Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 48 : Je me fais voler mon dîner par un bébé arnaqueur (Araen)

7085 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/01/2022 20:41

-         Raya… tu nous laisserais t’accompagner ?

La guerrière a regardé Boucles d'Argent avant de répondre immédiatement :

-         Merci, mais non.

-         Tu ne nous fais pas confiance ? est intervenue Kairi.

Raya n’a pas répondu, se contentant seulement de détourner le regard. Elle n’avait peut-être rien dit, pourtant la réponse était claire.

Je pensais que l'argenté allait lâcher l'affaire, mais il a décidé d’essayer autre chose :

-         Je comprends. Cela dit, n’as-tu pas remarqué des… choses étranges récemment ?

-         Ces monstres de flammes, tu veux dire ? a répondu Boun, le gamin capitaine du bateau.

Son interlocuteur a hoché la tête sans lâcher Raya du regard.

-         Depuis combien de temps ces créatures sont là ?

-         Quelques semaines seulement, a finalement répondu la brune. Personne ne sait d’où elles sortent… (Son regard a croisé celui de l’argenté.) mais j’imagine que vous, vous le savez, c’est ça ?

-         Plus ou moins, a acquiescé Donald.

-         O.K., admettons, et alors ?

-         Ces monstres en ont visiblement après la pierre magique que tu as, a poursuivi Boucles d’Argent. La personne qui les contrôle semble la vouloir, ainsi que les autres morceaux sans doute. Elle ne reculera devant rien pour atteindre son objectif, tu peux me croire.

Instinctivement, Raya porte la main à la sacoche dans laquelle l’objet se trouvait.

-         Qu’est-ce qui me fait croire que vous n’êtes pas de mèche avec ces choses ?

-         Rien, c’est vrai, a admis l’argenté. Nous pourrions avoir fait semblant de les combattre pour te prendre en traître.

J’étais perdu. Si Boucles d’Argent essayait de la convaincre de nous emmener avec elle, il s’y prenait mal, non ?

-         Où est-ce que tu veux en venir ? lui ai-je demandé.

-         Je vais être direct. Nous pouvons t’aider à retrouver les pierres, Raya.

Cette dernière allait lui dire quelque chose, sans doute un nouveau refus cinglant, mais l’argenté a ajouté précipitamment :

-         Laisse-moi m’expliquer. D’abord, crois-le ou non, nous ne les voulons pas. Je sais que tu les cherches pour une raison qui ne me concerne pas, et, honnêtement, je m’en fiche un peu. Le problème, ce sont ces créatures.

-         Je peux m’en débarrasser.

-         Nous n’en doutons pas, a affirmé Kairi, la fille aux cheveux acajou. Seulement…

-         Nous sommes plus efficaces.

Raya a porté alors son attention sur les mains de Riku. Elle devait s’attendre à ce que sa Keyblade y apparaisse à nouveau.

-         Pour le peu que j’ai vu, c’est vrai que vos épées étranges sont puissantes. Ça ne me pousse pas à vous faire confiance pour autant.

-         Nous ne les utiliserons que contre les monstres, est intervenu Maxwell, qui avait l’air d’avoir compris où voulait en venir Riku.

Il s’est avancé tout doucement avant de reprendre :

-         Les choses vont empirer si on ne s’en occupe pas. En nous laissant t’accompagner, on pourra peut-être retrouver la personne derrière tout ça.

-         Tu as vu de tes propres yeux que ces monstres sont de mèches avec tes poursuivants, Croc du dragon, si je me souviens bien, a enchaîné l’argenté. Cela veut probablement dire que celle que l’on cherche connaît la personne qui dirigeait ces… cavaliers. Tout est lié.

-         Laisse-nous t’aider, Raya, a terminé Kairi en regardant son interlocutrice droit dans les yeux. S’il te plaît.

Kairi… Dès que j’ai rencontré cette fille, j’ai senti direct qu’elle était super gentille, et, comme souvent, j’avais eu raison. Un peu comme Sora, elle a cette espèce d’aura bienveillante et chaleureuse autour d’elle qui pousse en général instantanément les gens à éprouver de la sympathie pour elle. Bien sûr, sa présence n’égale pas la mienne, mais je dois reconnaître que Kairi dégage quelque chose de rassurant. Mais également un autre sentiment… De la pureté.

Je pense que ça a dû jouer parce que Raya, après un très long moment passé à réfléchir, a répondu :

-         C’est d’accord. Et puis vous pourriez être utiles.

Kairi a souri.

-         Merci, Raya.

-         Cependant, (Son regard a balayé chacun d’entre nous.) si jamais vous tentez quoi que ce soit de bizarre…

-         C’est compris, a coupé Riku. Nous ferons attention. Nous tous.

Les regards se sont tournés vers moi.

-         Quoi ? J’ai rien fait !

-         Dis celui qui m’a balancé sa Keyblade au visage alors que je venais juste de retrouver mes pouvoirs, a commenté Maxwell avec un sourire en coin.

-         Eh ! Pour ma défense, j’ai déjà dit que je voulais juste voir si tu étais rouillé ou non !

-         Ben voyons.

Je savais qu’il plaisantait mais, sur le moment, je n’ai pas pu m’empêcher de sentir un fond de vérité dans ses paroles. Malgré les quelques combats vécus jusqu’ici, Boucles d’Argent, Maxwell, et peut-être les autres, ne me faisaient pas beaucoup confiance. Si ça m’atteignait ? Pas du tout ! De toute façon, ce n’est pas comme si j’avais foi en eux non plus. Les seules personnes qui comptaient pour moi ne se trouvaient pas parmi nous.

Je me suis forcé à sourire.

-         C’est bon, c’est bon. Le Grand Araen ne fera rien de déplacé !

Sans leur laisser le temps de réagir, je leur ai tourné le dos avant de trouver un coin pour m’asseoir sur le pont, le plus loin possible.

-         Les gars, a dit Boun. La nourriture préparée par le grand chef en personne sera prête dans un petit moment. Je vous suggère de vous reposer un peu d’ici là.

J’ai suivi les conseils du capitaine et essayé de trouver une position confortable. Je ne pensais pas avoir sommeil, mais je me suis endormi à la seconde où j’ai fermé les yeux.

 

Un peu plus tard, des voix en pleine conversation m’ont réveillé.

-         … avait une confiance aveugle en l’homme, a fait la voix de Raya, aujourd’hui, c’est une statue.

S’en est suivi ensuite un bruit de flaque, comme si quelqu’un sortait de l’eau.

-         On le ramènera, ton ba.

Ça, ça devait être son amie, « Sisu » je crois. Voulant en avoir le cœur net, j’ai ouvert mes yeux ensommeillés et dirigé mon regard vers les voix. En parcourant le pont des yeux, je me suis aperçu que presque tous les autres avaient suivi les conseils de Boun ; Donald, Maxwell et Kairi dormaient, Lydia, nerveuse, semblait perdue dans ses pensées, exactement comme l’argenté, qui regardait l’horizon à tribord. Ces deux derniers ne semblaient pas faire attention aux voix de nos nouvelles rencontres. Au niveau de la poupe du Palais de la Crevette, Raya et la femme aux cheveux de plusieurs couleurs, que je n’avais plus vue depuis notre départ du port, discutaient. C’est là que j’ai remarqué que Sisu était mouillée.

-         Je vais t’aider, a-t-elle dit. Qui c’est, ton dragon préféré ?

De loin, Raya a fait ce qui ressemblait à une grimace.

-         Ton humain préféré, a corrigé Sisu. Parce que je resterai humaine jusqu’à… Enfin, tu sais.

Son interlocutrice lui a souri.

Soudain, Boun a donné un grand coup sur une marmite, réveillant les trois dormeurs en même temps.

-         Chers passagères et passagers, le Capitaine Boun vous propose un bon menu aujourd’hui pour vos pauvres estomacs fatigués !

Dès que j’ai entendu le mot « menu », mon ventre a gargouillé. Je me suis alors souvenu que mon dernier repas remontait au château de la souris, ce qui commençait à dater un peu. Un Héros comme moi avait besoin de forces !

Avec une vitesse assez folle, Boun nous a rassemblé tous les huit autour de la grande table en bois non loin de la poupe. Ensuite, il a fourré une chaise sous nos fesses en nous obligeant à nous asseoir. Il a déposé des grands bols avec des cuillères en bois devant chacun de nous.

-         Qui a faim ? a demandé Boun.

-         Moi ! avons répondu Sisu et moi.

Avant même que le reste d’entre nous ne puisse répondre, il a versé dans chacun de nos bols quelque chose qui faisait penser à un porridge à base d’oignons, de riz et de crevettes qu’il a saupoudré d’épices, je crois.

-         Huit plats du jour ! a déclaré Boun avec enthousiasme.

Il s’est alors glissé entre Raya et Sisu en tenant une bouteille dans ses mains. Boun a enchaîné super vite avec :

-         Vous le voulez comment ? Épicé (Il a montré sa bouteille.), très épicé (Il a montré une autre bouteille prise derrière lui.) ou BOUN (Certains d’entre nous ont sursauté pendant qu’il brandissait bien en l’air un troisième récipient.)-comme-la-dynamite ?

-         Hé que ça chauffe ! a fait Sisu.

-         Par ici la dynamite, capitaine ! ai-je dit.

Maxwell, pas plus emballé que ça, a lancé :

-         Capitaine, vous êtes sûrs que des épices aussi fortes seraient bonnes pour nos… « pauvres estomacs fatigués » ?

Le Capitaine a continué de servir tout le monde – plus ou moins contre leur volonté, mais ça, c’est qu’un détail – et a ignoré royalement sa question. Au moment où Sisu allait attaquer, Raya a retiré son bol avant d’examiner le repas d’un œil soupçonneux.

-         Qu’est-ce que tu fais ? lui a demandé son amie.

Au même moment, Riku a arrêté Kairi d’un geste, l’empêchant de manger elle aussi. Visiblement, Raya et lui avaient eu la même appréhension.

Raya répond tout bas à Sisu en essayant de cacher sa bouche :

-         C’est peut-être du poison.

-         Pourquoi il nous empoisonnerait ?

-         Oui, pourquoi ? a demandé Boun après avoir servi tout le monde.

-         Pour son sac de jade ? a suggéré Riku, toujours pas décidé à commencer les hostilités.

-         Exact, a acquiescé Raya en comptant sur ses doigts. Mais aussi, pour voler mon épée ou, je sais pas… pour kidnapper mon Tuk Tuk !

L’énorme animal à carapace et aux grands yeux globuleux nommé Tuk Tuk – dommage que personne n’a semblé avoir compris le génie de mon jeu de mots plus tôt, au passage – s’est arrêté de manger.

Boun est retourné derrière ses fourneaux – une table sur laquelle se trouve quelques pots en porcelaine et sa marmite de nourriture. Il a entrepris de touiller le reste de plat du jour avant de répondre :

-         Bien vu, mais si ça, c’est du poison…

Le Capitaine a goûté la nourriture, un air satisfait est apparu sur son visage : ça avait l’air super bon !

-         … vous allez mourir comblés.

-         Merci mais… (Raya a sorti quelque chose de sa poche : un aliment brun, sec et informe, qui n’avait pas l’air spécialement appétissant)

Kairi, curieuse, a demandé à Sisu qui est assise juste à côté d’elle :

-         Qu’est-ce que c’est ?

La femme se rapproche d’elle et lui chuchote assez bas pour que Raya ne l’entende pas :

-         Du jaquier séché. Entre nous, je te le conseille pas du tout.

-         C’est… noté.

-         Nous avons déjà notre propre nourriture, a fini Raya.

Elle a mordu dans son jaquier et tiré un maximum pour en retirer un seul morceau. Au départ, j’étais aussi curieux que Kairi à ce sujet, mais vu la tête que la brune faisait en mâchant, je peux vous dire que c’était bien caoutchouteux et pas super bon.

Sisu et moi étions les premiers à entamer notre plat sous le regard inquiet de tout le reste du groupe. Le goût m’a surpris, parce que je ne m’attendais pas à ce que la cuisine d’un préado soit aussi bonne.

-         Tu gères, capitaine !

-         Ouah, a ajouté Donald qui, ignorant les doutes de Riku, s’était mis à manger lui aussi.

-         C’est délicieux ! a renchéri Sisu.

Boun a hoché la tête, très fier de lui.

-         Au fait, Raya, a continué Sisu en ajoutant des épices à partir d’un pot que le capitaine avait laissé à côté d’elle, ce n’est pas du poison.

L’épéiste n’a pas répondu, trop occupée à mâcher son précieux caoutchouc. En nous voyant apprécier notre repas, les autres se sont enfin décidés à nous suivre, Kairi la première. Ensuite, c’est Maxwell sous les yeux de Lydia. Quand il a écarquillé les yeux, son amie a essayé une première bouchée avant d’avoir la même réaction que lui. En nous voyant manger, Boucles d’Argent hésitant d’abord, puis, sous les incitations de Kairi, a finalement abandonné sa stupide méfiance.

À la prochaine bouchée, Sisu a ralenti le rythme.

-         Qu’est-ce qu’il y a ? lui ai-je demandé.

Elle s’est mise à expirer très fort.

-         Ça pique, ça pique ! a répondu Sisu en panique. Ça pique vraiment !

La pauvre femme a cherché alors frénétiquement autour d’elle en demandant de l’eau, déclenchant un petit rire de la part de Raya, l’argenté et Kairi. Même Maxwell et Lydia n’ont pas pu s’empêcher de sourire.

 

La journée passait, et nous naviguions toujours à bord du Palais de la Crevette. Très vite, le soir est tombé et là…

-         Que sont ces choses ? a demandé Kairi.

-         Le Druun peut-être, a essayé Boucles d’Argent.

Vu l’absence de réponse des autres, il avait sans doute visé juste. Dans les bois tout autour de nous, des formes sombres commençaient à s’agiter. À quoi est-ce que ressemblaient ces formes ? À Rien, justement. On parle de nuages amorphes, violets foncés et noirs. Et il y en avait beaucoup, beaucoup trop pour les compter.

À côté de Raya, Tuk Tuk a émis quelque chose qui ressemble à un grognement inquiet vers sa propriétaire. Cette dernière l’a caressé pour le calmer.

-         Je sais, mon grand.

Lydia, qui n’avait pas dit un mot de la journée, a demandé d’une petite voix :

-         On est vraiment en sécurité sur le bateau ?

Maxwell, à ses côtés, regarde tour à tour l’eau et les Druuns dans les bois.

-         Ouais. Je crois que l’eau les tient à l’écart. (Il s’est adressé à Raya.) J’ai raison ?

Cette dernière, en train d’aiguiser son épée, lui a répondu :

-         Exact. On ne risque rien pour l’instant.

Là-dessus, on est retombé dans le silence de la nuit, tout juste perturbé par le clapotis des vagues sur la coque du bateau.

Je n’ai pas pu m’empêcher de fixer les créatures. C’est là que Boun a pris la parole :

-         Pendant la journée, on oublie qu’il est là. Mais la nuit…

Il a jeté un regard par-dessus bord.

-         Alors je ne quitte jamais le bateau, a terminé le capitaine.

-         Tu fais bien, a répondu Raya.

-         C’est quoi le Druun, exactement ? leur ai-je demandé. Je sais que Raya nous l’a dit tout à l’heure, mais ce n’est pas super clair.

Depuis le début de notre conversation, Sisu ne disait rien, accroupie sur ce qui ressemblait à une caisse en bois, elle observait aussi les Druuns. Sauf que, pour répondre à ma question, elle a choisi de sortir du silence sans quitter les monstres du regard :

-         Un mal. Né de la discorde entre humains. Il a toujours existé, attendant juste un moment de faiblesse pour attaquer. Le Druun est tout l’opposé des dragons ; au lieu d’apporter l’eau et la vie, c’est comme un incendie qui consume tout sur son passage, jusqu’à ne laisser que de la cendre et des pierres.

Boun, le capitaine, a alors déclaré d’une voix triste :

-         Il a pris ma famille.

Kairi, en le voyant, a décidé de s’approcher de lui. Elle a posé une main sur son épaule en le regardant avec gentillesse.

-         Nous sommes désolés, Boun, a-t-elle dit d’une voix pleine de sincérité.

Même le regard dur de Riku s’est adouci. Sisu, Raya, Maxwell, Lydia et Donald ont regardé l’enfant de la même manière que Kairi. Etant un peu plus à l’écart du groupe, j’ai pu remarquer que l’épéiste nous observait aussi. Elle avait l’air... moins méfiante.

Sisu s’est tournée vers une assiette de bois contenant des fleurs violettes à ses côtés. Elle en a pris quatre en disant :

-         Je comprends. Le Druun a aussi pris la mienne.

Sisu, a levé les fleurs en l’air en fermant les yeux avant de les déposer sur l’eau.

Une commémoration pour les gens qu’elle a perdu.

Boun l’a imitée en en prenant quelques-unes lui aussi. Enfin, Raya s’est décidée à faire pareil et dépose une fleur à son tour. Riku et Kairi ont échangé un regard, se demandant sans doute quoi faire dans un moment pareil.

Je rejoins le trio Sisu/Boun/Raya à bâbord et prend deux fleurs violettes sous le regard interrogateur des autres.

Ensuite, j’ai fermé les yeux et levé ce que j’avais pris avant de les lâcher par-dessus bord. Les fleurs se sont déposées très lentement à la surface de l’eau. J’ai jeté un regard à l’assiette, encore pleine. J’ai hésité à en prendre d’autres, avant de vite changer d’avis.

Je vais les retrouver toutes les deux. Yuki n’est pas morte. Nel non plus. J’en suis sûr.

-         Toi aussi ? m’a demandé Boun.

-         Ouais, mes parents. Ce n’était pas à cause du Druun mais…

Sisu me regarde sans rien dire. Boun, quant à lui, prend mon bras. Un petit de douze ans me réconfortait… Tu parles d’un héros !

-         T’inquiètes, capitaine ! lui ai-je dit en souriant. Je vais bien. Si jamais ces choses approchent, le Grand, le Seul, l’Unique Araen vous protégera tel le héros qu’il est !

La femme aux cheveux multicolores m’a souri, très vite imitée par Boun et les autres. Raya m’observait, mais je n’arrivais pas à lire son expression. Avant que je ne puisse en avoir le temps, Donald a appelé :

-         Regardez !

Il pointe du doigt – ou de la plume ? – devant le bateau. Au loin, des lumières apparaissent à l’horizon.

-         Je crois qu’on y est, a dit Boun.

Nous sommes restés en silence quelques secondes pendant que nous nous rapprochions des lumières. Ensuite, Boun nous a demandé d’un air faussement désintéressé :

-         Alors, euh, vous allez où après Griffe ? Il se peut que j’y aille aussi…

Sisu et Raya ont échangé un regard en souriant, très vite imité par le reste d’entre nous.

-         … moyennant un supplément, bien sûr, a-t-il ajouté.

-         Bien sûr, a confirmé Raya, amusée.

Nous sommes alors arrivés à Griffe du Dragon. Il s’agissait d’un grand village, bien plus que l’endroit où nous avions pris le Palais de la crevette, composé de beaucoup – vraiment beaucoup – de maisons faites en bois et en paille éclairées/décorées par des lanternes de différentes couleurs et ce, à l’extérieur. Oh, et le dernier truc intéressant à dire, c’est que le village est entièrement construit sur…

-         L’eau, a observé Sisu. Tout le village est sur l’eau. Les habitants sont des génies !

-         J’avoue que c’est malin, a commenté l’argenté. Ils sont complètement protégés du Druun dans ce cas.

-         Il y a quelque chose d’important à savoir sur cet endroit, Raya ? a demandé Donald.

L’épéiste a remis son grand chapeau et s’assure d’avoir bien son épée à sa ceinture.

-         Oui. Griffe est un marché flottant réputé pour ses marchands et ses combattants.

-         Ça devrait aller si c’est juste un marché, non ?

Raya m’a regardé droit dans les yeux.

-         Cet endroit peut sembler attrayant, mais c’est un repaire de pickpockets et d’escrocs.

-         Aucun problème ! Le grand Héros Araen n’en fera qu’une bouchée.

Mon interlocutrice ne m’a pas répondu, se contentant de me regarder, peu enthousiaste. Peut-être qu’elle ne me croyait pas ?

Naan, elle devait juste être époustouflée par mon aura !

-         Nous ferons attention à nos poches, alors, a assuré Maxwell.

-         Heureusement pour moi (Sisu a montré ses vêtements trop grands pour elle.), les miennes sont vides !

Après avoir vérifié son équipement, Raya s’est adressée à son amie :

-         Bonne nouvelle : je sais où est la pierre.

-         Et la mauvaise ? a demandé Kairi.

-         Elle est entre les mains du célèbre chef de la Griffe : Dang Hai. Il manque de charme, mais pas de cruauté.

-         C’est compris, a dit Sisu pendant que le bateau accostait. On va mettre le paquet ! Il faut un cadeau…

Elle était sur le point de partir, bien déterminée à trouver ce cadeau, mais Raya l’a retenue.

-         Sisu ! Je pense… qu’il est plus prudent que vous restiez sur le bateau.

-         Quoi ?

-         Allez, Raya, suis-je intervenu. Elle peut bien venir, non ?

La brune m’a ignoré.

-         Sans vous, Sisu, on ne pourra pas réparer la pierre.

-         Je veux être utile, a insisté la femme.

-         Vous le serez, a assuré Raya avec douceur. En restant saine et sauve.

À en juger par l’expression attristée de Sisu, ça ne lui plaisait pas du tout.

-         Et nous ? a demandé Riku.

Raya s’est mise à réfléchir.

-         Ce ne serait pas judicieux que vous veniez tous avec moi, on se ferait trop remarquer.

-         Voilà ce que je propose, a dit Boucles d’Argent. Kairi et moi on te suit pour aller chercher la pierre. Le reste d’entre nous reste ici pour protéger le bateau au cas où.

Riku avait décidé ça sans consulter personne, ce qui a eu pour effet de me taper sur le système. Pour qui il se prenait au juste ? Hors de question de rester derrière !

-         Hé ! Moi aussi je veux venir avec vous !

Raya et Riku ont échangé un regard.

-         C’est une mission discrète, explique la femme épéiste. Et… tu n’as pas l’air très doué pour ça.

-         Comment ça ?

-         On a pas besoin d’un type qui crie qu’il est le plus fort à la moindre occasion en balançant ses éclairs partout, a répondu l’argenté.

J’ai vu rouge. Décidément, ce gars m’énervait de plus en plus.

Kairi m’a lancé un regard peiné, l’air de comprendre ce que ça faisait. Ce n’est que lorsqu’elle s’approche de moi que je parviens à me calmer :

-         Araen, pardonne Riku. Il est un peu… brutal parfois.

-         Ce n’est pas le mot que j’aurais choisi, ai-je grommelé.

-         Mais fais-nous confiance, d’accord ? S’il te plaît.

En voyant ses grands yeux bleus me fixer, je n’ai pas pu me résoudre à rester en colère. Cela dit, je n’avais pas dit mon dernier mot. Frustré, j’ai décidé de sauter hors du bateau. Une fois sur le pont, je me suis éloigné du reste du groupe en marchant le plus vite possible.

-         Araen, attends ! a appelé Kairi dans mon dos.

Riku lui a dit de me laisser faire. Tant mieux : je voulais rester seul.

J’ai traversé le village de Griffe du dragon en regardant autour de moi. C’était vraiment un chouette endroit ! Le village était tellement éclairé qu’on se croirait en plein jour si on ne faisait pas gaffe et ce grâce à la lumière forte – mais agréable – des très nombreuses lanternes présentes partout. Pourtant, ce n’était rien comparé au nombre de personnes autour de moi. Les gens qui avaient construit cet endroit devaient être très doués parce que ça m’étonnait un peu que le bois sous nos pieds ne s’écroule pas vu la taille de la population. D’ailleurs, cette dernière se trouvait être très occupée : certains vendaient des marchandises comme de la poterie, des lanternes, des légumes, des fruits (dont l’odeur sucrée se mélangeait à celle de grillades), d’autres faisaient pareil mais sur l’eau – je m’en suis aperçu en passant sur un pont au-dessus d’une étendue d’eau en plein milieu du village – et d’autres encore se baladaient comme moi tout simplement, seuls ou accompagnés. Je suis passé devant un couple de personnes avec un genre d’animal à poils blancs et de très longues cornes qui tractait un grand chariot à deux roues rempli de leurs achats. Les deux habitants m’ont dépassé, discutant sans m’accorder un seul regard et continuant leurs chemins en souriant, l’air de très bonne humeur, avant que leurs voix ne se perdent dans le brouhaha joyeux des villageois. Quand on les regardait, impossible de deviner que des monstres sévissait tout autour du village. En bref : Griffe du dragon respirait la bonne humeur. Cela dit, je n’y faisais pas plus attention, trop occupé par mes pensées. J’avais quitté le bateau pour deux raisons : d’abord, je ne supporte pas de rester quelque part sans rien faire, et ensuite, j’avais envie de rester un peu seul, ce qui ne m’était plus arrivé depuis… Depuis que j’avais rencontré Yuki en fait.

Yu… Elle me manquait terriblement. Plusieurs fois depuis notre arrivée dans ce monde, je m’étais retourné, m’attendant à la voir à mes côtés, en train de regarder ailleurs et de souffler suite à un énième commentaire de génie que j’aurais faite, mais rien du tout. J’ai même encore commis cette erreur en marchant dans les rues de Griffe, et son absence m’est brutalement revenue en mémoire. Je me suis arrêté.

Où est-ce qu’elle est au juste ? Mais où ?!

Je ne pouvais pas répondre à ces questions, et ça m’énervait. Si je le savais, ou juste si je pouvais avoir un indice, je laisserais tomber tous les autres pour la retrouver… Mais c’était impossible. Pour l’instant, j’étais coincé avec eux, obligé de les suivre pour parvenir à une solution. Autant je pouvais en apprécier certains, comme Kairi, mais d’autres m’étaient beaucoup moins supportables. Vous aurez compris de qui je veux parler. Heureusement, tous n’avaient pas le même caractère que Riku, sinon j’aurais pété un câble. Malgré tout, je ne me sens pas à ma place parmi Boucles d’Argent, le canard sorcier qui parle, Kairi, un type bizarre (Maxwell) – je veux dire, il dégageait une aura une étrange et restait impossible à déchiffrer, même pour moi – et une fille muette l’air effrayée par le monde entier (Lydia). Combien de temps encore est-ce que j’allais devoir rester avec ?

Mon ventre a gargouillé, me rappelant ma famine. Chaque chose en son temps : il fallait d’abord que je mange.

J’ai parcouru du regard les stands avant d’en voir un qui proposait des brochettes d’une viande qui ne me disait rien du tout. N’étant pas difficile, je me suis précipité vers le vendeur et lui en ai demandé.

L’homme, un grand type baraqué à la peau bronzée comme Thomas ou Raya et aux cheveux bruns remontés en queue-de-cheval portant un haut sans manches ressemblant un peu au mien, m’a lancé un regard scrutateur.

-         Et tu as assez de jade pour payer, j’imagine ?

-         Euh…

-         Je m’en doutais. Désolé petit, mais on ne fait pas la charité ici.

En me demandant ce que j’allais bien pouvoir dire, je suis tombé sur quelque chose qui ressemblait à un grand récipient en argile bien fermé. C’est là que j’ai remarqué que le marchand n’avait pas l’air d’avoir énormément de clients.

-         Pas besoin de la charité, monsieur. J’ai un autre moyen de vous payer.

-         Comment ça ?

Après m’être assuré que le récipient ne risque pas de se casser ou de s’ouvrir, j’ai placé sa face latérale contre le sol et hurlé :

-         MESDAMES ET MESSIEURS !

Les gens les plus proches se sont carrément retournés, mais d’autres passaient leur chemin en m’ignorant complètement. Aucun problème !

-         Bienvenue au spectacle du grand héros Araen ! Spectacle qui vous est offert par… euh…

Je me suis rapproché de l’homme, sans faire attention à son regard montrant clairement qu’il n’avait pas la moindre idée de ce que j’essayais de faire :

-         Comment est-ce que vous vous appelez ? lui ai-je demandé en chuchotant.

-         Abidin, mais pourqu…

-         ABIDIN, le meilleur vendeur de brochettes du village !

J’ai applaudi, suivi par quelques-uns des rares spectateurs hésitants.

-         Pour le tour de magie de ce soir, je vais jouer le rôle de… la toupie électrique !

Des murmures incrédules ont parcouru le public.

-         Bien que vous ne risquiez rien, je vous demanderai de bien vouloir reculer un peu pour profiter pleinement du spectacle.

Les habitants se sont exécutés, me laissant bien assez de place.

-         Parfait. Et maintenant… (J’ai tendu la main et Lueur héroïque, ma Keyblade, y est apparue, provoquant quelques cris d’étonnement.) attention les yeux !

Là-dessus, j’ai placé la main sur le pot couché et pris de l’élan en tournant avec. Puis, tout en gardant ma Keyblade dans l’autre main, je me suis laissé entraîner en décollant mes pieds du sol jusqu’à ce que je sois complètement à l’envers. Pendant que je tournais, j’ai laissé l’électricité qui parcourait mon corps se libérer – pas trop non plus, le but n’étant pas de griller les passants – et mon Essence m’a obéit. Je ne savais pas exactement ce que les spectateurs voyaient, mais ça devait être impressionnant car, pendant mon tour, j’entendais pas mal d’exclamations de surprise. Quand j’ai estimé que c’était bon, j’ai sauté du pot en continuant de tourner dans les airs, avant d’atterrir devant mon public en faisant la révérence.

Grand silence. Mon arme a disparu.

Et explosion d’applaudissements pour le Héros ! En relevant la tête, je me suis aperçu qu’il y avait bien plus de monde qu’un peu plus tôt.

J’ai tourné la tête vers Abidin, impressionné par ma prestation… et les nombreux clients que je venais de lui apporter.

-         Qu’est-ce que vous en dites ? lui ai-je demandé, ne pouvant pas contenir mon sourire.

Le marchand, encore sous le choc, n’a pu me répondre que quelques secondes plus tard.

-         Je dis… que je te dois des brochettes !

 

Partir après ça avait été un peu compliqué. Les passants, une fois en possession de leur nourriture, se pressaient pour me saluer et me féliciter ou me demander quand est-ce que le prochain tour aurait lieu. Je n’ai répondu que vaguement et me suis dépêché de quitter les environs du magasin d’Abidin, très occupé avec ses nouveaux clients. Un peu plus tard, j’ai enfin réussi à me retrouver tout seul à arpenter les rues tout en dégustant les excellentes brochettes du marchand. Mon intuition légendaire ne m’avait pas trompé : Abidin vendait sans doute les meilleures brochettes du village !

Pendant mon repas, j’ai perdu la notion du temps et dépassé d’autres stands, croisé un certain nombre de gens faisant leurs courses, un bébé seul par terre, des bateaux, des…

Quoi ?

Je n’avais pas rêvé. En revenant sur mes pas, je vois qu’il y avait vraiment un bébé, une fille, assis sur le sol, qui me regardait avec de grands yeux tristes. Enfin, pas moi exactement, plutôt mon repas. J’ai regardé autour de moi ; où étaient les parents de cette gamine ? J’ai hésité un instant à partir et à la laisser là… mais ce n’était pas digne d’un Héros.

Je me suis doucement approché avant de m’agenouiller devant elle. Elle m’a laissé faire tout en continuant à me supplier du regard. Argh, comment résister à ça, au juste ?

Elle a tendu la main. Je lui ai tendu une brochette.

Elle m’a volé.

Vous ne vous y attendiez pas, hein ? Eh bien moi non plus.

Je ne plaisante pas : ni une ni deux, le bébé et trois singes au pelage blanc sont sortis de nulle part et m’ont arraché la totalité de mes brochettes de viande avant de filer dans une ruelle. Tout ça avait été tellement rapide qu’il m’a fallu quelques secondes pour me rendre de ce qui venait de se passer.

Je venais vraiment de me faire avoir… par un bébé ?

Quand mon cerveau s’est enfin réveillé, je me suis lancé tout de suite à la poursuite de mes voleurs, déterminé à récupérer mon repas durement gagné.


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