Le destin des Ackerman - Tome 1

Chapitre 5 : Observations nocturnes

1938 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/03/2020 14:44

La nuit est tombée depuis plusieurs heures, tous les membres du bataillon d'exploration qui ont pris part à la poursuite des traîtres et ont réussi à en réchapper se reposent à l'abri d'un nouveau carnage. Pour beaucoup d'entre eux, s'endormir fut une épreuve à cause des choses intenses vécues pendant la journée et du choc au moment de l'extinction des feux où ils purent dénombrer tous ces lits vides qui sont autant de vies perdues dans cette expédition improvisée.

En effet, entre ceux qui ont succombé à leurs blessures et ceux qui gisent encore sur la plaine derrière la forêt des arbres géants, les pièces seulement meublées de lits se sont encore drastiquement désertifiées en âmes humaines.

Tout le monde dort à poings fermés ou du moins, en apparence. Sur l'ensemble du camp tous ceux qui ont vécu leurs premières terreurs sont dans l'impossibilité de fermer l'œil, toutes les horreurs et visions macabres hantent encore vivement leurs esprits. Les vétérans, eux, ne peuvent fermer l'œil sans voir le visages de leurs camarades disparus. Enfin, les seuls qui doivent vraiment dormir profondément sont les blessés sous morphine ou plongés dans le coma. Exception faite de Mikasa.

Entourée par des soldats entre la vie et la mort ou qui ont subi de terribles dommages, elle observe le plafond, les mains croisées sur son ventre, à se questionner sur ce qui aurait pu arriver si jamais ils n'avaient pas réussi à récupérer Eren et Historia.


Non, tu ne dois pas penser à ça, Eren est avec nous, c'est tout ce qui compte... conclut-elle en pensée, avant de laisser sa tête tomber de côté pour regarder en direction de cette écharpe rouge qui lui est si chère, posée sur le bord du lit près de son coussin.


Au final, elle ne sait pas vraiment quoi penser de tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Certes sans la folie et l'abnégation du Major ce sauvetage aurait sûrement été un échec mais tant de vies ont été perdues... La jeune femme est tiraillée, elle s'en veut même, parce qu'elle ne ressent pas autant de regrets qu'elle le voudrait face à ce bilan catastrophique puisque Eren est sain et sauf. Tout ce qui comptait pour elle, c'était retrouver Eren et empêcher qu'il ne soit emmené là où elle ne peut pas le suivre.

Les souvenirs du combat lui reviennent et focalisent son esprit sur ce moment où elle a perdu sa concentration, l'amenant à se faire attraper par un titan. Sans son manque de concentration elle n'aurait pas eu besoin de Jean ni de cet inconnu pour lui sauver la vie ni pour lui donner la possibilité de rattraper Reiner et, encore pire, elle ne serait pas obligé de prendre plusieurs jours de repos et de se ménager en raison de ses côtes endolories.

Enfin... C'est inutile d'y penser, ce qui est arrivé ensuite a été bien plus traumatisant et grave... Quand Reiner a utilisé les titans agglutinés sur lui comme projectiles pour atteindre le bataillon en fuite et que l'un d'eux a renversé la monture d'Eren et elle en pleine course, qu'ils se sont retrouvés seuls, au sol, sans moyen de s'échapper et entourés de titans, elle a vraiment cru que leur heure était arrivée.

Et puis Hannes est venu pour retarder l'inévitable avant de devenir l'une des nombreuses victimes de la journée. Depuis qu'ils sont enfants ils le connaissaient et même si elle n'a jamais été proche de lui, il faisait partie par la force des choses de ces rares personnes encore vivantes qu'elle a connu avant que leur quotidien ne soit bouleversé par la trahison de certains futurs membres de la 104e.

Quand elle l'a vu se faire avaler par le titan qui a, cinq ans plus tôt, dévoré la mère d'Eren qui l'avait accueillie et traitée comme sa fille, puis quand elle a constaté que Eren ne réussissait pas à se transformer, il n'y avait vraiment plus d'espoir. Mikasa se l'était pourtant promis lors de la bataille de Trost lorsqu'elle apprit la mort d'Eren et fonça sans réfléchir, sans penser à économiser gaz et lames, puis s'est retrouvée acculée dans une ruelle face à un titan sans aucun moyen d'en échapper. A ce moment là elle avait abandonné, l'espace d'un instant elle avait songé à se laisser mourir parce qu'un monde sans Eren n'était pas envisageable. Ce fut comme un éclair qui a traversé son esprit mais elle ne put finalement pas s'y résigner et continua de se battre pour que quelqu'un puisse se souvenir de lui. Elle se promit alors de ne plus jamais baisser les bras et de vivre pour que quelqu'un puisse se souvenir du jeune Jaëger.

Encore une fois, aujourd'hui, elle a manqué à sa promesse.

La jeune femme se saisit de son écharpe et la met contre son visage pour se réconforter, pour se demander pardon à elle-même. Elle pensait que tout était perdu et elle a ressenti cette pulsion envers son frère adoptif, cette envie de lui dire qu'elle l'aime. Pourtant ce qui est sorti de sa bouche fut différent, alors qu'Eren était désespéré et disait qu'il est resté aussi faible que le petit garçon qu'il était cinq ans plus tôt, incapable de faire quoi que ce soit.


— Eren... Ce n'est pas vrai, contredit-elle pour le rassurer et quand il se redressa pour la regarder, elle lui adressa un sourire réconfortant. Écoute, Eren, je veux te dire quelque chose... Merci d'avoir été à mes côtés. Merci... De m'avoir montré comment vivre ma vie. Merci... Merci de m'avoir donné cette écharpe.


Ses yeux s'emplissaient de larmes et qu'elle s'approchait inéluctablement du visage de ce jeune homme pour qui elle éprouve tant de choses.

Lui, il était figé avec une expression choquée en la fixant.

Au moment où ils étaient vraiment proches il se releva et, malgré les paroles qu'il a prononcé ensuite, elle se sentit bête.


— Idiote... s'insulte-t-elle à voix basse.


Mikasa se tourne pour être sur le flanc mais pendant le mouvement son corps lui rappelle la raison de sa présence ici : trois côtes cassées de chaque côté. Avec plus de prudence elle replie ses jambes contre son torse, la tête toujours contre l'écharpe.

L'instant suivant elle entend la porte de l'infirmerie s'ouvrir lentement : la personne qui entre essaye d'être la plus discrète possible. Méfiante, Mikasa est sur le qui-vive et fixe la silhouette qui se faufile dans la pièce.

Cette nuit le ciel est dégagé et la Lune éclaire presque comme le jour ce dortoir médical grâce à ses rayons qui transpercent les fenêtres. Quand l'intrus passe par la première ouverture elle ne peut pas voir son visage puisqu'il est tourné pour fermer la porte et regarde autour de lui, même chose les deux suivantes parce que, lorsqu'il regarde de son côté, il est dans l'ombre.

Il finit par s'arrêter près du lit juste en face dde celui de la jeune Ackerman et observe la personne qui y dort quelques secondes. Le malheureux étendu là, Mikasa ne le connaît pas mais du peu qu'elle a pu entendre le pauvre a perdu un bras et une jambe avant d'être secouru in-extremis.

Le temps que la jeune femme sonde rapidement ses souvenirs pour essayer de trouver le nom du blessé, l'inconnu s'assoit sur la chaise près du lit.


Josh, c'est ça... pense-t-elle, se souvenant pourquoi une chaise se trouve là : une fille aux cheveux roux était venue en début de soirée pour lui rendre visite et elle avait prononcé son nom.


Prostrée mais le regard fixé sur l'intrus, Mikasa essaye de distinguer les traits de son visage. Malheureusement il est de profil et cela rend l'opération difficile. Elle ne prête déjà pas tellement attention aux inconnus alors s'il ne l'aide pas un petit peu ce sera mission impossible.

Le sort va lui donner un coup de main puisqu'il se baisse de son côté pour ramasser quelque chose et, quand il se redresse, lui fait face. La jeune femme ouvre plus grand ses yeux quand elle reconnaît un visage familier.

Thomas soupire en se redressant et en observant cette petite gravure - qui tient dans la poche de la veste de leur uniforme - représentant Josh avec sa famille. Il finit par la glisser sous l'oreiller de son ami puis détaille rapidement l'épais bandage sur ce qu'il reste de son bras gauche.


— C'est un mal pour un bien, tu pourras rester loin des titans maintenant... prononce-t-il à voix basse.


Mikasa se souvient de ce soldat qui a galopé vers elle pour lui donner son cheval.


Vite, monte ! avait-il hurlé avant de l'aider à se relever puis en lui faisant la courte échelle pour grimper sur la selle.


Elle est soulagée de voir qu'il est en un seul morceau et c'est l'une des rares bonnes nouvelles de la journée. Pourtant elle se demande comment il a pu s'en sortir puisqu'il était au sol, sans monture, seul au milieu des titans et certainement avec des bouteilles de gaz pratiquement vides... Mais il a réussi à s'en sortir, ça frise l'impossible.


— Merci... chuchote-t-elle en le fixant, trop timide et fière pour exprimer autrement sa reconnaissance.


Thomas de son côté soupire une nouvelle fois. Anna, Hurado et Adley ne sont plus là, Josh ne pourra plus se battre... Si chaque bataille fait autant de dégâts autour de lui il se dit qu'il aura du mal à tenir mentalement.

Face à son ami endormi et qu'il ne veut pas tirer de ce sommeil réparateur, le soldat Ralle s'installe plus confortablement dans sa chaise et tire de sa poche ce collier qu'on lui avait remit le jour du choix de son corps d'armée, le bijou qu'il avait offert à Petra. Il s'appuie de ses coudes sur ses cuisses pour ainsi observer et manipuler doucement ce pendentif à hauteur de ses yeux.

Mikasa peut voir une mine triste s'installer sur les traits du jeune homme dont elle ne connait pas le nom.

Le brun va rester là au moins trente minutes et c'est assez pour que Mikasa ait commencé à s'assoupir. Après deux minutes elle avait arrêté d'épier celui qui lui est venu en aide, par pudeur et respect.

Alors qu'elle s'endort, elle est brusquement réveillée le son des pieds de la chaise qui raclent le sol sur quelques centimètres.

Son visage n'étant pas à portée de l'un des rayons clairs de la Lune, elle se permet d'ouvrir les yeux sans craindre d'être découverte et quand elle les lève vers lui, elle est surprise et se fige : il l'observe.

Ce n'est pas long, juste l'espace d'une seconde, mais elle ne peut pas voir l'expression de son visage puisqu'il est dos à la fenêtre. Pourtant il pousse un nouveau soupire et tourne les talons en direction de la sortie.


Qu'est-ce que... Pourquoi est-ce qu'il a soupiré ? se demande la jeune femme qui le regarde disparaître dans l'ouverture de la porte avant de la fermer délicatement.


Elle n'aurait jamais l'envie ni même l'idée d'aller le voir pour savoir quoi que ce soit mais ça a éveillé sa curiosité.

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