origine youkai. Kagami ne manquait pas d’accompagner la jeune femme dans certains de ses déplacements. Si ce n’était pas le fils qu’elle surveillait, c’était le père qui veillait sur elle ! Elle apprit pourtant de la bouche du souverain que cette relative entente entre les races avait été très difficile à instaurer.

 

Cela datait de son père. A l’époque, les Territoires du Sud étaient ravagés par des conflits opposant les humains aux youkai, sans parler des luttes intestines entre gens d’une même race. Kagami était tout jeune quand il perdit son père dans l’une de ses guerres. Les humains profitèrent du fait que les youkai cygnes savaient difficilement combattre pour exécuter le souverain. Kagami n’allait pas tarder à passer sur le fil d’une épée quand l’humain qui allait l’abattre parce que youkai – peu importe qu’il soit d’origine royale – fut étonné pour ne pas dire choqué de voir ce petit youkai pleurer devant la dépouille de son père.

 

Le soldat resta planté là, ne sachant pas s’il devait tuer l’être vivant qui le regardait avec pitié. Aucune haine ne pouvait se lire dans ses doux yeux. Pourtant, il devait l’exterminer. Il devait venir à bout de cette race ennemie des humains. S’il ne l’exécutait pas, le youkai prendrait certainement sa revanche quelques années plus tard. C’était décidé. Il leva son bras pour tuer le malheureux orphelin mais Kagami lui demanda :

 

—   Pourquoi m’en voulez-vous à ce point ? Qu’est-ce que je vous ai fait ? Qu’est-ce que mon père vous a fait ?

 

Bien sûr, la réponse du soldat fut prévisible. C’est parce qu’il était youkai. Kagami sourit amèrement. Evidemment ! Quelle question ! Le soldat baissa son sabre. Ce petit youkai, qui avait certainement l’âge de son propre fils, en termes d’apparence, lui semblait très mûr.

 

—   Les humains se battent aussi entre eux, non ?

—   Bien sûr, mais nous nous battons à armes égales.

—   D’où vient alors cette haine profonde entre youkai et ningen ?

 

Le soldat fut incapable de lui répondre. Dans les deux camps, il devait y avoir des bons et des mauvais. Mais comment savoir ?

 

Plus le soldat parlait avec le petit et moins il avait envie de le tuer. Il en arriva même aux formalités et se présenta : il se nommait Takehiko. Le petit souverain sourit ; ce nom lui allait bien : « avisé ». Kagami en fit de même. Et c’est ainsi que commença cette amitié entre le youkai et l’humain qui avait failli mettre un terme à son existence. Les décades passèrent et Kagami put remonter sur le trône avec l’aide de son vieil ami Takehiko et sa descendance qui avait accepté le youkai. Avec l’aide de ces derniers mais aussi de quelques humains, réticents au départ mais qui voulaient voir les guerres cesser, il créa un territoire exempt de conflits où les humains et les youkai devaient cohabiter parfaitement. N’étaient tolérés que les êtres sans mauvaises intentions.

 

Il avoua à Rin que les débuts furent très tendus. Si ningen et youkai habitaient côte à côte, les contacts n’étaient pas faciles. Les voisins se regardaient en chien de faïence et s’adressaient très peu la parole. L’événement qui fit en sorte que les choses s’améliorent fut le mariage inattendu de l’un des petits enfants de Takehiko avec une youkai. Personne n’ignorait le problème majeur que cette union représentait : la différence d’âge mais aussi l’immortalité de l’un des deux partenaires. Cette union fut acceptée après mûre réflexion et le premier hanyou naquit sur le nouveau territoire. L’enfant, un garçon, fut d’ailleurs nommé Kibô, « espoir ».

 

Rin et Kagami lui rendirent d’ailleurs visite. Il leur présenta son épouse, une humaine, et toute sa petite tribu. Le souverain lui fit une énorme publicité en disant que son histoire s’était répandue tellement loin que l’on vit affluer humains et youkai d’un peu partout en direction des Territoires du Sud. Cela a pris des décades pour arriver au résultat que Rin connaissait mais cela en valait la peine.

 

 

Cette histoire laissa Rin rêveuse. Elle comprenait maintenant pourquoi Hiroki avait pu épouser sans peine une youkai, même si elle était de sang royal. Toutefois, elle était quand même persuadée qu’il était bien vu pour l’aîné de perpétuer ce sang pur en prenant une autre youkai pour compagne. Elle fit un peu la moue à cette idée. Cela devait être pareil pour Sesshoumaru-sama. Quoi que, pour lui, la question de tomber amoureux d’une humaine ne se posait même pas ! Il n’aimait pas les humains ; fin de la discussion.

 

 

Honnêtement, cela n’était pas évident d’être héritier. Trop de charges, trop d’obligations, très peu de libertés, une vie toujours dévouée à son peuple. En clair, pas de vie personnelle du tout. Toutefois, Kagami semblait être un souverain assez libéré de contraintes. Il profitait de chaque moment. Bien que son modeste royaume n’ait pas à être administré d’une main de fer parce que pas de conflits internes, il fallait néanmoins à ce qu’il veille aux frontières de ce dernier. Jusqu’à présent, rien à signaler. Pas même avec les Territoires de l’Ouest qui avaient la frontière commune la plus longue.

 

Rin fit d’ailleurs part de ses impressions sur le devoir de souverain à Aiku, un soir que tous les deux marchaient à travers le jardin, par une de ses douces nuits d’hiver pendant lesquelles pas même un flocon ne venait déranger la quiétude des lieux. Tai-chan, une fois son repas englouti, préféra s’étaler de tout son long devant l’âtre qui crépitait et se laisser encore un peu gâter par Yukiko. Le prince sourit en voyant le visage préoccupé de la jeune femme.

 

—   Rin-chan, je t’assure que je n’ai vraiment pas à me plaindre par rapport aux autres youkai. Notre royaume ne connaît pas la guerre ce qui nous autorise à vivre comme les gens plus modestes. Au reste, je me dois néanmoins de me tenir informé sur mes congénères. Je ne peux pas ignorer les relations diplomatiques. Toutefois, si jamais un conflit éclatait, je sais que nous serions les premiers touchés parce que nous n’avons aucune armée. C’est un risque, mais mon père a toujours appliqué cette politique. La dernière guerre remonte à la mort de mon grand-père que je n’ai jamais connu.

—   Je sais, Kagami-sama m’en a parlé. Vous pouvez être fier de votre père.

—   Nous le sommes tous. Il y a toutefois un détail …

 

Rin s’arrêta de marcher et le considéra avec attention. Mais quand elle vit le petit sourire qu’il lui adressa, elle comprit immédiatement où il voulait en venir.

—   Ah … oui … les femmes ! répondit-elle tout en reprenant sa marche.

—   Mais ce n’est pas un coureur de jupons, défendit-il immédiatement. Il a simplement tendance à se mêler un peu trop de la vie privée des autres.

—   Je le sais, fit Rin en se mettant la main sur la bouche pour cacher les prémices d’un grand sourire. Et de la vôtre aussi, j’imagine.

 

Le prince soupira. Rin ne pouvait pas tomber plus juste. Si elle savait que la situation dans laquelle ils se trouvaient tous les deux était le résultat des habiles manipulations de son auguste paternel, elle lui réglerait son compte.

 

—   Dans ce cas, poursuivit Rin sur le ton de la plaisanterie, j’ai hâte de voir quelle compagne il vous choisira. Après tout, vous êtes l’aîné.

 

Aiku regarda la jeune femme avec des yeux ronds. Non, elle ne savait pas que c’était elle que son père destinait à son héritier, preuve que son père agissait admirablement bien. Rin sentait qu’Aiku la dévisageait et s’arrêta immédiatement de sourire à la fois pour observer la réaction du prince mais aussi observer le paysage qui s’étalait devant ses yeux. Ils avaient franchi les murs qui protégeaient la cité et ses habitants pour se retrouver à l’extérieur, devant un lac.

 

—   Excusez-moi, fit Rin confuse. Je n’avais pas du tout l’intention de vous blesser en faisant allusion à des choses aussi personnelles.

 

Pour toute réponse, Aiku lui sourit ce qui eut le don de mettre la jeune femme encore plus mal à l’aise. Elle baissa la tête pour fuir délibérément son regard. Subitement, Aiku releva délicatement la tête de Rin dans sa direction. L’humaine fut secouée l’espace d’un instant par le doux contact du jeune homme. C’était la première fois qu’il agissait de manière aussi intime avec elle. Le repas qu’elle avait pris avec lui n’était rien comparé à cela et le baisemain non plus. C’était très rassurant, comme une profonde marque d’affection.

 

—   Tu n’as pas à t’excuser Rin-chan, dit-il en passant cette fois sa main sur la joue de la jeune femme, tu ne m’as absolument pas blessé.

 

Rin ne savait absolument pas ce qui lui avait pris de faire un tel déballage. La vie privée du youkai ne l’intéressait pas. Elle n’avait pas d’opinion à formuler. Ce n’était pas ses affaires. Et pourtant, quelque chose en elle voulait en savoir plus sur le jeune homme qui continua.

 

—   Mais en tant que futur souverain, ma vie privée peut difficilement rester … « privée » devant mes sujets. Je sais que mon père veut absolument me voir marié, avec une pléthore de petits-enfants qui le tournent en bourrique, sourit-il. Je ne lui en veux pas pour cela.

—   Mais vous risquez peut-être de lui en vouloir sur le choix de votre compagne.

—   Je ne pense pas.

—   Ah oui ? s’étonna Rin.

—   Mon père ne tient aucune liste de prétendante adéquate. Il se moque de savoir si j’épouserai une youkai, hanyou ou bien …, laissa-t-il traîner en regardant Rin un peu plus fixement.

—   Ou bien ? demanda-t-elle inquiète.

—   … humaine, souligna-t-il.

 

A ce dernier mot, Rin était à deux doigts de défaillir. Le regard insistant qu’il lui lançait, le dernier mot qu’il avait volontairement accentué, sa main sur joue juste auparavant … que fallait-il penser ? Est-ce que ce youkai qu’elle connaissait depuis plus d’un mois maintenant était en train de lui ouvrir son cœur bien qu’indirectement ? Pourquoi son cœur se mettait-il à battre tellement vite ? Pourquoi avait-elle soudain des crampes à l’estomac ? Elle ne s’était pas gavée pendant le repas à l’instar de son inumata ! Et pourquoi continuait-il à la regarder de la sorte ? Plus précisément, pourquoi fixait-il ses lèvres ?

 

Aiku ne savait pas trop pourquoi il avait lâché le dernier mot en mettant tellement d’emphase. Mais il fallait qu’il se soulage, il fallait que cela sorte. Il venait de choquer Rin, c’était indéniable, mais il savait que la jeune femme était suffisamment robuste pour se remettre de cet aveu, un peu maladroit. Dès le début, il était tombé sous son charme, derrière la fenêtre de sa chambre. Alors que son père joue les entremetteurs, cela lui était bien égal. Pour une fois, père et fils étaient tombés d’accord sur une femme.

 

Une femme, qui en cet instant, était complètement pétrifiée. Elle réagissait à son contact et même positivement. Pourtant, il savait qu’elle était totalement étrangère aux sentiments, du moins à leur réciprocité. Pauvre petite chose et en même temps tellement attachante. Il pouvait dire que la soudaine carnation apparue sur les joues de sa bienfaitrice n’était pas due au froid. Cela ne la rendait que plus désirable. Ses lèvres, charnues et colorées, invitaient au baiser.

 

Insensiblement, Aiku se pencha en direction de ses deux pétales de rose. Rin le vit descendre doucement et déglutit bruyamment. Il n’allait pas … ! Non, effectivement, il ne l’embrassa pas. Au dernier moment, Aiku se reprit. Sous le col du kimono de Rin, il put voir, même discrètement, une petite partie de la cicatrice qu’elle portait au cou. Le prince reprit sa position initiale, frustré mais aussi furieux de s’être laissé aller à une action aussi soudaine quand elle ne lui avait pas dit clairement ce qu’elle ressentait pour lui.

 

—   Excuse-moi d’avoir forcé la chose, dit le prince en baissant la tête.

—   Hmm, hmm, émit Rin en secouant la sienne. Vous ne m’avez forcée en aucune manière. C’était … tout naturel, rajouta-t-elle en rougissant davantage.

 

Aiku en resta coi. Alors Rin ne le repoussait pas ?! Mieux, elle avait trouvé son action « naturelle », ce qui signifiait que … elle aussi … Toutefois, il valait mieux laisser les choses où elles en étaient en ce moment. Et puis, cette morsure dans le cou l’empêchait d’aller plus avant. C’était ridicule mais il fallait que la jeune femme ait confiance en lui. Bien que cela soit déjà le cas.

 

Aussi, pour ne pas ruiner la magie du moment et surtout se calmer, il proposa quelque chose d’original à Rin. L’endroit était tout à fait adéquat.

 

—   Rin-chan ?  Une promenade sur le lac te plairait-elle ?

 

La jeune femme observa le paysage alentour. C’est vrai que l’endroit avait une allure féérique avec le reflet de ce quartier de lune sur l’eau calme. Lune ? Il était vraiment impératif qu’elle se change les idées.

 

—   Enormément ! lança-t-elle plus qu’enthousiaste ce qui étonna Aiku.

 

Puis la mine de la jeune femme se renfrogna.

 

—   Il y a toutefois un petit problème. Il n’y a pas de barque sur les rives.

 

A cette remarque, Aiku éclata de rire. Rin le regarda sérieusement. L’espace d’un instant, on aurait dit Kagami. Pourtant Aiku n’était pas aussi démonstratif que son père et n’avait pas encore des allures de bon paternel. « Pas encore », se répéta-t-elle.

 

—   Qui te dit que nous avons besoin de barque ? taquina-t-il.

—   Mais … enfin ! Vous n’avez tout de même pas l’intention de vous baigner ?! Par ce temps ! s’indigna Rin.

 

Difficile de garder son sérieux devant la candeur de la réplique de la jeune femme. Mais Aiku se reprit.

 

—   C’est moi qui servirai d’embarcation. Une fois sous ma véritable forme, tu grimperas sur mon dos.

 

 

Rin en avait complètement oublié qu’en tant que youkai, il pouvait adopter deux formes. Et pourtant, elle avait déjà vu Sesshoumaru se présenter sous ses véritables traits. Sans lui laisser le temps de répondre, Aiku se concentra pour laisser sortir pleinement son youki. Un vent l’enveloppa et tourbillonna autour de lui. Rin dut lever son bras au niveau du visage pour éviter que la poussière soulevée ne lui rentre dans les yeux. Quand le vent se calma, elle baissa le bras et put voir, devant elle, le cygne qu’elle avait sauvé quelques semaines plus tôt, mais en bien meilleur état.

 

Majestueux était le mot qui lui vint tout de suite à l’esprit. Impressionnant aussi. Sans crainte elle leva la main pour toucher le plumage soyeux de l’animal qui se laissa faire.

 

—   SUGOI !

 

La jeune femme rit de bon cœur tandis que le youkai baissa son cou afin que sa tête se trouve au même niveau que celle de la jeune femme qui continuait à passez ses mains dans ses plumes. Rin put entendre une voix, comme étouffée, qui lui parlait. C’était celle d’Aiku ou plutôt la projection de la voix d’Aiku directement dans son cerveau.

 

—   Grimpe par derrière et installe-toi confortablement.

 

Rin obéit aussitôt. Elle se hissa sans peine sur le dos de l’animal et s’assit sur un confortable matelas de plumes. Le youkai l’observa. Quand il sentit qu’elle avait immédiatement trouvé ses aises - c'est-à-dire qu’elle le chatouillait involontairement - , il se leva et entra dans le lac puis se mit à bouger ses pattes pour avancer, lentement, afin de ne pas provoquer de remous.

 

Rin était aux anges. Se laisser aller au fil de l’eau, être installée sur quelque chose de doux et chaud, il ne lui fallut pas longtemps pour s’allonger complètement. Le youkai sentit ses mouvements. Il retourna sa tête et allongea son cou pour parler à la jeune femme, nullement effrayée de voir cette large tête fondre dans sa direction.

 

—   Alors, Rin-chan ?

—   Merveilleux ! Tout simplement merveilleux !

 

Le youkai sourit intérieurement et retrouva sa position initiale. Rin était bercée par le doux clapotis de l’eau et la chaleur autour d’elle. Elle s’était enfoncée dans le duvet de son ami. Leur promenade se fit en silence. Rin avait les yeux rivés sur la voute céleste et son imagination vagabondait.

 

Jamais, autant qu’elle s’en souvienne, Sesshoumaru ne s’était transformé pour qu’elle puisse se promener sur son dos, ou mieux, voler dans les airs. Si le Taiyoukai revêtait son apparence canine, cela signifiait uniquement le combat. Pas l’amusement. Jamais ! Quelle hérésie ! Pourtant, elle aurait donné cher pour caresser son poil qui lui semblait aussi soyeux que sa chevelure et lui faire les mêmes gratouilles derrière l’oreille qu’à Tai-chan. La tâche aurait été un peu moins aisée en raison de la taille démesurée mais elle se demandait s’il battait de la queue et agitait nerveusement la patte quand on le caressait ainsi.

 

Rin sourit à cette image mais aussitôt, sa bonne humeur disparut. Elle n’aurait plus jamais l’occasion de mettre en pratique les idées saugrenues qui lui étaient passées par la tête. Il fallait se faire une raison et savourer pleinement l’instant présent. Il était impératif qu’elle aille de l’avant au lieu de toujours se remémorer le passé. Aiku était présent et bien présent, sans une once d’hostilité envers les humains. Il était charmant, doux, sans prétentions, sans arrogance. Il avait une famille aimante, son pays n’était pas ravagé par des conflits meurtriers, il ne partait en patrouille aux quatre coins de son royaume. Oui, décidément, si Rin décidait de rester ici, ce serait le paradis. Mais un paradis qui rimait avec ennui.

 

Le youkai revint doucement vers la berge. Rin sortit de sa torpeur quand elle sentit que le cygne se balançait sur ses pattes pour marcher sur la terre ferme ce qui signifiait que leur petite promenade lacustre était terminée. Sans même qu’il le lui demande, elle glissa de son dos et le prince reprit sa forme humanoïde après s’être ébroué loin de Rin. Quand ils rentrèrent au palais, Rin s’aperçut qu’il n’avait pas l’air de souffrir du froid alors qu’il venait tout de même de tremper presque une bonne heure dans une eau froide et qu’il n’avait pas revêtu de vêtement chaud. Elle lui fit part de sa crainte qu’il ne tombe malade lui aussi ce qui le fit sourire. Aiku soulagea son inquiétude ; les youkai cygnes étaient des démons qui venaient du froid et leur corps était adapté aux basses températures alors que beaucoup d’autres démons mais surtout les humains devaient endosser des couches de vêtements chauds.

 

Rin en sut un peu plus sur les différents types de youkai en parlant avec les membres de la famille royale mais surtout avec Aiku qui avait pris l’habitude de l’emmener tous les soirs près de ce lac et de se transformer soit pour glisser sur l’eau … ou dans les airs. Il avait pu remarquer que Rin appréciait encore plus de voler. Elle se cramponnait alors davantage à lui en lui serrant surtout le cou. Au fur et à mesure qu’elle s’habituait à la hauteur elle lâchait Aiku et étendait les bras comme si c’était elle qui volait. « Plus haut ! Plus haut ! » lui disait-elle. Le youkai s’exécutait avec plaisir et écoutait avec ravissement le rire de sa jeune cavalière.

 

C’était tout simplement magnifique pour Aiku. Le fait de servir de monture pour une humaine n’avait rien d’avilissant. Il était fier au contraire d’être le seul à pouvoir lui faire vivre de telles émotions. Apparemment, d’après ce qu’elle avait raconté de sa vie avec Sesshoumaru et au vu de son comportement, elle n’avait pas dû beaucoup s’amuser étant enfant. Même si elle avait elle-même demandé à ce que le Taiyoukai l’entraîne, il y a quand même des périodes pour l’amusement d’une enfant. Mais Aiku pouvait bomber le torse comme un coq de basse-cour de lui avoir fait découvrir ces petits plaisirs.

 

Et réciproquement. Le futur souverain prenait un plaisir presque malsain à être sous sa véritable forme. Rin caressait son plumage comme elle caressait son inumata mais si elle savait que cela engendrait chez lui une intense sensation de bien être … elle aurait peut-être cessé ses petits soins. Son dos recevait une décharge massive de gratouilles et de caresses quand elle le chevauchait, une fois qu’elle était à terre, c’était la partie supérieure de son torse, c'est-à-dire celle qu’elle avait au niveau de yeux, qu’elle flattait ; le cou et l’imposante tête n’étaient pas épargnés non plus. Il s’imaginait sous son autre forme, plus accessible cette fois, en train de recevoir les mêmes traitements … c’était purement divin !

 

Aiku se gifla mentalement. De quel droit s’imaginait-il dans des situations aussi intimes avec une femme à qui il n’avait pas directement confessé ses sentiments ? Il savait qu’elle ressentait quelque chose pour lui mais était-ce aussi intense que ce qu’il éprouvait pour elle ? Il était certain toutefois que les choses n’allaient pas tarder à évoluer en sa faveur et qu’il se déclarerait d’ici peu … du moins, avant que la saison froide ne finisse.

 

Mais les dieux adoraient aussi se jouer des youkai. C’est ainsi qu’un soir où Aiku était résolu à dévoiler son cœur que Yukiko accoucha, une bonne semaine avant le terme. Tant pis, il remettrait ses aveux à plus tard. La jeune princesse fut soudainement prise de crampes avant même qu’elle ne commence à manger. Elle perdit les eaux. Pour une nation qui ne connaissait pas l’agitation du combat, Rin put s’apercevoir que tout le monde était sur le pied de guerre.

 

Yukiko fut immédiatement évacuée par ses deux caméristes, assistées par la reine en personne, et une sage-femme. Tous les hommes furent sciemment éloignés de la chambre de la princesse, y compris son propre époux. Rin demeura avec tous les mâles de la famille royale dans la salle des repas. La jeune femme ne se sentait pas du tout à son aise. Elle jeta un coup d’œil à Hiroki. Le futur jeune père était blême, pourtant, ce n’était pas lui qui allait mettre un enfant au monde.

 

Kagami, qui avait quatre paternité derrière lui, se rapprocha de son gendre et lui colla une affectueuse mais néanmoins forte tape dans le dos. Ça, en déduisit Rin, c’est le signe qu’il aime bien la personne.

 

—   Ne t’en fais pas mon garçon. Ta femme est entre de bonnes mains. Ce n’est pas l’accouchement que tu dois craindre, mais ce qui va suivre, fit-il d’une voix sérieuse.

—   Comment donc ? s’inquiéta l’humain qui était maintenant à deux doigts de pleurer.

—   Ohh, fit le souverain nonchalamment en agitant dédaigneusement une main dans le vide. Les nuits écourtées, les vêtements salis parce que la petite …

—   LE PETIT ! corrigèrent de concert les trois frères.

 

Rin observa la scène d’un air amusé. C’est vrai que Kagami n’avait pas son pareil pour dédramatiser la situation. Le souverain ne perdait toujours pas l’espoir d’avoir une présence féminine supplémentaire !

 

—   … bref, reprit Kagami nullement offensé d’avoir été repris, parce que LA PETITE bave sur tes vêtements, supporter ses cris stridents, certaines odeurs qui se dégagent …. Mais il y a pire.

—   Pire ?! demanda Hiroki qui n’allait pas tarder à tourner de l’œil.

 

Cette fois, Kagami se posta directement en face de son gendre et le prit fermement par ses épaules.

 

—   Il n’y a pas pire qu’une femme qui se venge de toi parce que tu l’as mise dans cet état, parce qu’elle a souffert pendant l’accouchement. Il n’y a pas pire qu’une femme qui fait une crise post partum et qui ne te laisse même plus l’approcher. Et tu n’es pas le plus chanceux. Si ta femme était humaine cela serait supportable, mais voilà, il se trouve que tu devras affronter cent fois plus fort …

 

Hiroki s’écroula et regarda nerveusement autour de lui dans l’espoir de trouver un peu de réconfort dans le regard des autres personnes qui se trouvaient là. Il se passa même la main sur le front pour effacer quelques traces de transpirations qui traduisaient son malaise. Bon sang ! Il n’avait jamais pensé à tout cela !

 

Soudain, alors que la pièce baignait dans un silence tellement palpable qu’on aurait pu le couper au couteau, le rire du souverain explosa et brisa la glace. Tout le monde se regarda éberlué. Que lui arrivait-il à Kagami ?

 

—   Je t’ai bien fichu la frousse, hein ?! s’exclama Kagami complètement hilare.

 

Hiroki ne réagit pas immédiatement. Mais quand il fronça les sourcils, on savait qu’il avait enfin compris que le souverain venait de le tourner en bourrique. Il se releva, marmonna quelques paroles inintelligibles entre ses dents – mais tout l’auditoire se doutait bien qu’il s’agissait de menaces – et commença à pourchasser Kagami à travers la pièce puis en dehors. Ce souverain était un vrai gamin ! Les trois frères laissèrent faire ; chacun avait un sourire de connivence sur son visage. Rin était dépassée : est-ce que Kagami voulait tester son gendre sur sa résistance – c’est vrai qu’il avait tenu le coup face au tableau peu plaisant que lui présentait le youkai – ou bien simplement le taquiner. A vrai dire, il y avait un peu des deux.

 

Rin finit par se lever de table, sans avoir beaucoup touché à son repas. Elle s’excusa auprès des trois youkai restants.

 

—   Je vais voir si je peux apporter un petit coup de main. Est-ce que je peux vous confier Tai-chan.

 

Les trois hommes hochèrent la tête et Rin sortit de la salle pour se diriger vers la chambre de Yukiko. Même si un étranger ignorait les appartements des différents résidents, il lui aurait été facile de trouver sans se tromper ceux de la princesse : un ballet de femmes tournoyait autour de la chambre et on entendait les plaintes de la jeune parturiente. Rin rasait les murs pour ne pas déranger les femmes de chambres qui arrivaient à grand renfort de baquets d’eau chaude et de linges propres.

 

Elle arriva enfin devant la porte laissée ouverte pour faciliter les allées et venues. Yukiko était toutefois cachée derrière un paravent. Seule sa tête dépassait. On pouvait néanmoins distinguer sa forme projetée en ombre chinoise sur la tenture. La souveraine, elle était assise près de la tête de sa fille et l’épongeait. Quand elle sentit la présence de Rin, Minako la salua et lui demanda d’entrer. Rin préféra rester sur le seuil de la porte. C’était un moment intime et particulier et il aurait été mal venu de déranger. Yukiko qui avait entendu la voix de Rin, fit la même demande que sa mère. Rin fut forcée de se rendre.

 

Elle entra donc dans la chambre et s’approcha du paravent, toujours à bonne distance de l’autre jeune femme. Si elle n’était pas enthousiaste au départ pour s’approcher, Rin n’avait maintenant qu’une envie : sortir au plus vite. L’odeur y était désagréable. Pour un odorat amélioré comme le sien, c’était une épreuve difficilement supportable.

 

—   Rin-chan, s’il te plaît, geignit Yukiko, j’aimerais que tu sois à côté de moi. Tiens-moi la main.

 

Rin ne put que plier. Elle s’agenouilla à côté de la parturiente et prit la main qu’elle avait levée dans la sienne. Elle était moite, dégoulinante de sueur même. Rin avait fixé son regard sur ce qui se passait aux pieds de la princesse. Ses jambes étaient écartés et ses genoux repliés. Elle portait un léger drap de la taille jusqu’à ses mollets. Le dit drap était de temps en temps soulevé par sage-femme qui surveillait l’ouverture du col. L’une des deux caméristes massait le ventre de Yukiko.

 

Soudain, Yukiko se crispa. Une contraction. Sa main serra de plus en plus celle de Rin au point d’enfoncer ses ongles dans sa chair. Rin se mordit les lèvres ; qu’est-ce que ça donnerait quand elle allait expulser le bébé ! Yukiko lui broierait la main ! Yukiko devenait rouge sous la douleur et réprimait du mieux qu’elle le pouvait ses cris qui menaçaient de sortir de sa bouche. Ce n’était pas encore le moment ! Le bébé ne sortait pas encore. Cela dura encore deux bonnes minutes puis elle se calma et reposa sa tête sur le futon.

 

Rin aurait tellement voulu la soulager, elle se sentait tellement impuissante et inutile. Le simple fait de lui tenir la main n’allait certainement pas arranger énormément les choses. Elle jeta un regard inquiet sur Minako qui lui sourit. Elle non plus ne semblait pas s’inquiéter. Ça avait l’air tellement normal toute cette souffrance et pourtant, Rin était mal à l’aise.

 

Une fois que la contraction était passée et que la respiration de Yukiko avait adopté un rythme moins saccadé, elle se mit à faire la conversation avec sa mère et son amie comme si rien ne s’était passé. D’où puisait-elle une telle force ? Ne serait-il pas mieux d’économiser sa salive et de tout donner au moment voulu ? Rin oubliait cependant un détail que Kagami avait mentionné tout à l’heure : Yukiko était youkai. Ceci expliquait cela.

 

Et cela dura de cette manière jusqu’à la contraction suivante qui survint presque une heure plus tard. Le même schéma se reproduisit à la suivante qui se rapprocha et ainsi de suite jusqu’à ce que le moment de la délivrance arrive. Plus de sept heures avaient passé et là, Rin fut sérieusement embêtée. L’odeur du sang, du liquide de la poche dans laquelle se trouvait le bébé, le tout conjugué aux mixtures très fortes contenues dans les baquets – certainement des désinfectants – faillit faire rendre à Rin le peu qu’elle avait avalé. La jeune femme n’avait qu’une envie : sortir de la pièce avant de se répandre devant tout le monde ou s’évanouir mais son devoir d’assistance, même minime, lui interdisait de partir dans un moment aussi crucial.

 

La sage-femme était maintenant à l’œuvre et donnait les directives à la princesse. Rin n’eut même plus le temps de se bloquer sur les odeurs qui se mélangeaient dans la pièce. La curiosité prit le dessus et elle fixa intensément la sage-femme bien que le drap l’empechât de voir exactement ce qui se passait dans les détails.

 

Plus Yukiko poussait pour faciliter la délivrance, plus sa mère l’épongeait et plus elle enfonçait ses ongles dans la paume de la main de la pauvre Rin. Cette douleur la détournait parfois de la sage-femme qui continuait à donner ses ordres. Yukiko inspirait profondément, bloquait sa respiration pour pousser et expirait en laissant retomber sa tête. A propos de tête …

 

—   Je la vois ! Ne cessez pas de pousser avant que je vous le dise. Une fois la tête dehors, le reste viendra facilement.

 

Yukiko fit ce qu’on lui demanda sans même savoir si elle donnait plus d’impulsion. Elle y mit toutes ses forces et la tête du bébé sortit enfin. Encore quelques efforts et ce serait la fin. Rin voyait son cauchemar toucher à son terme. Yukiko poussa encore, souffla, inspira, bloqua, poussa et …

 

La sage femme sortit une masse recouverte de sang mélangé à un liquide blanchâtre. Elle la tint par les pieds jusqu’à ce que le bébé pousse son premier cri puis elle le posa immédiatement sur une serviette que lui tendit une femme de chambre. Elle coupa ensuite rapidement le cordon et retira entièrement le placenta de la mère. Elle posa enfin le petit paquet sur la poitrine dénudée de la princesse et lui murmurant à l’oreille.

 

—   C’est une adorable petite fille, Yukiko-sama, en parfaite santé. Félicitations.

 

La jeune mère pleura de joie au moment où son bébé fut en contact avec elle et l’enveloppa délicatement de ses deux mains. Rin ne s’aperçut même pas que son étreinte s’était défaite. La princesse retira un pan de la serviette pour voir le visage du bébé. Minako et Rin furent également très curieuses. Outre le fait que la petite n’était pas encore nettoyée, on pouvait distinguer une petite touffe de cheveux blancs sur le sommet de son crâne mais … pas d’oreilles. A la place, deux petits orifices, tout comme les cygnes en ont.


Yukiko prit la petite menotte de sa fille qui serra automatiquement ses petits doigts fripés mais griffus autour de l’index de sa mère. Si les deux youkai pleuraient devant ce spectacle, Rin se retint difficilement et préféra laisser la mère et la fille seules pour partager ce moment de tendresse. D’ailleurs, il n’y avait plus personne dans la pièce maintenant que le plus gros avait été nettoyé.


La jeune femme s’esquiva sur la pointe de pieds et fit glisser le shôji derrière elle. Ouf ! Enfin de l’air frais ! Elle n’était pas totalement remise de toutes ces émotions et avait encore une furieuse envie de vomir. Pour faire passer cette nausée, Rin inspira profondément et décida d’annoncer la bonne nouvelle aux hommes.


Mais c’était sans compter sur Kagami qui faillit la renverser dans sa course pour se rendre au chevet de sa fille.


—   Félicitations, Kagami-sama. C’est une petite fille, annonça Rin avec un sourire aux coins des lèvres.


Elle se sentit soudain soulevée de terre et le décor tournait avec une vitesse prodigieuse autour d’elle. Kagami la faisait virevolter dans sa joie.


—   Une fille ! Une fille ! répétait-il. Je suis grand-père d’une petite fille ! Je le savais ! Qu’est-ce que je ne vous avais pas dit à tous !


Les trois fils, le jeune père et Tai-chan avaient suivi Kagami dans sa course et purent apprécier le spectacle qu’il donnait. Aiku put toutefois observer que Rin était encore très pâle. Le fait d’avoir assisté à l’accouchement, sans doute. Et son père n’arrangeait pas les choses. S’il ne reposait pas la jeune femme dans les proches secondes, elle allait faire comme les nouveau-nés.


Comme par enchantement, le youkai relâcha sa prisonnière. Aiku se porta immédiatement à ses côtés. Elle n’avait vraiment pas l’air bien mais elle adressa ses félicitations à Hiroki et partit comme une flèche … là où elle ne pouvait aller que seule. Il ne la revit plus jusqu’au lendemain midi, la mine moins moribonde malgré de petits yeux.


L’après-midi, tout le monde put enfin voir ce qui faisait la fierté de Kagami. La petite, nettoyée et drapée dans des linges immaculés, était le centre d’intérêt de toute la maisonnée. Yukiko la serrait précieusement dans ses bras sous le regard attendri de son époux. Le souverain insista pour la prendre lui aussi et se mit à lui dire tout un tas de petites choses ridicules mais tellement touchantes. Même si le bébé n’avait pas encore daigné se réveiller avec tout le tintamarre, Kagami faisait déjà des projets d’avenir pour elle.


Le bébé passa ainsi délicatement de bras en bras pour finir dans ceux de Rin … qui n’avait jamais tenu de nouveau-né de sa vie. Elle avait protesté en mettant en avant sa maladresse mais Yukiko avait insisté pour qu’elle fasse plus ample connaissance avec la petite. Rin était aussi raide qu’un piquet quand Aiku lui remit sa nièce entre les bras.


Rin l’observa longuement. C’était un hanyou mais quel bel enfant. Comment pouvait-on souhaiter la mort d’un être aussi innocent ? Comment pouvait-on seulement penser détruire le fruit d’un amour pur entre un youkai et un humain ? Comment résister à ce visage paisible ? A ces deux petits onyx qui vous fixaient ?


—   Elle vient d’ouvrir les yeux, s’inquiéta Rin. J’ai dû la réveiller.


Immédiatement, la jeune femme remit le bébé dans les bras de sa mère qui lui sourit.


—   Rin.

—   Oui ?

—   J’ai trouvé son prénom.



Tout le monde écouta avec attention.



—   Nous l’appellerons Rin.


Tous les regards se braquèrent dans la direction de l’humaine qui rougit sous le coup de cette attention mais aussi de l’immense honneur que la princesse lui faisait. Son nom n’avait pourtant rien de royal.


—   Merci beaucoup. C’est un grand honneur, dit-elle les larmes aux yeux.

—   C’est tout naturel, continua Hiroki. Tu as sauvé notre prince héritier, tu t’es montrée très serviable, tu as aidé ma femme … et je crois que notre souverain voudrait bien garder un petit témoignage de ton passage parmi nous, termina-t-il en adressant un clin d’œil à l’intéressé qui faisant semblant de ne pas l’entendre, perché au dessus de son nouveau petit trésor à faire des figures grotesques pour l’amuser.


Ces derniers mots semblaient comme un rappel à l’ordre. C’est vrai que les beaux jours allaient revenir et qu’elle serait à nouveau sur les routes. Déjà ! Le temps avait passé si vite ! Aiku fit un peu la moue car la perspective du départ de Rin ne l’enchantait pas du tout. C’était donc maintenant ou jamais qu’il fallait se déclarer.


Après dîner, Rin et Aiku entamèrent le rituel de leur promenade. Toutefois, au lieu de se diriger vers le lac à l’extérieur des remparts, ils errèrent dans le jardin et s’arrêtèrent sous un arbre encore dénudé. Rin sentait qu’il se préparait quelque chose et laissa Aiku prendre la parole. Il était sûr que toute la joie qui avait animé le palais à la suite de la naissance de sa nièce allait maintenant disparaître abruptement.


—   Rin-san, est-ce qu’il t’arrive de penser à quelqu’un d’autre quand je suis avec toi ?


Rin le regarda comme si elle n’avait bien compris la question. En fait, elle fut interloquée par la soudaineté et le sérieux du jeune prince. Elle ne savait que trop bien où il voulait en venir.


—   Parfois, oui, répondit-elle tête baissée. Je rêve d’un homme qui était comme un père pour moi et qui a soudain eu envie de me tuer. Pour le fuir, je cours, je cours, mais il me rattrape et me blesse. Ce n’est qu’un rêve mais …


Rin porta inconsciemment sa main à son cou. Aiku ne pouvait pas voir la marque d’où il était mais il savait. Sa sœur lui avait dit quelques semaines auparavant.


—   Non, reprit le prince, je veux dire … un homme … que tu aimes, termina-t-il lamentablement.

—   Un homme que …


Rin ne put reprendre les termes du youkai tellement elle en fut choquée et … rouge comme une pivoine. Mais pourquoi tout à coup lui posait-il ce genre de questions ? Elle était certaine qu’il nourrissait des sentiments à son égard et pourtant, avec cet interrogatoire, on aurait dit qu’il voulait la tester. Il s’arrêta de marcher, prit la jeune femme par les épaules sans pour autant lui faire mal et plongea son regard droit dans le sien.


—   Parce que toi et moi … nous ne pourrons jamais être ensemble, fit-il sur un ton monocorde.

—   Pardon ?

—   Ta cicatrice, émit-il de manière lapidaire.


Rin fut surprise et se recula d’un pas en baissant la tête pour fuir le regard profond du youkai. Comment pouvait-il savoir ?


—   Désolé mais c’est ma sœur qui m’a dit que tu portais une cicatrice au niveau du cou. En plus, quand tu étais malade, tu délirais et tu as revécu ta séparation ; tu parlais de morsure. C’est à ce moment-là que tu as été mordue, non ?


Rin hocha timidement la tête.


—   Ce que je vais te dire, continua le prince, risque de te choquer mais il faut que tu saches la vérité. La cicatrice que tu portes est en fait … un lien, ou si tu préfères une marque d’appartenance.

—   Mais je n’appartiens à personne ! s’insurgea tout à coup Rin.


Aiku sourit à la jeune fille qui, et il le savait, n’avait aucune connaissance des rites youkai.


—   Rin-san, reprit-il doucement pour ne pas l’effrayer davantage, es-tu certaine qu’il n’éprouve rien pour toi ?

—   Mais oui ! Je ne vous l’avais pas dit mais il m’a mordue parce qu’il était dans une colère noire et pas pour me montrer qu’il … m’aimait. De toute façon, il déteste les humains … et je ne parle même pas des hanyou, termina-t-elle légèrement dans le doute.

—   Ecoute-moi bien, Rin-san, dit-il en la reprenant par les épaules, s’il était vraiment en colère et d’après la réputation que je lui connais, tu ne serais même plus en vie à l’heure qu’il est. Il t’aurait mordue au niveau de la jugulaire et ça, ça ne pardonne pas. De plus, comment expliques-tu le fait qu’il n’ait jamais cherché à te remettre auprès des tiens une fois qu’il t’a ressuscitée ?


Sans réfléchir davantage et sachant qu’elle l’avait volontairement suivi alors qu’il lui laissait le choix, la jeune femme répondit vivement :


—   Il m’a chassée maintenant. Ça veut dire qu’il a été plus que patient, conclut-elle avec un large sourire.

—   Alors pourquoi t’avoir protégée, éduquée, entraînée, donné cette redoutable épée fait dans l’un de ses crocs et ce riche kimono si c’est pour se débarrasser de toi sur un simple coup de colère ?

—   J’en … j’en sais rien, avoua-t-elle honteusement. Mais vous savez ce qu’il m’a fait, non ?

—   Oui je sais, bien que je ne l’aie pas entièrement vue. Tu es à lui, Rin : tu es sa moitié … pour la vie.


Rin se redressa sur ces derniers mots, complètement sous le choc. Elle aurait pu marteler le torse du prince tellement ce qu’il venait de dire frôlait l’hérésie.


—   NANII? Je vous ai dit qu’il n’aimait pas les humains !

—   Du calme Rin-san. Il n’aime pas les humains en général, mais toi, oui. Et toi, est-ce que tu l’aimes ?


Rin se dégagea à nouveau de l’étreinte du youkai et paraissait perdue dans ses pensées. Est-ce qu’Aiku voulait lui faire avouer tout haut ce qu’elle avait refusé d’admettre en raison de son statut d’humain. Est-ce que tout ce qu’il lui avait dit était vrai ? Est-ce que Sesshoumaru-sama éprouvait réellement quelque chose pour elle en plus de la froide affection qu’il avait eue pour elle quand elle était enfant ? Etait-ce seulement possible ? Mais il fallait qu’elle soit sûre. Non, tout cela ne tenait pas debout. Elle n’était plus rien pour lui.


Aiku observait la jeune femme qui livrait un combat intérieur. Il savait très bien qu’elle allait être la réponse et y était préparé depuis longtemps. Au final, c’était davantage Rin qui avait besoin qu’on l’aide plutôt que lui. Elle n’y voyait plus clair et lui donner des explications sur les mœurs des inuyoukai pouvait peut-être la réconcilier avec son seigneur lige.


—   C’était mon protecteur, mon maître, mon … père. Je le respecte même si j’ai perdu toute sa considération et …

—   Et c’est pour ça que tu as patrouillé et nettoyé son territoire. Rin-san, je ne t’en veux pas si tu retournes auprès de lui. Je n’ai aucun droit vis-à-vis de toi : les marques sont sacrées.

—   Mais c’est une simple cicatrice, tenta-t-elle à nouveau pour éviter tout faux espoir, pas un LIEN !

—   Si cela n’avait été qu’une simple égratignure, elle aurait disparu tout comme dans le cas où votre amour n’aurait pas été réciproque …


Qu’est-ce qu’il venait de dire ? « Amour réciproque » ? Ce n’était pas possible !


—   Mais … je …, balbutia-t-elle, il ne m’aime pas.

—   Je le connais depuis plus longtemps que toi, Rin-san. Sesshoumaru n’est pas quelqu’un qui se répand en sentiments. Tout comme son demi-frère, Inuyasha, il tenait énormément à son père mais il n’est pas du tout démonstratif. Il a souffert de la perte de son père même s’il n’en a jamais parlé … et il t’aime. Seulement, il a trop de fierté pour le reconnaître. S’il a été en colère contre toi, ce n’était pas pour te chasser. Il avait peur de te perdre mais il n’a pas pu le dire avec des mots.

—   …

—   Rin-san, ne refuse plus ce que tu ressens pour lui et va le rejoindre.

—   Ca risque d’être difficile, nargua Rin, car il m’a dit que si jamais je le rencontrais, je perdrais la vie !

—   Il ne te fera rien, tu peux me croire. Il veut simplement voir si tu es une compagne de valeur, si tu as du courage. Alors va ! Va et sois heureuse avec lui !


Rin était au bord des larmes. C’était donc bien vrai ! Sesshoumaru-sama l’aimait réellement ! Pas avec de grandes déclarations, certes, mais il aurait pu lui éviter cette trouille bleue !


Rin regarda Aiku et ne s’aperçut même pas qu’elle pleurait quand elle sentit le doigt du prince effleurer sa joue pour effacer l’incommodante petite larme.


—   Merci Aiku. Ça doit vous briser le cœur mais je vous remercie d’avoir fait toute la lumière. Dès demain, je partirai et je lui parlerai.


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