De l'ombre à la lumière

Chapitre 1 : De l'espoir naît d'une défaite, au doute naît d'un égoïsme

3711 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:22

DE L’OMBRE A LA LUMIERE

 

 

Quand Tetsuya entra à Seirin, deux sentiments se disputèrent son humeur les premiers jours. D’abord, la tristesse d’avoir quitté une équipe qu’il avait apprit à aimer, autant qu’un enfant puisse aimer sa famille. La tristesse de l’avoir vu se déchirer et perdre petit à petit la flemme vive et rougeoyante qui avait animé tant de leurs jeux, de leurs jours…

 

Ensuite la joie, maintenant à flots son espoir de pouvoir un jour réunir à nouveau cette équipe, de ranimer ce qui s’est éteint en trouvant d’autres personnes à aimer et prêtes à se battre pour ce qu’elles aiment.

 

Si seulement le fait de s’amuser en jouant au basket et de passer du bon temps avec ceux qu’il chérit, avait suffit, oh si seulement cela avait été le cas.

 

 

 

 

I. De lespoir naît dune défaite, au doute naît dun égoïsme.

 

Riko prit une profonde inspiration, retenant avec force ses larmes en elle. Pleurer n’effacerait par leur défaite et ne les réconforterait pas. Ce ne serait pas leur rendre hommage, ils se sont tant battus, ont tant donné sur le terrain. Elle prit une autre inspiration…

- Relevez-vous voyons, et cessez de vous morfondre ! Nous avons perdu contre Tôhô, et après ? Je suis fière de vous, une larme finit par s’échapper, roulant lentement le long de sa joue, si fière ! Nous ne pouvons que progresser à présent et je peux vous jurer que tant qu’on aura pas prit notre revanche, je n’aurais pas de répit, elle baisse le ton dangereusement, et je ne vous en laisserais pas non plus.

Chacun des joueurs pointèrent leur regard en sa direction, ses paroles leur redonnant un sentiment d’espoir mais aussi une légère mais non moins notable frayeur quant à sa menace… Junpei esquissa un sourire apaisé, se relevant les poings serrés. Riko a un don pour insuffler du courage, il en fut définitivement convaincu à ce moment là. 

- Oui ! Nous les vaincrons, montrons leur la force de Seirin, montrons à cet Aomine Daiki qu’il nous sous-estime, pas vrai, Kagami-kun ?!

Les yeux se posèrent alors vers le dit nommé, assit contre la porte de son casier. Il semblait émaner de lui une aura égalant celle d’un volcan prêt à entrer en éruption - ce qui eut pour effet de faire frissonner l’équipe toute entière !

- NOUS L’ECRASERONS ! finit-il par vociférer en se relevant dun coup, manquant par ailleurs de renverser le banc situé à sa droite.

Riko se mit à rire, suivit du reste de ses camarades, pris alors d’un élan de joie mêlé à la volonté de vaincre l’adversité. C’est comme si, par une magie inexplicable, leur précédente déception avait disparue sans jamais avoir existé. Soudain, l’un deux, s’arrêta et secoua la tête de gauche à droite.

- Eh, au fait… Où est Kuroko-kun ?

- Je ne sais pas Shinji-kun, d’ailleurs je ne l’ai pas vu rentrer au vestiaire avec nous. Kagami-kun, sais-tu où il est ?

L’interrogé fit une grimace voulant certainement traduire le fait qu’il en savait fichtrement rien… Ce qui irrita la coach.

- Bon sang Bakagami, c’est ton partenaire, tu devrais faire attention à lui ! Riko fronça les sourcils en pointant du doigt la porte. Va le chercher, nous allons bientôt partir !

Avant même de pouvoir protester, la diabolique brunette lui colla un coup de pied aux fesses, l’éjectant dehors sous la compassion amusée des autres.

 

 

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- Ne t’avais-je pas prévenu Tetsu, que je vous écraserais ?

Aomine avait l’un de ces sourires supérieurs et froids qu’ont ceux qui ne perdent jamais. Debout face à son ancienne ombre, debout face à son ancien ami, il aurait autant aimé l’étreindre que l’étouffer. Effacer cet air impassible, sa volonté de croire en un basket collectif et amusant, sa volonté de croire que sans lui, il peut y arriver.

- Nous n’étions pas assez forts, nous le serons la prochaine fois, répondit-il dune voix monocorde, les yeux fixés sur le visage bronzé.

Aomine serra les dents, attrapant violemment le garçon par le haut de son maillot au point de presque le soulever hors de porté du sol.

- Tsss, peu importe à quel point vous vous entraînerez, je serais toujours plus fort ! Pourquoi t’obstines tu Tetsu’ ? POURQUOI ? 

Tetsuya esquiva son regard sur le côté, dévisageant le vide, un léger sourire morose aux lèvres. L’image de son ami, souriant jusqu’aux oreilles, bras dessus, bras dessous, avec lui et Kise, traversa l’espace d’un court instant son esprit.

- Je veux que vous retrouviez la flamme.

Ces paroles furent de trop pour le joueur de Tôhô. Sans plus réfléchir, il cogna la joue droite de son homologue, le faisant tomber à terre. Il aurait put crier, l’insulter, fuir ou appeler à l’aide mais il ne fit rien. Il resta à demi couché sur le gravier, passant passivement une main sur sa peau endolorie. Aomine s’en voulait déjà, sa gorge retenant péniblement sa demande de pardon. Or comment pourrait-il la dégager, il n’était pas en tord dans le fond - c’est ce qu’il pensait. Tetsu est à lui, il ne peut jouer convenablement qu’avec lui, uniquement lui ! Pourquoi ne le voyait-il pas ? Ses poings se serrèrent. 

- Je vous vaincrais Aomine-kun, si c’est là le seul moyen de vous voir à nouveau heureux, se redressant dos à lui, je ferais tout pour réussir.

Le géant étouffa un rire maussade, n’imaginant pas les paroles du jeune homme réalisables. Qu’est ce que cela ? Qu’est-ce donc ce souhait généreux ? Les ? Encore une fois l’égoïsme du basketteur prit le dessus sur sa raison.

- Tu es faible, incapable de jouer sans dépendre de quelqu’un de fort. Sans dépendre de moi. Tu ne peux même pas marquer un panier. Tu ne seras jamais qu’un poids pour ton équipe ! Comment peux-tu prétendre pouvoir nous vaincre par ton jeu, nous rendre heureux par lui ? C’est juste pitoyable. Cela aurait été différent si tu étais resté mon ombre.

On aurait pu trouver plusieurs sens à ces paroles et celui qu’elles avaient pour leur propriétaire était bien différent du sens qu’elles prirent pour leur destinataire… Si par elles Aomine désirait faire transparaître sa volonté de garder son ami pour lui, de lui faire comprendre qu’en un sens, il lui appartient, pour Tetsuya elles furent des poignards. A bien des occasions, il s’est montré dur avec lui, mais ce fut la première qu’il le fut avec autant de froideur. 

Tetsuya sentit son coeur se serré. Sans plus rien dire, il partit en direction du gymnase. Daiki suivit le chemin opposé, des larmes de rage et de désespoir remontant jusqu’à ses yeux.

 

 

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- Kurokoooo, putain, t’étais où ? Arrête de disparaître comme ça, sérieux. L’équipe doit certainement nous attendre prêt du bus, dépêche toi.

Tetsuya, qui venait à peine de remarquer la présence sur sa route de son coéquipier, lui répondit d’un vague mouvement de la tête, le regard absorbé par le ciel. Pas si bête au point de ne pas l’avoir remarqué, le rouge se pencha vers lui.

- Hoy, ça va ?

- Oui, allons-y.

Côte à côte ils s’en retournèrent rejoindre leurs camarades, qui à eux-seuls, faisaient plus de bruit qu’un troupeau de vaches. Ils s’échangeaient leurs espérances sous de bruyants rires, de commentaires et de déclarations de guerres à l’encontre de la Génération des Miracles. Dans le bus, leur excitation ne retomba pas. Seul l’un d’entre eux, dont le visage  se reflétait tristement dans la vitre, s’absenta de la bonne humeur générale.

 

 

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Les entraînements suivants, plus intensifs et extrêmes - merci Riko - que l’équipe endurait furent compensés par la beauté du lieu dans lequel ils se déroulaient. Seirin - merci Riko bis - venait de s’établir pour trois semaines dans un camp en pleine nature, juste à côté de la mer. Bien que les joueurs avaient à partager celui-ci avec l’équipe de Shutoku, leur moral se maintenait au beau fixe.

Enfin, c’était sans compté Tetsuya. Depuis son altercation avec Aomine, il s’était comme spirituellement évaporé. Son corps bougeait, certes, mais lorsqu’il fallait répondre aux questions de ses coéquipiers ou aux beuglements de Kagami… Aucunes paroles ne sortaient de sa bouche. N’étant pas bavard de nature, les autres ne s’en inquiétèrent pas, pensant que leur ami devait se concentrer pleinement sur leur entraînement.

Ils avait tord. Tetsuya n’avait eut de cesse de penser, penser et repenser les paroles de son ancienne lumière, si bien qu’il finit par en conclure qu’elles étaient justes. Tout ce qu’il avait entreprit jusqu’ici était vain. Aucun de ceux qu’il avait aimé et aime encore, aucun de ceux qu’il aime secrètement nommer sa famille, ne sont aujourd’hui, heureux. S’investir corps et âme dans un jeu par amour de celui-ci, pour finalement s’en lasser et voir les autres comme des perdants, ne s’intéressait plus qu’à sa seule personne, - Tetsuya en est convaincu - affectera à jamais leur personnalité et pourrait nuire à leur bienêtre futur s’ils ne prenaient pas conscience que le chemin qu’ils empruntent est le mauvais.

Kagami attrapa la balle de basket traînant sur le bitume tout en agrippant de sa main libre l’épaule du son ombre, l’entraînant à sa suite sur le terrain leur faisant face. Un genre de rictus digne d’un conquérant grecque s’étalait allègrement sur son visage. Il lui restait de l’énergie, malgré la dure journée qu’il avait passé et la fraîcheur nocturne ne faisait que l’encourageait encore plus à se dépenser.

- Allez, faisons quelques passes Kuroko ! Aaaaah je sens que je pourrais jouer toute la nuit !!

Le jeune homme lui répondit d’un léger sourire, réceptionnant la balle de son ami, déjà en position pour la récupérer. Au lieu de la lui rendre, il baissa les bras, la laissant rebondir  et s’éloigner dans l’ombre d’un bosquet.

Kagami est toujours combatif et enthousiaste, il ne se laisse jamais abattre… En le voyant si enjoué face à lui, si déterminé, Tetsuya se senti honteux, presque indigne de se tenir à ses côtés. « Tu ne seras jamais qu’un poids pour ton équipe ! » S’il souhaite que Seirin reste aussi enjouée et soudée, qu’elle ne finisse pas comme eux, il ne pouvait se contenter d’être simplement là.

- Eh, Kuroko, qu’est ce qu’il y a ? T’es malade ? Fatig…

- Kagami-kun, coupa le bleu avec monotonie, si je jouais en un contre un face à Hyuga-sensei, serais-je le perdant ?

Le rouge écarquilla les yeux, incapable de répondre.

- Kagami-kun, si je jouais en un contre un face à toi, serais-je le perdant ? Face à Kise-kun, face à Kiyoshi-sempai ?

- Mais… Qu’est ce que tu racontes Kuroko ? Pourquoi tu me demandes ça tout d’un coup ?

L’interrogé détourna son regard sur les lignes blanches du terrain. Il y avait une seule réponse possible à ses questions : il serait le perdant, car il est faible, il est un poids. Kagami ne l’aurait sans doute pas déclaré de but en blanc par advertance et gêne. Son coeur se serra une deuxième fois. Battre ses anciens amis est le seul moyen de les ramener à la lumière, et à l’heure actuelle, il en est totalement incapable. Tout comme il est incapable de soutenir Kagami convenablement.

- Oublie cela, je suis fatigué.

- Haa… Tu es sûr que ça va ? Kurok…

- Oui, après une bonne nuit, cela ira.

Malgré le ton rassurant qu’il s’était tâché d’adopter, le bleu intima un doute à son ami qui le suivit du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse dans l’enceinte du bâtiment.

- Qu’est ce qu’il a à la fin.. dire de telles choses…

 

 

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Enfin, le dernier jour de leur entraînement au centre allait s’achever ! Intérieurement l’équipe était franchement soulagée - la coach avait été particulièrement sadique durant le séjour…

En ligne les uns à cotés des autres, les joueurs entamèrent leurs étirements. Kagami arriva un quart d’heure en retard, les plis de son oreiller encore imprimés sur ses joues.

- BAKAGAMIIIIIII ! !

- Hiiiik..

Riko se jeta sur le retardataire, lui assenant trois coups de poings sur le crâne.

- TU FERAS 10 TOURS DE TERRAIN DE PLUS QUE LES AUTRES, CA T’APPRENDRA A VENIR EN RETARD !

Sous les lamentations du puni et le rire des autres, l’entrée de Shutoku passa presque inaperçue. Midorima fronça les sourcils, agacé par  le vacarme créé par Seirin et se retenait de ne pas les réprimander - ce qui ne manqua pas d’amuser Takao, ayant noté la frustration de son ami.

A la vue du vert, Kagami reprit de son sérieux, lui lançant un regard provocateur auquel le défié répondit par un grognement énervé et sourd. Partager ce gymnase avec lui allait être une épreuve éprouvante. Takao ne put alors retenir un léger  rire moqueur.

- Ah ah, Shin-chan, si tôt le matin et déjà compétitif !

- Fermes là Takao… Tss.

Un quatrième coup de poing s’abattit sur le crâne de Kagami qui se tourna, frustré et incompréhensif, vers la coach - qui dégageait par ailleurs une essence diabolique. 

- Va t’échauffer et concentre toi, idiot !!

Sa grimace démoniaque vira alors soudainement à la surprise. Elle venait de se rendre compte que…

- Kuroko-kun ? 

Kagami regarda la coach, dubitatif, avant de se tourner vers le reste de l’équipe. Son ami n’était pas parmi eux.

- Eh ? Où est-il encore passé…

Avant même que l’un des joueurs aient put répondre ou commenter le constat, Kioyshi entra dans le gymnase, la tête basse, un bout de papier chiffonné dans la main gauche.

- Kiyoshi-sempai.. Qu’est ce que.. ? senquit Kagami, ayant remarqué la page blanche.

L’arrivée du brun attira par la suite la curiosité des joueurs de Shutoku et Riko se rapprocha de son ami, la mine inquiète face à son air sombre.

- Teppei-kun, qu’y a t-il ?

- Kuroko Tetsuya est parti.

Un silence pesant s’empara soudain de la salle. Tous les regards exprimèrent le même sentiment : un choc, impossible à encaisser, des paroles impossibles à croire. Mais Kiyoshi continua…

- Il a laissé cette lettre sur la table de la salle commune.

Kagami se rua vers lui, le saisissant aux épaules, le secouant légèrement, ne pouvant gober pareille ineptie.

- C’est une blague ?! HEIN ? Kiyoshi.. Pas vrai ?

N’oscillant pas un sourcil, l’homme se dégagea des bras du rouge et recula, lui tendant la lettre avant de lui tourner le dos.

Riko sentit l’eau saline affluer jusqu’à ses yeux, et se tourna vers Hyuga, figé dans l’incompréhension. Cherchait-elle sans doute un regard rassurant de son ami, ce qu’il ne put lui offrir. Midorima ainsi que le reste de son équipe s’étaient eux aussi figés, ayant clairement entendu la déclaration du joueur 7. Aucun d’eux, encore moins le vert, n’osait parler ou reprendre leur entraînement.

Les mains de Kagami tremblaient et il n’osait poser son regard sur la lettre, ne voulant pas lire son contenu, le redoutant sans tout à fait croire qu’il y ait à redouter…

Hyuga la lui saisit alors, et d’une voix grave, se mit à la lire sous les yeux ébahis des autres. 

 

    Mes amis,

Je tenais à vous remercier pour m’avoir offert votre amitié qui m’est si précieuse. Au près de vous j’ai pu retrouver la chaleur d’un « chez-soi » et la gaité paisible que procure le simple fait de passer du bon temps ensemble. Jouer avec vous est ce qui, jusqu’à présent, m’a le plus rendu heureux. Seulement, je ne peux prétendre être un bon joueur à votre égal et étant donné que le basket compte énormément pour moi, autant que pour vous, je ne peux continuer à vos côtés de la sorte. Je suis un poids pour l’équipe. Si je ne m’appuyais pas autant sur Kagami-kun, sur vous autres, vous seriez déjà bien plus doués. Mes passes aident, devez-vous penser, et en un sens, c’est juste, oui. Or cela ne suffit pas. J’ai bien réfléchi et j’ai compris que si je veux rester au près de vous, je dois devenir plus fort. Pour cela il me faut m’entraîner différemment et donc vous quitter pour un temps. Je vous demande pardon et, même si c’est égoïste de ma part de vous demander cela, je vous en supplie, ne m’en veuillez pas… J’espère que vous comprendrez mon choix et que lorsque je reviendrais, pour la Winter Cup, vous m’accepterez à nouveau comme vous l’avez fait une première fois, au printemps dernier. 

A bientôt, Tetsuya.

PS : Kagami-kun, durant mon absence, deviens encore plus fort. Nous les vaincrons.

 

 

Sans s’en rendre compte, Kagami pleurait, des larmes amers, emplies de colère et de frustration. Comment pouvait-il penser cela ? Un poids ? 

- Tsssk.. Sérieux…

Son poing heurta violemment le mur. 

- KUROKOOOOOOO…

Et tandis que son hurlement fit écho au travers de la salle, la pluie se mit à tomber au dehors.

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