JoJo's Bizarre Adventure : Lost Baby

Chapitre 102 : Also Sprach Zarathustra

2223 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/09/2025 18:16




Londres, 2010


Zarathustra : Quel gâchis formidable…  


Un homme charmant regardait fixement le ciel fraîchement nocturne en se tenant sur son bâton de pèlerin. Les petites étoiles qui constellaient la voûte céleste dessinaient une fine porte vers l’immensité du cosmos à travers le mur grisâtre de pollution. Un jeune garçon d’une dizaine d’années - habillé d’une tenue ample d’enfant de chœur - courut vers lui et lui tira la manche d’impatience. 


??? Mon Père, nous devons nous dépêcher ou le chauffeur risque de partir sans nous pour votre émission ! 


Pour un œil mal avisé, son statut de “prince de l’Eglise” ne transparaissait pas. Cependant, de plus près, sa barbe était finement taillée et ses longs cheveux châtains étaient surplombés d’un élégant galero d’un rouge chatoyant. Sa coupe était soigneusement organisée d’une façon bien particulière, témoignage de l’attention qu’il portait au soin de son apparence : les cheveux les plus proches de son visage descendaient arrogamment jusqu'à ses épaules, la couche supérieure descendait jusqu’à son menton et les plus visibles s’arrêtaient modestement à ses oreilles. Ses allures d’amateur de rock progressiste était cependant un signal véridique de son progressisme. Il s’approcha du jeune garçon et lui ébouriffa les cheveux en lui adressant un sourire bienveillant.


Zarathustra : Voyons, Sulpice, tu sais très bien que depuis que je suis cardinal, tu ne peux plus m’appeler comme ça…ou fais-le plus discrètement au moins.


Sulpice : Excusez-moi, mon P- je veux dire, Votre Eminence ! 


L’homme de foi eut un petit rire inspiré par la maladresse de son élève avant de le suivre et de pénétrer dans une voiture aux vitres teintées que la chaîne de télévision avait spécialement réservée pour eux. Le chauffeur les déposa devant l’énorme studio de télévision à quelques kilomètres de la capitale. Même s’ils parlaient la même langue, le dédain que leur adressaient les passants à la seule prononciation de leur accent leur montrait qu’il avait quitté leur Irlande natale pour un autre pays avec d’autres mœurs et une autre religion. 


Zarathustra : Tu es sûr que tu vas réussir à porter cette valise, Sulpice ? Elle n’est pas trop lourde pour toi ? 


Sulpice : Bien sûr, Votre Eminence ! Vous savez, je ne suis plus le petite garçon que vous avez c-


Le jeune homme trébucha et la valise fit un vol plané pour retomber lourdement au sol. Zarathustra fit un léger mouvement de tête en soupirant et aida le jeune garçon à se relever. Le cardinal s’avança pour ramasser la valise quand il aperçut dans la ruelle qui lui faisait face, allongé sur le sol, un vieil homme à la longue barbe grisonnante, frissonnant. 


Zarathustra : Monsieur, est-ce-que vous allez bien ?!


Le prince s’agenouilla auprès du pauvre. L’homme ne réagissait pas. Il le secoua. Aucune réaction. Il se leva et retira la chape couleur rubis qui trônait sur ses épaules. Sans hésiter un seul instant, Zarathustra déchira en deux l’habit précieux et en prit la première moitié pour recouvrir le pauvre homme. Réchauffé par le tissu, l’homme bredouilla une réponse entre deux quintes de toux.


Miséreux : Mon Père…Vous êtes trop bons avec moi…Que Dieu vous garde…


Zarathustra posa la main sur le torse du vieil homme et son visage se décomposa. Il proposa à l’homme de l’aider à se relever mais son interlocuteur refusa poliment.


Miséreux : Ne vous inquiétez pas, Mon Père…Vous en avez fait bien suffisamment. Je préfère rester ici si cela ne vous dérange pas.

Zarathustra : Je comprends parfaitement, mon Fils. 


Le regard grave, le cardinal sortit un peu d’huile de son sac et frotta les mains du malade avec ce liquide béni avant d’en imposer un peu sur son front. Il psalmodia un sacrement avant de conclure par un “Amen” et de se signer. Par réflexe, Sulpice le suivit, le regard inquiet.


Sulpice : Vous pensez qu’il va s’en sortir, Votre Eminence ?


Zarathustra interrompit sa marche vers l’intérieur du grand bâtiment pour se retourner et esquiva la question en souriant à son disciple.


Zarathustra : Sulpice, tu viens ? Nous allons faire attendre les équipes de l’émission. 


Sulpice lança un dernier regard en arrière avant de se retourner et de suivre son professeur au pas de course. Pendant que son maître discutait dans les coulisses, le jeune garçon issu d’une famille pauvre était émerveillé par les illuminations du plateau de télévision, le public bruyant et moqueur et le présentateur hyperactif.


Présentateur : Je suis Jimmy Humperdinck et je serai votre hôte ce soir pour ce nouvel épisode de “Ceux qui écrivent”…


Tout le public cria à l’unisson “l’Histoire” avec un enthousiasme non dissimulé. Quelques banderoles s’agitaient dans la foule avec de grands symboles « U » et « 2 ». Visiblement, malgré les kilomètres et le faible nombre de catholiques, les soutiens du candidat au conclave avaient répondu présents.


Présentateur : Je vous demande d’accueillir…Maximilian…Zarathustra ! 


Quand Zarathustra pénétra sur scène, une foule de cris stridents se leva pour l’accueillir comme une rockstar. Dans le public, des slogans étaient criés à plein poumons : « Corrompus, dehors », « une nouvelle croisade ». 


Présentateur : Je vous remercie de venir jusqu’ici à Londres pour défendre vos idées ! 


Zarathustra : je suis habitué à voyager à travers le monde. Tous mes fidèles ont le droit de me rencontrer, c’est mon rôle de représentant du Seigneur.


Une femme a l’apparence très sérieuse et au costume de haute-couture cintré regardait l’homme de foi droit dans les yeux, sans se laisser impressionner par son statut et son allure.


Journaliste : Bonjour, Monsieur Zarathustra, je suis Joan Ipanema, journaliste pour Righteous Media. Je voulais vous demander ce que vous entendez exactement par cette “lutte” contre la corruption qui est le centre de votre projet papal. Faites-vous référence aux divers scandales qui ont touché les anciens Papes lors des dernières années ?

Zarathustra : Je ne ferai pas de jugement sur les précédents Papes mais je pense que le représentant du Seigneur sur Terre devrait être aussi irréprochable que possible. Saint-Pierre n’aurait pas voulu que des personnes avides de pouvoir et d’argent guident les croyants. Si les autres cardinaux me déclarent dignes de cette mission, j’accepterai cette charge sans hésiter et ferait en sorte que l'Église incarne à nouveau un phare dans l’obscurité.


A la fin de sa tirade, un tonnerre d'applaudissements gronda dans la salle. Des hurlements de jeunes adolescentes - normalement très éloignées des messes et des prières - envahirent à nouveau la pièce.


Journaliste : J’avais une autre question : Vous êtes originaire d’Irlande du Nord avant de vous installer en Irlande pour prêcher votre foi. Doit-on voir dans votre course au pontificat un manifeste politique pour la situation des Irlandais du Nord ? Doit-on en conclure que le Saint-Siège sous votre autorité dénoncera les actions menées par la couronne lors de l’indépendance irlandaise et des manifestations de 1972 ?


Etonné par le ton sérieux que prenait cette émission normalement aguicheuse, Zarathustra réfléchit quelques instants à la question pertinente de la journaliste avant de répondre en pesant ses mots. 


Zarathustra : Je ne pense pas que mes origines fassent de ma candidature une déclaration politique. Mon seul but est de soutenir tous les croyants face à l’oppression peu importe d’où ils viennent. Cependant, les personnes qui seront prêtes à me suivre en Angleterre sont évidemment les bienvenues.


Le présentateur se pencha vers la journaliste pour lui murmurer, entre les dents de son sourire serré, des remontrances. Le cardinal nota cette interaction et tenta de continuer son exposé avant de se faire couper par le bruyant leader de l’émission. 


Présentateur : Désolé de vous couper, Mon Père, mais nous avons une téléspectatrice qui attend pour vous parler depuis une bonne demi-heure ! Britney de Manchester, c’est à toi !


Tout l’action s’arrêta autour de l’homme de foi pour laisser parler la voix angélique de la jeune fille.


Téléspectatrice : A-allô, je suis à l’antenne ! Je voulais dire que vous étiez trop sexy, Mon Père ! Je regarde toutes vos émissions et tous vos déplacements. Je suis fan ! J’ai jeté tous mes anciens posters pour mettre des photos de vous !


Tout le public et le présentateur se mirent à rire. La journaliste montra son agacement en soupirant. L’interviewé attendait patiemment que la jeune fille ait fini pour lui répondre d’un trait d’esprit mémorable.


Zarathustra : Ecoute, jeune fille, je suis très flatté mais je pense que tu devrais accorder tout cet amour à ton Seigneur. C’est lui qui mérite toute ton attention, pense à le prier tous les jours et à faire le bien autour de toi.


Journaliste : Breeeeeeeeef…si je peux continuer, j’aimerais vous interroger sur vos déclarations récentes concernant le régime du- 


Homme du public : Ferme-la ! 


Un homme s’était levé dans le public et s’adressait directement à la journaliste. Le présentateur, l’air agacé, s’adressa au malotrus avec dédain.


Journaliste : Alan mais qu’est-ce-que tu…


Présentateur : Hé oh, mon gars, tu gâches une émission en direct là. Virez-moi ce guignol. 


Deux vigiles, de chaque côté des tribunes, s’avancèrent de l’ombre pour venir escorter l’homme jusqu’à la sortie. Il sortit une arme qu’il braqua sur Ipanema d’une main tremblante.


Homme armé : Joan, comment t’as pu me faire ça…? Comment tu as pu me larguer ? Espèce de salope, je vais te crever ! 


Personne n’osait intervenir. Le ton de l’émission était passé de la comédie potache à la tragédie en un retournement de situation. Tout le monde espérait maintenant que les cris d’adolescentes si vendeurs ne résonnassent plus. Le forcené descendit lentement les marches des tribunes dans un silence de mort, recroquevillant chaque spectateur sur son passage. L’arme au poing, il avança vers le plateau. 


Joan : J-je t’en prie, Alan…n-ne fais pas ça. 


Zarathustra : Elle a raison, Mon Fils, calme-toi. Pourquoi ne viens-tu pas discuter calmement avec nous ? Je suis sûr que nous pourrons régler ça dans la sérénité.


Ignorant la peur, le cardinal s’avança, doucement, comme il l’avait fait avec le sans-abri agonisant quelques minutes plus tôt. En bon Père, il prit la peine de lancer un regard rassurant à son disciple dans les coulisses qui tremblait de peur. 


Homme armé : Pour qui tu te prends, sale prêtraille. Si tu ne la fermes pas, je vais te réserver le même sort qu’à cette pute ! 


Il tourna son arme vers la femme avec un regard qui ne pouvait plus voir que le rouge et le blanc, la mort et le vide. Après un dernier regard terrifié et suppliant d’Ipanema, son doigt commença à presser la gâchette.


Zarathustra : Baissez-vous ! 


Le coup partit. Juste à temps, le cardinal s’était jeté sur la femme pour la protéger de la trajectoire de la balle. L’homme laissa tomber son arme et les vigiles se jetèrent sur lui et l’entraînèrent de force vers la sortie sous un flot d’insultes misogynes.  


Zarathustra : Tout va bien, ma fille, vous n’êtes pas blessé ? 


Fort heureusement, Ipanema était indemne. L’ecclésiastique l’aida à se relever, encore sous le choc de ce qui venait de se passer.


Joan : J-je vous remercie, Mon Père, mais vous n’êtes pas blessé ?! J’ai cru voir la balle vous…


La femme regarda le bas du torse de Zarathustra où la balle aurait dû se loger mais il était parfaitement indemne. Dans un soupir de soulagement, elle reprit.


Joan : J-je ne sais pas comment vous remercier…cet homme, c’est mon ancien petit ami mais j’ai pris trop de temps à me rendre compte du fou furieux qu’il était et maintenant…


Le cardinal posa une main compréhensive et rassurante sur l’épaule de la jeune femme et lui adressa le même sourire rassurant qu’il adressait à son disciple. 


Zarathustra : Ne me remerciez pas, Ma Fille…


Il s’approcha de l’oreille de Joan et parla tout bas comme dans un confessionnal. 


Zarathustra : Remerciez le Tout-Puissant de vous avoir laissé en vie ce soir. 


Derrière cette phrase anodine, un vent glaçant traversa la poitrine de la jeune femme. Zarathustra fit signe à Sulpice de rassembler leurs affaires et s’en alla, sans plus d’explication. 



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