Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 34 : Les Ténèbres - Prémices de Sagesse

10780 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/02/2024 22:04

Me revoilà avec un nouveau chapitre, toujours dans le côté sombre de Kingdom Hearts… Ou bien dans sa Lumière cachée ?

Et juste pour changer, on va commencer ce chapitre avec un autre point de vue que d'habitude ! Sur ce, bonne lecture à tous !


Kairi a dû annoncer une terrible nouvelle à Sora : elle n'est pas sûre d'être amoureuse de lui, malgré sa confession. Ébranlé par cette révélation, l'adolescent est de nouveau saisi par les doutes et l'incertitude…

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 Traçant distraitement les mots sur le papier, la jeune fille relut ses dernières notes ; ça allait, ses écrits étaient bien à jour et elle n'avait pas fait de répétition étourdie. Revenant sur ses précédentes entrées, elle ne put s'empêcher de sourire légèrement : ses progrès étaient plutôt satisfaisants, et si elle continuait comme ça bientôt elle-

Sora m'a embrass…

La Princesse referma brutalement le journal avant de pouvoir finir cette phrase, sans même penser à ses notes du jour inachevées.

C'était encore trop dur.

Ce qu'elle avait compris… Non, ce qu'elle avait dû faire ce jour-là avait été affreux. Encore et toujours elle revoyait le visage radieux du garçon, bientôt remplacé par un désespoir à en faire sangloter les pierres… Et c'était elle-même qui lui avait brisé le-

- Kairi ? Que se passe-t-il mon enfant ?

La jeune fille sursauta quelque peu et rangea son journal, avant de se tourner avec un sourire avenant vers la petite personne dans l'embrasure de la porte.

- R-Rien, grand-mère, tout va bien…

L'ancienne s'approcha doucement, son visage ridé quelque peu plissé en une expression rassurante mais inquiète, alors qu'elle levait la main vers sa petite-fille :

- Allons, qu’est-ce qui ne va pas mon enfant ?

La Porteuse sourit tendrement en prenant à son tour la paume qui caressait sa joue en un geste maternel… puis ses lèvres tremblèrent et ses yeux se mouillèrent, avant qu'elle ne se détourne en couvrant sa bouche, hoquetant. Mais ne pouvant retenir les grosses larmes qui inondèrent ses joues, elle finit par se jeter dans les bras de son aïeule qui l'étreignit avec tendresse, laissant la jeune fille pleurer tout son soûl en caressant ses cheveux rougeoyants. Enfin, après quelques instants, la Princesse se recula, les yeux toujours clos et humides, alors que la vieille femme essuyait de son pouce les quelques larmes qui en perlaient encore :

- Que t'arrive-t-il donc, ma chérie ?

- G-Grand-mère, je…

La jeune fille renifla et essuya ses joues, les yeux rouges, avant de serrer les mains sur sa jupe en baissant la tête :

- R-Récemment… j'ai dû faire quelque chose d… d'horrible à quelqu'un que j… j'aime beaucoup…

- Qu'entends-tu par là ?

La Princesse ferma à nouveau les yeux, souffrant rien qu'au rappel de l'affreuse scène :

- Je… J'ai dû le…

Elle hoqueta, une main retenant un sanglot, tandis que sa grand-mère se contentait d'écouter patiemment :

- En fait… Il… Il m'a dit ce qu'il ressentait pour moi et j… Je ne sais pas si mes sentiments sont réciproques, et j'ai dit qu…

Un sanglot la coupa alors que les larmes revenaient, et elle pleura un instant tandis que la femme âgée posait une main compatissante dans son dos :

- Oh, mon enfant… Tu dois beaucoup tenir à lui si cela t'a été si dur de lui expliquer que tu n'étais pas sûre…

- C'est plus que ça ! s'écria-t-elle en relevant des yeux larmoyant. Grand-mère, j'ai…

Les mots se bloquèrent à nouveau dans sa gorge, alors que Kairi retenait ses sanglots en baissant à nouveau les yeux, honteuse.

- Nous nous connaissons depuis très longtemps, et je l'aime vraiment beaucoup… Et surtout je… Quand il m'a avoué, j'ai vraiment été très heureuse et soulagée, et pendant quelques temps ça a été comme ça… Mais… plus j'y repensais, plus j'avais de doutes… Pas pour lui, mais pour moi… Je ne savais pas si je… J'ignore si je l'aime réellement ainsi…

La Princesse s'arrêta enfin, respirant difficilement après sa confession. Ses incertitudes, ses craintes d'être aimée s'étaient toutes envolées à la confession de Sora… pour laisser la place aux doutes d'aimer. Elle tenait à lui, c'était certain, mais en ce sens… Elle ne savait plus. Passer des mois à ne faire que s'entraîner, ne voir presque plus ses amis d'enfance et ne penser qu'à cette Guerre qui les attendait tous, s'enfermer dans cette cage mentale sans réfléchir à ses propres sentiments…

Elle en avait oublié ce qu'elle ressentait vraiment au cœur de ce tumulte.

Et cette tendre confession avait, sans le vouloir, enclenché le processus de réalisation. Un processus qui avait impliqué de ne pas pouvoir dire oui tout de suite à celui qui l'aimait ; peut-être même ne jamais pouvoir le dire tout court.

Sa grand-mère la regarda encore, de ces yeux ridés emplis d'amour, et prit ses mains avec gentillesse :

- Il y a-t-il un autre qui ait fait hésiter ton cœur, mon enfant ?

- …Je ne sais pas… Je ne suis pas tout à fait sûre… Si c'est cela, ou si je ne suis juste pas prête…

- Kairi, tant que tu écoutes ton cœur, tu sauras ce qu'il en est. Et si ce jeune homme qui t'a avoué ses sentiments t'aime aussi, il comprendra ta décision…

- Tu n'as pas vu son visage quand je lui ai dit que je ne savais pas si je l'aimais ! craqua la jeune fille en regardant à nouveau son aïeule avec désespoir. Je lui ai brisé le cœur !

Un silence s'abattit entre elle, alors que la Porteuse sanglotait, les yeux larmoyants, et que sa grand-mère la contemplait avec tristesse et compassion. Puis Kairi baissa à nouveau la tête, honteuse :

- C'est le garçon le plus gentil au monde, et j… Il avait l'air tellement heureux et vulnérable quand il m'a dit qu'il m'aimait, et moi j'ai-! …J'ai tout gâché…

- Kairi, ne dis pas cela.

La vieille dame leva une main vers le visage de sa petite-fille et lui releva délicatement le menton, plongeant ses yeux tendres dans ceux honteux et mouillés de la Princesse repentante.

- Tu te devais d'être honnête avec ce garçon et avec toi-même, même si c'était douloureux pour vous deux.

Elle retira alors sa main et reprit celles de la jeune fille dans les siennes :

- Si ce garçon est tel que tu me le décris, il t'attendra.

La Porteuse la regarda encore un instant, incertaine ; puis rompit leur contact visuel, fixant le sol en une expression de profonde amertume. L'aïeule pencha la tête pour retrouver les yeux bleutés de sa chère petite-fille, lui disant avec douceur :

- Et s'il s'avère qu'il n'est pas celui que ton cœur a choisi… L'amour est aussi dans l'acceptation de la séparation.

Kairi osa relever la tête vers sa grand-mère, la lèvre tremblante devant ce regard tendre et bienveillant. Puis elle se jeta à nouveau dans ses bras, en pleurs, murmurant entre deux sanglots d'un ton sincère malgré sa douleur et ses doutes :

- Merci, grand-mère…


L'Élu ne put s'empêcher de remarquer le contraste météorologique entre le Jardin Radieux aux cieux dégagés et l'Olympe, tourmenté par un orage diluvien. Mais peu importe le temps qu'il faisait dans les Mondes ; rien ne rivalisait avec la tempête qui faisait rage dans son propre cœur, pas même l'ouragan ténébreux ayant englouti son île deux ans plus tôt.

Après la déprimante apathie suite à l'annonce de K-son amie d'enfance, une marée de questions et de sentiments violents étaient nés, tel un tourbillon furieux de son âme. Et du haut des remparts et le regard fixé sur la maison de Merlin, il n’avait pas plus l’impression que sa tempête intérieure s’était le moins du monde calmé en arrivant ici. Une marche le long des fortifications et quelques Sans-cœurs exterminés en compagnie du système de défense n'avaient apaisé en rien sa tourmente interne, et sans doute rien ne le ferait ; à l'exception d'une seule chose.

Des réponses.

Et une seule personne en ce Monde pouvait les lui donner.

Serrant d'une main la rambarde entre lui et la demeure de l'enchanteur, si fort qu'il s'en blanchissait les phalanges, le Porteur avala lentement sa salive, bien déterminé à aller demander à Kai-son amie d’enfance des explications plus poussées sur les raisons de leur "rupture".

Pourquoi, si elle était incertaine de ses sentiments envers lui, lui avait-elle rendu son baiser d’amour ? Pourquoi n’avait-elle pas dit, dès le premier jour, qu’elle n’était pas sûre ? Et pourquoi, si c’était le cas, avait-elle l’air aussi attirée par lui chaque fois qu’ils croisaient leurs regards ?

Elle le pensait pas sincère ? Parce qu’un baiser ça fait pas assez sincère ? Ou elle hésitait juste à cause d'un petit truc débile, genre… qu'elle craigne qu'il soit pas prêt ? Mais l'embrasser, c'est un sacré engagement non ? Qu'il soit pas disponible ? Bon oui il était pas vraiment là en ce moment, mais c'était pas sa faute si Yen Sid tenait à ce qu'il retrouve ce pouvoir de l'Éveil au Colisée, hein ! Qu'il soit pas… fidèle ? Pff, c'était quoi ça ? Il avait déjà vu d'autres filles jolies et gentilles, mais au-cu-ne n'égalait la Princesse ; il ne se voyait même pas être attiré un seul instant par une autre qu'elle.

C'était elle qui faisait battre son cœur, lui mettait les joues en feu et faisait que son moral-o-mètre crevait le plafond d'un seul regard ou sourire. Aucune autre.

Alors… quoi ? C'était quoi qui la faisait hésiter, l'empêchait de mettre au clair leur relation ? C'était quoi ?

…C'était qui ?

Plus il y repensait, plus il était convaincu que c'était la faute de quelqu'un s'ils n'étaient pas (ou plus) ensemble ; car si elle hésitait, c'était forcément parce que quelqu'un d'autre l'avait devancé ; pourquoi sinon ?

Une crainte ancienne se réveilla dans son cœur d'adolescent, une pour laquelle il avait un jour jalousé Riku ; il avait depuis compris que son meilleur ami n'était pas aussi "amoureux" d'elle que lui. Mais rien ne disait que elle n’en pinçait pas pour l’aîné…

Était-ce pour ça qu'elle n'était pas sûre de ses sentiments ? Après tout, Riku était tellement plus fort et plus disponible ; c'était un Maître de la Keyblade, et il lui donnait même des leçons privées ! Et elle était toujours si triste quand il n'était pas là… Elle ne parlait jamais de combien l'Élu lui manquait quand ils se parlaient ; s'il lui manquait seulement…

Soit pas bête Sora, bien sûr que tu lui manques ! Pourquoi elle t'en parlerai quand tu es là ?

Mais quand même… il était presque pas là. Si elle ne savait pas parce qu'elle était tout le temps seule… Ou alors… c'était parce qu'elle était pas seule qu'elle hésitait !

Parce que… parce que Lui était là ! Lea !

Il était avec elle H24, c'était pas bien farfelu qu'il ait fini par lui voler sa copine une deuxième fois à force de passer du temps avec elle, non ?

Mais qu'est-ce qu'il avait à rejeter la faute sur tout le monde ici, hein ? …Peut-être parce qu'il estimait avoir le droit de rejeter la faute-non, sa colère sur quelqu’un ; car oui, il était à nouveau en colère. En colère que ça soit pas aussi simple entre eux, qu'il ne sache pas pourquoi ça arrivait ni même s'il devait dire adieu à leur relation, en colère de… de n'avoir rien vu venir, et en colère contre lui-même. Parce que si elle ne voulait pas de lui, c'était forcément sa faute, non ? Si ce n'était pas celle d’une personne externe, alors ce…

C'était lui ? C'était lui le responsable ? C'était parce qu'il n'était pas… assez ? Qu'il n'était pas là, pas fort, pas encore capable, pas comme elle voulait qu'il soit… Juste…

Pas assez bien ?

Au delà de la colère, il était par dessus tout blessé qu'elle lui ait avoué son incertitude, peut-être parce qu'il n'avait pas envisagé après coup qu'elle puisse hésiter ; quand même pas après qu'il ait fait le premier pas, surtout un aussi grand ! Embrasser quelqu'un, c'était quand même plus que juste dire "Je t'aime" ! Et ils se connaissaient depuis des années, ils devaient bien ressentir quelque chose l'un pour l'autre ! Et puis ce dessin complété dans la grotte, il l’avait pas rêvé non ? Et puis elle pouvait le lui dire qu’elle hésitait au lieu de l’embrasser ! OK, ça lui aurait fait mal, mais il s'y attendait un peu mine de rien ; là le lui annoncer trois jours après qu'il pense qu'ils formaient enfin un couple, c'était encore plus horrible !

Et qu’elle soit désolée de lui avoir dit ça, ça n'y changeait rien. Il avait cru à leur amour, et il s'était mangé un énorme mur dans la tronche comme un abruti. Et que ça arrive après leur baiser, c'était encore pire ; parce qu'il avait été touché en son âme et son cœur, tel un invalide à qui l'on dérobe son unique moment de tenir debout.

Car c'était ça : elle était sa raison de se battre.

Non pas qu'il allait laisser tomber Roxas et Aqua, non, il se le pardonnerait jamais ; mais el… Kairi était sa force pour continuer cet entraînement débile, juste dans l'espoir d'enfin la rejoindre… Il s'était sentit tellement fort, tellement… capable après leur baiser, qu'il avait ignoré les courbatures et le nombre de fois où il ratait un sort ; tout ce qui comptait était le prochain moment où ils seraient réunis, tout les deux…

Penser que maintenant Kairi ne l'attendait peut-être plus au bout du chemin…

L'Élu secoua la tête, essayant d’oublier ces maudites pensées ; mais elles s'accrochèrent, sournoises et fourbes, telles un poison dans son cœur. Inspirant profondément pour au moins se calmer, l'adolescent lâcha enfin la rambarde, ignorant ses doigts endoloris, puis fit les cents pas pour remettre en ordre son discours (ou plutôt interrogatoire).

Déjà, par où commencer ? "Kairi, je dois te parler en urgence"… Direct mais un peu inquiétant… "J'ai quelque chose à te dire"… Il manquait un truc… "Kairi, il faut qu'on discute de l'autre jour"… Oui, ça irait. En espérant qu'elle veuille bien lui parler de ça…

Qu'est-ce que tu racontes, elle allait quand même pas refuser de lui parler ! Si en plus elle lui faisait ça après l'avoir directement rejeté, c'est qu'elle tenait vraiment à le blesser ! Et elle ne pouvait pas vouloir ça… N'est-ce pas ?

Le doute serra à nouveau le cœur de l'Élu ; avant qu'il ne se force à l'écarter. Kairi n'était pas comme ça, elle ne pouvait pas vouloir le blesser volontairement… Mais si elle ne voulait pas parler…

Il avait qu'à insister, dire que c'était très important qu’elle lui explique pourquoi c'était si difficile de savoir après qu'elle l'ait embrassé, putain, pas comme si il avait été ambigu sur ses propres sentiments lui… Elle pouvait pas éternellement le garder dans l'ombre vis-à-vis de ses raisons quand même ! Il allait bien trouver un moyen pour qu’elle s’explique !

Est-ce que tu t'entends parler ? Et puis quoi après, crier sur tout les toits qu'elle l'avait largué après l'avoir baisé ? Mais pour qui tu te prends ?

Pour quelqu'un qu'on a laissé tomber après lui avoir fait croire qu'on l'aimait en retour exactement quand il avait besoin de sincérité.

Car c'était bien ce qu'il s'était passé, n'est-ce pas ?

Pourquoi ne voudrait-elle pas lui parler, sinon ? Parce qu'elle était blessée elle aussi de savoir qu'elle n'était pas sûre ? De devoir le blesser avec son honnête aveu ?

…D'avoir brisé son cœur sans en avoir l'intention ?

Voulait-il vraiment savoir ?

Le doute le repris, sauvage ; il était déjà assez tourmenté comme ça, voulait-il vraiment rajouter de l'huile sur le feu de son cœur ? Et si en plus, cette visite était ce qui allait précipiter leur rupture définitive ? Si il lui faisait peur et qu'elle ne voulait plus le revoir, encore une fois ?

Sora arrêta de tourner en rond, le regard bas : il ne pouvait oublier le regard triste et honteux de Kairi lorsqu'elle lui avait doucement relevé le visage pour le voir en face. Elle était si accablée, si désolée… Impossible qu'elle ait fait ça par plaisir. Elle était aussi dévastée que lui de lui dire ça.

Alors pourquoi ? Pourquoi lui avoir dit ça au lieu d'attendre de savoir ?

…Parce qu'elle voulait le préparer à un éventuel refus de sa part ? Ou qu'elle voulait juste être sincère avec lui ?

Après tout, la vérité fait aussi mal parfois…

Un sentiment familier et malaisant envahit le cœur du garçon à cette pensée, comme si au fond de lui… Il avait déjà expérimenté bien souvent ce phénomène…

Ou que quelqu'un d'autre l'avait subi.

Il releva les yeux, les poings serrés, alors qu'un lourd poids s'abattait dans sa poitrine. Celui des doutes. Celui de la crainte. Celui de la peur.

Peur d'être rejeté. Peur de n'être pas assez bien, assez beau, assez fort, assez intelligent, assez… tout.

Peur de l'abandon.

Des larmes traîtresses lui montèrent aux yeux, mais l'adolescent se força à les garder ; celles-là, il ne voulait pas les voir couler. Pas maintenant.

Reportant son regard vers la maison de Merlin au toit couvert de parapluies, l'Élu ne se sentit tout d'un coup plus si déterminé que ça à savoir. Car s'il lui demandait des explications… il ne pourrait pas arrêter ce qu'il allait suivre. Il risquait d'apprendre ce qu'il ne voulait pas entendre.

Il ne pourrait plus faire machine arrière.

Revenant poser une main sur la rambarde, le Porteur contempla avec incertitude la demeure magique, un sentiment désagréable rongeant son cœur. En plus de la peur de rejet s'il posait la question, la peur de blesser celle qu'il aimait toujours malgré son refus grignotait le fond de son être. Cette peur de faire du mal à celle qu'il aimait de tout son être le terrifiait.

Car même après qu'elle lui ait brisé son âme avec ses hésitations, il restait fou amoureux de Kairi.

Oui, il était fou amoureux d'elle. Fou était probablement le maître mot ici. Il était dingue d'elle. Même s'il avait mal, même si y repenser lui donnait parfois l'impression d'en crever, il refusait plus que tout au monde qu'elle souffre par sa faute. Même s'il était lui-même profondément touché, meurtri, saigné à blanc par la personne même qu'il chérissait…

Son bonheur à elle passait bien avant le sien. Il en avait toujours été ainsi.

Ça vaut vraiment la peine de te faire souffrir comme ça ? Toujours faire passer tout les autres avant toi ?

Sora ferma douloureusement les yeux, les poings serrés. C'était pas demain la veille qu'il mettrait ses problèmes avant ceux des autres. Que ça lui fasse mal ou non.

L'esprit tourmenté par toutes ces pensées lugubres, l'Élu quitta enfin les lieux, le visage bas. Il n'avait pas envie de rester ici. Ça lui donnait envie de vomir à force de rester immobile. Il irait faire un tour de la ville. Ça le calmerait. Oui, c'était une bonne idée. Et ce pourquoi il était venu ici en premier lieu… Eh bien… il avait un peu perdu l'ardeur, mais il comptait bien le faire ! Il voulait juste… changer un peu d’air avant ça. Remettre ses idées en place. Et laisser à Kairi encore un peu de temps pour réfléchir : qui sait, elle allait peut-être bientôt comprendre qu'elle l'aimait et venir le lui annoncer ! Ou dire qu'elle sortait déjà avec un autre…

Non, pas de précipitations : elle n'avait même pas parlé de ça l'autre jour. Elle avait juste dit qu'elle ne pouvait pas affirmer lui rendre ses sentiments, c'est tout. Après l'avoir embrassé en retour… Ah non, on avait déjà parlé de ça, suffit ! Mais embrasser quelqu'un, c'était pas dire qu'on l'aimait ? Ou c'était juste une tactique pernicieuse pour profiter d'un instant de plaisir avant de-

Stop. Pas de suppositions infondées. Surtout parce qu'on était blessé. C'était encore pire de faire du mal aux autres sans le vouloir.

Surtout quand il l'avait déjà fait juste après son dernier retour.

Déambulant sans but dans les rues sans faire attention à où il allait, l'adolescent laissa libre cours à ses pensées en bazar. Ce qui revenait un peu à dire "laisser les idées dans sa tête se chamailler et contredire comme des inconnus en plein débat désordonné". D'ailleurs il se demandait si ce n'était pas plutôt se chamailler avec un certain habitant de son cœur, en fait…

Mais même sa marche et le laisser-aller de son esprit ne changeaient pas son humeur principale : celle de la déprime.

Finalement, l'adolescent se rendit compte amèrement que ses pas lui avaient fait faire une boucle, le ramenant au lieu exact de son conflit. Les mains dans les poches et le moral en pelote, il contempla un peu désabusé la maison en contrebas, priant presque que Kairi en sorte pour enfin oser franchir le pas et descendre ces marches pour lui parler.

Puis il s'approcha à nouveau, posant ses mains sur la rambarde d'un air pensif. Il ne se sentait pas encore tout à fait prêt à aller se confronter à la vérité, s'il y en avait une ; il voulait attendre encore un peu. Son courage finirait par revenir, et là il irait chercher les réponses qu'il désirait.

En patientant ? Décidément t'es le champion de l'attente toi…

Oui, il devait attendre ; il n'était pas encore tout à fait prêt. Sa détermination était encore là, prête à s'embraser au moindre souffle. Il suffisait d'attendre un léger coup de vent, et il y irait.

Pas vrai ?


Les heures passèrent. Les nuages et les étoiles défilèrent dans le ciel. La lune acheva sa révolution nocturne, et l'aube débuta tout juste son ascension.

Assis sur la rambarde, la tête sur les avant-bras et les yeux fatigués de n'avoir pu se fermer, Sora contemplait sans ciller la maison aux parapluies. Personne n'en était jamais sorti, tout comme personne n'y était entré. Il en était sûr, car il n'avait pas bougé de toute la soirée. Il avait veillé toute la nuit.

Il n'avait pas pu y aller.

Et doucement, son propre corps trahissait sa propre faiblesse d'être resté ainsi sans se reposer. Ses épaules s'affaissaient, son buste vacillait un instant avant que son propriétaire ne se reprenne, sa tête dodelinait de temps en temps pour essayer de dormir, enfin…

L'air encore frais de la nuit emplit ses poumons lorsqu'il prit une large bouffée pour soupirer : il était vraiment un lâche. Un lâche déterminé à ne pas quitter son poste toute une nuit, certes ; mais un lâche malgré tout. Car s'il ne pouvait même pas aller questionner celle qui détenait les réponses qu'il recherchait, qu'était-il d'autre ?

Et maintenant…

- Bonjour Sora.

L'apparition d'une voix familière après le lourd et long silence nocturne fit soudain bondir le cœur de l'Élu comme un ressort pris de surprise. Tournant machinalement son regard épuisé vers la jeune femme, il cligna bêtement des yeux alors qu'elle s'approchait doucement, un sourire accueillant aux lèvres :

- Tu as du mal à dormir toi aussi ? demanda gentiment Aerith, semblant ignorer les cernes sous les yeux du Porteur.

- Euh… Je sais pas…

L'adolescent reporta le regard vers la maison de Merlin, comme craignant soudain d'avoir raté le départ de Kairi ; même si l'horaire matinal était beaucoup trop avancé pour espérer la voir. La soigneuse pencha un instant la tête vers lui, comme pour lire sur son visage une réponse qu'il ne voulait pas donner, avant de se redresser pour s'adosser à la rambarde, les mains sur sa jupe :

- J'avoue que moi aussi, dit-elle à la surprise de l'Élu. C'est plus comme si… je savais que je devais venir ici, quelle qu'en soit la raison… Comme toi, n'est-ce pas ?

- Hein ? Oh, mouais…

Le garçon baissa à nouveau le regard, n'osant pas vraiment croiser celui de la jeune fleuriste. Cette dernière ne le quitta cependant pas des yeux, posant doucement sa main sur son épaule :

- …La route est longue jusqu'au Colisée. Tu devrais te reposer un peu avant de repartir.

Sora ne répondit rien, le visage toujours bas. Puis il hocha la tête, presque timidement, et descendit du muret.

Le soleil n'était pas encore apparu, mais les rayons de l'aube réchauffaient déjà doucement les habitants de ses jardins. Sora sentait sa chaleur sur sa nuque, plus chaude qu'aucun brasier malgré la froideur de la nuit sur ses épaules menues et frêles. Si chaude, si brûlante, presque comme un regard perçant qu'on sent sur soi sans même le voir…

Le vent léger se leva, tel un souffle soudain et nouveau, pour s'arrêter aussi vite. Les deux marcheurs frissonnèrent un instant, comme pris de surprise. Alors qu'ils avançaient, dos au jour, quelque chose d'autre sembla résonner dans le silence de la nuit.

Des pas.

Aerith s'arrêta la première, incertaine, et l'Élu fit de même en remarquant sa réaction.

Puis tout deux se retournèrent vers l'aurore pointant son jour.

Les rayons solaires aveuglèrent la jeune femme et l'adolescent qui se couvrit les yeux d'une main, tentant d'apercevoir ce qu'il se cachait derrière cet éclat doré et chaleureux. Sora cligna un instant, les iris irrités par le feu céleste, avant de les fermer une seconde, trop brûlés par le brasier diurne.

Une baisse de luminosité derrière ses paupières vint alors, et il rouvrit les yeux vers une forme s'avançant dans le soleil.

Et lentement, la silhouette d'un jeune homme blond en noir apparut devant l'aurore, se détachant de ses rayons tel une apparition irréelle.

Sora cligna des yeux encore une fois, peut-être pour bien s'assurer qu'il voyait bien ce qu'il voyait. Mais Aerith confirma ses perceptions, lorsque, s'avançant vers la figure trempée auréolée du soleil, elle murmura :

- …Cloud ?

Le jeune mercenaire, bien visible à présent que la lueur du levant ne le masquait plus, hocha simplement la tête en fixant la jeune femme. Celle-ci sourit, puis s'approcha doucement, avant de se pencher mains sur les hanches :

- Tu en as mis du temps pour revenir ! fit-elle d'un ton faussement réprobateur.

L'adulte sembla surpris par son approche et resta muet un instant, avant de lentement secouer la tête et de la regarder à nouveau en retour.

- Je devais faire quelque chose et… C'est fini maintenant, Aerith. Je suis rentré, assura-t-il d'une voix douce, comme pour aussi se rassurer lui-même.

La soigneuse lui sourit à nouveau, puis se redressa en le fixant en retour avec gentillesse.

- Bienvenue, Cloud.

Les deux jeunes gens se regardèrent encore un instant, comme savourant ce moment de retrouvailles à eux deux ; puis la jeune femme fit un signe de tête vers la ville, disant qu'il devait rentrer et que tout le monde l'attendait au quartier général. Le jeune mercenaire hocha simplement la tête, et suivit sa compagne dans les jardins.

Durant toute la scène, Sora s'était tenu à l'écart : il avait senti que sa présence n'était pas utile, et même non désirée. Il était soulagé de revoir son ami, disparu au cours d'un affrontement avec Séphiroth, le soi-disant côté obscur de Cloud. Les deux combattants s'étaient volatilisés en plein duel, et tout ce que l'Élu savait, c'était que le propriétaire de l'épée broyeuse était parti mener un lourd combat contre ses propres Ténèbres. Il ignorait ce qu'il était advenu de lui depuis tout ce temps ; mais maintenant il savait.

Cloud avait terminé son combat. Il était rentré.

Et malgré toute la joie que l'Élu éprouvait de le revoir sain et sauf, il savait très bien qu'il n'avait pas sa place dans ces retrouvailles-là.

Alors qu'il regardait les deux adultes passer devant lui et se diriger vers la ville, un rayon de soleil traversa la muraille en direction d'eux ; et quelque chose attira son regard.

Le bras gauche du mercenaire, auparavant couvert d'une unique manche noire et flottante, était dénué.

Et sur le biceps, s'étendant jusqu'au-delà du coude, des marques noirâtres marbrées telles des traces de brûlure gangrenaient son bras.

Sora resta figé, stupéfait, et repris soudain ses esprits pour se retourner vers les deux jeunes adultes qui déjà s'éloignaient :

- Cloud !

L'intéressé s'arrêta à son appel, avant de se retourner vers l'adolescent qui toujours regardait avec inquiétude son membre nécrosé.

- T… Ton bras… murmura-t-il avec crainte.

Le jeune homme sembla presque confus, avant de comprendre et de baisser les yeux vers sa blessure ancienne :

- Ne t'inquiètes pas. Ce n'est qu'une cicatrice.

- Mais… tu…

- J'ai vaincu mon côté obscur, dit simplement le mercenaire. Mon corps en porte peut-être les traces, mais mon cœur est libre. Ce n'est qu'une marque de mon combat, rien de plus.

L'adolescent voulut protester, mais comprit ; toutes les batailles ne se remportaient pas sans séquelles, il le savait mieux que quiconque malgré avoir eu la chance de ne garder comme trace de ses pires combats que des souvenirs plus ou moins douloureux. Mais voir un ami marqué ainsi à jamais, malgré sa victoire…

Soudain l'adulte qui allait reprendre sa route avec Aerith sembla voir quelque chose qu'il n'avait pas encore vu, et se tourna avec plus d'attention vers le jeune adolescent qui lui faisait face, les yeux au sol. Le mercenaire l'examina un court instant, comme pour être sûr, puis dit :

- Sora.

Le garçon releva la tête à son appel ; et là, il vit l'air sévère dans les yeux du mercenaire, et comprit qu'il se passait quelque chose. Cloud le regarda fixement, d'un regard qui transperce les os et qui sonde l'âme ; et d'une voix déçue mais ferme, il déclara :

- La Lumière…

Tu l'as perdue de vue.

Un instant figé par ces mots, l'Élu écarquilla les yeux et secoua vigoureusement la tête, tentant de protester :

- Qu-! Non, je-!

Mais soudain il revit le regard froid mais triste du mercenaire, et les mots de Kairi lui revinrent en tête.

Et il comprit qu'il avait raison.

Le regard perdu dans le vague, assimilant cette révélation qui serrait un peu plus son cœur à chaque seconde, l'adolescent sentit malgré lui une vague de froid pénétrer son âme, autre que la persistante fraîcheur de la nuit. Un très léger pas parvint à ses oreilles, avant que la voix du jeune adulte ne lui fasse relever doucement les yeux :

- Ne t'inquiètes pas. Même dans les plus profondes Ténèbres, tu peux toujours retrouver ta Lumière.

Le garçon croisa les yeux bleutés du mercenaire, lui faisant face et le fixant d'un regard droit mais compatissant. Il hocha alors doucement la tête, comme pour le rassurer une dernière fois :

- Je le sais.

Sora entrouvrit la bouche, hésitant à remercier le mercenaire ; mais le souvenir de Kairi le saisit à nouveau, et il baissa lourdement la tête.

À l'horizon, un nuage noir cacha le soleil levant, obscurcissant sa lumière.


Malgré la pluie battante qui tourmentait l'Olympe depuis deux jours, l'Élu frappa sans relâche le mannequin devant lui.

Il refusait de rester tranquille malgré l'entraînement annulé et son épaule récemment blessée ; il ne pouvait pas. S'il restait immobile ne serait-ce qu'une minute, son esprit se remettait à penser à sa lamentable visite de la veille et à toutes ces questions qui restaient (par sa faute) sans réponses, et son cœur commençait à battre si fort qu'il croyait qu'il allait exploser dans sa cage thoracique. Peu importe la tourmente qui s'abattait sur lui en ce jour d'orage, s'entraîner était le seul moyen de faire taire ces pensées et ces sentiments, de noyer toutes ces émotions inutiles et violentes qui lui tordaient les entrailles et l'empêchaient de faire autre chose que se rouler en boule à étouffer dans ses propres sentiments qui ne pouvaient plus sortir, à vouloir pleurer comme un faible, misérable v-

Une détonation d'enfer déchira le ciel et les tympans de l'Élu ; et au même instant, un éclair foudroya le stade en carbonisant le sol de nervures électriques.

Devant la menace, le Porteur s'était plaqué contre le mur, face à la tempête qui mettait ses sens en alerte. Il eut soudain conscience de la puissance du phénomène qui s'abattait autour de lui, et de combien il était petit et insignifiant face à lui.

Une nouvelle zébrure déchira le ciel, et en un éclair Sora revit tout.

Les nuages noirs venus en à peine un clin d’œil, engloutissant le firmament et ses étoiles dans leur obscurité. La tempête dont les vents s'élevaient et se baissaient sans logique comme pour terroriser ceux qui les subissaient. Le grondement du sol, comme si la foudre en s'abattant résonnait jusqu'en faire trembler la terre et les os de ses misérables habitants. La chose qui grossissait dans le ciel comme une lune menaçant de s'écraser. Les arbres et les maisons disparaissant dans l'orbe maléfique qui avalait tout sans pitié sur son passage.

Sa propre main qui lâche la planche qu'il serrait de toute la force du désespoir pour échapper à l'aspiration, et la toute dernière vision de son île en ruine avant que les Ténèbres n'engloutisse tout.

L'orage tonna une nouvelle fois, et tout ce que put faire l'adolescent fut de s'enfuir en claquant la porte derrière lui, terrorisé.

Plaqué contre le battant, les membres raides et le cœur cognant dans sa poitrine, Sora resta figé, tremblant de peur. Il crut vaguement entendre une voix au loin, presque une moquerie… Mais seul le tambourinement de la pluie sur les toits fit écho à son souffle irrégulier et fébrile.

Peu à peu, le garçon reprit ses esprits, et la raideur de ses membres s'estompa lentement en comprenant qu'il était bien loin de ce jour où la Keyblade l'avait adoubé lors de la destruction de son île, et où lui et ses amis avaient été sépar-

L'Élu se figea à la seconde où il songea à Kairi. Il avait refusé d'y repenser après son échec de la veille, mais maintenant qu'il le faisait… Il se rendait compte qu'il lui arrivait la même chose qu'elle.

Il se noyait dans l'entraînement pour ne pas avoir à faire face à ses propres sentiments.

Plongeant la tête dans ses mains, il soupira profondément ; il ne voulait pas penser à ça. Le faire, ça voudrait dire questionner ses émotions, se demander si lui aussi était sûr de ses sentiments envers elle quand les lui avouer avait été le plus grand exploit de sa jeune vie, et-

Et faire face à une nouvelle déception ; non pas venant d'elle, mais de lui.

Car si au final elle ne pensait pas être sûre d'être amoureuse de lui, c'était au moins en partie de sa faute. Il était pas parfait, il le savait ; mais ça ne voulait pas dire que tout ses défauts seraient acceptés par celle qu'il aimait. Et peut-être… qu'il avait fait quelque chose de mal sans le vouloir.

Mais quoi ?

L'adolescent soupira en comprenant que ça commençait à devenir comme le dilemme de la veille ; la seule personne qui pouvait lui répondre était justement celle qui l'avait largué, et avec qui il n'avait plus de contact depuis. Parce qu'il avait peur. Il avait peur de faire face à de nouveaux problèmes en plus de la situation Roxas, ses pouvoirs à moitié perdus, la fichue Guerre avec l'Organisation et ce satané Éveil qu'il devait maîtriser…

Il connaissait maintenant au moins un de ses pires défauts : il était lâche. Lâche quand il s'agissait de parler de ses problèmes et non ceux des autres.

Et peut-être… qu'il pouvait essayer de changer ça.

Mû d'une impulsion soudaine, l'adolescent sortit le Gummobile pour appeler son jumeau au Jardin Radieux ; mais à nouveau l'hésitation le prit. Qu'est-ce qu'il allait dire ? "Bonjour Kairi, je sais qu'on s'est pas quitté en très bon termes, mais je voulais justement savoir pourquoi"… Bouh, c'était horrible ! Et puis si elle décrochait pas ? Il serait bien avancé ! Alors… il pouvait juste laisser un message. Histoire de reprendre contact doucement. Savoir comment elle allait…

Inspirant profondément, le garçon alla dans la rubrique "Messages" et tapa une brève salutation. Alors qu’il se demandait s’il devait ajouter une petite demande d’explications, une soudaine vibration entre ses doigts le fit sursauter, manquant de faire tomber le téléphone par terre, avant qu'il ne regarde l'écran avec appréhension : si ça vibrait c'était qu'il y avait un appel, et la seule personne ayant son numéro, c'était…

Mais ce fut un message au numéro inconnu qui s’afficha, puis un deuxième quelques secondes plus tard. Ouvrant le premier, il comprit rapidement que c'était Ienzo, qui d'ailleurs l'informe qu'il a pu créer d'autres Gummobiles dont certains sont déjà dans les mains des autres Gardiens ; l'autre message vient d'ailleurs de Riku, qui visiblement a aussi du mal avec l'appareil vu le nombre de fautes par phrase.

Un autre message venant de personne s'affiche aussi, signalant une mise à… jour ? du Gummobile, dont l'ajout de nouvelles fonctions que l'adolescent n'a pas vraiment le temps de comprendre avant que Phil ne débarque avec Donald et Dingo qui le cherchaient partout ; la pluie à présent calmée a provoqué des dégâts à un barrage, et Hercule a besoin de toute l'aide possible.

Avant de partir, Sora regarda son appareil, le fil de messages lui rappelant qu'il avait encore du chemin à faire avec Kairi. Un chemin qu'il n'était même pas sûr d'avoir commencé, d'ailleurs. Fixant l'écran reflétant son visage, il hésita. Était-ce le bon moment pour…?

Mais il se souvint de toutes ses tentatives précédentes purement avortés par malchance ou sa propre lâcheté. Et il ne voulait plus ça.

Un peu plus tard, dans un autre monde, un portable étrange vibra, son écran affichant un message simple :

Bonjour Kairi. C'est Sora.


Pégase et son cavalier emmena le trio à l'embouchure d'une gorge à la rivière gonflée par les intempéries précédentes. À quelques centaines de mètres à l'intérieur du défilé, un petit barrage-poids gardant une retenue d'eau pour les périodes de sécheresse surplombe le groupe, une grosse giclée d'eau boueuse s'en déversant en cascade.

Le héros ne croit pas que la structure est très endommagée ; mais il vaut mieux prendre le moins de risque le temps des réparations. Surtout que la crue est anormalement haute, d'après ses dires. Tandis qu'Hercule décide d'envoyer les trois amis évacuer les habitations les plus proches, Sora s'approche de la berge pour se regarder dans l'onde trouble, sans trop savoir pourquoi.

Un reflet incomplet lui fut renvoyé, où seuls les contours vagues de sa silhouette et les épis caractéristiques de ses cheveux sont visibles. Et en un sens, il trouva son image presque en accord avec son état actuel : brouillé, incertain, et même quelque peu sombre…

- Sora ! Tu viens ? lui cria Donald alors que le guerrier enfourchait déjà Pégase pour s'occuper du barrage.

L'adolescent leur fit signe qu'il arrivait, et se replongea une dernière fois dans les réflexions des eaux boueuses. Son reflet informe s'y trouvait toujours, cette fois cependant quelque peu plus distinct ; en y regardant de plus près, il semblait même y discerner ses yeux le fixant en retour… Mais… leur couleur était bizarre… Comme presque…

Dorée.

Soudain une oppression écrasante lui saisit la poitrine, comme une poigne glacée familière. Ses instincts lui hurlèrent de reculer ; et alors que sa silhouette s'effaçait du reflet de la rivière dans son mouvement, les yeux restèrent présents dans l'onde, le fixant avidement. Et il comprit ce qu'il se passait.

Envoyant aussitôt un Glacier, l'adolescent eut le temps de voir une multitude d'autres yeux jaunes apparaître dans l'eau, avant que leurs propriétaires ne jaillissent du courant en évitant le sort.

Devant lui se dressaient maintenant une bonne dizaines de Sans-cœurs aux ailes atrophiées et aux tentacules aqueux, pulsant comme des ballons d'eau. Les plus proches n'attendirent pas pour jeter des trombes sur l'adolescent qui esquiva et détruisit ceux à sa portée. Un Glacier gela un autre qui voulait attaquer en traître, alors que les amis du garçon se précipitaient pour éliminer la nouvelle menace ; les monstres s'entourèrent alors d'un voile d'eau, alors que l'un d'eux se téléportait en une gerbe aquatique lorsque le bouclier-frisbee de Dingo le frappa.

Le garçon comprit que les attaques physiques n'auraient aucun effet sous cette forme et tenta un peu de magie, conjurant une Foudre qui bien qu'atteignant sa cible eut peu d'effet. Évitant un nuage qui alla agresser de ses éclairs Donald resté sur sa trajectoire, l'Élu décida de réchauffer l'ambiance d'un bon Brasier ; et il fit mouche, évaporant la bulle protectrice des créatures touchées. Ayant trouvé leur point faible, Sora se chargea de carboniser tout les Sans-cœurs, laissant ses camarades les achever.

Comme reculant sous le nombre, les monstres s'envolèrent pour plonger dans la rivière, semblant déclarer forfait. Ravi de les avoir chassés, l'adolescent allait rejoindre ses amis célébrant leur victoire bien méritée quand son instinct lui dit de rester prudent. Un mouvement étrange le poussa à suivre du regard le courant ; et il remarqua bien vite une multitude de formes remontant son lit, jusque dans la gorge. L'Élu perdit de vue la masse, mais quelques secondes plus tard, une forme escalada la cascade du barrage et y disparut.

Un mauvais pressentiment parcourut son échine, et ses craintes se confirmèrent quand un sinistre grincement retentit dans toute la vallée. Alors que ses amis se retournaient enfin vers la source du bruit et que l'adolescent reculait lentement, pris d'angoisse, des fuites commencèrent à jaillir du barrage en emportant des pierres sur leur passage.

Et d'un seul coup, toute la structure céda.


Un sentiment de terreur envahit Sora à la vue du torrent en furie qui se déversait vers lui. Le grondement des flots lui sembla soudain bien trop semblable à celui du tonnerre ayant bouleversé sa vie deux ans plus tôt ; le tremblement du sol (ou peut-être de ses membres) résonna jusque dans ses os en un vacarme de l'enfer. Et le garçon ne voulut plus qu'une chose, une chose que lui hurlaient son instinct et son esprit.

Fuir.

Se retournant sans voir les silhouettes qui le dépassaient, il commença à détaler pour échapper à cette furie de la nature, ne pensant plus qu'à sa propre survie.

Mais soudain son regard rencontra les habitations au loin, dans la vallée.

Des maisons simples, fragiles. De pauvres fétus de pailles devant la force dévastatrice du raz-de-marée.

Il vit le flot s'abattre sur les bâtiments, rasant tout sur son passage. Il vit les demeures emportées par la vague. Il vit les gens inconscients du danger disparaître derrière le flot monstrueux.

Et il sut qu'il ne pouvait pas abandonner.

Alors, tournant les talons vers la montagne furieuse qui s'abattait en un flot incontrôlable, l'Élu doubla ses amis déjà en plein sauvetage et détala Keyblade au poing, sentant toute la force de la Lumière lui donner espoir et courage pour sauver ces innocents ; et dans un éclat bleuté comme le ciel, brandit son arme d'or et saphir scintillante vers le torrent en furie.

Un puissant Glacier jaillit de son arme étoilée et alla figer une partie de la gorge en un immense pic gelé que la vague brisa sur son passage. Continuant d'avancer alors que son corps brillait de mille feux presque plus que l'étincelle dans sa poche, le Porteur tira deux autres sorts de chaque côté du passage, ralentissant le torrent de boue sans pour autant l'arrêter réellement.

Levant alors ses deux bras, Sora inspira profondément et relâcha son souffle en une tornade partant de sa Clé, repoussant en arrière la vague qui recula, mais ne s'arrêta pas. Cependant le sort avait freiné son chemin fou, donnant une longueur d'avance au guerrier qui chargea d'une glissade souple en ordonnant à la vague de se stopper, ses bras tendus comme en un geste pacificateur. Le flot sembla ralentir, comme obéissant à sa volonté, mais la partie basse refusa sa commande et s'éleva à nouveau dans une charge féroce ; brandissant sa Keyblade astrale, le Porteur conjura un Glacier qui gela les eaux boueuses sous ses pieds, alors qu'il glissait agilement dessus tel un surfeur sur sa planche. Domptant la vague, il poursuivit sa conquête glacière, propageant le sort surpuissant sur toute la surface de la crue, accompagnant à chaque pas sa magie alors qu'il remontait petit à petit la gorge. Un rocher arraché par la montée des eaux chuta sur lui ; mais d'un geste leste l'Élu fit voler sa Clé autour de lui en une barrière mêlée de Glace et d'Eau, repoussant et déviant la roche brisée par sa force mystique. Rattrapant son arme, le Porteur en saisit la queue striée, visa le haut de la dernière vague voulant l'engloutir, et tira une quintuple gerbe de Glace qui figea sur place le reste de la crue telle une œuvre d'art.

Sora surfa sur la dernière déferlante gelée et atterrit souplement sur une corniche, se retournant pour admirer son travail.

Toute la vague boueuse qui s'était déversée dans le défilé était à présent maîtrisée, figée en un glacier fait de main d'homme. Au loin, là où la gorge débouchait dans la vallée, le torrent était sorti de son lit mais n'avait endommagé aucune structure ; et de sous la sculpture de glace, le reste du courant s'évacuait rapidement mais calmement, retournant à son lit normal.

Et en bas, les minuscules silhouettes de Donald, Dingo, Hercule et Pégase étaient toutes rivées vers lui.

Un immense soulagement envahit le garçon devant son œuvre, en même temps qu'une certaine fatigue. Mais ce fut surtout une sorte de confusion qui le prit en voyant ses amis le fixer avec des yeux ronds, éberluées ; et lorsqu'il les entendit prononcer son nom en pointant un doigt stupéfait vers lui, il remarqua enfin les étincelles bleutés qui s'envolaient de ses vêtements et baissa les yeux.

Et pour la deuxième fois depuis son retour, son cœur battit de joie devant ses habits bleuis par la Sagesse.

Un rire un peu mêlé de surprise et d'incrédulité le prit, tandis qu'il contemplait comme au premier jour la tenue magique aux flammes azur. Mais sa surprise fut encore plus grande lorsqu'il réalisa que sa Chaîne Royale s'était transformée sous ses doigts.

Dans sa paume, une Clé aux dégradés bleus et jaunes s'était manifestée. Sora regarda de plus près la grande étoile dorée qui avec sa queue ornait la tige et le panneton, puis celle, plus petite, qui pendait doucement au bout de la chaîne aux liens topaze ; un astre pentagramme, aux contours d'un bleu léger, et au cœur de verre mêlé d'azur et d'indigo constellé de paillettes qui reflétaient la lumière. Sa forme éveilla une sorte de nostalgie au cœur de l'adolescent, un sentiment qu'il ne comprenait pas tout à fait… mais qui d'une certaine façon le rassurait. Comme un talisman donné par un être cher pour veiller sur lui.

L'Élu serra un bref instant l'étoile transparente dans sa main ; et l'espace d'une seconde, il sentit presque un battement faible mais universel résonner dans sa paume et dans sa poche, sans voir la petite lueur stellaire scintiller à travers ses vêtements. Jetant un dernier regard à sa nouvelle Clé, il sut tout de suite quel nom lui donner.

Étoile filante.

- Sora ! Derrière toi !

L'appel de Donald le rappela soudain à la réalité, le faisant se retourner juste à temps vers les Sans-cœurs de tout à l'heure. Bloquant une charge d'un Miroir, il libéra la contre-attaque magique qui élimina le coupable, tandis que les autres crachaient leur boucliers d'eau sur lui. Gelant et pulvérisant les balles aqueuses qu'il n'avait pu esquiver, l'Élu brandit sa nouvelle Clé et délivra une sphère de feu qui s'éleva lentement dans les airs avant de s'écraser sur sa cible en une explosion qui élimina ses compères proches.

- LAISSE SORA TRANQUILLE !

Se tournant vers le caquètement furieux, Sora eut le temps de voir un immense Brasier X (ou Z, peut-être) incinérer la dernière créature s'était glissé en traître derrière lui, alors que Pégase finissait de voler jusqu'à lui. Tandis que le duo descendait de leur monture, l'adolescent se rappela subitement qu'il avait involontairement emprunté la force de Donald sans demander et porta la main au cœur, espérant qu'il puisse arrêter la Fusion sans difficulté… et vit ses vêtements reprendre leurs couleurs initiales en un éclat de Lumière.

- T… Tu… Qu'est-ce qui va pas avec toi à foncer tête baissée dans le danger ? cria Donald après avoir bafouillé un instant, les poings serrés.

- Hercule est allé voir s'il y avait des dégâts, mais a priori tout va bien, fit Dingo en regardant le cheval s'envoler à nouveau pour rejoindre son propriétaire.

- Tout irait bien si Sora nous avait pas encore fait une frayeur ! protesta le canard, toujours inquiet.

L'adolescent les entendait vaguement, plus vraiment là. L'avalanche d'émotions et d'évènements pesait encore sur ses épaules, alors qu'il gardait la main au cœur, essayant d'assimiler ce qu'il venait de lui arriver.

Le magicien continuait de se chamailler avec son camarade chevalier qui tentait de minimiser l'incident, quand ils jetèrent machinalement un œil vers le garçon pour le voir étalé par terre, essoufflé et Keyblade disparaissant dans une myriade d'étincelles.

- SORA !

Se maudissant pour avoir dépensé toute sa magie contre un Sans-cœur débile, Donald se précipita comme Dingo auprès de leur protégé toujours immobile, les membres écartés et les yeux clos.

- Sora ! Sora, ça va ?

- Tu nous entends ?

L'adolescent ne leur répondit pas, tandis qu'ils l'examinaient à la recherche de la moindre égratignure.

Et soudain, un petit rire s'échappa de ses lèvres, attirant l'attention inquiète de ses gardiens ; et Sora ouvrit un œil fatigué mais heureux, sous le regard incertain de ses camarades, et brandit un poing vers le ciel, fou de joie :

- Je l'ai fait… J'ai réussi les amis… J'ai réussi !

Puis après une courte pause, il murmura, un sourire aux lèvres :

- On a réussi…

Donald et Dingo le regardèrent un instant, puis sourirent à leur tour et posèrent chacun leur main sur le poing levé du garçon :

- Oui Sora… Tu as réussi.


Un léger ronflement dans son oreille réveilla Sora qui ouvrit un œil, assoupi, avant de se redresser avec délicatesse.

Dingo était allongé juste à côté, et Donald se trouvait pour sa part étalé de tout son long sur lui, profondément endormis ; exactement comme à chaque fois qu'ils faisaient la sieste tous ensemble. L'Élu se dégagea avec prudence des bras rassurants et s'étira, avant de reconnaître ses environs : ils étaient rentrés au Gummi après l'épisode du barrage avec la Sagesse, et tout ce dont se souvenait le garçon était qu'il s'était avachi au canapé sans attendre pour s'endormir en un clin d’œil, ses amis avec. Pour la nuit, visiblement, à en juger le plafond encore constellé d'étoiles au-dessus d'eux.

L'adolescent regarda un instant ses camarades toujours assoupis sur le canapé, souriant doucement, puis baissa les yeux en se remémorant la raison de leur fatigue intense (en plus de la sienne à avoir passé une nuit blanche) et contempla ses mains.

Elle ne tremblaient pas comme lorsqu'il avait retrouvé la Souvenance, mais son cœur s'était déjà remit à battre un peu vite au souvenir de la Sagesse si spontanée d'hier. Au fond de lui, une autre crainte s'était envolée, celle de rester coincer à ne Fusionner qu'avec la Souvenance et d'avoir perdu toutes ses autres Formes. Kairi avait raison, il allait s'en sort-

Le rappel des douces paroles de la jeune fille revint avec amertume à son cœur malgré leur signification. Même si ne doutait pas des mots qu'elle avait eu avant leur "rupture", leur souvenir sonnait comme un poignard au cœur blessé qu'il avait encore. Surtout quand la seule autre Fusion qu'il pouvait invoquer en dehors de la mystique était celle qui concernait les tendres souvenirs de sa bien-aim-

Non, arrêtes, ça sert à rien de ressasser le passé.

L'Élu rouvrit ses yeux fermés de douleur et baissa le regard vers ses poings serrés, qu'il défit lentement, pensif ; oui, il été parvenu à retrouvé une deuxième Fusion. C'était un bon signe. Mais…

Au fond de lui un doute insidieux persistait. Comme une crainte d'avoir juste fait un truc accidentel, un "coup de bol" qu'il ne pourrait pas reproduire consciemment.

Un pouvoir qu'il n'avait déjà plus et qu'il ne faisait "qu'emprunter" à un hôte caché au fond de lui.

L'adolescent releva les yeux vers ses camarades endormis, puis fronça les sourcils ; il n'allait pas les réveiller comme ça, ils méritaient leur repos. Mais il devait savoir.

Une autre petite Fusion secrète ne ferait pas de mal.

Rapidement, il quitta en catimini le vaisseau. La fraîcheur de la nuit le fit frissonner, mais son odeur humide le réveilla encore un peu tout en le détendant. Rien de mieux d'une bonne bouffée d'air pour se calmer.

Marchant doucement dans l'herbe couverte de rosée, le garçon remarqua une lueur à l'horizon : c'était le matin. Le soleil n'était pas encore levé, mais l'aurore ne saurait tarder désormais. Observant un instant l'aube poindre, il se laissa noyer dans sa lumière, pensif, avant de se reprendre et se préparer à l'épreuve mentale.

Inspirant profondément l'air matinal, l'Élu hésita un instant sur la procédure à suivre, puis décida d'invoquer sa Keyblade. Chaîne Royale apparut au bout de son bras comme toujours, fidèle et étincelante dans la lueur du levant. Son Porteur contempla sa forme argentée, avant de fouiller dans sa poche pour en tirer le porte-clé de sa forme stellaire. Il sortit l'étoile bleue… avant de réaliser qu'il s'était trompé. C'était l'amulette de verre qu'il avait trouvée au retour des Îles du Destin un mois plus tôt qu'il tenait dans sa main. Le garçon allait la remettre dans sa poche quand il ne put s'empêcher de remarquer une certaine ressemblance avec l'étoile qui ornait sa toute nouvelle Clé. Hormis les paillettes et le symbole en son centre, les deux astres lui semblaient très similaires, presque identiques comme si… cette forme était adaptée de l'étoile vu dans l'abysse…

- Sora !

L'Élu sursauta et remit instinctivement l'amulette dans sa poche, se retournant vers Donald, Dingo et Jiminy venant vers lui.

- Oh, bonjour les amis… Je voulais pas vous réveiller, alors je…

- Tu faisais quelque chose ? demanda doucement le chevalier en voyant la Keyblade dans sa main.

- O-Oh… N-Non, fit-il en la révoquant nonchalant, rien de… enfin pas d'important, ça va…

Le magicien croisa les bras, l'air de ne pas croire ses salades, pendant que ses camarades regardaient préoccupés leur protégé, et l'adolescent soupira en donnant un petit coup de pied :

- …En fait, je suis encore un peu perturbé par ce qui s'est passé hier et je… Je voulais m'assurer que c'était pas juste un gros coup de veine.

Ses amis se concertèrent un instant du regard, confus, avant de comprendre de quoi il parlait et de tourner un air compatissant vers lui alors qu'il se grattait timidement la nuque :

- C'est stupide, je sais…

- Pas du tout. Ce qui est stupide, c'est de vouloir le faire sans nous alors que tu sais très bien que c'est pas comme ça que ça marche ! répliqua le canard en pointant un doigt.

Le garçon leva un sourcil perplexe, avant de réaliser et de laisser échapper un rire gêné, se grattant la joue :

- Hé hé… Alors on essaye ?

- Et comment ! acquiesça Donald en s'approchant.

Le Porteur s'étonna de son enthousiasme, mais lui rendit son sourire et inspira profondément tandis que son camarade s'approchait. Il fixa le sol un instant, pris de doute… avant que des mains chaleureuses ne se posent sur lui. Il leva les yeux pour croiser ceux confiant et solidaires de ses trois amis, et il y lut que même dans l'échec, il seraient là pour l'aider. Touché par leur soutien, l'Élu sentit ses yeux devenir humides et leur sourit, reconnaissant, avant de tourner son regard vers l'aurore prête à poindre, contemplant un instant le ciel et ses étoiles encore un peu visibles tels autant de messages d'espoir.

Inspirant calmement, il leva son regard déterminé vers la voûte céleste, puis ferma les yeux et baissa la tête, portant la main au cœur. Pendant encore quelques instants, seul le silence matinal résonna autour d'eux ; puis, après une lente expiration, Sora murmura, tandis que le soleil se dévoilait enfin sur l'horizon lointain :

- Prête-moi ta force.


Un son vibrant et mélodique sortit Riku de son sommeil bien mal acquis. Dérangé par cette ennuyeuse et surtout bruyante sonnerie, l'aîné lança mollement les bras dans le vide, cherchant la source du tintamarre, avant de décider de lever le nez de l'oreiller quand il cogna sa table de chevet. Après quelques secondes surtout passées à ouvrir ses yeux ensommeillés, il comprit que le bruit provenait de sa pile de vêtement abandonnée au pied du lit et tendit un bras peu motivé pour en tirer sa veste, qui par chance contenait justement la chose responsable du vacarme.

Fouillant dans ses poches, il dénicha le "Gummobile" (sérieusement, où t'as pu trouver ce nom, Ienzo ?) reçu récemment et alluma l'écran bien trop lumineux pour voir un nouveau message de Sora, en plus de constater qu'il était beaucoup trop TÔT pour réveiller les gens avec des messages.

Grommelant sur le comportement de son meilleur ami, le jeune homme s'apprêtait presque à laisser tomber l'appareil et retourner tant bien que mal se coucher quand il vit une notification étrange.

Vous avez reçu une image de : sORA

Un peu intrigué de savoir pourquoi le garçon lui avait envoyé ça et non un simple message, le Maître ouvrit la notification… avant d'esquisser un sourire.

Sur l'écran s'affichait une photo de Sora, tenant manifestant l'appareil d'une main et Donald contre lui de l'autre, tandis que Dingo et Jiminy s'étaient casés sous le bras tendu du garçon et saluaient joyeusement l'objectif avec de grands gestes pendant que le canard tendait fièrement les ailes. Mais le plus remarquable était l'immense sourire empli de joie et de soulagement de son meilleur ami, dont les caractéristiques vêtements bleus brillaient de mille feux dans le soleil du matin.

Sous l'image était marqué un message un peu mal orthographié, comme écrit trop vite ou avec des mains tremblantes :

Les Sans-cours n'on qua ben se tenir fac á la SuRpUiSsANCE de notr Sagesse !

Riku ne put retenir un léger rire en lisant ces mots, avant d'admirer une nouvelle fois la silhouette toute de bleue vêtue du garçon. Son sourire semblait plus chaleureux que n'importe quel soleil au monde ; mais l'aîné remarqua un autre détail, presque préoccupant.

Deux traits humides qui marquaient les joues de l'Élu, partant de ses yeux étrangement brillant dans la lueur du jour.

Le jeune homme contempla l'image une seconde, concerné ; mais finit par comprendre qu'il n'avait pas à s'inquiéter. Le sourire de son meilleur ami était bien trop sincère pour n'être qu'une de ces façade qu'il savait prendre pour qu'on ne s'inquiète pas pour lui.

Riku sourit une dernière fois, puis pianota quelques mots.

tOute me felicutztiond, Zora.

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Malgré ses hésitations et ses craintes, une lueur d'espoir subsiste en Sora, ravivée par son rappel de la Sagesse.

Riku a ajouté : "Mai jatend de voir le jour ù toi tu sras assi Sage qu ta Fusion ld lasse pr3tende XP"

Sora, devant le commentaire : … * tape "nln"*

*Tous se demande ce qu'il veut dire avant que Lea ne comprenne que c'est une tentative ratée de dessiner un majeur outrancier*

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