Retrieve Bass

Chapitre 12 : douze signes trompeurs

5131 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/11/2025 16:57

─ Je suis désolé. C'est de ma faute.

─ C'est pas le moment, Yuji.

Notre passage est dans moins de deux heures. Nous arpentons les couloirs tout en ouvrant chaque porte qui se présente à nous. Yuji radote encore derrière mon dos. Il est persuadé que Nobara s'est fait la malle.

─ J'aurai dû faire gaffe. On était ensemble aux installations. Elle plaisantait même avec les techniciens... Le moment d'après, elle était introuvable. J'étais juste à côté d'elle...

─ Elle n'a pas disparue. On va la retrouver.

─ Ça ne sert à rien, fait-il en désserant sa cravate. Elle serait revenue d'elle-même depuis... Elle ne veut pas qu'on la trouve, c'est évident.

─ Ça ne te ressemble pas de dire ça.

Il ne réplique pas et range simplement le bout de tissus dans sa poche. Je referme une énième classe. Vide.

Si elle est nous esquive, il faut que je fasse preuve de plus d'ingéniosté que ça... Où Nobara Kugisaki peut-elle bien se cacher ?

─ C'est le stress. Nobara à dût paniquer mais je ne pense pas qu'elle soit très loin. Allez, reprend-toi.

Il serre le poing dans sa poche en refusant de me regarder. Il refoule une parole mais préfère se taire. Qu'est-ce qui lui arrive ?

─ Je vais vérifier les toilettes.

Sur ces paroles, il disparait et je continue d'avancer.

Je passe devant la salle des prof puis passe au niveau du hall d'entrée. Les parents et les élèves sont accueillit par les professeurs qui entament les premiers contacts. A peine plus loin, dans la cours, je distingue des stands tenu par les délégués de classe qui, pour l'occasion, ont sortis leur plus beaux vêtements.

J'avance quelques mètres avant de me faire harponner par une voix familière. Sans me retourner, je sais déjà de qui il s'agit.

─ Megumi ! Tu tombes à pic !

Gojo Satoru, une chemise bleue boutonnée et sans un plis - mais avec un bout de salade entre les dents -, arrive vers moi accompagné d'un homme.

─ J'aimerai te présenter Geto Suguru...Mon ami guitariste, tu t'en souviens ?

─ Bien sûr. Enchanté.

L'homme au cheveux long noir, attaché en un chignon léger, me présente un sourire amical après m'avoir serré la main. J'espère qu'elle n'était pas trop moite.

─ Je suis heureux de te rencontrer enfin. Tu te sens comment aujourd'hui ?

J'ai l'impression d'être à bout de souffle. Mes yeux sillonent les alentours mais je suis forcé de répondre la première chose qui me traverse l'esprit :

─ Impatient.

Gojo à déjà ma main sur mon épaule. Il rigole, mais je n'ai pas l'impression d'avoir dit...quelque chose de drôle ?

─ Megumi est en charge du groupe de musique. Je pense que c'est important de comprendre les enjeux d'une telle position à son âge. Il faut les responsabiliser, c'est ce que j'ai toujours répété. Yaga, lui, les traite encore comme des enfants...

Gojo râle mais son ami secoue la tête, déjà épuisé par les mimiques de son camarade.

─ Ce n'est pas la même chose d'être proviseur et professeur, nuance Geto. Les enjeux sont différents. Je me souviens quand tu étais délégué au lycée... Une catastrophe. Tu avais organisé un voyage à la plage sans demander l'autorisation à l'administration.

─ Je répondais aux besoin du peuple, où est le mal ? Si je n'avais pas été là, on serait passé à côté du meilleur souvenir de l'année, ne dit pas le contraire !

Geto Suguru sourit, par dépit.

─ Je pense que certains rôles à responsabilité ne sont pas fait pour tout le monde... sans offense.

Je ne peux pas m'empêcher de prendre ses paroles personnellement. Il a raison d'une certaine manière. J'espère qu'il ne s'apercevra pas que je suis loin d'être un modèle de référence... Ais-je seulement le droit d'être dans une position à responsabilité alors que j'ai dû mal à garder patience ?

─ C'est pour ça que tu n'es pas prof, relève Gojo, taquin.

─ Et toi que tu n'es pas proviseur-

─ Si on leur donne l'occasion, je suis persuadé que les élèves feront tout leur possible pour en tirer le meilleur, rétorque mon prof principal. Pas vrai Megumi ? Ça ne fait pas beaucoup de temps que tu es dans ce club, mais j'ai l'impression que tu as déjà beaucoup appris.

─ Par hasard...vous auriez vu Nobara ?

Il tend son cou et vérifie les environs à droite et à gauche.

─ Elle était avec Yuji la dernière fois que je l'ai vu. Tout va bien ?

─ Elle n'est plus avec lui.

─ Mmh je vois. Eh bien... Louane et la petite Miwa sont en salle informatique. Nobara et ses filles sont toujours fourrées ensemble, m'indique-t-il. Tu auras plus de chance avec elles.

La salle informatique ? Je n'ai pas encore vérifié. Je le remercie et avant de partir Geto m'annonce :

─ Je te souhaite bon courage, Megumi. J'ai hâte de t'entendre jouer. J'espère avoir de belles surprises.

Gojo me tape dans le dos avant de s'éloigner en direction d'un duo d'élèves déguisé en tasse. Sans doute les comédiens du club de théâtre qui doivent se préparer pour entrer en scène...

Je n'ai plus le temps à perdre.

Dans la salle informatique, les ordinateurs ronronnent. Mais, aucune trace des filles. Un ordinateur est encore allumé. Je me déplace jusqu'au poste et remarque un document posé à côté du clavier. Une simple lettre de motivation. L'objet ?

Demande d'intégration à l'université de Wester.

Un éclat de voix suivit de deux ombres interrompt ma lecture.

Louane d'un côté, et de l'autre...Je reconnais une des filles que j'avais rencontré à la table de Nobara, la premièrefois. Je n'avais pas relevé qu'elle avait les cheveux aussi...bleus. Je déduis qu'il s'agit de Miwa. Cette dernière pose un tas de papier sur la table.

─ Megumi Fushiguro ? Alors...quel culot...de-de...

Elle a l'air d'avoir envie de vider son sac tout en ayant l'air qu'on la retienne. Elle regarde en arrière et s'enflamme :

─ Tu n'as pas honte ? C'est de ta faute si Lou peut pas jouer ! Tu l'as massacré ! J'avais déjà entendu les rumeurs te concernant... et elles sont vraies ! Tu es vrai animal ! T'as pas de pitié !

─ Ça suffit Miwa. Je sais me défendre.

Les yeux de Miwa sont déjà translucides alors qu'elle jette un regard à sa camarade qui lui dit :

─ C'est gentil. Mais laisse tomber.

─ Laisser tomber ? T'es pas sérieuse, Lou. Pas toi. Si je joue aujourd'hui, c'est uniquement parce que tu m'as poussé à le faire. Si tu n'es même pas là pour jouer, ça ne sert à rien-

─ Je t'ai déjà expliqué.

─ Mais...

─ Les autres doivent attendre les prospectus. J'ai encore des choses à imprimer.

Miwa déglutit avant de ramasser le tas d'impression. Elle souffle avant de lui demander :

─ On se retrouve plus tard ?

─ Bien sûr.

Miwa quitte la salle sans cesser de me lancer des éclairs avec ses yeux. Le silence retombe. Comme si j'étais un fantôme, Louane se place devant l'ordinateur. Je commence :

─ Au risque de me répéter-

─ Oublie.

─ Je suis désolé pour ta cheville. Sincèrement. Tu vas mieux depuis..?

Elle souffle du nez en pianotant sur le clavier.

─ Elle n'est pas là.

─ Pardon ?

─ Nobara. C'est bien elle que tu veux voir, non ?

Elle branche sa clé USB et déclare :

─ Elle ne veut pas te voir.

Je n'ai pas besoin d'interpréter ses paroles car ses gestes parlent d'eux-même.

─ Tu sais où elle est...

C'est évident maintenant. Louane refuse de maintenir le contact visuel. Elle a beau faire bonne figure devant Miwa ou moi, ça ne trompe personne. Je lâche :

─ C'est quoi ton problème ?

J'avance derrière son siège et c'est à ce moment qu'elle se lève. Elle quitte son siège et me barre la route. Bien, au moins, ma question trouve sa réponse.

─ Tu ne devrais pas la forcer, dit-elle.

Elle refuse de me toucher. Mais, son bras en travers me fait comprendre qu'elle ne compte pas me laisser avancer un pas de plus.

─ Il faut qu'elle monte sur scène.

─ Même si elle n'a pas envie ?

─ Surtout si elle n'a pas envie. Tu es sûre d'être son amie ? C'est ce qu'elle veut et tu le sais très bien. Il faut juste que quelqu'un le lui rappelle...

─ Elle n'a pas besoin de toi. Elle est grande.

Je commence à ne plus comprendre. Depuis le début, je n'ai jamais compris ce qu'elle avait en tête.

─ On s'est tous entrainé ensemble et elle nous lâche au dernier moment... C'est ce que tu veux que je raconte au groupe ? Leur montrer qu'il ne peuvent pas compter sur elle ?

─ Parce que tu penses qu'on peut compter sur toi ? Je te rapelle que tu as intégré le club de musique pour éviter l'exclusion.

─ Et alors ?

─ Tu es la dernière personne qui devrait donner des leçons aux autres. J'ai essayé de t'accepter dans ta nouvelle position, par solidarité. Je me suis dis que tu n'étais pas si méchant qu'on le pense. Mais au fond, t'es qu'un gars paumé. J'aime pas les gens comme toi qui ne savent pas où ils sont. Qui ne savent pas pourquoi ils sont là.

Elle rigole presque. Une vague de frustation m'envahit. Louane s'approche pour que j'entende chaque syllabe :

─ Tu ne mérite pas ta place. Tu es là seulement parce que tu n'avais pas le choix. Tu n'es pas sincère. Si tu veux trouver Nobara c'est uniquement dans ton propre intérêt. Ce n'est pas pour le groupe. Encore moins pour elle.

Son constat me rappelle les paroles de Geto et Gojo un peu plus tôt. Je suis bien conscient qu'une telle place se mérite, et que je suis loin d'être un exemple.

─ Honnêtement... je m'en fous de ce que tu penses.

Pourtant, m'y voilà... A l'heure actuelle, c'est ma place et celle de personne d'autre. Je réplique :

─ Si Nobara ne vient pas elle le regrettera c'est certain. Si j'ai l'air chiant, tant pis. Mais je compte bien la rammener sur scène, avec ton accord ou non.

Ceci étant dit, j'ai bien compris qu'elle ne compte pas me lâcher de sitôt. C'est alors que je saisis le document posé à côté d'elle depuis le début. Ses yeux sont déjà en alerte.

─ Rends-moi ça.

─ Les gens oublient de lire ce qu'ils écrivent. Jusqu'à ce que quelqu'un le lise pour eux-

─ C'est privé.

─ C'est à ce moment qu'ils se rappellent ce qu'ils voulaient dire à l'origine - tu veux aller à Wester si j'ai bien lu ?

Un rapide coup d'œil sur les lignes confirme mon hypothèse. Une université, à l'étranger, spécialisé pour les parcours sportifs. Ça fait sens.

─ Tu sais où veux aller plus tard. Ravi pour toi. Tu comptes faire une brillante carrière dans le sport. Tant mieux pour toi. C'est ta passion et tu vis pour ça. Je te comprends.

─ Arrête ça.

─ Pourquoi arrêter ? Tu es énervée contre moi. C'est logique. Je t'ai flingué la cheville alors que tu joues au foot et que t'adores ça. Et c'est pour ça que tu me prends la tête-

─ T'es pas le centre du monde Megumi. Redescend sur Terre.

Moi je reprends trop jovial d'un coup - et très pressé aussi :

─ Si j'étais à ta place, je serai aussi en colère. Pire encore. Si la personne qui m'avait blessé ma main était venu me voir pour un service... je lui aurai déjà arraché la tête. Mes excuses ne changeront rien. Je le sais. Tu ne m'apprécie pas. Je le sais aussi.

Elle ne sait plus si elle doit m'observer ou me dévisager. Elle préfère faire les deux en même temps.

─ J'aurai pû jouer aujourd'hui...

─ Je sais.

Elle souffle.

─ Il y avait des recruteurs de la région qui passaient avec leur ado. Mine de rien, ça aurait était l'occasion d'avoir de la visibilité - et merde. T'es vraiment qu'un bâtard Megumi.

Ça, c'est nouveau. Je hoche la tête une dernière fois.

─ Je sais. Dis moi où est Nobara et je te promets que tu pourras m'arracher la tête quand tu auras envie.

Megumi à Yuji

[ Dans les toilettes des mecs du 3e étage.]

Je reçois un message de Yuji quelques minutes plus tard, m'informant qu'il a retrouvé notre chanteuse.

Il n'est pas aussi bavard que d'habitude. Il reste taiseux jusqu'à ce que notre heure arrive.

Inumaki s'étire les bras et Yuji, fixant un point invisible, fait tourner ses baguettes dans sa main. De l'autre côté, Yaga, notre proviseur, apparaît sur la scène et entame un discours aussi barbant qu'inutile.

Nobara est là. Elle se recoiffe et je remarque que ces cheveux sont plus courts que d'habitude.

─ Pas de commentaire, grogne-t-elle. Je ne veux aucune allusion sur ce carnage. Ça m'apprendra à vouloir innover la veille de monter sur scène...

Ce n'est quand même pas pour ça qu'elle...? Je préfère penser à autre chose. Le plus important, c'est qu'elle est là.

─ Tu pense que tu peux le faire ?

Elle me regarde comme si je lui avais demandé qu'elle pointure faisait son père.

─ De quoi tu parles ? Oh ça...J'aurais déjà quitté le lycée au lieu d'aller dans les toilettes si je voulais vraiment partir.

Elle retouche ses cils dans son miroir de poche. C'est ça sa seule excuse ? Je secoue ma tête.

─ Pourquoi...dans les toilettes des mecs ?

─ Parce que. Yuji n'aurait jamais vérifié là en premier. Il est assez prévisible et je voulais la paix.

Juste à côté, Yuji roule des épaules. Il n'a toujours pas remis sa cravate et ses cheveux ne tiennent plus en pique. Le gel a perdut de son effet et j'imagine que c'est parce qu'il a courut dans tous les sens pour retrouver Nobara... Je ne les ai pas vu interragir depuis que je suis arrivé.

─ Tu n'aurais pas dû disparaître quelques heures avant la repres'. Tu penses que t'es cool à n'en faire qu'à ta tête ?

─ Oooh, Megumi qui me sermonne. Un vrai prof.

─ Je suis sérieux.

─ Tu vas me mettre une avertissement dans mon carnet ?

─ Tu nous a fait stresser. Yuji surtout. Il était assez préoccupé par ton absence. Il s'en voulait même.

─ Mais toi, reprend-t-elle, tu savais que j'allais revenir, non ? Lou m'a tout raconté.

─ Louane ?

Elle m'écoute d'une oreille avant de refermer son poudrier. Elle récupère un beaume à lèvres et continue ses préparatifs.

─ Oui Louane, ça t'étonne ? Je l'ai prévenu ce matin que j'avais honte de ma coupe et que je comptais sécher. Comme d'habitude, elle a pensé que j'étais ridicule d'agir de la sorte...

Elle soupire.

─ Je lui ai dit que j'allais rester avec Yuji, et une fois qu'il serait occupé, j'en profiterais pour partir.

─ Alors tu comptais bien nous abandonner...

─ Du moins c'est ce qui était prévu. J'ai changé d'avis quand je me suis souvenu de ce que Lou m'avait répondu, corrige-t-elle. Elle m'a assuré que j'allais chanter aujourd'hui, que je le veuille ou non. Je lui ai répondu quelque chose du style "t'es pas ma mère" ou "essaie un peu pour voir". Sauf qu'elle ne parlait pas d'elle.

Elle me regarde. Je remarque alors qu'elle a rajouté des paillettes argentées sur ces paupières.

─ "Parce que c'est ton prof... et qu'il ne ne te laissera jamais tranquille si tu fais ça." C'est ce qu'elle m'avait dit en guise d'avertissement. Tu te doutes bien que je voulais éviter que tu me maudisses, et je sais que t'es têtu dans ton genre. Alors... me voilà !

Comment ?

─ Je pense qu'en tant qu'entraîneuse, elle a bien compris comment marchait son équipe. Et que toi, en tant que prof, vous partagiez les même responsabilités. Depuis le temps, tu as bien compris que j'avais...mon caractère.

Louane savait déjà que j'allais retrouver Nobara. Comme je me doutais, elle ne faisait que me faire perdre du temps, littéralement. Je ne sais pas où ranger cette information. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

"J'aime pas les gens comme toi qui ne savent pas où ils sont. Qui ne savent pas pourquoi ils sont là."

Une chose est claire. Elle connaît ses priorités.

Même si elle ne m'aime pas en tant que personne, elle avait confiance en ma position de prof - assez en tout cas, pour que je puisse retrouver Nobara.

Yaga termine son introduction.

─ C'était vraiment beau, commente Yuji.

─ Alors, j'ai rien écouté, souffle Nobara en écho à mes propres pensées.

Maki arrive, essoufflée, jusqu'à nous.

─ Je suis là. Désolée d'arriver à la dernière minute. Je voulais vous souhaiter bon courage.

─ Merci ! Tu comptes nous regarder d'ici ? demande Yuji.

─ Je serais en régie avec mon copain. Il est arrivé en retard et j'ai dû l'accompagner jusqu'ici, s'explique-t-elle. Il n'est pas du lycée mais je voulais qu'il découvre un peu ce que je fais. Mais pas de soucis, tout est prêt ! Il ne manque plus que vous !

Nobara ne fait aucun commentaire et hoche simplement la tête. Je sais exactement ce qu'elle s'imagine.

─ Il vient d'où ?

─ Pardon ?

─ Ton mec-

─ Bon, j'entonne en clapant des mains. On doit y aller. Merci pour tout, Maki.

Quand nous nous retournons, nous sommes face au visage de Yaga. Inumaki pousse un cri de surprise. Suivit de celui de Yuji ? Et de Nobara ? Elle s'exclame :

─ Pourquoi tu cries imbécile ?! Tu m'as fait peur !

─ C'est Inumaki ! Je pensais qu'il était muet !

─ C'est quoi ce poulailler ? Hé oh, du calme ! Injoncte le proviseur alors que Yuji et Nobara surrenchérissent dans le vide. On vous attend sur scène. Je vous préviens... Si vous faites n'importe quoi devant les parents, je transforme le club de musique en sanitaire. Ne me décevez-pas !

Yuji est le premier à monter sur scène suivit d'Inumaki. On entend les premiers cris d'encouragement. La préparation de Yaga a l'air d'avoir porté ses fruits.

J'oubliais.

Je sors de ma poche le strapping noir prêté par notre batteur.

─ Megumi...

Derrière moi, Nobara hésite un instant alors que je finis d'installer le ruband autour de mon poignet.

─ Bon courage.

Je hoche la tête et débarque à mon tour. Une trentaine de visage nous regarde. Une minute plus tard, la chanteuse arrive et après les premiers applaudissement...

Mes premiers accords ouvre la séquence : Temps à Nouveau de Jean Louis Aubert. Un titre tout public, mais surtout intergénérationnel pour l'occasion.

Je gratte à peine jusqu'à ce que la voix de Nobara s'y pose enfin :

─ Puisque les dauphins sont des rois,

Que seul le silence s'impose...

A volée, Yuji entre en jeu. Il appuie sur sa caisse et la musique grimpe en intensité.

─ Puisqu'il revient à qui de droit,

De tenter les métamorphoses...

Les doigts de Nobara se ressèrent sur son micro, et j'arrive aussi, à sentir la tension comprimer sa gorge.

─ Et que lorsque le monde implose,

Ce n'est qu'une nouvelle émission...

Émission...

Je desserre mes doigts comme si j'étais devenue l'extension de ses muscles.

─ Il est temps à nouveau !

Oh temps à nouveau !

De nous jeter à l'eau...

Kick, snare, charley. Yuji les enchaîne yeux fermés. Sa tête se secoue au rythme de ses baguettes. Sa coupe de cheveux ne tient plus. Le col de sa chemise s'ouvre. Les manches se relèvent comme si la puissance de ses vibrations les avaient projetés.

Nobara a déjà attrapé son micro dans sa main. Elle arrive à côté de moi et chante devant mon visage :

─ De monde meilleur on ne parle plus...

Ensuite, elle apparaît devant Yuji qui ouvre à peine les yeux.

─ Tout juste sauver celui-là, celui-là...

Nobara agrandit ses bras, tourne autour d'Inumaki avant de revenir devant la scène.

─ Eh ! Il est temps à nouveau,

Oh temps à nouveau !

De prendre le souffle à nouveau !

Hammer-on. Pull-off. Mes accords se mêlent aux siens. Le morceau décolle, s'élève au-dessus de nos têtes, puis s'alourdit, écrase mes épaules, appuit sur ma colonne vertébrale, tasse mes doigts contre les cordes.

Ride. Crash. Yuji continue en ouvrant ses cymbales. Les sons résonnent, répercutent l'écho de la voix de Nobara, tourbillonnent comme un siphon terrible.

Plus vite. Plus fort. Plus long. Plus court. Plus doux. Plus aggressif.

Le final arrive. Les frissons se mélangent à la sueur. La chaleur se déploie en courant électrique. La douleur se change en euphorie. Mes jambes tremblent et mes hanches s'agitent.

La dernière note s'étend pendant plusieurs longues secondes. Ensuite, le silence couvre nos dernières respirations. Le public arrive juste après.

La salve d'applaudissement dégourdie mes doigts. Mes yeux papillonnent sur les visages devant moi. Quelques enfants lèvent les bras. Les parents continuent de nous applaudir. Les élèves sifflent et scande le nom de Nobara.

C'est son moment. Elle leur envoie des cœurs et des baisers avec sa main. Dans un coin, je remarque d'autres élèves qui continuent de rigoler en nous pointant du doigt. En première ligne, je reconnais le gars qui m'avait pris à part pendant la dernière réunion d'information des clubs.

Yaga arrive bien vite sur la scène provisoire. Il s'éponge le front comme s'il s'était produit avec nous. Il nous félicite et palabre pendant quelques minutes sur les bienfaits d'appartenir à un groupe de musique.

Sur scène, un visage se découpe dans la foule. Les yeux percants de Geto ne me quitte pas d'une seoncde. Son menton s'incline à peine, mais son soutien silencieux rend mes mains encore plus moites qu'elles ne l'étaient déja.

Je l'ai fait.

Je reprends mon souffle alors que nous quittons la scène. J'ai la tête qui tourne encore, les échos vibrent dans les parois de mon crâne mais la sensation est magique.

Je tire la chasse d'eau et sors des toilettes.

Yuji se lave les mains. J'arrive à côté lui et je dépose une noisette de savon dans ma paume. 

─ T'étais incroyable.

Nos regard se croisent dans le miroir. Yuji m’a entendu, mais il préfère regarder le lavabo. Il doit être en train de digérer sa prestation...

Nous finissons de nous laver les mains sans qu'aucun de nous deux ne relance la conversion.

─ C'est fou. J'ai les mains qui tremblent encore.

─ Dis, t'es content de ta prestation ?

Je tourne la tête, étonné.

─ Oui, pas toi ?

Il hausse les épaules. Il enchaîne, de nulle part :

─ Nobara est mon amie, mais parfois j'ai du mal à la comprendre. Quand j'ai cru qu'elle était partie, je n'ai pas cherché à comprendre. Après tout, elle n'en fait qu'à sa tête.

Il place une main mouillée sur sa nuque. Il ferme les yeux face à la sensation.

─ Toi...tu n'as pas hésité une seconde, achève-t-il.

Ça m'étonne qu'il puisse avoir de telle réflexion maintenant.

Moi, je me sens libéré et drôlement euphorique. À côté, Yuji tire une tronche de déterré. Pour une fois, les personnalités sont inversées.

─ Aujourd'hui, je me demande d'où tient sa réussite. Si c'est toi qui a choisit la musique qu'elle devait chanter, toi qui a dût te démener pour la ramener... Je vous ai entendu. Elle est restée uniquement car elle savait que tu étais derrière elle. Si tu n'avais pas été là, peut-être que Nobara n'aurait jamais chanté... Je me rends compte que j'avais faux depuis le départ. La vérité c'est que je n'ai jamais eut confiance en elle-

─ Arrête de dire des conneries.

Je vois bien où il veut en venir. Son quart d'heure de remise en question ne prend pas avec moi. Je ne suis ni d'humeur, ni apte à écouter des inepties pareilles. Je lui affirme, avec tout le sérieux qui me reste :

─ Tu te soucis d'elle et personne ne pourra dire le contraire. Tu t'en veux... mais ça y est, c'est de l'histoire ancienne. Ne doute pas de toi. Surtout pas après la prestation que tu viens de nous livrer.

─ Je me pose juste...des questions. Je suis content d'avoir jouer avec tout le monde. C'est pas ça le problème.

─ Qu'est-ce que tu essaies de me dire alors ?

─ C'est que...est-que je mérite ma place ?

Il est bien le premier à se remettre en question après un sans faute. La "disparition" de Nobara a dut l'impacter plus que je ne le pensais...

─ Je crois pas que tu m'as pas entendu la première fois, Yuji. J'ai dis que tu étais incroyable. Et je ne dis pas ça à tout le monde.

Je n'ai pas encore trouvé les mots adéquats pour décrire ce que j'ai entendu. Ni même ce que j'ai vu. Il était éblouissant. Mais, le couvrir d'éloges à ce stade n'a pas l'air de l'aider. Il continue de se sécher les mains, l'air ailleurs.

D'un moment où un autre, il réalisera la prestation qu'il a fait.

Le moment arrive quelques minutes plus tard. Nobara nous harcèle quand nous arrivons dans notre salle de répétition pour le debrief.

─ Wow c'était trop bien ! Même si j'ai raté des passages - wow ! J'étais-

─ Une vraie star. Tu as assuré, conclut Yuji.

Elle pousse son épaule avant de renchérir :

─ Toi aussi, assure-t-elle, en remarquant qu'il s'agit de leur première interraction depuis sa "fuite". Tu nous a régalé. J'ai bien cru que tu allais me voler la vedette a un moment !

On toque à notre porte. Maki dévoile son visage, suivit d'un jeune homme qui a l'air d'avoir été poussé hors du lit.

─ Félicitations..! Vous étiez parfait !

Inumaki s'empresse d'aller à la rencontre du jeune homme. Ils se reconnaissent assez vite.

─ C'est Yuta. Mon copain du coup.

─ J'ai adoré votre concert, reprend l'intéressé. Inumaki, tu m'as pas dit que tu maîtrisais la basse, t'es carrément trop cool.

Gojo et Geto arrivent peu après. 

─ Quel miracle, quel spectacle, quel groupe ! s'émeut Satoru en nous lançant des canettes à tour de rôle. Reprenez des forces, c'est bien mérité !

Geto est le premier à venir vers moi. Il ne m'a jamais semblé aussi grand, aussi imposant, aussi important qu'aujourd'hui.

─ Bravo.

Il me serre la main, et une autre se place sur mon épaule. À ce moment, j'ai l'impression que je pourrai m'écrouler. La pression s'est évaporé depuis. L'adrénaline, qui me faisait tenir jusqu'ici, s'est dissipé sous ce seul mot.

"Bravo."

Geto m'a felicité. Ça y est. Je sais enfin que c'était la seule chose qui je voulais entendre. La fatigue accumulée au cours de ces derniers jours se ressent d'un coup.

─ Si tu maintient ce niveau, je peux t'assurer que tu as de beaux jours devant toi. Tu as beaucoup de potentiel.

Je hoche la tête.

─ Je vais continuer de m'améliorer. Merci.

Enfin, son regard se pose sur un point derrière moi.

─ C'est lui votre batteur ?

─ Oui, je lui dis en me tournant à peine. C'est Yuji.

Il tapote mon épaule une derniere fois avant de s'éloigner. Gojo le suivant, arrive devant mon visage :

─ Au début, je ne pensais pas que la chanson allait correspondre au groupe. Mais...c'était du beau boulot ! Les parents parlaient encore à la fin du concert. Ils auraient aimé venir avec des amis. J'ai entendu dire que...

Deux rires distincts se font entendre derrière mon dos. De nouveau, je tourne ma tête à peine.

─ Tu as appris tout seul ?

Geto, bras croisés, soumet Yuji à un interview suprise.

─ Eh bien, mon papi avait des tas d'instruments chez lui. J'ai regardé des tuto sur mon téléphone... C'était pas simple au début, mais j'ai compris comment ça marchait au fur et à mesure.

─ Et la batterie ? Tu as pris quelques cours au moins ?

Yuji secoue la tête alors que Yuta, juste à côté, arrondit ses yeux.

─ C’est épatant...

Lui, qui était encore hésitant de sa position au sein du groupe il y a quelques minutes...Il semblerait que notre batteur ait obtenu deux nouveaux fans aujourd'hui.

─ Alors , s'exclame Geto en doigt sur son menton, c'est vraiment... extraordinaire. Tu m'as épaté. Je me suis dit que ce petit avait déjà de l'expérience derrière lui...

─ Ouais, enfin, non du coup.

─ Tu as une méthode particulière ?

Il hausse les épaules.

─ Ça vient comme ça.

Geto rigole de nouveau en répétant son "ça vient comme ça". Un drôle de frisson me piquote la nuque.

Geto continue de parler avec Yuji qui gagne peu à peu du poil de la bête. Gojo, quant à lui, n'arrête pas son monologue. Mais je ne l'écoute déjà plus.

Enfin, mon poing se reserre, quand la même main qui s'est posé sur mon épaule plus tôt, empoigne Yuji pour une étreinte amicale.

─ Les retours vont vous faire de la bonne pub, continue Gojo. En tout cas, c'est de bonne augure pour votre groupe de musique. Si ça se trouve d'autres de vos camarades vont venir s'inscrire...

"Alors là, c'est vraiment... extraordinaire. Tu m'as épaté."

Yuji mérite... Il a très bien joué. Je suis le premier à l'avoir remarqué. Geto aussi.

Je suis content de moi, et c'est l'essentiel. Mais, pendant ce temps-là..

"Bravo."

Bravo ?

Les picotements se propagent jusqu'à mon thorax. Mes narines soufflent un peu plus fort.

Juste bravo ?

─ Tu m'écoutes Megumi ?

Les yeux bleus de Gojo sont soudainement trop percants. J'ai l'impression qu'il peut lire ce que mon esprit tente de couvrir.

─ Oui.

─ Tout va bien ? Prends une boisson, tu as l’air d’avoir un coup de chaud.

Il me tend une canette à bout de bras. Le soda luit sous l’éclairage. Je secoue la tête.

─ Je vais prendre l’air. Merci

Je ne trouve pas de suite convainquante. Je m'échappe la seconde suivante.


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