Le destin des Ackerman - Tome 1

Chapitre 44 : Chapitre 43 - Reconnaissance, conclusion

9770 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/05/2020 21:47

Thomas se réveille en sentant un courant d'air froid le faire frissonner tout entier. Il ouvre difficilement les yeux pour enfin tourner la tête et remarquer que, en bougeant, il a écarté la couche de laine de son côté et c'est ce qui invite la fraîche température du matin dans leur cocon chaleureux et intime. Ça n'a pourtant pas l'air de déranger Mikasa qui n'a pas bougé d'un pouce et dort profondément. Il faut dire qu'ainsi collée à lui et toujours couverte par l'un des deux sacs, elle ne risque pas de sentir le froid. En effet, par soucis de passer la nuit l'un contre l'autre ils ont bricolé une petite installation avec leurs deux couches.


Lorsqu'il regarde en direction du ciel pour avoir une vague idée de l'heure il remarque que le jour s'est levé depuis quelques temps déjà. Le jeune homme jette alors un coup d’œil en direction des autres binômes mais ça ne bouge pas non plus : la veille fut épuisante et un peu de sommeil en plus ne les tuera pas, au contraire.


Il revient à la brune dont les mèches tombent dans un désordre sans nom sur son visage endormi. Il retire aussi délicatement qu'il le peut sa main qui l'enlace pour se redresser puis remettre un peu d'ordre dans sa chevelure.


Mikasa lui a dit la veille qu'elle aime quand il la réveille et ça le fait sourire parce qu'il compte bien lui faire ce plaisir. Par contre, le jeune homme a beau passer sa main dans ses cheveux et caresser son visage elle ne bouge pas d'un pouce, même pas une petite grimace. Il en vient à s'approcher ses lèvres de l'une de ses oreilles avant de l'effleurer : c'est l'un de ses points faibles.


La jeune femme est parcourue d'un frisson et elle pousse un long soupir avant de se tortiller un peu alors qu'un fin sourire se dessine sur ses lèvres.


Debout... Murmure-t-il au creux de son oreille, ce qui la fait encore trembler.


Thomas sent soudainement que son désir le rappelle à l'ordre. Ce frémissement qu'il a provoqué, le petit sourire de la jeune femme, son odeur, la chaleur de son corps, ses lèvres...


Quand Mikasa ouvre à peine ses yeux elle prend son conjoint à la fixer avec un regard plein de désir, se mordant la lèvre inférieure dans le même temps. Elle est surprise en croyant comprendre que ce jeune homme, d'habitude si audacieux et fougueux, hésite à laisser libre court à ses envies.


C'est bien vrai qu'il hésite... Même si, dans cette écurie à Stohess, ils se sont promis à demi-mots de reprendre leur relation là où ils l'ont laissée, faisant fi de tout obstacle, il ne peut pas oublier cette possibilité qu'ils soient liés par le sang. Thomas retourne dans tous les sens les mots de son père biologique à la recherche d'une quelconque raison qui l'aurait poussé à mentir... Pourquoi l'aurait-il fait ? Il n'était même pas certain que Mikasa était vivante et ne pouvait pas savoir que son fils et elle avaient une aventure.


La jeune Ackerman vient le tirer de ses pensées en levant les mains pour se saisir doucement de son visage. Leurs regards se croisent l'instant suivant et le brun se sent soudainement entouré de tendresse, d'une chaleur réconfortante et envoûtante rien qu'à la vue de son fin sourire complice.


Bonjour, Mikasa. Dit-il.


L'entendre prononcer son nom avec un ton si doux et un regard si amoureux lui procure un bien-être indéniable, la sensation qu'enfin ils se sont retrouvés.


Pourtant, elle aussi doit faire face à ses propres doutes et ses propres fantômes. La jeune femme a bien moins de retenue que son compagnon mais cette mission loin des régions habitées, loin des ombres qui planent au dessus de cette relation qui, elle en est un peu plus persuadée chaque jour, l'aide à trouver un équilibre. Au fond de son cœur elle aimerait que cette mission ne se termine pas pour ne pas avoir à faire de nouveau face à ce choix cornélien, aux doutes qui ont été injectés dans son esprit comme du poison par les mots de son frère.


Plus qu'une journée. Prononce Thomas.


Elle acquiesce puis se frotte les yeux en se redressant. En levant les yeux Mikasa remarque qu'il est plus tard que d'habitude, il l'aurait laissée dormir ? Et les autres ?


T'es réveillé depuis longtemps..? Demande-t-elle, non sans oublier leur conversation avant de s'endormir.


Nan, à l'instant.


La jeune femme joint ses mains et s'étire.


Ils dorment encore là-haut ?


Sûrement. Répond Thomas qui rassemble leurs affaires puis tend une chemise et un pantalon à sa partenaire.


Tous deux se lèvent pour s'habiller mais la différence flagrante de température entre l'intérieur du sac de couchage et l'extérieur les fait grelotter. Ils se dépêchent donc.


Merde, j'ai grossi pendant la nuit ou quoi... Dit Thomas qui a du mal à enfiler son pantalon d'uniforme.


Mikasa s'approche de lui et lui arrache des mains avant de lui tendre celui qu'il lui a donné, un sourire amusé aux lèvres.


Il comprend alors qu'il a inversé son bas avec le sien.


Ah.







La majeure partie de la journée se passe sans encombres alors qu'en s'approchant toujours plus de Trost ils croisent forcément énormément de titans. Ça devient difficile de les compter mais contrairement à la veille ils parviennent à les éviter.


Thomas réfléchit au rapport qu'il fera sur leur mission et se dit qu'il n'hésitera pas à louer les qualités de meneur de Jean malgré la tension qui règne entre eux. Même si les deux hommes ne s'apprécient pas spécialement et n'ont aucun atome crochu, ce n'est pas une raison pour mettre sous silence ses qualités.


Il est lucide et sait très bien que c'est en grande partie grâce à lui si cette expédition s'est aussi bien passée.


La troupe passe par une sorte de ravin dans lequel ils mettent leurs chevaux au pas pour les faire souffler.


Bon, au final on n'a presque pas eu de problèmes en une semaine ! S'exclame Conny qui crie victoire un peu trop vite au goût de ses camarades.


Je ne sais pas vous mais on a compté quand même pas mal de titans, ça m'empêche un peu de sauter de joie. Dit Frock qui casse l'ambiance, comme d'habitude.


Sois pas rabat-joie Frofro, l'expédition dans plus d'un mois ne se passera pas comme les précédentes. Répond Sasha.


Oui-oui bien sûr, c'est le discours habituel qu'on nous sert ça : « Ne vous inquiétez pas on en a beaucoup appris, ce sera facile maintenant » et paf, tout le monde se fait bouffer ou lapider.


Mikasa jette un regard à Thomas qui chevauche à ses côtés et ce dernier hausse les épaules. Ils savent tous les deux que c'est peine perdue, ça ne servirait à rien de lui prouver qu'il a tort et qu'il devrait passer à autre chose maintenant.


Pourtant il est dans le vrai. A chaque fois que le bataillon d'exploration fait une sortie c'est une hécatombe alors qu'ils sont le corps d'armée le plus expérimenté et rompu au combat contre les titans. Mais pour le brun c'est un signe que Erwin n'était peut-être pas si indispensable et intelligent que ça... Ou alors il sacrifiait intentionnellement ses hommes pour servir un but mystérieux ?


Dans tous les cas il est mal placé pour juger puisqu'il sait très bien qu'il n'aura jamais les épaules pour chapeauter des centaines d'hommes et mettre au point des dispositifs comme celui de détection à distance ou encore mettre en place une logistique efficace de ravitaillement. Bref, seul l'avenir donnera raison ou non au choix qui a dû être fait à Shiganshina.


L'instinct de Thomas lui dit qu'Armin était le bon choix même s'il ne saurait pas forcément l'expliquer en détails, c'est quelque chose qu'il sait, c'est tout.


Bon-bon, au lieu de vous chamailler et de crier victoire trop vite, dites-moi plutôt combien de kilomètres il nous reste à faire, j'aimerai bien dormir dans un lit et pas sur une branche cette nuit. Coupe court le meneur.


Conny sort sa carte et réfléchit pendant quelques secondes le temps de retrouver leur position théorique.


J'dirai une vingtaine, peut-être vingt-cinq.


Ok. Dès qu'on passe ce ravin on galope jusqu'à Trost histoire d'y être à la tombée de la nuit, ça va bientôt être la fin de journée.


Jean se tourne sur sa selle et regarde en direction des deux tourtereaux qui ferment la colonne.


Thomas ! Appelle-t-il.


Le soldat Ralle donne un coup de talons à son cheval pour rejoindre celui qui est son supérieur le temps de cette mission.


Oui ?


Ton cheval est plus rapide et plus en forme que les nôtres, j'aimerai que tu partes en reconnaissance devant pour voir si la voie est libre.


Entendu. Accepte le jeune homme qui lance son cheval au galop.


Mikasa le regarde s'éloigner rapidement sans comprendre. Elle s'avance donc à la hauteur de Jean.


Où est-ce qu'il va ? Demande-t-elle, interloquée.


Je l'ai envoyé en éclaireur. Répond Jean.


La brune commence donc à le dépasser et s'apprête à suivre son binôme mais monsieur Kirschtein la retient par le bras.


Reste avec nous, ton cheval ne pourrait pas suivre. Dit-il.


Elle fixe cette main agrippée à son bras pendant une seconde, suffisant à ce qu'il la lâche, puis elle lève les yeux vers lui.


On doit toujours être deux. Rétorque Mikasa sur un ton presque agressif, en tout cas ça sonne comme un reproche dissimulé derrière l'une de leurs consignes.


Discute pas, je lui fais confiance tu devrais faire de même. Lance-t-il.


Ces mots énervent la jeune femme qui n'aime pas du tout ce qu'il insinue. Elle est sûrement la seule ici qui mettrait sans hésiter sa vie entre les mains de Thomas.


La paranoïa fait son chemin dans son esprit. Après tout ce temps hors des murs ça semble trop beau qu'aucun drame n'ait eu lieu, elle a un mauvais pressentiment. Est-ce que c'est lié au simple fait qu'elle ne peut pas être près de lui pendant un certain temps alors que c'est son rôle d'être en tandem avec lui ? Ou peut-être est-ce une intuition profonde qu'elle devrait le suivre...


De son côté, après cinq minutes de galop, Thomas sort enfin de ce corridor creusé par les éléments et découvre cette gigantesque plaine verte qu'il reconnaît comme celle qui s'étend devant Trost. Il est bien trop loin pour voir ce fameux district mais ça le réjouit de savoir qu'ils approchent de la conclusion de leur mission de reconnaissance. Il tire sur les rênes pour que son cheval se mette au pas pour respirer un peu.


Il s'imagine déjà passer deux jours entiers dans son lit à roupiller comme une marmotte, pour récupérer de ces journées entières à dos de cheval et de ces nuits à dormir presque à même le bois rugueux et irréguliers des branches des arbres géants.


Le soldat tourne pour éviter une formation rocheuse et, quand il la passe enfin, un effroyable frisson s'empare de ses vertèbres, une goutte de sueur froide coule dans le creux de son dos : un titan qui mesure au moins sept mètres est là, accroupi, l'attendant de pied ferme et prêt à fondre sur lui.


Il écarquille les yeux et, dans un réflexe dicté par la peur soudaine, donne un brusque coup de talons pour lancer son fidèle destrier au triple galop, se baissant jusqu'à se coucher sur l'encolure pour éviter cette gigantesque main qui s'apprêtait à le saisir.


Merde !


Il change brusquement de direction pour s'éloigner en se saisissant de ses poignées, il se redresse pour regarder derrière lui et voir le titan embusqué qui le prend en chasse en marchant. Le jeune homme sourit parce que la débilité et la lenteur de son ennemi l'amuse nerveusement.


C'est cette perte de concentration pendant un instant qui l'empêche de voir venir une autre main qui, elle, ne rate pas sa cible. Il se sent soudainement être attrapé par quelque chose d'énorme puis soustrait à sa selle avant d'être soulevé à plusieurs mètres du sol.

Ses bras sont collés et serrés contre son torse, il est dans l'impossibilité de tirer des lames pour trancher la main qui l'attire irrévocablement vers une bouche fétide et grande ouverte.


Ce qu'il ressent fait atrocement écho à ce qu'il a déjà vécu à Utgard, trois mois pus tôt. Mais contrairement à ce jour là il est seul, personne ne peut lui venir en aide et Mikasa n'est certainement pas sur le point de tuer ce démon avant qu'il ne soit trop tard.


Son esprit tourne à mille à l'heure, l'adrénaline monte en flèche, il cherche intensément une solution pour se sortir de là mais à chaque fois qu'il a une idée elle se révèle impossible à réaliser puisqu'il ne peut absolument pas bouger les bras.


Le titan fait monter sa main au dessus de son visage, il lève la tête et ouvre en grand sa bouche pour y laisser tomber sa victime. Thomas fixe ces abysses mortelles, ces rangées de dents, ce trou béant dont une odeur nauséabonde s'échappe.


C'est la fin, ça y est ? Il va mourir comme ça, d'une façon aussi idiote parce qu'il voulait s'assurer que son premier agresseur ne lui courrait pas après ? Non, il n'est pas prêt à mourir, il n'est pas prêt à abandonner Mikasa, Josh, Julia, Judith et le bataillon qui comptent sur lui, ne serait-ce qu'un peu. Il ne peut pas se résoudre à quitter ce monde ce soir. Il lui reste trop à faire, à dire et à vivre.


Ce qu'il constate c'est que ce titan n'est pas si grand, il doit mesurer quatre ou cinq mètres et son énorme paluche n'est pas assez imposante pour l'entourer complètement, le bas de son corps et ses mains collées à lui sont libres. Une dernière idée lui vient.


Alors qu'il s'approche dangereusement de cette bouche, il balance le bas de son corps et, quand il sent que c'est le moment, fait pivoter sa taille pour orienter son bassin avant d'actionner le grappin de son côté gauche. Le harpon file à toute vitesse et se plante en plein milieu de l’œil du monstre qui a pour effet de le faire lâcher prise. Thomas s'accroche comme il peut et utilise son deuxième filin pour se fixer à un arbre plus loin pour prendre un peu de distance.


Il tournoie autour du tronc et se catapulte à quelques mètres du sol pour gripper deux lames sur ses crosses. Le soldat Ralle passe en position d'attaque : cet enfoiré ne s'en sortira pas seulement avec un œil crevé.


Thomas libère du gaz pour accélérer sa descente en piqué puis tire ses grappins pour que chacun se plante dans une épaule puis transfère le poids de son corps vers l'avant pour plonger. Il rase le sol et passe entre les jambes du titan. Le brun se pose ensuite au sol pour faire face à ce démon affamé, attendant quelques secondes qu'il s'avance de quelques pas.


L’œil droit du titan saigne et de la vapeur s'en échappe mais ça ne suffit pas lui retirer l'envie de dévorer cet humain qui le défie de façon insolente en restant immobile face à lui.


Quand le titan s'est assez approché, le lieutenant de l'escouade Arlelt tire ses câbles en direction du front du titan puis libère une bonne quantité de gaz pour décoller du sol et se propulser dans les airs. Il positionne son corps de façon à ce que sa trajectoire dessine un arc de cercle vertical puis, lorsqu'il passe au dessus de la tête du monstre, commence à rembobiner ses deux filins d'acier en donnant encore du gaz.


L'instant suivant il est catapulté sur la nuque du titan sur laquelle il abat ses sabres. Une épaisse tranche de chair se détache du point vital du titan et une grande quantité de sang gicle aux alentours.







Une dizaine de minutes plus tard ses cinq compagnons arrivent au bout du ravin et leurs regards sont attirés par une colonne de vapeur un peu plus loin, à une trentaine de mètres. Après avoir contourné cette même imposante formation rocheuse derrière laquelle un titan s'était embusqué, ils découvrent le cadavre d'un démon avec la nuque profondément tranchée, face contre terre.


Mikasa écarquille les yeux et comprend que son intuition s'est confirmée. Au sol des traces montrent que ce n'était pas le seul titan par ici puisqu'elle compte au moins trois autres jeux d'empreintes de tailles différentes.


Ils augmentent leur allure pour s'approcher du démon inerte et aperçoivent les traces de pas de Thomas ainsi que celles des sabots de son cheval un peu plus loin qui s'éloignent ensuite et à vive allure, à en juger par les foulées qu'ils devinent.


Merde... Commente Jean qui regarde tout autour de lui pour voir s'il voit au loin quelque chose mais à part des titans qui semblent marcher lentement sans réel but il n'y a pas de traces d'âme qui vive.


La brune s'approche du chef de l'opération et le choppe par le col en lui jetant un regard noir.


J'espère pour toi qu'il ne lui est rien arrivé. Dit-elle sur un ton glacial.


Le soldat Kirschtein repousse la main de sa camarade et fronce.


Calme-toi, il a l'air de s'en être sorti. On va suivre les traces pour le retrouver.


Vu comment il est décomposé ça fait déjà quelques minutes, il n'a plus de peau et presque plus de chair. Analyse Conny qui regarde vers l'Est où une forêt s'étend et dont l'orée doit se situer à plusieurs centaines de mètres.


Il a sûrement galopé pour aller se réfugier dans la forêt là-bas, je suis certaine qu'il va bien. Rassure Sasha en posant sa main sur l'épaule de Mikasa.


Elle retire brusquement son épaule et donne un coup de talons pour lancer son cheval au galop en direction du terrain boisé. Le reste du groupe suit rapidement.


Pourquoi tu n'as pas tiré de fumigène rouge... Pense Mikasa dont le regard est fixé droit devant elle.


Lorsqu'ils arrivent à cette forêt et commencent à s'y enfoncer, ils vont rapidement trouver un second titan dont le point vital a été touché mais celui-ci est effondré contre le tronc d'un arbre et, comme la dépouille est beaucoup plus fraîche, ils peuvent voir que ses jambes ont été tailladées de façon nette et précise.


Plus loin se font entendre des pas lourds et un violent coup comme si un titan venait de tomber ou de frapper le sol.


Mais au moment où ils se décident, des pas beaucoup plus proches résonnent derrière eux : un titan s'approche et ils peuvent voir qu'un groupe composé de trois autres démons les suit de près.


Putain, il y en a d'autres à gauche ! Hurle Conny.


Effectivement un autre groupe de cinq ou six titans s'approchent par le Nord, droit sur eux.


Merde, laissez les chevaux et passez en manœuvre, on va prendre de la hauteur pour voir ce qu'on fait ! Ordonne Jean et tout le monde s'exécute tout de suite.


Il se dirige vers Mikasa dès qu'ils se sont perchés sur une branche en la voyant trépigner.


Mikasa, garde ton sang-froid. Thomas s'en sort très bien je le sais, notre priorité c'est de trouver un moyen de se sortir de là et de retourner à Trost. Tu comprends ?


Elle acquiesce sans le regarder.


Il le sait, il a sûrement engagé le combat avec les titans auxquels il ne pouvait pas échapper et s'est réfugié quelque part. Ajoute le soldat Kirschtein.


Un nouveau coup résonne.


Les cinq soldats sont sur l'un des seuls arbres des environs assez grand pour être plus ou moins hors de portée des titans sauf si un de quatorze ou quinze mètres se pointe.


C'est d'ailleurs pour cela que leur situation est difficile : tous les arbres ne sont pas de cette taille et s'ils veulent sortir d'ici et se repositionner ils devront voltiger à une hauteur dangereuse puisqu'à portée des démons, comme s'ils se battaient dans une ville.


On fait quoi alors, on reste plantés là jusqu'à ce qu'il fasse nuit ? Demande Frock qui observe les titans approcher et se masser au pied de leur arbre.


Pour l'instant c'est ce qu'on a de mieux à faire. On n'est pas assez nombreux et on n'a pas de réserves de gaz ni de lames, impossible d'engager le combat. Répond Jean.


Une fois encore un violent choc fait trembler la terre, venant de ce qu'ils considèrent comme étant le centre de la forêt.


Ce bruit commence à me taper sur le système, qu'est-ce que c'est putain... S'interroge Conny à voix haute, pas serein.


Mikasa n'arrive pas à rester plantée là à ne rien faire, à espérer qu'aucun titan assez grand pour mettre à mal leur piètre cachette ne vienne leur rendre visite, à ne pas savoir dans quelle situation se trouve Thomas.


Ils ont trouvé deux titans tués mais est-ce qu'il en est sorti indemne, est-il encore en train de se battre ou est-il encore poursuivi, est-il en relative sécurité comme eux à attendre la nuit ?


C'est ce sentiment d'incertitude qui la rend mal à l'aise. Elle regarde Jean pendant un instant, il a l'air de s'accrocher comme il peut à l'espoir qu'ils peuvent rester sur les plus hautes branches de leur arbre jusqu'à ce que leurs prédateurs piquent du nez.


Elle n'a jamais douté des qualités de meneur de Jean mais... Force est de constater qu'il n'a pas cette fibre créative comme Armin, Erwin ou même Thomas qui trouvent toujours un moyen plus ou moins risqué et suicidaire de se sortir de ce genre de situations, qui ont les tripes pour prendre des risques...


Son seul désir est de leur faire tous défaut pour aller voir ce qu'est ce bruit assourdissant qui se produit de façon régulière, pour chercher où se trouve cet idiot avec qui elle a le malheur de vouloir partager sa vie et qui ne daigne pas donner le moindre signe de vie avec un fumigène.


Jean. Appelle-t-elle en grippant deux lames à ses crosses. J'y vais.


Le meneur du groupe l'observe un instant puis acquiesce, sachant très bien qu'il ne pourra pas la faire changer d'avis.


La jeune femme saute de la branche et active son matériel pour s'éloigner rapidement en virevoltant entre les arbres.







Thomas est perché sur une branche, couvert de sang brûlant qui s'évapore peu à peu. Il n'a pas l'air d'être blessé mais est essoufflé. Les deux caissons de métal qui font office de fourreau sont vides : il ne lui reste que deux lames et elles sont déjà sur ses poignées, légèrement émoussées.


Son regard est fixé sur les racines de l'arbre sur lequel il est perché. Là, au sol, une gigantesque flaque de sang s'est formée et, au milieu de celle-ci, son cheval qui a été écrasé est dont les viscères se sont déversées sur l'herbe fraîche. Autour de cette vision dégoûtante, un titan est en train de s'évaporer. Ce monstre lui a donné du fil à retordre.


Il soupire et appuie sa tête en arrière contre l'écorce en regardant le ciel pensivement. Le jeune homme essaye d'imaginer où sont les autres, ce qu'ils font, dans quelle situation ils peuvent se trouver... Tout ce qu'il espère c'est avoir réussi à attirer un maximum de titans pour qu'ils n'aient pas à les affronter en attendant la nuit, comme lui.


Avant que son cheval ne soit victime de son combat contre le déviant dont le cadavre s'évapore plus bas, il projetait de les semer entre les arbres puis fuir une fois qu'ils deviendraient inactifs.


Il soupire une fois de plus.


Mais ça n'a plus lieu d'être. Il est seul, sans pistolet, sans fumigènes, sans lames, sans monture, sans échappatoire.


Même si la nuit tombe et qu'effectivement tous ces titans présents au pied de son arbre et dans la forêt deviennent inactifs, il ne pourra jamais parcourir les vingt kilomètres pour rejoindre Trost, à pied. Le temps qu'il parcourt cette distance le jour se lèvera de nouveau et il se fera dévorer à coup sûr.


Nouvelle expiration sonore exprimant son découragement.


Tout ce qu'il espère à présent c'est que le reste de son groupe n'a pas cherché à le suivre mais connaissant la hardiesse d'une certaine jeune femme...


Le brun vérifie ses réserves de gaz : il en reste la moitié.


De son côté, Mikasa avance entre les rangées d'arbres, essayant de regarder partout pour tomber sur le moindre signe de passage de son compagnon. Un mal de ventre s'installe à cause de l'appréhension.


Au détour d'un énorme sapin, elle remarque un tronc endommagé et des morceaux d'écorce éparpillés à sa base.


Elle fait demi-tour et s'approche en redoutant ce qu'elle pourrait découvrir aux alentours.


Parmi l'écorce et les végétaux écrasés, quelque chose de brillant attire son attention. Mikasa se pose puis se baisse pour se saisir de cet objet. Quand elle peut enfin l'identifier elle comprend : c'est un pistolet à fumigènes. Deux mètres plus loin une lame émoussée gît.


Elle reconstitue ce qui a dû se passer ici : Thomas devait être poursuivi par un déviant et ce dernier l'a manqué de peu et s'est écrasé contre cet arbre. Quand l'écorce a volé aux alentours le jeune homme a protégé sa tête et a dû échapper son arme. Voilà pourquoi aucun tir n'a détoné.


Pendant son inspection elle entend une nouvelle fois ce puissant choc qui résonne à des kilomètres à la ronde mais elle s'en est beaucoup approché. Il est tout à fait possible que Thomas se trouve à l'endroit même où ce bruit se produit, c'est pourquoi elle part dans cette direction sans plus tarder.


Thomas regarde le titan qui vient de retomber lourdement au sol avec son visage de demeuré qui le fixe.


Quoi, t'es déçu ? C'est la quatrième fois que tu essayes et ça marche pas mieux. Il soupire. C'est pas vrai...


Le monstre essaye une nouvelle fois et saute pour essayer d'atteindre sa proie.


Mais merde tu lâches rien ! Putain tu devais être un sacré emmerdeur quand t'étais humain... S'énerve le jeune homme dont les nerfs commencent à lâcher.


Soudain de nombreux craquements assourdissants puis le son d'une lourde chute se font entendre : un titan a essayé d'escalader les branches pour l'atteindre et elles ont cédé sous son poids.


Alors qu'il regarde son ennemi écrasé au sol qui tente de se relever, il entend tout à coup une voix rauque produisant un son guttural étrange, très proche de lui. Il se retourne et voit un visage de titan, tout près de lui, qui se tient comme il peut au tronc pour ne pas tomber. Il sursaute.


Thomas ne cherche pas plus loin, cet arbre ne lui permet plus d'être en sécurité. Il saute de sa branche et s'éloigne en espérant semer un maximum de ces choses abjectes pour trouver un endroit plus tranquille.


Trois minutes plus tard Mikasa arrive sur les lieux et aperçoit plus d'une dizaine de titans autour d'un arbre et au pied de celui-ci le cadavre mutilé d'un cheval. Elle reconnaît celui de Thomas. Son regard se lève vers les hauteurs en espérant le voir perché sur une branche mais elle ne voit rien sinon un titan qui a l'air d'être coincé à une dizaine de mètres de hauteur.


Il lui est impossible de vraiment s'approcher pour vérifier si une forme humaine fait partie de cette charpie mais au fond elle le sait : il est toujours bien vivant et se cache quelque part. Mais avant qu'elle prenne la moindre décision sur la nouvelle direction à prendre, un bruit familier se fait entendre : un fumigène rouge s'élève dans les airs.


Mikasa serre les dents et finit par rebrousser chemin : Thomas rejoindra lui aussi le reste du groupe maintenant qu'un signal a été donné, du moins elle l'espère, alors autant qu'elle le fasse aussi.


Les minutes passent et un deuxième tir se fait entendre : une fumée verte est visible au dessus de la cime des arbres. Thomas peut respirer : ils ont trouvé un endroit pour se mettre à l'abri et ça n'est pas si loin de là où il est. Sans plus attendre il va les rejoindre.


Jean, Conny, Sasha et Frock ont trouvé refuge sur les hautes branches d'un des plus grands arbres de cette forêt et quand le soldat Ralle se pose près d'eux il comprend vite que quelque chose s'est passé : le rouquin est allongé avec le visage et un flanc en sang, Sasha est penchée au dessus de lui à essayer de stopper l'hémorragie. Conny se tient la tête et fixe le sol d'un air absent et terrifié.


Quelle merde... Quelle merde putain... Dit Jean qui ne peut détourner le regard de l'attroupement de démons juste en dessous d'eux.


Thomas pose sa main sur l'épaule de son camarade.


Jean, où est Mikasa ? Demande-t-il.


Il se retourne, le dévisage pendant une longue seconde puis regarde par dessus son épaule pour dénombrer leurs camarades présents sur cet arbre.


Elle est partie tout à l'heure pour te retrouver. Répond-il.


Le brun manque un battement et crispe ses mâchoires. Un puissant mal de crâne s'invite soudainement.


Ne perds pas ton sang-froid, reste calme... Se répète-t-il en pensée.


...De toute façon on est foutus... Nos chevaux se sont tirés et on ne rejoindra jamais Trost... Soupire Jean qui est abattu par leur situation. C'est ma faute, je t'ai envoyé devant et ça a provoqué tout ça, j'ai ruiné toute l'opération, je suis le pire meneur qui existe...


Thomas fixe le visage de son interlocuteur qui exprime toute sa détresse et sa déception.


On va tous mourir parce que j'ai pris la mauvaise déc...


Thomas a un coup de sang, il ne supportera pas ce genre de comportement alors qu'ils peuvent encore se battre, alors que Mikasa est là quelque part et sûrement en grand danger de mort. Il attrape brusquement Jean par les épaules et le fixe droit dans les yeux en fronçant.


Tu veux abandonner, c'est ça... Tu veux baisser les bras ? Prononce Thomas.


Le soldat Kirschtein ne sait pas quoi dire, intimidé par la fureur qui luit dans le regard de son interlocuteur.


Regarde leurs visages... Tu veux vraiment qu'aucun d'eux ne survive, tu veux vraiment les laisser dans cet état ? Ressaisis-toi Jean ! Tu es notre chef, on te fais tous confiance. C'est en faisant des erreurs qu'on avance et qu'on apprend alors ne les laisse pas te paralyser ! S'écrie-t-il en secouant le meneur du groupe.


Jean ouvre la bouche pour répondre mais aucun son ne sort, il se sent écrasé par le sens des mots qu'il entend et par ce fait si simple qu'il a perdu son sang-froid alors que celui qu'il considère — à juste titre — comme un pleurnichard ne se laisse pas abattre.


Moi je crois en toi, je crois en celui qui nous a mené pendant plusieurs jours pour réussir cette mission, je crois en celui qui a pris tant de bonnes décisions. Tu veux peut-être que je le regrette, et eux aussi ? Guide-nous. Continue le brun.


Le regard du jeune homme aux cheveux clairs oscille entre leurs trois camarades.


Thomas soupire et décide de prendre les choses en main.


Écoute... Je vais faire diversion et attirer les titans pour qu'ils me suivent. Partez chercher les chevaux et fuyez vers Trost, ils ne doivent pas être bien loin. Tout ce qui compte c'est qu'Hanji ait ce pour quoi nous sommes ici.


Jean ne répond pas alors Thomas le secoue.


D'accord ?! Insiste-t-il sur un ton plus sec et autoritaire.


C'est assez pour réveiller son camarade qui serre les dents et prend une profonde inspiration.


Tu as raison, pardon... Merci... Bonne chance... Dit-il rapidement alors que les mots du brun résonnent dans son crâne et qu'il s'y accroche comme il peut pour rassembler son courage.


Le soldat Ralle relâche le vêtement qui s'est froissé sous sa poigne et lance un dernier regard en direction de Jean qui hoche la tête et se dirige vers Conny pour l'aider à se ressaisir.


La violente migraine que ressent Thomas ne se calme pas et il sait pourquoi, tout son être le lui hurle : il faut qu'il trouve Mikasa, coûte que coûte. Son regard se pose sur les titans agglutinés en bas pendant un instant puis il sent que quelqu'un tapote son épaule.


Quand il se retourne Jean lui tend un pistolet à fumigènes chargé avec une munition de couleur verte.


Je ne sais pas comment tu comptes t'en sortir ni si tu as vraiment une chance mais prends ça avec toi. Si jamais Mikasa et toi parvenez à sortir de cette forêt et atteignez les abords de Trost on pourra voir la fumée à des kilomètres depuis le mur pour venir vous chercher. Explique Jean qui a repris des couleurs.


Merci.


Oh et... Il s'affaire à retirer les deux lames qu'il a en stock et les met dans les fourreaux vides du soldat Ralle. Tu auras besoin de ça aussi.


Les deux hommes se donnent une brève accolade amicale, enterrant ainsi la hache de guerre. L'instant suivant Thomas saute de la branche.


Le jeune homme doit attirer un maximum de titans et le seul moyen de le faire est de se mettre en danger et d'attiser leur appétit vorace. Il fait bouger ses doigts pour bien reprendre en mains ses poignées. Une fois à quelques mètres du plus grand titan il plante son grappin dans son front pour se redresser puis transfère le poids de son corps en se mettant presque à l'horizontale, de profil.


Lorsqu'il descend rapidement vers le sol il sent de brusques courants d'air passer non loin de lui : ils mordent à l'hameçon.


Il tournoie plusieurs fois sur lui-même quand il reprend de la hauteur après être passé entre les jambes d'un démon et s'aide du tronc de l'arbre pour en faire un tour complet afin de capter l'attention d'un maximum de ces mangeurs d'hommes. Il se propulse ensuite pour leur faire quitter les lieux en allant dans une direction aléatoire.


Quand il se retourne pour voir s'ils suivent il peut être satisfait par le nombre de visages qui le fixent et du nombre de silhouettes qui marchent en sa direction. Aucun ne semble vouloir courir, c'est une bonne nouvelle. Il réduit son allure pour qu'ils ne le perdent pas de vue et les emmène plus loin.







Mikasa évite de justesse la main d'un titan et tournoie plusieurs fois sur elle-même sur l'axe vertical avant de planter son grappin dans le tronc d'un arbre pour reprendre de la vitesse en lâchant du gaz. La fuite commence à beaucoup trop durer et elle a peur pour ses réserves de gaz.


Alors qu'elle se dirigeait vers la fumée rouge un titan de quinze mètres de haut l'a surprise et lui a barré la route.


Puis c'est un fumigène vert qui s'est montré mais à force d'essayer de contourner les titans sur son chemin elle a complètement perdu la trace du signal et la direction à emprunter.


En plus de cela aucun arbre dans cette partie de la forêt n'est assez haut pour lui permettre de s'y poser sans craindre qu'un titan puisse l'atteindre : elle est enfermée dans un cercle vicieux. Plus elle fuit plus ses chances de survie diminuent mais plus ses chances survie diminuent plus elle doit fuir. Si elle s'arrête la probabilité de s'en sortir baissera d'autant plus.


A chaque fois qu'elle croit avoir semé ses poursuivants un nouveau se montre. Doit-elle se retourner et se battre ? Est-ce que trucider quelques démons ne pourrait pas lui permettre de s'en sortir ?


Pense comme Thomas... Se dit-elle à voix haute.


Elle sait que dans cette situation le jeune homme trouverait une idée complètement folle et suicidaire mais qui pourrait — si elle réussit — radicalement changer les choses.


Mais aucune idée ne lui vient sinon celle de se retourner pour se battre, pour faire face à la dure réalité des choses : dans sa situation elle ne peut pas espérer grand-chose. Elle est perdue au milieu d'une forêt qu'elle ne connaît pas, ses réserves de gaz s'amenuisent à vue d’œil et même si tous les titans arrêtaient de la suivre elle n'a aucun moyen de rejoindre Trost rapidement.


Autant se battre et se passera ce qu'il doit se passer.







Dans le ciel, une explosion de couleurs chaudes annonce la fin prochaine du jour. Une trentaine de minutes se sont écoulées et la jeune femme est adossée au tronc d'un arbre, assise au sol, couverte de sang brûlant. A ses crosses sont grippés les restes de ses dernières lames qui ont volé en éclats et ses bouteilles de gaz sont vides.


Devant elle, à une dizaine de mètres seulement, un titan s'approche pas à pas, le regard fixé sur elle, brillant de toute son envie de la dévorer.


Mikasa baisse les bras à cet instant, elle perd tout espoir de s'en sortir. La mort est maintenant la seule issue possible de cette journée qui aurait pu être si douce... Elle avait si bien commencé et termine en désastre.


La seule chose qu'elle souhaite en cet instant c'est qu'elle se réveille, que tout ça se révèle en fait n'être qu'un mauvais rêve. En ouvrant les yeux elle trouverait Thomas à ses côtés qui la regarderait dormir avec cette expression tendre qu'il sait faire et qui la fait toujours instantanément fondre.


Il lèverait sûrement une main pour caresser son visage, pour remettre un semblant d'ordre dans ses cheveux...


La brune sent son cœur et sa gorge se serrer parce qu'elle doit accepter cette dure réalité. Plus jamais elle ne pourra sentir ses mains dans ses cheveux, plus jamais elle ne pourra goûter à ses lèvres, plus jamais elle ne pourra apprécier la friction de sa peau brûlante contre la sienne.


Toutefois, ça ne la rend pas si malheureuse. Elle estime que pour une fois le monde lui a fait une fleur en lui permettant de vivre tout ça, en lui permettant d'y goûter. Ce fut bref mais incroyablement plaisant. Elle meurt en ayant connu l'amour, c'est réconfortant, quelque part...


Mikasa fixe le sol alors que ses pensées vont vers Thomas.


Il n'est pas là.


Un nouveau pas lourd résonne, faisant légèrement trembler le sol.


Eren avait sans doute raison... Toute idiote qu'elle est Mikasa s'est accrochée au fantasme d'une histoire d'amour comme on en trouve dans les livres, elle a idéalisé le jeune homme et sa relation avec lui, elle s'est fourvoyée sur le fait qu'ils partagent des sentiments forts...


Après tout, qu'est-ce que ça peut faire. Elle en est persuadée maintenant, la preuve est là : peu importe qu'il lui ait menti ou non, qu'il soit la personne qu'elle veut qu'il soit ou non... Tout ce qui compte c'est qu'il soit actuellement en sécurité et prenne le chemin de Trost plus tard dans la soirée, qu'il survive...


Malgré cela, malgré son souhait qu'il rentre indemne à Trost, Mikasa ne peut nier ce faible espoir qu'il essaye quand même de la retrouver.


Mais il est trop tard.


Le titan continue d'avancer et se plante devant la jeune femme qui n'a même pas la force de lever les yeux pour croiser ceux du monstre qui va très bientôt la dévorer.


Souffrance, peur, abandon, tristesse... Voilà tous les sentiments qui s'abattent sur elle actuellement et qui emprisonne son esprit dans une cage aux barreaux faits de désespoir.


Quelle fin ridicule.


Quelle vie ridicule...


Elle pensait mourir en protégeant ceux qu'elle aime mais le destin en a décidé autrement. La jeune femme repense aux moments de joie vécus avec Thomas, avec Eren et Armin, avec ses parents... Ce monde est résolument aussi magnifique que cruel.


Le titan s'approche encore et se penche maintenant vers elle en tendant sa main.


C'est à ce moment précis qu'elle croit entendre les sons caractéristiques d'un équipement tridimensionnel en marche qui passe non loin d'elle, à toute vitesse.


Tu hallucines... Dit-elle à voix basse, pour elle-même.


Le monstre se redresse puis se retourne : son attention a été captée par quelque chose, apparemment plus importante que sa proie.


Aller, approche gros débile, amène ta sale gueule ! Entend-elle en reconnaissant un timbre de voix familier.


Mikasa lève les yeux : un jeune homme qu'elle connait bien est posé au sol et fait face à cette monstruosité haute d'au moins six mètres. Le regard qu'il pose sur son adversaire est plein de haine, de colère. Il a une envie irrépressible de détruire cette vie, dépecer chaque centimètre de sa peau, débiter chaque gramme de sa chair putride.


La jeune femme est pétrifiée, le regard écarquillé. Elle ne sait pas si c'est une hallucination. L'expression de Thomas la fascine.


Le titan s'approche du soldat et au moment où il tend la main pour l'attraper, l'humain plante ses deux grappins dans ses pommettes et s'éjecte vers son visage pour planter ses deux lames dans les yeux. L'instant suivant il les dégrippe de ses crosses et pousse aussi fort qu'il le peut sur ses pieds pour faire un salto arrière.


Il actionne la détente sur sa poignée gauche pour tirer un filin, dont le harpon se fiche dans le tronc de l'arbre au pied duquel se trouve Mikasa, afin de prendre un peu de hauteur et le temps nécessaire pour sortir les deux dernières lames qu'il lui reste.


A peine sont-elles en place qu'il libère du gaz et fond de nouveau sur sa cible qui produit une sorte de gémissement de douleur étranglé en se tenant le visage. Le brun passe entre ses pieds et tranche les talons. Le titan s'effondre en avant.


Mais il n'en a pas fini, il ne le laisse pas respirer. Avec une vitesse étonnante il tournoie autour du buste du monstre qui se rapproche rapidement du sol et lui tranche les épaules pour immobiliser ses bras et, quand le choc de la chute retentit, il fait un tour complet dans les airs et atterrit sur l'énorme plat de son dos.


Le soldat Ralle marche vers cette nuque et, une fois positionné, lève les bras pour frapper de toutes ses forces.


Instantanément, le corps du démon convulse violemment puis se met à s'évaporer en libérant un épais nuage de vapeur brûlante dont s'extirpe le jeune homme. Il court vers Mikasa et s'agenouille près d'elle après avoir jeté au sol ce qu'il tient dans les mains.


Mikasa, tu vas bien ? Dit-il, paniqué parce qu'elle est couverte de sang.


Elle acquiesce en approchant lentement sa main jusqu'à attraper timidement la manche de la veste en cuir de Thomas, pas encore bien certaine qu'il soit réel.


...Pourquoi tu n'es pas restée avec eux ? Demande-t-il.


La jeune femme souffle lourdement quand elle serre ses doigts sur la veste de son partenaire. Elle ferme ensuite les yeux et baisse la tête, s'accrochant comme elle peut à l'idée qu'il est bien là et qu'il n'est pas une hallucination parce qu'elle est aux portes de la mort.


Pour te retrouver, idiot... On est une équipe, tu as oublié..? Lance-t-elle sur un ton qui laisse transparaître comme elle est à bout de forces.


Qu'il soit réel ou non, qu'il soit vraiment là ou non, elle lui en veut d'avoir pris la décision de partir seul sans les prévenir mais elle l'admire dans le même temps pour sa ténacité. Comment ne pas lui être infiniment reconnaissante d'être là, de l'avoir sauvée, de tenir ses promesses, de respecter sa parole. Tant de sentiments contradictoires s'affrontent dans son cœur... La pression retombe et elle commence à sangloter parce qu'elle était vraiment prête à accepter la mort.


Thomas la prend dans ses bras et la serre contre son cœur qui bat à tout rompre à cause de l'adrénaline. Elle se cramponne à lui comme si elle avait peur qu'il soit un mirage, comme s'il était un espoir vain matérialisé par la terreur et qu'elle refuse d'échapper, comme s'il pouvait repartir dans l'instant et l'abandonner à son sort.


Mikasa, je suis là, ça va aller, on va s'en sortir. Rassure-t-il avec sincérité.


Elle continue de pleurer, perdue au point de ne pas savoir si ce qu'elle vit est une illusion, un mirage, un délire provoqué par le foutoir que sont ses émotions actuellement. Alors, comme un réflexe, de façon non contrôlée, elle échappe une question simple mais qui résume très bien tout ce qui la torture depuis des jours entiers.


Pourquoi tu ne veux pas me laisser mourir ici... Lâche-t-elle dans un souffle.


Ces mots font froncer Thomas, frustré et dérouté. Il se détache quelque peu de l'étreinte et saisit doucement le visage de la jeune femme entre ses mains. Ils échangent un regard, les yeux de la brune sont humides et pleins de larmes. Elle plonge volontiers dans ce bleu profond jusqu'à s'y noyer.


Le soldat Ralle ne veut plus hésiter. Comme ce jour où elle est venu le retrouver après qu'il ait reçu la lettre de Marcus Ralle, il est au pied du mur et doit absolument lui prouver ce qu'il ressent vraiment pour elle.


Il abandonne ses doutes, il rejette enfin le climat de peur et d'interdit qui plane au dessus de leur relation et, l'instant suivant, il plaque ses lèvres contre les siennes et l'embrasse comme si leur vie en dépendait, comme si c'était la dernière fois qu'ils pouvaient le faire.


Elle s'abandonne complètement, n'oppose pas la moindre résistance. C'est si soudain, si bienvenu, si plaisant... Elle se nourrit des sentiments et de la force qu'il lui transmet à travers ce baiser qui est une preuve presque suffisante que tout ça est bien réel.

Il est vraiment là, il est vraiment venu ?


La pression que ses doigts exercent sur les vêtements du brun faiblit à mesure que leur échange se prolonge, elle met toute la force qu'il lui reste quand elle lui répond.


Quand leurs lèvres se séparent, Thomas lui lance un regard aussi déterminé que sérieux.


Parce que je t'aime, Mikasa.


Comment définir l'effet que ces mots lui font ? Comment décrire le sentiment qui l'envahit tout à coup ? Comment pouvait-elle s'attendre à une déclaration aussi convaincante, déstabilisante et source de bonheur à la fois alors qu'elle le savait ?


Même si toutes les preuves étaient sous ses yeux, même si les paroles et les actes de ce brun suicidaire criaient déjà cet amour dont elle n'aurait jamais dû douter, l'entendre le dire lui provoque nombre d'émotions, une effervescence qui agite ses entrailles. Ce ne sont que trois mots, mais ils sont si doux et si puissants à la fois...


...Tu es la première chose que je vois en me levant et la dernière à laquelle je pense avant de m'endormir. Tu es la raison pour laquelle je suis en vie. Je ne peux pas vivre sans toi parce que si tu disparais il n'y a plus rien dans mon monde. A chaque fois que j'ai baissé les bras et que j'étais au plus bas tu étais là, tes bras m'étaient grands ouverts malgré mes erreurs. A chaque fois tu m'as pardonné sans hésiter... Il soupire et prend une pause d'une seconde pendant lesquelles ses mains quittent son visage.


Ce qu'il lui dit, chaque mot qu'il vient de prononcer... Elle boit ses paroles qui sont si belles, si profondes, si aimantes, si symboliques, si vraies. Il lui permet à cet instant de lire dans son cœur comme dans un livre ouvert pour lui dévoiler tout ce qu'il ressent pour elle.


Toutes crainte, incertitude, soupçon et doute ne sont absolument plus envisageables... 


C'est une démonstration d'amour qu'il soit revenu la chercher alors qu'il aurait pu partir vers Trost et sauver sa vie... Mais c'est aussi la preuve irréfutable qu'il respecte ce qu'il lui a dit il y a quelques temps, qu'il est un homme de parole, qu'il est celui qu'elle espérait.


Je ne mérite pas l'affection que tu me donnes mais tu me la donnes quand même... Alors je ferai toujours tout ce qui est en mon pouvoir pour te la rendre au centuple, parce que tu es tout ce que je veux et ai besoin. Termine Thomas qui la fixe toujours droit dans les yeux.


Mikasa sent que son cœur s'accélère et a l'impression de prendre un coup derrière la tête lorsqu'il dit ne pas mériter son affection.


Ne dis pas n'importe quoi... Tu m'as montré un avenir radieux auquel croire, tu m'as réappris à rêver pour me permettre de continuer à me battre, tu m'as donné plus que je n'ai jamais espéré... Tu as tellement de cœur...


Elle crispe ses doigts sur son vêtement.


Comment est-ce que tu as pu t'attacher à moi, comment est-ce que je peux être celle que tu as choisi d'aimer..?


Thomas ouvre de grands yeux à ses mots.


Des fois, comme maintenant, j'ai l'impression que tu n'es pas réel... Conclut-elle.


Le jeune homme tombe de haut, de très haut. Lui qui se dévalue tout le temps, qui a toujours cette impression de ne rien mériter et de voler l'affection qu'on peut lui donner... Elle lui met une puissante et mémorable claque qui lui fait prendre conscience de beaucoup de choses.


Dis-moi que tu es réel, que je ne t'ai pas inventé dans ma tête, que tu n'es pas imaginaire ni étranger à ce monde... Ajoute-t-elle à voix basse alors que des larmes perlent de nouveaux aux coins de ses yeux, ce qui lui fait baisser la tête.


Il ne sait pas quoi dire mais il tend sa main vers son visage pour le redresser doucement à l'aide de son index sous son menton, afin qu'elle le regarde de nouveau. Le jeune homme affiche ce sourire là, celui qu'elle affectionne tant, cette expression de tendresse infinie qui lui est réservée. C'est à elle et pour elle. Il cueille ses larmes puis caresse les contours de son visage.


Mais ce moment est brusquement brisé par des pas lourds qui se font entendre, tout près. Mikasa regarde par dessus l'épaule de Thomas mais ne voit rien. Le brun, lui, aperçoit un démon s'approcher d'eux et venant de derrière cet arbre au pied duquel ils se trouvent.


Merde, Mikasa grimpe sur mon dos vite ! Hurle Thomas qui se retourne pour qu'elle s'exécute.


La jeune femme s'agrippe aux épaules de son homme mais elle n'arrive pas à se dresser sur ses jambes qui sont douloureuses. Elle gémit de douleur et de colère parce que son corps ne répond pas aux ordres qu'elle lui donne.


Viiiiite ! S’exclame encore le brun qui essaye d'attraper les cuisses de mademoiselle Ackerman.


Le titan est déjà sur eux et tend sa main. Thomas le voit venir et se jette sur le côté en emmenant Mikasa avec lui. Ses énormes doigts les frôlent.


L'humain aux yeux bleus se lève et attrape ses poignées alors que le titan revient à la charge. Thomas plante ses deux sabres en plein milieu de la paume qui arrive vers lui et ça suffit à faire reculer le monstre mais, dans le mouvement, les lames se brisent à leur base.


Le jeune homme revient aux côtés de Mikasa et commence à dévisser les attaches qui tiennent ses bouteilles de gaz en place.


Qu'est-ce que tu fais..? Demande-t-elle, choquée.


Il ne répond pas mais continue ce qu'il entreprend, elle croit comprendre.


Arrête tes conneries ! S'écrie-t-elle.


Notre poids à tous les deux consommerait trop de gaz et tu as plus de chances de survivre que moi, il y a assez pour que tu sortes de cette forêt. Dit-il.


Mikasa est déroutée et frustrée par le calme de Thomas qui ne tremble pas, parfaitement conscient de ce qu'il fait.


Tu te fous de moi, je ne partirais pas sans toi ! S'exclame-t-elle en commençant à lutter avec lui pour qu'il arrête ce qu'il est en train de faire mais c'est peine perdue avec le peu de forces qu'il lui reste.


Il fait opposition avec son bras.


Il le faut ! Même sans tes jambes tu y arriveras, ton cheval a dû suivre les autres et doit t'attendre à l'orée de la forêt.


Elle frappe du poing sur son torse.


Tu n'es qu'un putain d'idiot ! S'énerve-t-elle en commençant à sangloter parce qu'elle ne peut pas faire autre chose, lasse de se battre.


Le lieutenant de l'escouade Arlelt voit du coin de l’œil le titan s'approcher de nouveau mais, alors qu'il s'apprête à retirer l'une des bouteilles de gaz qu'il transporte, il sent que son visage est soudainement attrapé entre les mains de la jeune femme. Elle le force à la regarder droit dans les yeux.


Je t'aime aussi, tu m'entends ?! Alors tu dois survivre ! Affirme-t-elle, hurlant de façon suppliante à cause de l'émotion.


A cet instant, en entendant ces mots, le jeune homme a l'impression qu'elle lui donne un ordre. Ce qu'elle vient de prononcer résonne dans son esprit et le fait trembler tout entier. Il sent que tout son corps se contracte et que son esprit devient incroyablement limpide et calme. Tout son être se transcende et il sent comme un éclair le parcourir tout entier, échauffant chacune de ses fibres musculaires. Le choc réveille en lui quelque chose d’enfoui : une force insoupçonnée et insoupçonnable qui lui donne l'impression qu'il est possible de tout accomplir, là, tout de suite.


Il se redresse et se tourne face au monstre. Le temps semble ralenti dans la perception de Thomas. Il voit le titan se pencher, ses doigts venir lentement vers lui. Mais il sait exactement quoi faire et il sait exactement comment agir parce qu'il est confiant en sa force. La seule chose qui est présente dans son esprit est cette image de Mikasa qui dort paisiblement dans un lit, dans la caserne de Trost, hors d'atteinte de tout danger.


Il pousse soudainement un hurlement de rage à pleins poumons et, quand le titan est au plus près, Thomas frappe de toutes ses forces la joue du démon d'un crochet du gauche.


L'impact est si puissant que le bruit est semblable à celui d'un coup qu'auraient donné Eren ou Annie sous leur forme titanesque. La tête du titan prend un angle non naturel et il se retrouve projeté au sol, glissant sur deux bon mètres avant de heurter le tronc d'un arbre voisin.


Mikasa est abasourdie. Elle fixe Thomas, bouche-bée, n'en croyant pas ses yeux. Le titan est immobile, au sol, écrasé par cette force incroyable qu'il vient de déployer. La jeune femme a l'impression que cet homme qui se dresse devant elle rayonne soudainement tant la fureur qu'il exprime pour la protéger et cette puissance qu'il vient de déchaîner ont fait trembler tout ce qui les entoure... Elle est ébahie devant ce qu'il est et ce qu'il vient de faire.


Il se retourne et se précipite vers elle en refixant sa bouteille puis il l'aide à monter sur son dos. Quelque chose est différent dans son regard.


Une fois en position il prend ses crosses et active le mécanisme pour décoller sans attendre.







[ Trois heures plus tard - Sommet du mur, District de Trost ]


Allez, montrez-vous bordel... Dit Conny qui fixe l'horizon bleu nuit où s'étend la plaine.


Tire ce putain de fumigène... Ajoute Jean qui fait la même chose.


Ils sont accompagnés de Sasha, Hanji et Livaï. Julia est un peu plus loin et s'occupe des blessures de Frock qui est toujours inconscient.


Mademoiselle Braus sanglote dans son coin, les jambes repliées contre elle et la tête enfouie entre ses bras croisés sur ses genoux.


Les monte-charges arrivent dans un peu moins d'une heure, on pourra partir à leur recherche. Dit Hanji qui pose sa main sur l'épaule de Sasha.


Ces deux-là sont pas croyables... Râle Livaï. Qui a eu l'idée de les associer déjà ?


Toi, quand tu leur a fait éplucher des patates pendant deux jours. Rétorque Hanji.


Le caporal soupire mais est amusé par cette réponse qui n'est pas si fausse.


Soudain, au loin, un bruit diffus mais familier parvient jusqu'à eux avec le vent : une colonne de fumée verte est visible.


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