Le Revers de L'Infini - Tome 2 : L'Eveil
Le matin se lève sur un silence tendu…
Aya entrouvre sa porte avec précaution, passe doucement la tête dans le couloir. À droite. À gauche. Personne.
Elle sort alors, son livre serré contre elle comme un bouclier. Chaque pas résonne à peine. Elle avance vers le réfectoire, discrète, presque invisible.
Soudain, au détour d’un couloir, Souta apparaît, les mains dans les poches.
Aya s’arrête net, le cœur suspendu.
Il va me regarder comme les autres… comme une anomalie ?
Mais Souta penche la tête, un peu intrigué, sans hostilité.
— Salut Aya. Ça va ?
Elle le fixe un instant, puis hausse les épaules, presque absente.
— Je crois, oui...
Elle reprend sa marche. Souta la suit des yeux, hausse à son tour les épaules et continue calmement.
Dans le réfectoire, Aya s’installe seule, après avoir choisi un petit plateau. Elle jette un regard furtif derrière elle comme un petit animal à l'affût du danger.
Elle baisse les yeux sur son assiette, lorsqu’une voix puissante brise le silence du lieu.
— YOOOO ! QUI EST PRÊT POUR LE PETIT DEJ DES CHAMPIONS ?!
Les portes claquent presque. Panda entre comme une tempête. Il scanne la salle, aperçoit Aya, et fonce droit vers elle.
Sans demander la moindre permission, il s’assoit face à elle, un sourire immense.
— Hé, toi ! T’as une bonne tête. Je peux m’incruster ?
Aya sursaute, pousse un petit cri de surprise.
— Ho !… Tu existes pour de vrai alors...
Panda arque un sourcil, tout en attrapant un onigiri.
— Bah ouais, j’existe ! Tu croyais quoi ? Que j’étais une hallucination au tofu ?
Il croque, sans aucune retenue.
— T’es Aya, c’est ça ? La fille qui fait apparaître des trucs chelous depuis sa tête ?
Il se penche, curieux, joueur.
— J’te rassure. J’suis chelou aussi. On va bien s’entendre.
Aya incline la tête, hésitante.
— Oui… c’est moi…
Elle baisse les yeux, puis les relève doucement vers lui.
— Et toi ? T’as quoi de bizarre ?
— Déjà, j’suis un panda qui parle. Ça, c’est original, non ?
Il lui fait un clin d’œil, tout en mâchant.
— Mais j’suis pas une peluche. J’suis un incarné. Un corps maudit fabriqué. Une peluche magique, mais avec des muscles.
Il tape son épaule d’un coup sec.
— Et j’sais me battre. Très bien, même.
Aya le regarde avec curiosité, ses yeux s’arrondissant un peu plus.
— Un incarné… fabriqué ? Eh ben…
Un léger sourire lui échappe.
— Je suis contente de te rencontrer. Moi… je sais pas du tout me battre. Je suis plus du genre à me cacher. Elle rit doucement, un peu gênée.
Panda mâche plus lentement, intrigué.
— Alors comme ça, t’as balancé un truc assez fort pour faire flipper une classe S ?
Il pose son mochi sur le plateau.
— T’es pas banale, toi.
Il sourit.
— Et t’as même pas fui. Respect.
Aya baisse le regard.
— J’ai pas fui… parce que j’ai pas pu. La peur me paralyse.
Elle pousse un soupir.
— C’est pas du courage. Et c’est pas vraiment moi… C’est dans ma tête.
Panda hoche lentement la tête.
— Peut-être. Mais t’es restée. Et ce qui est dans ta tête, c’est quand même toi.
Il pose un coude sur la table, curieux.
— Elle a un nom, ta tornade mentale ?
Aya l’observe, comme si elle jaugeait ses intentions.
— Cindy.
Panda sourit.
— Cindy, hein ? Pas mal pour un truc qui découpe.
Il lui tend une brioche, presque solennel.
— Tiens. Ça aide contre la peur.
Aya la prend doucement, touchée.
— Merci…
Elle croque un petit morceau.
— T’as déjà eu peur, toi ?
Panda hoche la tête, le regard soudain sérieux.
— Bien sûr. La peur, ça fait partie du job. Faut juste apprendre à vivre avec… sans se laisser figer.
Il la regarde droit dans les yeux.
— T’es déjà plus courageuse que tu crois.
Aya mâche doucement, pensive.
— Courageuse… je sais pas.
Elle le fixe à nouveau.
— T’as déjà vu un rang S qui parle… et qui veut te garder pour lui ?
Panda se fige une demi-seconde.
— Un rang S… qui te veut ? Sérieux ?
Son ton se fait plus grave.
— C’est pas rien, Aya. T’es spéciale.
— Franchement, j’m’en passerais bien...
Elle soupire.
— Nanami et Gojo m’ont dit que je me faisais remarquer. Trop. Par les bons… et les mauvais.
Panda hoche la tête, se lève lentement.
— Tu devrais parler à Gojo. Il connaît tout ça. Depuis qu’il est gosse.
Il se détourne, attrape son plateau.
— Il adore les histoires, surtout celles qui sortent de l’ordinaire. Et crois-moi, t’es pas banale.
Il lance un clin d’œil par-dessus son épaule.
— À bientôt Aya !
Aya lui sourit discrètement.
— À bientôt. Et… merci, Panda.
À peine Panda a-t-il quitté la pièce que Souta entre. Il dépose un livre devant elle, sans un mot. Sur la couverture, une typographie sobre :
“Formes et Esprits : Comprendre les Fléaux”
Il s’installe à une table plus loin, bras croisés.
— Je t’avais dit que je te le filerais...
Aya le regarde, surprise. Puis fixe le livre.
— Merci…
— C’est rien. Ça pourrait t’aider à comprendre ce que t’as affronté. Et ce qui pourrait revenir.
Aya serre le livre, grave.
— Qui va revenir, tu veux dire…
Elle lève les yeux vers lui.
— Il y a un chapitre sur les rang S qui parlent ?
Souta esquisse un petit sourire en coin.
— Ouais. Ceux qui causent, qui frappent fort… et qui reviennent toujours à la charge...
— Je l’oublierai pas. Elle s’est soignée instantanément, comme si j’avais rien fait.
Souta hoche la tête.
— Les rang S, c’est du solide. Et s’ils s'intéressent à toi… c’est jamais bon signe.
Il marque une pause, puis ajoute :
— Mais t’es pas seule.
Aya baisse les yeux.
— Je suis sur mes gardes en permanence. J’ai l’impression que même mon ombre pourrait me faire peur.
Elle rit doucement.
— D’ailleurs, c’est la première chose que j’ai dit à Panda : “Tu existes pour de vrai.”
Souta laisse échapper un sourire discret.
— Avoir peur, c’est pas un problème. C’est ce que t’en fais, qui compte.
Il désigne le livre du menton.
— Et vu ce que t’as déjà affronté… même ton ombre devrait se méfier de toi.
Aya le fixe.
— J’ai l’impression de ne rien maîtriser. Et c’est ça… qui m’effraie.
Souta pose un coude.
— Gojo gérera, il est fait pour ça. Mais si un jour t’as besoin... je suis là. Peut-être pas aussi fort, mais je fuis pas.
Aya baisse les yeux.
— C’est pas elle qui m’effraie…
Souta la regarde, le ton posé.
— Si c’est toi qui t’effraie… alors t’as déjà fait un pas.
Il montre sa tempe.
— Tu n’as pas besoin de tout contrôler. Juste… de ne pas détourner les yeux.
Il se redresse un peu.
— Et si un jour t’y arrives pas, t’es pas toute seule.
Elle le fixe longuement.
— T’as déjà eu peur qu’un de tes familier s’en prenne à toi ? Ou à un ami ?
Souta baisse brièvement les yeux.
— Oui… une fois. Mais c’était pas lui. C’était moi. Mon hésitation. Ma colère…
Il croise les bras.
— On apprend pas à les contrôler. On apprend à les guider.
Aya murmure :
— Et… tu y es arrivé ? À le guider ?
Elle pose une main contre sa tête.
— J’ai peur qu’elle en fasse qu’à sa tête...
Souta hoche lentement la tête.
— Ils ressentent ce que tu ressens. Le lien commence ici.
Il touche sa tempe.
— Si tu paniques, elle déborde. Essaie pas de la forcer. Écoute-la. Parle-lui. Même si elle répond pas… pas comme nous.
Aya ferme les yeux un instant. Elle respire. Puis les rouvre.
— Je crois que je la sens… là, quelque part. Tu crois que c’est possible ? Qu’elle soit encore là, même sans peur ?
— Si elle vient de toi, elle est toujours là. Elle attend peut-être que tu l’acceptes.
Souta la fixe calmement.
— Ce n’est pas une malédiction, Aya. C’est une part de toi. Moins tu l’écoutes… plus elle gronde. Mais si tu tends l’oreille, elle t’écoutera aussi.
Aya hoche lentement la tête.
— Je crois que je comprends...
Souta esquisse un sourire.
— C’est le premier pas.
Il se lève.
— Quand t’es prête, tu peux lui parler. Pas pour la dominer… mais pour avancer avec elle.
Il commence à s’éloigner, puis ajoute sans se retourner :
— Et si t’as besoin, je suis pas loin. Mon numéro est sur un post-it.
Il jette un dernier regard par-dessus son épaule, puis disparaît dans le couloir, mains dans les poches.
Aya ouvre le livre. Un petit post-it jaune y est collé, griffonné d’un numéro.
— Ho…
Elle referme lentement l’ouvrage, le glisse précieusement dans son sac, se lève, va poser son plateau, puis quitte le réfectoire. Un peu plus droite. Un peu moins seule