Le destin des Ackerman - Tome 1

Thomas se réveille lentement. Très rapidement il sent que tous ses muscles sont douloureux et engourdis, que sa bouche est pâteuse et qu'un mal de crâne couronne le tout. Le jeune homme a cette curieuse impression d'avoir été mastiqué par un titan ou traîné par les pieds derrière un chariot. La lumière du soleil l'agresse dès qu'il commence à ouvrir les yeux, cette clarté soudaine et bien trop puissante l'aveugle à l'en faire gémir de mécontentement.

Après un autre court instant nécessaire à ce qu'il émerge et à ce que ses sens s'éveillent, il sent que sa main gauche est serrée entre les mains de quelqu'un. Thomas tourne la tête, afin d'éviter ce rayon solaire malfaisant, et ouvre un peu plus grand ses yeux. Il aperçoit une masse de cheveux noirs de jais tomber en cascade sur la couverture blanche du lit où il se trouve.

Surpris par cet environnement qu'il reconnaît, interloqué parce qu'il ne sait absolument pas pourquoi il est ici, le brun serre faiblement ses doigts autour de ceux de la jeune femme à son chevet, par réflexe.

Mikasa échappe un long soupir en se réveillant, ainsi tirée de sa sieste. Elle redresse la tête pour observer son compagnon, à l'affût du moment où il se réveillera de sa torpeur surnaturelle, et c'est avec joie qu'elle remarque ses yeux entrouverts et son expression perdue.

— Bonjour. L'accueille-t-elle avec une voix douce en se relevant pour enfin se pencher et déposer ses lèvres sur sa joue, avant de l'enlacer, collant sa tête contre la sienne alors que l'une de ses mains s'invite dans ses cheveux bruns pour les caresser lentement.

— Bonjour... Répond-il faiblement avec une voix cassée, l'enlaçant doucement en retour.

Après quelques instants dans cette position mademoiselle Ackerman se redresse pour s'assoir sur le bord du lit et s'appuie de ses mains autour de la tête de Thomas.

— Comment tu te sens ? Demande la jeune femme dont l'inquiétude se lit sur son visage.

Thomas fronce, lui-même ne sait pas pourquoi il se trouve dans l'infirmerie, il n'a que ce trou noir dans ses souvenirs.

— Qu'est-ce que je fous là.. Et comment vont les autres ? Tes jambes ?

Mikasa sourit tendrement et hisse l'une de ses mains jusqu'à la joue du jeune homme dont l'ascendance ne fait plus de doute, pour la caresser.

— Tout le monde va bien, Frock avait juste pris un coup à la tête, il est sorti ce matin.

Il est d'autant plus désorienté en comprenant qu'il doit se trouver ici depuis bien plus de temps qu'il ne l'aurait crû.

— Ce matin ? Attends, tu veux dire que...

— Mh. Tu as dormi pendant toute une journée et toute une nuit. Annonce la jeune femme qui reprend la caresse de ses cheveux, la paume de sa main posée sur sa tempe.

A l'expression qu'il affiche, Thomas n'a pas l'air de comprendre. Il ne se rappelle pas avoir reçu un violent coup à la tête.

— De quoi tu te souviens ? Demande Mikasa, voyant bien qu'il a du mal à mettre ses souvenirs dans le bon ordre.

Il fronce en farfouillant dans sa mémoire comme il le peut.

— Euuum... Qu'on est sortis de la forêt, on a galopé un peu pendant que la nuit tombait et... C'est tout.

— Tu as perdu connaissance sur le chemin. Annonce-t-elle.

— Ah...

Mikasa attrape le verre d'eau posé sur le chevet puis le tend à son compagnon. Il la remercie d'un signe de tête et avale une première gorgée. Thomas dévisage ensuite sa compagne pendant une seconde.

— Ne me dis pas que t'as passé tout ce temps ici... En dormant dans cette position tu dois être cassée en deux... S'inquiète Thomas.

— T'es pas croyable... Elle soupire mais a un petit sourire aux lèvres. Je me suis introduite dans la nuit pour dormir contre toi.

A ces mots, Mikasa se laisse doucement tomber pour s'allonger puis vient se coller à lui, posant sa tête sur le haut de son torse et l'entourant d'un bras.

— Je vois, tu suis mon exemple... Comment-t-il en souriant.

Le bruit d'une porte qui s'ouvre se fait entendre.

Les tourtereaux regardent en direction de l'entrée et Josh apparaît.

— Ah bah il est réveillé ! S'exclame-t-il avant de s'approcher.

Il n'est pas étonné de les trouver l'un contre l'autre, il faut dire qu'en plus d'être au courant depuis un certain temps pour eux deux, la jeune Ackerman n'a pas quitté cette grande pièce depuis qu'ils sont revenus et a passé son temps à serrer la main de Thomas comme si elle avait peur qu'elle puisse lui échapper.

La jeune femme se redresse d'un bond, pas à l'aise à l'idée de montrer tant d'affection envers Thomas devant quelqu'un d'autre.

— Dis-moi, t'as la peau dure salopard. Plaisante Josh qui s'arrête au pied du lit.

Thomas remarque que son ami a l'air de très bien s'acclimater à la prothèse puisqu'il ne marche plus avec une canne. Il n'est sûrement pas prêt à gambader mais c'est très rassurant de voir qu'il peut de nouveau se déplacer avec une relative aisance.

— Par contre j'ai perdu mon pari, cette fois tu n'étais pas couvert de sang. Ajoute l'estropié.

Le soldat Ralle sourit.

— Ouais je m'assagis avec le temps, c'est fini les idées suicidaires. Ment-il.

Mikasa lui met un petit coup de coude parce qu'elle est la mieux placée pour savoir que c'est absolument faux.

— C'est même de pire en pire... Dit-elle.

Thomas ne capte pas la plaisanterie de la jeune femme qui est toujours aussi maladroite dans cet exercice. Son air réprobateur est pourtant bien factice alors, comprenant que sa fausse remontrance a été prise au premier degré, elle sourit maladroitement.

— ...Mais ça nous a tiré d'affaires. Ajoute-t-elle pour se rattraper.

— Ouais, il y en a qui ont une chance insolente. Renchérit Josh.

Thomas les regarde, l'un après l'autre, avant de sourire.

— M'enfin... Je venais pour te dire que l'escouade Livaï vient d'arriver, Mikasa.

Elle acquiesce mais ne montre pas la moindre envie de sortir d'ici, sans Thomas en tout cas, à sa manière de rester agrippée à lui.

— Ah au fait, j'ai quelque chose pour toi... Lance Thomas.

Josh hausse un sourcil.

— Quoi, t'as retrouvé mon bras pendant ta balade ?

— T'es con. Lâche Thomas qui se penche sur le côté pour passer la main dans sa veste afin d'en sortir une petite boîte métallique. Nous sommes passés par ton village.

Le visage de Josh change immédiatement d'expression, il perd son grand sourire taquin. Il attrape ce que lui tend son ami en ouvrant de grands yeux.

— Tu... Tu t'en es souvenu... Prononce seulement le jeune homme qui est sans voix alors qu'il manipule doucement cet objet, sans oser l'ouvrir.

Visiblement touché, il s'éclaircit la voix pour camoufler les fortes émotions qui l'assaillent à présent. Il lève des yeux larmoyants vers son ami.

— C'est... Merci.

Thomas hoche la tête.

— Bon, j'ai rempli ma mission de messager, je vous laisse et... Ne faites pas trop de cochonneries. Plaisante une dernière fois Josh avant de tourner les talons et de sortir de l'infirmerie.

Le silence s'installe pendant quelques instants et le soldat Ralle finit par se redresser dans son lit pour s'y assoir. Mikasa tourne la tête vers lui pour le regarder faire puis se penche à son tour pour récupérer quelque chose qui était jusque là hors du champ de vision du jeune homme. Elle pose sur ses cuisses une chemise et un pantalon pliés qui ont l'air propres.

— Je me suis permise d'aller chercher ça dans ta chambre.

Il détaille cet uniforme, silencieux, comme s'il ne comprenait pas.

— Allons manger un bout. Continue-t-elle.

— Merci, t'es un ange. Remercie-t-il avec un sourire.

Une dizaine de minutes plus tard, le duo de choc des escouades d'élite passe la double porte du réfectoire et Thomas découvre une salle bien plus remplie que les dernières fois où ils s'y sont rendus. Le recrutement a visiblement déjà commencé et il doit y avoir au moins une trentaine de nouveaux visages, rien qu'ici.

Ils marchent lentement, le jeune homme étant soutenu par Mikasa qui tient son bras autour de ses épaules puisqu'il a un peu de mal à marcher. Elle l'emmène jusqu'à une table où les membres des escouades tactique et Arlelt sont assis.

— Il est vivant ! S'exclame Sasha avec sa grande gueule, ce qui fait que tout le monde, y compris les personnes qui ne sont pas à cette table, se tourne vers le couple qui s'approche.

Thomas est soudainement mal à l'aise en sentant toutes ces paires d'yeux se poser sur eux.

De nombreuses nouvelles recrues cessent de parler ou de manger pour observer les deux personnes qui viennent d'entrer. Certains restent silencieux, d'autres se penchent en avant pour parler à voix basse avec leurs compagnons.

Eren grimace soudainement en voyant sa sœur ainsi collée à Thomas. Il se rend compte que ses mises en garde n'ont pas été suffisantes. Doit-il aller plus loin et est-ce que ça sera suffisant ?

Jean se lève et vient les accueillir. Il s'approche de Thomas avec un sourire sincère et une main tendue.

— Content que tu te sentes mieux. Dit-il.

Le brun observe brièvement cette main puis la serre, rendant un sourire à son camarade.

Armin se penche vers Conny en voyant que les relations entre les deux hommes se sont drastiquement améliorées.

— Dis, depuis quand ils s'entendent bien ces deux là..?

— Je sais rien... Répond le nabot qui fixe lui aussi ses deux camarades.

Mikasa, Jean et Thomas prennent place.

— Tu nous as fait peur. Reprend Sasha à l'intention du brun aux yeux bleus.

— Tu m'étonnes, je ne sais pas ce qu'il s'est passé de votre côté dans cette forêt mais ça t'a séché. Ajoute Conny.

Thomas et Mikasa se retiennent de se regarder pour ne pas paraître suspects mais sous la table leurs mains se joignent. Les mots qu'ils ont prononcé à ce moment là, ce qu'il s'est passé... Ils préfèrent pour l'instant le garder pour eux, d'un commun accord tacite.

— Je ne m'en souviens pas très bien... Le seul truc que je sais c'est qu'en me réveillant, j'avais l'impression qu'un titan avait joué à la balle avec moi. Répond-il.

— Haha, Sasha connait bien ça avec le nombre de pètes au casque qu'elle s'est pris. Plaisante Jean.

— Vu le peu de neurones qu'il lui reste elle a dû en prendre pas mal ouais. Renchérit Conny.

— Vos gueules. Lâche Sasha qui perd son enthousiasme et prend un air boudeur, avant de se réfugier dans son repas.

Les deux soldats se marrent bruyamment.

— En attendant elle s'est occupée de Frock pendant que tu tremblais de peur. Rétorque Thomas en regardant Conny qui arrête immédiatement de rire.

Mademoiselle Braus a un sourire en coin et donne un coup de pied dans le tibia du jeune homme aux cheveux rasés.

— Et toc ! Lance-t-elle.

— Aïe !

Thomas se tourne vers Armin.

— Alors, le compte final donne quoi ?

— On passe la barre des deux milles titans... Ça ne sera pas une mince affaire mais à raison d'une expédition par mois on peut espérer vider l'île d'ici un ou deux ans.

— Ah ouais, quand même...

Armin acquiesce.

— Mais nous ne sommes pas à une année près, ce qui compte c'est qu'on reprenne nos terres, que l'agriculture puisse redémarrer et qu'on soit enfin en paix.

— ...Et que tu puisses voir la mer. Ajoute Thomas avec un petit sourire.

Le capitaine hoche avec un sourire qui s'élargit.

Eren grince des dents et serre ses poings sur la table. Comment Thomas ose-t-il parler de ce rêve qu'il partage avec le blond ?

— Connard. Murmure Eren.

Énervé et frustré, le titan assaillant regarde — impuissant — son nouveau rival s'approprier tout ce qu'il possède : l'affection de Mikasa, la sympathie de ses compagnons, la complicité avec son ami d'enfance.

— Et le recrutement ? Demande encore Thomas.

— On a eu un premier arrivage d'une cinquantaine de nouvelles recrues, qu'on a commencé à former aujourd'hui. Demain deux brigades d'entraînement vont terminer leur formation dans l'Ouest, on espère que ça grossira encore nos rangs. On n'a pas encore de nouvelles des autres districts. Explique Armin.

— Bon, ça se présente pas mal. Commente Thomas qui balaie la salle du regard et tombe par hasard sur un visage qu'il reconnaît.

Julia mange en tête à tête avec un jeune homme qu'il voit de dos, le seul détail qu'il peut remarquer c'est la couleur de ses cheveux. Le brun tapote le bras de son capitaine et désigne la table de Julia d'un signe de tête.

— C'est qui lui ? Interroge Thomas qui joue son rôle protecteur.

— J'en sais rien... Depuis hier ils passent pas mal de temps ensemble. Il y a un problème ? S'étonne Armin.

— Non-non... Sûrement un type qu'elle connait depuis longtemps. Conclut pour l'instant le jeune homme alors qu'il sait très bien que c'est impossible.

Mikasa pose brusquement un bol de soupe devant son compagnon pour détourner son attention de Julia.

— Tiens, il faut que tu reprennes des forces. Dit-elle.

— Ouais. Plussoie le jeune homme qui se saisit d'un couvert.

Armin sourit en voyant la jalousie de Mikasa et c'est cocasse de voir qu'elle a maintenant jeté son dévolu sur lui, ce genre de scènes seront certainement plus rares avec Eren.

Ce dernier les observe toujours, d'ailleurs, et est décontenancé en les voyant avoir une autre de ces conversations non-verbales. Après avoir pris une première bouchée le brun aux yeux bleus se tourne vers la jeune femme et celle-ci secoue légèrement la tête en signe de négation. Il dodeline alors de la tête puis lui fait un clin d’œil, Mikasa lui met un petit coup de coude en réponse, un sourire aux lèvres. Thomas finit par pouffer de rire.

Qu'est-ce qu'ils viennent de se dire ? Cette complicité écœure Eren. Le jeune Jäger centre son attention sur Armin et, à sa grande surprise, remarque que ça n'a pas l'air de le choquer, au contraire. Cela veut dire qu'il y est habitué ? Alors...

Lui aussi trahit sa confiance avec le soldat Ralle, voilà ce dont est convaincu Eren qui ne peut à cet instant que mesurer comme ce brun aux yeux bleus a saccagé son espace vital. C'est lui qui l'a accueilli en premier à bras ouverts dans l'élite, parce que Petra a été comme une grande sœur pour lui et voilà comment il le remercie ?

Il revient à son repas et fixe la surface tranquille du liquide fumant dans son bol, les mâchoires serrées et le regard déterminé.

[ Le soir même - Caserne du district de Trost ]

Thomas regarde sa main gauche de façon pensive, le souvenir de ce coup qu'il a asséné au titan le hante forcément parce qu'il ne comprend pas ce qu'il s'est passé ni d'où est venue cette force.

— Je crois qu'il n'y a plus de doute possible. Dit Mikasa qui prend la main gauche de son compagnon entre les siennes.

— De ?

— Tu es bien un Ackerman. Annonce-t-elle.

La brune est assise près de Thomas, sur le lit de ce dernier qui y est allongé. Elle lève cette main qu'elle tient et l'approche de ses lèvres pour déposer un baiser sur son revers.

La jeune femme y a beaucoup pensé pendant que Thomas récupérait du dernier jour de leur mission : cet obscur lien familial leur semblait insurmontable quand ils l'ont appris et l'ont considéré comme une sorte de malédiction, mais le constat est simple à faire. S'il n'était pas lui aussi un descendant de ce clan, tous les deux seraient certainement morts à l'heure actuelle.

Mikasa avait déjà décidé d'ignorer la révélation sur son ascendance et les évènements récents n'ont pas remis en question cela, au contraire. Elle se fiche pas mal qu'ils soient cousins ou quoi que ce soit d'autre. Ce qui s'impose à sa perception des choses est qu'ils sont liés par quelque chose de plus complexe et inextricable encore que le destin.

— Tu crois ?

— Tu te souviens quand on se dirigeait vers le domaine des Reiss, le Caporal m'a parlé des Ackerman.

— Oui. Acquiesce le jeune homme qui se souvient à peu près de tout ce qui s'était dit.

— Je crois que tu as vécu ce fameux éveil. Dit-elle.

Thomas soupire en fixant le plafond.

— Mh, c'est ce que je me dis aussi.

La brune s'allonge à ses côtés puis se tourne pour être dos à lui en emmenant cette main qu'elle serre contre sa poitrine, entourée des siennes. Elle se recule un peu pour se coller contre Thomas et soupire longuement, une expiration de contentement.

— ...C'est bizarre parce qu'au moment où j'ai frappé ce titan je me sentais vraiment puissant mais en même temps j'étais complètement effrayé. Comment un si petit poing peut faire autant de dégâts...

Elle l'écoute silencieusement, caressant lentement cette main qu'elle tient contre elle et dont le bras l'entoure.

Thomas soupire.

— J'repense à ce que tu m'as raconté sur la fois où ça t'es arrivé... Tu crois que ça se déclenche quand on est en danger de mort..?

Une seconde de silence.

— Mh, non, ça m'étonnerait, ça me serait arrivé depuis longtemps sinon... Continue-t-il.

Mikasa ne répond toujours pas, écoutant à moitié le fil de sa réflexion qu'il exprime à voix haute. Elle est trop occupée à jouer avec la main de son conjoint qu'elle a fait s'ouvrir à plat pour poser la sienne — la droite — contre celle-ci, paume contre paume. La jeune femme découvre alors que les mains de Thomas sont à peine plus grandes que les siennes et elle en sourit, comme une enfant qui a trouvé un nouveau jeu.

C'est pour cela qu'elle ne se rend pas compte qu'il s'est arrêté de parler pour l'observer faire ses petites expériences. C'est ce genre de moment qui montre l'enfant qui sommeille en elle. C'est si naïf, si simple et si attendrissant...

Au bout d'une minute à observer leurs mains, plongée dans ses rêveries habituelles, elle se rend compte que le silence règne dans cette chambre. Est-ce qu'il s'est endormi ? Mikasa se tourne légèrement et jette un coup d’œil par dessus son épaule : il la fixe avec un sourire tendre.

Elle sourit maladroitement, comprenant que pour la énième fois elle s'était perdue dans ce flot incessants de pensées.

Thomas frotte alors le bout de son nez contre son oreille couverte de mèches brunes, la faisant frissonner. Une nouvelle fois elle lui lance un regard en coin. Il sait très bien que ses yeux l'interrogent, lui demandent pourquoi il la titille de la sorte.

— Tu me fascine. Chuchote-t-il.

Les commissures des lèvres de la jeune femme s'étirent d'autant plus et pour réponse, gênée par le compliment sous-entendu, elle s'essaye elle aussi à ce petit jeu du frottement du bout du nez, contre cette main qu'elle préserve jalousement contre son cœur.

Le brun expire longuement parce qu'il est totalement apaisé et heureux, là. Un moment simple et tendre comme il aime tant.

Le silence s'installe à présent mais n'est pas gênant pour aucun d'entre eux, c'est un laps de temps pendant lequel ils profitent juste de la présence de l'autre : écouter sa respiration, percevoir son odeur, le sentir collé à soi... Un partage de l'instant présent, tout simplement.

Après quelques minutes Mikasa brise la quiétude de la pièce.

— Dis...

— Mh ?

— Je vais demander à être transférée dans l'escouade d'Armin. S'exprime-t-elle sans bouger, le regard toujours fixé sur les doigts de la main gauche de Thomas.

Le jeune homme ne répond pas et elle comprend que ce doit être parce qu'il attend qu'elle lui donne la raison qui se cache derrière cette idée.

— ...Ça fonctionne bien nous deux.

Juste après avoir prononcé ces mots elle se rend compte que ça peut prêter à confusion.

— Enfin quand on se bat. Précise-t-elle, mais elle a maintenant peur de sous-entendre que leur couple fonctionne moins bien que leur association sur le terrain. M-mais en dehors aussi hein.

Il se met à rire parce qu'elle se bat avec sa phrase par peur de le vexer mais ses précisions n'arrangent rien, il avait bien compris dès le début. La jeune femme se sent idiote en l'entendant se moquer d'elle alors elle lui met une tape sur la hanche.

— Pardon... Je vois ce que tu veux dire et c'est vrai qu'on serait efficaces en faisant partie de la même escouade.

Mikasa hoche la tête puis ferme les yeux.

— On verra demain, il faut que je dorme pour me faire réveiller. Lâche-t-elle en souriant malicieusement.

[ Le lendemain, dans la matinée - Caserne de Trost ]

Thomas sort du réfectoire et se dirige vers le mitard de la caserne où se trouve Annie. La veille Armin lui a dit qu'ils l'ont emmenée avec eux lorsqu'ils ont quitté Stohess, il se rappelle alors leurs conversation.

— Non, elle est ici. Elle a demandé d'avoir certaines garanties si elle accepte de parler et Hanji est donc obligée d'en parler avec l'état-major, c'est pour ça qu'elle est venue avec nous. Ils veulent l'avoir sous la main quelque soit le résultat de l'audience. Expliqua le capitaine Arlelt.

— Je vois... Donc elle n'a rien dit ?

— Non. Enfin peut-être à Eren mais pas à moi... Tu avais une idée derrière la tête en suggérant qu'Eren s'occupe de lui apporter ses repas ? Demanda Armin à qui rien n'échappe, il commence à connaître son lieutenant.

Thomas acquiesça.

— Il y avait quelque chose entre eux ?

— Je ne sais pas. Annie n'avait vraiment pas beaucoup d'amis pour ne pas dire aucun. A part une fille qui s'appelait Minha mais qui a été tué à Trost... Il y a Hitch aussi, vu qu'elles partageaient une chambre à Stohess. Elle n'est vraiment pas sociable et c'est vrai que la seule personne avec qui je l'ai vu être plus ou moins proche c'est Eren.

— Mmmmmh...

— Mais contrairement à Reiner et Bertolt, Annie n'a jamais voulu s'intégrer. Est-ce que c'est réellement sa façon d'être en général ou est-ce qu'elle nous dénigre à ce point, je ne sais pas...

Le soldat Ralle réfléchissait aux deux possibilités alors qu'Armin soupirait.

— Je ne pense pas qu'elle nous dénigre, ça se voit que c'est une personne renfermée mais pour tout te dire, le jour où elle est sortie de son machin et que je l'ai emmenée dans sa cellule, au moment où je suis sorti elle a prononcé le prénom d'Eren, je me suis dit que c'était un signe.

— Oui c'est plausible... En tout cas je sais que Eren a vraiment eu du mal à accepter qu'Annie soit le titan féminin et, même lorsqu'il l'a enfin vaincue à Stohess, c'est sa retenue en la voyant sortir de la nuque du titan qui lui a permit de se changer en cristal. Ajouta l'officier.

— Mais si elle avait dit quoi que ce soit à Eren il te l'aurait dit non ?

— Normalement oui mais depuis la cérémonie de remise des médailles il est bizarre, je n'arrive plus à le suivre... M'enfin, j'espère qu'Hanji pourra plaider en faveur de ton idée même si ça va faire grincer des dents pas mal de monde.

— C'est notre meilleure option et... Pour Annie aussi. Affirma le brun.

— Je suis d'accord. Approuvait Armin.

Thomas descend les marches en pierre qui mènent au souterrain et arrive devant ces deux cellules qui, la dernière fois qu'il est venu, étaient occupées par Mikasa et Eren.

Là il voit une blonde, assise par terre et adossée au mur qui sépare les deux petites pièces, fixant devant elle d'un air absent. Elle ne prend même pas la peine de jeter un coup d’œil pour savoir qui lui rend visite, elle imagine que c'est Eren.

— Tu as eu quelque chose à manger ce matin ? Demande-t-il.

Annie sursaute parce qu'elle s'attendait à une autre voix. La jeune femme lève les yeux et reconnaît ce Thomas qu'elle n'avait pas vu depuis plusieurs jours, sûrement pas loin d'une semaine. Elle hausse les épaules.

— Je n'ai pas de beignets aujourd'hui m...

— Te force pas. Coupe-t-elle. C'est pas parce que tu fais semblant d'être sympa que je vais parler. Lâche-t-elle sèchement sans le regarder.

Thomas s'accroupit et passe sa main à travers les barreaux pour poser sur le sol un croissant emballé dans une serviette de papier blanche. Il finit par soupirer, laisse une seconde s'écouler puis lui répond.

— Tu sais, personnellement je m'en fous un peu que tu nous parles de Mahr ou non. Par contre ce que j'aimerai bien savoir c'est si tu serais prête à intégrer le bataillon d'exploration. Dit le jeune homme.