Le destin des Ackerman - Tome 1

Chapitre 48 : Chapitre 47 - Une journée parfaite

4939 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/05/2020 23:25

La porte s'ouvre doucement, éclairant cette pièce sombre d'un plus grand faisceau lumineux que celui qui passe timidement dans le jour des volets. Quelqu'un entre puis referme derrière lui avec précaution avant de s'approcher, pas à pas, du lit dans lequel dort encore un jeune homme, allongé sur le dos.


La respiration de Thomas, régulière et profonde, est le seul bruit perceptible dans la quiétude de cette chambre.


La jeune femme qui vient de s'introduire dans la pièce dépose un sac au pied du lit puis prend un instant pour observer la personne endormie : ses cheveux en bataille, ses sourcils légèrement froncés, sa bouche entrouverte, son torse qui n'est pas couvert par les draps...


Couverture qu'elle tire délicatement avant de poser un genou sur le bord du lit pour se pencher au dessus du soldat, pour le dévisager encore, en souriant tendrement. Elle l'enjambe ensuite puis laisse lentement son poids tomber sur lui jusqu'à le presser contre le matelas.


Thomas n'a pas le temps de se réveiller, ni même de comprendre qu'il est brusquement jeté hors de ses songes par les mouvements pourtant assurés et lents de son agresseur. Il peut sentir que quelque chose chatouille le bout de son nez en l'effleurant et il s'accroche à cette sensation qui est a seule perception claire qu'il a en ce moment.


Mais elle ne le laisse pas respirer, ni même avoir le loisir de se réveiller lentement. Les lèvres du jeune homme se font ensuite emprisonner, entraînées dans un baiser suave emprunt de sensualité. Tous les sens et les repères de Thomas se confondent, désordonnés par cette échange qui éveille bien plus vite son corps que son esprit.


La tentatrice termine ce baiser en mordillant la lèvre inférieure de monsieur Ralle puis se met hors de sa portée pour l'empêcher de lui répondre, pour faire naître ce sentiment de frustration.


Debout... Murmure-t-elle au creux de son oreille, le faisant frémir.


Les yeux toujours fermés et toujours assaillis par ces sensations qui ne s'effacent pas, Thomas sourit avant de prononcer quelques mots.


Mikasa, qu'est-ce q... Commence-t-il.


Il est mis au silence lorsqu'il sent qu'elle fait doucement rouler ses hanches sur les siennes dans un mouvement suggestif, insufflant une vague de chaleur dans le corps soumis du soldat qui retient son souffle et sent son cœur s'accélérer.


La jeune Ackerman revient aux lèvres de son amant, mettant plus force et d'intensité en le rendant langoureux.


Thomas se noie dans ce flot de sensations, confus et submergé par le désir, indéniablement soumis par ce nouveau coup de reins qu'elle lui assène, mais commence pourtant à comprendre qu'il paye là son insolence et sa malice qui s'est muée, la veille, en vice.


Son souffle s'alourdit et sa peau gagne en température maintenant qu'il est esclave de ce désir et en remarquant que — après avoir fait glisser ses doigts sur les cuisses de sa compagne — Mikasa porte une longue jupe et cela explique pourquoi le frottement entre leurs sexes est si plaisant, seulement séparés par deux fines couches de tissu. C'est pourquoi ses soupirs sont rapidement teintés de gémissements, surtout lorsqu'elle quitte ses lèvres pour monter à l'assaut de son cou. Il appuie sa tête en arrière sur l'oreiller et crispe ses doigts sur les hanches de la brune en subissant son courroux vengeur qui, il le comprend bien, est aussi délectable que frustrant.


Ce sont d'ailleurs ses soupirs, les sons montrant son plaisir naissant, la façon dont il s'agrippe à elle et comment il l'embrasse qui satisfont Mikasa parce que ce sont autant de preuves que son petit jeu porte ses fruits. Ce sont aussi autant de motivations pour continuer ce traitement qu'elle lui inflige afin de se délecter de ce mélange de détresse et de bien-être dans l'expression de son amant.


La seule pensée claire que peut produire l'esprit de Thomas est une pulsion, l'envie de profiter de son accoutrement pour s'unir à elle sans même avoir besoin de se dévêtir, le besoin de laisser pleinement ce désir s'exprimer. Par impatience — et orgueil, sans doute — il tente de la faire basculer sur le côté pour reprendre le dessus mais elle met toute sa force pour le maintenir sous contrôle, les mains à plat sur ses épaules.


Cet éclair de rébellion sera le seul parce qu'il ne peut strictement rien faire et surtout lorsque, pour le pousser jusque dans ses retranchement, la jeune femme s'emploie à se pencher pour parcourir ce torse brûlant brûlant et frissonnant de ses lèvres. A chaque baiser elle peut ressentir le jeune homme qui tremble tout entier et entendre sa respiration qui se désordonne toujours plus.


Les mains de Thomas remontent sur le corps de la brune à mesure qu'elle descend jusqu'à plonger des ses cheveux quand elle s'arrête sous son nombril. Il y a une seconde de flottement durant laquelle elle ne fait rien, simplement pour frustrer d'autant plus son amant. Mikasa pose ensuite ses mains sur les bords du sous-vêtement et une nouvelle seconde s'écoule avant qu'elle ne remonte à sa hauteur et chuchote à nouveau.


Thomas, réveille-toi...


Le jeune homme se redresse et la brune vengeresse l'accueille avec un sourire en entourant son cou de ses bras, avant de lier leurs lèvres avec tendresse.


Bonjour. Dit-elle.


Thomas laisse tomber sa tête contre son épaule et se met à rire nerveusement, parfaitement conscient qu'il n'a rien à dire tant il méritait cette torture.


Bonjour... Lâche-t-il.


Son désir ne s'estompe pas et tout malicieux et insolent qu'il peut être dans ces moments là, il ne recule pas devant l'idée d'essayer d'aller plus loin. Il l'observe un instant, détaille ses vêtements qu'elle porte en permission : un haut blanc, un gilet rouge un peu délavé et cette jupe qui tombe aux genoux. Le jeune homme passe ses doigts sur sa cuisse jusqu'à ce qu'il s’immiscent sous le volant du vêtement. Elle l'arrête lorsqu'il atteint le haut de sa cuisse.


Mh-mh, on n'a pas le temps pour ça. Désapprouve-t-elle avant de se lever pour le laisser libre de ses mouvements. Va t'habiller.


Il hausse un sourcil, surpris par ce qu'elle dit. Qu'a-t-elle prévu ?


On va quelque part..? Demande-t-il.


La brune sourit seulement, refusant de dévoiler quoi que ce soit.


Il s'étire et va jusqu'à son armoire pour se vêtir.


Mikasa en profite pour passer ses mains dans ses cheveux noirs afin de les recoiffer, le regard fixé sur son conjoint dont elle se délecte des formes avec les yeux. Du galbe de ses fesses jusqu'à ses épaules puissantes en passant par le creux de son dos en terminant par cette nuque où elle déposerait quelques baisers.


Mais elle doit se ressaisir, l'objectif est de lui rendre la monnaie de sa pièce, elle ne peut pas succomber à ce que hurle son corps tremblant d'envie.


Le brun se retourne puis lève les yeux vers elle alors qu'il termine de boutonner son pantalon. Thomas reste bloqué l'espace d'une seconde lorsqu'il l'observe. Pour une raison qu'il ignore il la trouve particulièrement belle, ce matin. Mikasa a l'air de rayonner. Ses yeux foncés et brillants qui expriment tendresse et complicité, ce fin sourire charmant dessinés sur ses lèvres pulpeuses, les mèches qui glissent entre ses doigts...


Elle remarque qu'il est en pleine contemplation. Il est arrêté en plein mouvement, fixé sur elle avec un regard admiratif. La jeune femme interroge son conjoint du regard et celui-ci secoue la tête en souriant, échappant un léger rictus parce qu'il ne s'est toujours pas remis du réveil.


Tu prépares un mauvais coup..? Demande-t-elle.


Thomas baisse les yeux en secouant lentement la tête. Il attrape un haut simple à manches longues qu'il passe sur lui.


Je suis prêt.


Mikasa récupère alors son sac et se dirige vers la porte. Il la rejoint rapidement et il sortent de cette chambre.


Au même moment Annie sort de la sienne pour aller s'entraîner durement. Entre les trois mois de sommeil et ces dix jours en cellule elle doit s'être ramollie. C'est avec la capuche vissée sur la tête pour se protéger des autres — et de la fraîcheur matinale — qu'elle passe la porte du bâtiment des dortoirs mais s'arrête près de celle-ci pour remettre en place le bas de son pantalon d'entraînement qui a fait un ourlet disgracieux à ses yeux qui révèle sa cheville.


Pendant qu'elle s'affaire, la porte s'ouvre. Elle voit Thomas et Mikasa qui sont en tenue de civil et cette dernière porte une besace qui pend depuis son épaule droite et qu'elle tient d'une main.


Le titan féminin est surpris par ce qui s'offre à ses yeux. Est-ce une hallucination ? Il y a trop de choses déroutantes, rien que de la part de Mikasa : l'homme à ses côtés n'est pas Eren et elle a un grand sourire aux lèvres. Concernant Thomas c'est à la fois choquant et évident qu'il soit celui qui ait mis le grappin sur son ancienne rivale.


Mais s'il y a bien quelque chose entre eux, Annie ne peut pas s'empêcher de se demander si Mikasa est toujours aussi protectrice et possessive envers Eren, à présent.







Tu m'emmènes à Karanes..? Demande le jeune homme, surpris.


Mikasa acquiesce en souriant, tenant le bras de son conjoint qui se tient au bastingage. Elle remarque qu'à l'expression qu'il a, Thomas ne doit pas comprendre pourquoi ils se rendent là-bas sans qu'elle ne veuille lui en donner la raison. Ce n'est pas son anniversaire et il n'y a rien à fêter non plus...


Il ne doit pas être loin de midi quand le ferry s'arrête au quai du district d'où est originaire la famille Ralle. C'est d'ici que partit la cinquante-septième expédition extra-muros et c'est pour cela que Mikasa connait un peu le coin enfin... Seulement l'avenue principale, le quai et la caserne.


C'est à moi de te suivre maintenant. Annonce-t-elle.


Hein ? Mais pour aller où ? Questionne le jeune homme qui ne saisit pas.


Dans la forêt.


Thomas ouvre de grand yeux, signe qu'il commence à comprendre où elle veut en venir et ça fait sourire Mikasa qui décide de dévoiler son jeu.


Tu sais quel jour on est..? Demande-t-elle.


Attends...


Il la fixe droit dans les yeux et finit par se rendre compte que l'idée de Mikasa va au-delà de la promenade en forêt. C'est dimanche, ils sont habillés en civils...


Tu... Tu as vraiment fait ça... Souffle le jeune homme qui est un peu sonné par ce qu'a concocté sa compagne.


A aucun moment il aurait imaginé qu'en parlant de ce à quoi Petra et lui occupaient leurs dimanches quand il était petit, cette brune se mettrait en tête de lui permettre de revivre ce genre de moment. Elle hoche encore la tête à ce qu'il vient de dire avec un grand sourire qui montre qu'elle est heureuse que sa surprise fasse son petit effet.


Pourtant ce n'est pas un geste totalement altruiste. C'est quelque chose qu'elle veut connaître : elle veut savoir ce que c'est que se balader sans réel but, juste pour apprécier la nature et cette paix rassurante qu'elle offre. Mikasa veut vivre un moment qui leur ferait croire que la guerre, la souffrance et la mort ne sont que de lointains souvenirs, une journée qui leur ferait goûter à cette vie à deux dont ils rêvent.


Ce monde est sans pitié et seuls les forts et les victorieux ont le droit de survivre, elle le sait depuis longtemps. Mais ce qu'elle a appris aux côtés de ce jeune homme, c'est que si se battre est inévitable, il faut le faire avec un objectif en tête. La souffrance, la perte, le chagrin... Toutes ces épreuves s'affrontent en ayant ce rêve, cette obsession qui permet de tenir bon et de continuer à avancer. Elle ne sait pas combien de forces il lui reste ni si elle survivra à toutes ces batailles qu'il doivent encore livrer mais ça ne fait rien. Elle s'accrochera autant qu'elle le peut à son rêve, à cette envie d'une nouvelle vie qui serait simple et paisible.


Tout ce à quoi elle aspire c'est que ce jour soit le premier d'une longue liste.


Thomas de son côté ne sait absolument pas quoi dire, tout bonnement choqué par cette initiative. Elle lui apparaît soudain comme un joyau, une perle rare, une fleur bien plus resplendissante encore que toutes celles qui peuvent se trouver dans cette forêt vers laquelle ils se dirigent.


Peut-être que la justice existe, en fin de compte. Après toutes ces années sans connaître le bonheur ni une joie complète, il peut enfin toucher de nouveau ce sentiment du bout des doigts, grâce à elle.


Après environ trente minutes de marche et en suivant une route de terre battue, les deux amoureux pénètrent dans ce grand terrain boisé. Mikasa peut déjà entendre et sentir la rivière qui le traverse. Thomas l'emmène hors du chemin et la guide à travers la végétation. Quelques minutes plus tard le regard curieux de la jeune femme découvre un paysage magnifique lorsqu'ils passent ce rideaux d'arbres.

 

Ses yeux s'ouvrent grand, elle n'en a pas assez de deux pour admirer tout ce qui s'étend devant elle. Son expression enfantine résume tout à fait ce qu'elle ressent en cet instant : tout a l'air parfait. Le cadre, la personne en sa compagnie, la température, les odeurs...


Pendant qu'elle contemple la beauté des lieux, Thomas s'accroupit près d'un massif de pétunias blancs et bleus, comme il lui en avait parlé pendant la mission de reconnaissance. Il cueille une fleur et coupe sa tige en deux. Le brun rejoint ensuite cette grande enfant qui s'imprègne de l'instant.


Il pose une main sur une hanche de la jeune femme, l'autre se glisse contre elle pour tendre cette fleur qu'il impose à son regard. Quand ses yeux se baissent sur le végétal les couleurs lui font l'effet d'un électro-choc. Ce blanc pur, ce bleu qui tire vers l'indigo... La robe qu'elle avait quand elle était petite était exactement faite avec ces teintes. La coïncidence est frappante.


Elle se tourne lentement pour lui faire face avec ses yeux brillants et Thomas en profite pour glisser délicatement la fleur sur l'oreille gauche de la brune.


Parfaite. Dit-il en souriant tendrement.


Mikasa acquiesce en détournant le regard en direction de cette fleur logée dans ses cheveux.


Je ne parle pas de la fleur. Ajoute Thomas dont le sourire s'élargit.


Le regard de la jeune femme devient fuyant et elle passe une mèche de cheveux derrière son oreille par réflexe à cause de la gêne. Elle décide de se soustraire à ce sujet de conversation qui ne la met pas à l'aise et prend son sac dans les mains.


Je... J'ai amené de quoi grignoter... On pourrait se poser près d'un arbre..?


Il lui prend la main et la tire pour l'emmener plus loin.


A une centaine de mètres de là, vers l'Ouest, trône un arbre seul entre l'orée de la forêt de ce côté de la rivière et la berge verdoyante. Ils s'installent au pied de celui-ci, adossés à son tronc. Mikasa ouvre son sac et sort de quoi se rassasier.


Ils n'ont pas pris de petit-déjeuner avant de partir mais elle avait aussi prévu quelques pâtisseries à manger sur le grand bateau qu'ils ont emprunté pour venir ici.


Décidément tu as pensé à tout, c'est vrai que j'aurai pu penser à aller acheter quelque chose en ville avant de venir ici...


Elle ne l'écoute même pas se plaindre de lui-même et mange rapidement un petit quelque chose.


Une fois leur repas terminé elle se laisse tomber doucement sur le côté pour se coller à lui et se reposer sur son épaule, ses mains s'accrochent à lui et l'une d'elles fait le tour de son ventre.


Un long soupir de contentement se fait entendre.


Thomas tourne la tête pour l'admirer encore et remarque qu'elle a fermé les yeux pour profiter de ce qu'il partagent. Il lève une main son visage angélique pour en effleurer les contours du bout des doigts, de quoi la faire frissonner un peu et faire apparaître un léger sourire sur ses lèvres.


Je suis heureuse que ce jour-là un jeune homme inconscient ait préféré me donner sa monture plutôt que de fuir pour sauver sa vie. Si c'était à refaire je me ferai encore broyer dans la main d'un titan pour qu'il vienne de nouveau à ma rencontre... Dit-elle en s'affalant un peu plus sur lui.


Je... J'avais une dette envers toi. Répond Thomas.


Sa réponse la surprend et la déstabilise. Comment est-ce qu'il aurait pu avoir une dette envers elle alors qu'ils ne s'étaient jamais croisés avant cette poursuite ?


Tu ne t'en souviens sûrement pas... Mais tu m'as sauvé la vie, deux jours plus tôt, à Utgard. Explique-t-il.


Elle rouvre les yeux et les lève vers le jeune homme en fronçant. Effectivement, elle ne se souvient pas du tout l'avoir croisé à Utgard.


Tu te rappelles de ce titan qui sortait des décombres de la tour et qui rampait ?


Mikasa hoche la tête.


Quand tu l'as tué il s'apprêtait à bouffer quelqu'un, et ce quelqu'un, c'était moi.


La brune a soudainement des yeux ronds quand le souvenir de ce moment précis lui revient. Elle se souvient avoir vu ce titan qui n'avait plus de jambes qui attrapa au vol un soldat et l'amenait lentement mais sûrement vers sa grande bouche.


La vie qu'elle sauva à ce moment là était donc celle de Thomas.


Choc.


Voici la leçon du jour, voilà ce qu'elle apprend de cette révélation : chaque petit détail et chaque petite décision peuvent changer énormément de choses. Si elle avait simplement détourné le regard pour continuer sa course vers ses amis du 104e, il serait mort au château d'Utgard.


Elle n'aurait pas eu d'aide après que ce titan lui ai cassé les côtes pendant la poursuite, elle ne l'aurait pas observé pendant cette nuit où il rendit visite à Josh, il n'aurait pas intégré les escouades et elle n'aurait jamais appris son nom, ils ne se seraient jamais disputés pendant ces jours passés dans les montagnes, elle ne se serait pas préoccupée d'une autre personne que ce qu'il lui reste de famille et jamais elle n'aurait goûté à l'amour et tous ses bienfaits.


Tout ça s'est joué sur un seul instant, sur un simple coup de lames. Mikasa avait toujours pensé que ce qui les avaient liés était la décision qu'il prit de lui prêter main forte pour secourir Eren. Toute cette reconnaissance qu'elle éprouvait et voulait lui témoigner, au point qu'elle s'énerve contre lui parce qu'elle était en colère contre elle-même de ressentir cela pour quelqu'un d'autre qu'Eren...


Finalement c'est elle qui initia toute cette suite d'évènements entre eux qui ont menés à ce moment précis, là, sur les bords d'une rivière dont elle ne connait pas le nom, dans le district de Karanes, à être appuyée sur l'épaule de cet homme.


Mikasa se souvient alors de ce jour où elle était derrière Eren à le regarder observer la plaine qui s'étendait devant Trost. Elle s'imaginait revivre son enfance en imaginant comment sa vie se serait déroulée en retirant tout ce qui fut dramatique, s'efforçant de gommer les évènements qui ont mené à l'assassinat de sa famille.


Aujourd'hui c'est à l'exercice inverse qu'elle s'adonne. La jeune femme essaye de se représenter tout ce qu'il s'est passé depuis Utgard en enlevant Thomas du tableau. Est-ce que tout se serait passé de la même façon ? A quel point sa vie a influencée les évènements de ces trois derniers mois ?


Difficile de trancher, difficile de savoir si - sans lui - elle serait encore de ce monde à l'heure actuelle parce qu'il y a des choses qu'elle a faites et des moments qu'elle a vécu qui ont été conditionnés et encouragés par sa présence, comme dans cette forêt il y a quelques jours. S'il avait été tué à Utgard elle n'aurait jamais eu l'idée de partir seule à sa recherche et n'aurait pas été à deux doigts de se faire dévorer.


Après quelques secondes de blocage la conclusion est simple : ça n'a aucune importance que ce soit elle ou lui qui ait fait le premier pas, qui ait sauvé en premier l'autre. Autre chose lui saute aux yeux.


Donc tu as carrément accepté de mourir piétiné parce que j'ai tranché la nuque du titan sur le point de te bouffer, sans prendre le moindre risque ?


Je le présenterai pas comme ça mais...


Mikasa se met à rire entre nervosité et amusement.


T'es vraiment pas croyable...


Elle prend une grande et profonde inspiration en reprenant confortablement sa place contre lui et referme les yeux. Certaines choses qu'il a faites et certains mots qu'il a prononcés s'expliquent tout à coup mais elle ne veut pas y penser pour le moment.


Là, tout de suite, elle préfère se laisser bercer par tout ce qu'elle perçoit : la douce brise qui rafraîchit l'atmosphère, le son de l'écoulement de l'eau, l'odeur de l'herbe humide, la chaleur du corps de son brun et cette douce sensation de bonheur simple. C'est en laissant aller son esprit et ses sens à cette contemplation aveugle qu'elle s'endort.

 

Thomas s'en rend compte quand sa respiration devient caractéristique. Il tourne légèrement la tête et remarque qu'elle s'est endormie. Le jeune homme ne peut pas s'empêcher de sourire avec toute la tendresse que ça lui fait éprouver. Son regard se détourne pour se poser sur cette étendue d'eau agitée par un faible courant.







[ Quelques heures plus tard en fin d'après-midi - District de Karanes ]


Mikasa est - comme depuis qu'ils ont quitté la caserne de Trost - au bras de Thomas et ils marchent tranquillement dans les allées du cimetière de Karanes. Ils s'arrêtent devant une tombe particulière sur laquelle ils se sont déjà recueillis tous les deux.

La jeune femme lâche son compagnon qui se baisse pour déposer le bouquet de fleurs fraîchement cueillies.


Je suis sûr qu'elle t'aurait prise dans ses bras... Je ne voulais pas aller dans cette forêt seul, j'ai tout juste réussi à passer le petit pont la dernière fois. Il se redresse et se tourne vers Mikasa pour lui sourire avec des yeux larmoyants. Merci d'être là, merci d'être toi, merci de lui permettre d'avoir des fleurs sur sa tombe.


Mikasa reste silencieuse mais s'approche de lui pour déposer un baiser sur sa joue avant d'appuyer sa tête sur son épaule en caressant son bras.


Les heures passent et les deux tourtereaux sont allongés face à face dans un lit simple, un sourire béat aux lèvres alors qu'ils s'admirent mutuellement et sans un mot. Leurs deux corps nus frissonnent encore de leur union tout juste menée jusqu'à son bouquet final.


La chambre où ils se trouvent ne ressemble pas à un dortoir d'une caserne. Il y a des rideaux à la fenêtre, un petit bureau sur lequel un petit pot métallique et une lampe à huile qui n'a pas dû servir depuis longtemps sont visibles. Dans un coin de la pièce il y a quelques peluches de différentes tailles qui ont elles aussi de l'âge et de l'autre côté une armoire imposante.


Après avoir rendu hommage à la mémoire de Petra, ils sont allés chez Thomas pour rendre visite à sa mère et lui offrir le second bouquet qu'ils ont confectionné pendant l'après-midi. Tout ceci était l'idée de Mikasa qui voulait vraiment marquer le coup et prouver énormément de choses à son conjoint.


Vu la façon avec laquelle il la regarde, il n'y a pas à douter qu'elle a largement dépassé les attentes si toutefois il y en avait.


Cette surprise que tu m'as faite aujourd'hui... Je ne sais pas comment te remercier, je n'aurai même pas les mots... Murmure Thomas.


La jeune femme sourit malicieusement en se saisissant de la main gauche de son amant qu'elle approche de sa bouche pour embrasser son revers.


Pas besoin. Dit-elle seulement, faisant comprendre au brun que c'est elle qui le remercie avec cette journée qu'ils ont passé hors du temps, de la guerre, de tout.


Elle se retourne et vient se coller à lui. Il ne manque pas de l'enlacer et elle garde cette main contre son cœur, ses lèvres et son nez revenant se coller encore une fois sur ses doigts.


Cette journée est sans nul doute la plus belle qu'il lui ait été donné de vivre et elle s'est terminée en apothéose. C'est pour cela que Mikasa a un sourire indélébile aux lèvres.


Ils n'ont pas eu besoin de faire des choses extraordinaires. Leur simplicité et leur complicité mélangées à ces moments de tendresse suffisent amplement à combler son cœur d'un bonheur qu'elle n'aurait jamais espéré ni même imaginé. Six années pendant lesquelles sa vie fut en pause, seulement guidée par ce besoin plus fort qu'elle de protéger Eren et Armin. Aujourd'hui elle peut recommencer à vivre, elle peut sortir la tête de l'eau.


Son seul et unique objectif, maintenant, est de mettre un terme à cette guerre pour qu'ils puissent faire de cette journée leur quotidien.


La jeune femme aux cheveux noirs repense à ce moment où ils ont frappé à la porte de cette maison et que Teresa leur a ouvert, aussi surprise que heureuse de les voir.


Thomas ! Oh mon dieu, j'ai appris pour le mur Maria, on m'a dit que seulement quelques soldats du bataillon d'exploration s'en étaient sortis... Tu aurais pu m'envoyer une lettre pour que j'arrête de m'inquiéter, ingrat !


Je suis vraiment désolé maman mais tu sais on a été très occupés ensuite et...


Hep ! Pas un mot de plus jeune homme, je... Elle remarqua Mikasa et s'arrêta net en soupirant.


Bon, on en parlera plus tard... Bonjour Mikasa. Dit-elle en souriant poliment.


Bonjour madame Ralle... Répondit la jeune femme qui était toujours aussi intimidée face à la mère de Thomas. C'est... Pour vous.


Teresa ouvrit grand ses yeux en voyant ce bouquet de fleurs jaunes lui être tendu, la surprise se lut tout de suite dans son regard.


Oh mais... C'est très gentil de ta part, Mikasa.


Elle les a cueillis dans la forêt. Pour tout te dire je comptais passer cette journée de permission à dormir mais elle est venu me réveiller pour venir ici et te faire ce joli bouquet. Expliqua-t-il pour mettre en valeur sa compagne afin de la faire d'autant plus monter dans l'estime de sa mère.


Teresa s'avança alors pour faire une bise sur la joue de la brune afin de la remercier. Son geste suffit à faire rougir Mikasa qui ne savait plus où se mettre même si elle était particulièrement heureuse de l'effet produit. La femme d'âge mûr les invita à entrer. Après avoir fermé la porte elle se dépêcha de trouver un vase pour y mettre de l'eau puis le bouquet qu'elle posa au centre de la table du séjour.


Vous restez dîner et dormir cette fois ? Demanda-t-elle avec beaucoup d'espoir.


Thomas acquiesça en souriant et sa mère sembla véritablement heureuse à cette nouvelle. Elle marchait rapidement vers le couloir qui mène aux autres pièces de la maison mais avant de s'y engouffrer elle se retourna.


Euh... Elle s'éclaircit la voix. Je prépare combien de chambres, une ou deux ?


Elle n'est pas née de la dernière pluie et se doutait bien qu'il y a plus entre eux qu'ils ne veulent bien le montrer. Après tout c'est l'âge où l'on découvre toute sa puissance sexuelle, d'autant plus à l'armée où les effectifs sont mixtes et qu'il faut tuer le temps entre les entraînements. Teresa sait aussi que dans le bataillon d'exploration tous ces adolescents qui peuvent mourir d'un jour à l'autre profitent du peu de leur temps libre.


Mikasa eut l'impression de tomber dans un piège. S'ils répondaient une seule pour quoi allait-elle passer ? Mais elle ne se voyait pas non plus dire deux...


Une. Répond tout de suite Thomas qui n'hésite pas un seul instant.


Teresa eut un sourire en coin et reprit son chemin. Le jeune homme se tourna vers Mikasa.


Comme ça c'est officiel. Ajouta-t-il.



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