Le chant des étincelles

Chapitre 1 : À l'aube du monde.

4725 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/06/2021 18:58


Kei Hammerwald

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Ernst me suivait à la trace. J’entendais son puissant souffle lorsqu’il passait au dessus des immenses racines disséminées çà et là dans la forêt que j’arpentais. Je ne pouvais pas le voir mais seulement discerner sa présence. À vrai dire, je savais que ce n’était pas un problème car s’il m’arrivait de le perdre en court de route, il essayerait de renifler partout où il pourrait et trouverait mon odeur. Il lui suffirait de la suivre et je pourrais le retrouver et continuer notre expédition. Et, dans le pire des cas, il se mettrait à aboyer de toute ses forces pour que je puisse me situer dans cette jungle perdue entre les débris de maison et d’immeubles. 

Son doux pelage blond serait sûrement entaché par des dizaines de branches d’arbres et de feuilles qu’il faudrait longuement arracher une par une. C’était le prix à payer pour sortir de la maison, ça et le fait que je risquais de mourir à tout moment si je ne faisais pas attention à moi. Enfin Ernst était quand même un compagnon fidèle. Il ne me lâchait pas les semelles mais était tout de même assez discret pour ne pas me déranger au point que je parte sans lui. De toute façon je ne pouvais partir sans lui, la peur de mourir hors de mon abris étant trop grande, j’étais incapable de poser un pied dehors sans être à ses côtés. 

On en avait vécu des choses tous les deux. Il me réveillait en me léchant le visage et je le lavais de force. Il déteste l’eau. C’est contradictoire car quand il en sort j’ai l’étrange impression qu’il se sent mieux dans sa peau. Il court plus et adopte parfois une démarche de prince. Mais pour l’instant, il se salissait juste et engrangeait de plus en plus d’heures de bain. 

Petit à petit, son souffle s’estompa, comme s’il avait fermé la gueule et qu’il attendait quelque chose. Je m’arrêtais dans ma course en prenant soin de bien me positionner face au sol et me retournais. Je ne voyais dans cette forêt aux piliers de bois que deux petites perles resplendir malgré la pénombre. Ces petits yeux me regardaient et descendirent ensuite vers l’herbe. Ernst renifla deux fois le sol et trotta vers moi. Il me dépassa et continua sur mon chemin avant de légèrement aboyer. Je m’avançais presque attiré par une force inconnue vers mon camarade. Il avança à la même vitesse que moi et notre petite marche vers ce qu’il semblait vouloir observer se changea en course. Non pas une course amicale ayant pour but de s’amuser mais bien une course vers quelque chose de plus important. Certes, la situation prêtait à sourire et l’on aurait pu croire que nous renforcions simplement nos liens d’amitié, mais il n’en était rien. Je sentais dans la manière de bouger et dans les aboiements de plus en plus puissants de Ernst que quelque chose clochait. Et plus nous nous approchions de la petite lueur qui s’était formée entre deux arbres, plus je m’inquiétais pour ce que nous allions y découvrir. Je comprenais ce que Ernst voulait me dire. Je comprenais son appréhension. 


C’est au bout d’une dizaine de secondes que nous arrivâmes enfin à ce qui semblait être un espace formant un cercle de pelouse. À première vue, on aurait simplement pu croire que cet endroit était comme une plaine ronde mais un détail me chiffonnait. En son centre trônait un immense arbre à l’écorce brune. Ce pilier était sûrement la chose la plus longue que j’avais vu depuis ma naissance et la simple vision de ce dernier me donna des frissons. Il n’était pas droit mais comme légèrement gondolé à certains endroits et ses quelques branches étaient exclusivement postées en hauteur. Pour finir, les gigantesques racines se plantaient profondément dans le sol et laissaient apparaître au pied de l’arbre une entrée obscure mesurant au moins deux voire trois fois ma taille. 

Je plantais ma canne et restais un certain temps à contempler le spectacle qui s’offrait à moi. Ernst fit de même et s’immobilisa pour profiter de la vue. Nous restions tous les deux subjugués par cet arbre qui semblait sortir de n’importe où. Ernst le regarda longuement. 

Je ne savais pas pourquoi ni comment il était devenu si grand mais je savais une chose, il n’était pas là pour rien. Le trou béant qui me faisait face m’intriguait énormément mais il me faudrait ne pas l’approcher. En effet, un étrange sentiment de malaise et de peur se dégageait de cette antre et la simple idée de m’approcher de cette dernière me glaça le sang. 

Mon équipement lourd me ramena à la réalité par son poids et je su qu’il me faudrait faire quelque chose. J’observais alors la lumière du soleil enfin visible et j’en conclu qu’il me faudrait bientôt retourner au camp. De ma petite poche arrière de pantalon, j’extirpais un papier froissé de toute part et l’ouvrais. Sur cette carte dessinée par un crayon pourri, j’inscrivais ma position actuelle en y dessinant une petite croix. Je rangeais la feuille et le crayon et me tournais vers Ernst. Il était décidément subjugué par ce qu’il voyait et ne semblait même plus respirer. Je lui tapotais la tête.

-Hé, Ernst.

Il leva les yeux et me jeta un regard empli de terreur. Normalement il se serait mis à aboyer et à grogner mais pour le moment il se contentait de m’appeler à l’aide via ses iris. Je compris qu’il nous faudrait partir. Alors je tapotais une fois son crâne, le caressais doucement et repartais en sens inverse vers la forêt aux centaines d’arbres. 


****


Le retour fut aussi périlleux que l’aller, si ce n’est plus. Étrangement, j’étais facilement sorti de la forêt et, après m’être enfui de cet endroit en perdant une fois Ernst, nous devions faire face aux rivières déchaînées. À l’aller, l’eau était calme, si calme qu’elle faisait penser à une clairière. J’avais donc espoir qu’elle soit aussi tranquille cette fois-ci que la dernière fois et pourtant passer cette petite étendue d’eau fut un véritable défi. 

Ernst qui, par peur des torrents, ne voulait pas bouger, fut obligé d’être porté pour atteindre la rive. Alors je l’avais mis sur mes épaules et, malgré le fait que j’avais atteint récemment mes onze ans, je réussis à le transporter. Mais le plus dur ne fut pas de l’avoir sur les bras mais bien de résister à l’eau qui se mélangeait à mes petites bottes. Je ne comptais même plus le nombre de fois où, ayant voulu poser mon pied sur une roche, j’avais risquer de me blesser en glissant dessus à cause d’algues disséminées un peu partout sur les pierres. Je les maudissais plus que jamais. 

Nous avions finalement réussi à passer la rivière et nous nous dirigions vers les longues plaines vides. Elle étaient parsemées de gros bancs d’arbres aussi noirs que ceux de la forêt par laquelle nous étions sorti. J’avais lu dans certains livres que ces dernières abritaient il y a de cela trois cent ans des groupes de titans et qu’à la place des habitats ravagés se tenaient des murs d’une cinquantaine de mètres. Ces trois remparts protégeaient le peuple Eldien des titans et étaient nommés Maria, Rose et Sina. 

Passionné d’histoire, j’entretenais une certaine relation avec les livres racontant cette période. Je les achetais au petit commerçant qui déambulait dans les districts survivants. Je n’arrivais jamais à me souvenir de son nom mais ses longs cheveux blonds descendaient jusqu’à ses genoux et il se trimbalait un gros sac toujours rempli de vivres et d’ouvrages que je prenais un certain plaisir à dévorer lors de mes nuits blanches. 

Chaque livre différait d’un autre et finalement tous les témoignages étaient uniques, mais ceux que je préférais par dessus tous les autres étaient les « Mémoire d’un Héros » écrit par un certain Armin Arlert. Ils racontaient la guerre entre Eldia et Mahr de l’époque 845 jusqu’aux évènements du grand terrassement. Cependant, je n’avais pas encore tout lu, je venais seulement de commencer le deuxième tome sur quatre. 

Et ma curiosité était si poussée que j’allais jusqu’à rechercher dans les décombres des pièces ayant appartenues à d’anciens soldat Eldiens voire même à ramener des photos de famille trouvées par pur hasard. Elles étaient néanmoins très abimées ou même totalement illisible. 


Ernst me notifia de notre arrivée et se tourna vers moi, la gueule grande ouverte. Il me regarda. Je lui souris en retour et constatais que nous étions arrivés à destination. La ville ou du moins ce qu’il en restait me faisait face. Impatient de rentrer à la maison, Ernst se mit à courir dans les décombres que j’empruntais pour partir en expédition. Je le rattrapais en passant sous des bouts de fer découpés ainsi qu’en enjambant des piliers de bois totalement rongés par la pourriture. 

Je suivais quelques tunnels, évitais d’autres débris et arrivais finalement au ruines de Shiganshina. Le soleil se couchait doucement ce qui donnait au paysage une magnifique couleur orange. Les rayons s’éparpillaient partout et quelques personnes marchaient dans la rue. La place principale sur laquelle je me trouvais était très petite et seul une fontaine ainsi qu’une statue effondrée d’Armin Arlert y étaient entreposées. La fontaine à l’eau sale ne fonctionnait même plus et les trois passants qui marchaient se contentaient de l’esquiver sans même y jeter un oeil. 

Le reste des ruines de Shiganshina étaient remplies de maisons en tout genre. Grandes, petites ou biscornues, chacune semblait avoir son histoire. Alors que je profitais de la vue avant de rentrer chez moi, une voix claire m’interpella dans mon dos :

-Kei !

Je me retournais et découvrais le visage enjoué de mon ami d’enfance.

-Lewis ! m’écriais-je en me rapprochant, mon sac toujours posé sur mes épaules. Tu n’es pas chez toi ? Je croyais que tu étais chez les Boyle. 

-Non, je suis parti plus tôt que prévu mais Lyam m’a dit de revenir demain. 

Ses habits marron reflétaient la couleur des cheveux et de ses yeux. Son petit visage innocent me faisait étrangement penser à celui d’un héros d’histoires que l’on raconte aux enfants. Malgré son physique plutôt faible, son corps transpirait le courage à plein nez et le connaissant cette impression était plus que vraie. Il était toujours là pour me soutenir et c’est d’ailleurs grâce à lui que j’étais accompagné d’amis. Certes je n’en possédais que très peu mais ils étaient fidèles et aimables.

-Revenir demain ? Tu es sûr de vouloir y retourner ?

Je me tournais et me dirigeais vers le chemin menant à notre camp. Lewis me suivit automatiquement et répondit :

-Bien sûr pourquoi ? Tu sais bien que je profite de mes jours de repos. 

-Je sais, je sais mais…

-Mais ? 

Nous changeâmes de direction et je bousculais sans le faire exprès un homme au béret posé sur la tête et au journal coincé entre le bras et les côtes. 

-Regarde où tu marches tocard.

Je faisais mine de ne pas l’avoir entendu. Il racla sa gorge et reprit sa marche en grognant légèrement. 

-Mais quoi, Kei ? 

Mon esprit revint à la discussion. 

-Pardon ? Ah oui… Je t’en parlerais à la maison. 

-Comment ça à la maison ? Tu comptes m’inviter à dormir ? 

-Bah ça pourrait être sympa, non ?

-Ouais pourquoi pas… Surtout que ça fait un bail que j’ai pas vu ta maman. Elle fait une de ces salades, c’est incroyable !

-Ah bon ? Tu trouves ? Moi je l’aime pas beaucoup…

-À ta place je serais content d’en manger tous les jours.

Un silence régna. Je le brisais.

-Elle ne m’en fait pas tous les jours, tu sais. 

-Alors elle te prépare quoi pour les expéditions ? 

-Du pain, une pomme et quelques amandes.

-C’est tout ?

-Oui, moi ça me suffit. 

Lewis me regarda longuement. Il pensait que je mentais mais je le rassurais :

-Et parfois un peu de viande cuite.

-Ouf… J’avais peur que tu ne manges aucun animal. Sinon… Il faudrait que je demande à mamie pour savoir si je pourrais venir. 

-Vas-y maintenant alors.

Lewis hocha la tête et partit dans d’autres petites ruelles. J’arrivais ensuite à mon camp. En entrant dans la cabane m’étant destiné, je redécouvrais la salle principale. Une petite table et deux chaises en bois la composait. Le sol en pierre faisait mal au pieds et il nous fallait garder nos chaussures en entrant. Deux autres salles étaient reliées à celle-ci. L’une était la chambre de ma mère et l’autre était la mienne. 

-C’est toi Kei ? 

Maman me parlait de sa chambre. J’allais dans la mienne et y posais mon sac aussi lourd qu’une immense roche ainsi que ma canne et les autres babioles d’explorateur que je me trimbalais. 

-Oui.

Maman sortit de sa chambre et, sans même me regarder, se rapprocha de la sortie et dit :

-J’ai quelque chose de prévu ce soir, je vais bientôt partir. 

Cette phrase me fit longuement réfléchir. Quelque chose ? Quoi donc ? Maman n’ était pas du genre à me laisser tout seul à la maison, surtout le soir. Ou pouvait-elle bien aller ?

-Ah… Ah bon ? 

-Tu peux inviter ton amis Hanson si tu veux. 

Puis elle marmonna :

-C’est fou j’arrive jamais à retenir son prénom…

-Lewis. Il s’appelle Lewis Hanson.

Elle monta dans les tons. 

-Ah oui ! Lewis ! Et bien j’ai fait la salade dont il raffole pour ce soir. 

J’eu l’impression qu’elle avait écouté notre conversations lors de mon retour à Shiganshina. Ou avait-elle prévu que j’allais l’inviter ?

-Allez, à plus tard Kei !!

Elle flanqua presque la porte en bois et s’en alla. Étrange comportement venant d’elle. Mais bizarrement, je ne me posais pas plus de question et acceptais de pouvoir passer la soirée seul avec Lewis. 


****


En plus de Lewis s’était ramenée Lora, une fille que je connaissais depuis aussi longtemps que Lewis. Cette dernière et Hanson étaient plus grands que moi. Lewis avait un an de plus du haut de ses douze ans et Lora nous dépassait tous les deux avec ses treize ans. 

Tandis que je cherchais dans mon immense bibliothèque un livre parlant de cet arbre, mes deux camarades mangeaient et profitaient d’un délicieux poulet. Lora s’étant rajoutée au dernier moment à la soirée, il ne restait alors plus de nourriture pour moi. Ils profitaient alors tous les deux du repas alors que je cherchais inlassablement ce bouquin qui me donnerait des informations sur l’arbre. Je savais qu’il n’existait sûrement pas et que je me faisais des idées mais je me souvenais avoir vu dans un livre un dessin d’un arbre presque identique. 

-C’est si important que ça ce que tu veux nous faire voir ? demanda Lewis dans la salle principale. 

-On parle pas la bouche pleine, s’interposa Lora. C’est impoli. 

Un silence pesa et je savais que les deux se jetaient des regards noirs. 

-Oui… Je suis sûr de l’avoir vu dans un livre mais j’arrive plus à savoir lequel. 

-Et tu peux pas juste nous dire ce que tu cherches ? T’avais dit que tu m’en parlerais chez toi. 

-D’accord… Je suis parti en expédition aujourd’hui et j’ai découvert une sorte d’arbre dans un endroit très reculé d’ici. 

-Et donc ? Il a quoi de spécial ? 

-Il est immense. Sincèrement j’avais jamais vu quelque chose comme ça. Et il y a comme une fente au niveau des racines. 

-Attends… Tu voudrais que je viennes le voir avec toi demain, c’est ça ? 

-Oui… Je pensais qu’on pourrait y aller. 

Je sortais de ma chambre et observais les deux camarades dîner. Lora mangeait son petit dessert qu’elle avait ramené alors que Lewis continuait de rogner son pilon de poulet. Il leva les yeux de son assiette.

-Bah… J’ai dit à Lyam que j’irais le voir demain. Ce serait dommage que je vienne pas chez lui. 

-Mais on peut partir tôt comme ça on arrivera plus tôt là-bas et tu auras toute l’après-midi pour jouer avec lui. 

Lewis réfléchit à ma proposition et échangea un regard avec Lora.

-T’en penses quoi toi ? lui dit-elle.

Lora sourit doucement. 

-Ça pourrait être intéressant. J’ai toujours aimé la nature et ses paysages. En plus je n’avais jamais entendu parler d’un arbre aussi grand. Le paysage doit sûrement être magnifique là-bas. 

Elle me regarda et agrandi son sourire en fermant les yeux.

-Alors pourquoi pas !

Ses cheveux blonds lui arrivant aux épaules et ses yeux verts ainsi que son petit nez légèrement arrondi me firent effet. J’avais toujours pris exemple sur Lora. Elle me faisait rire et savait être sérieuse quand il le fallait. J’avais toujours essayé d’être aussi intelligent et malin qu’elle mais la relation que j’entretenais avec elle était décidément bien différente de celle que j’avais avec Lewis. J’aurais pu donner ma vie pour Lewis car il m’avait accepté comme j’étais et m’avait voulu comme ami alors que nous étions dans une situation difficile maman et moi il y a quelques années. Il s’était juste ramené et m’avait demandé si je voulais devenir son ami. Et depuis ce jour, je lui vouais un amour fraternel. J’aurais pu tout faire pour satisfaire ses caprices et ses envies et nous étions rapidement devenu les deux doigts de la main. J’avais comme été ensorcelé par lui et le destin faisait qu’il m’aidait toujours sans que je puisse lui rendre la pareille. Alors c’était décidé, je chercherais à tout prix à le remercier d’avoir voulu être ami avec moi. 

Tandis qu’avec Lora, la rencontre fut plus simple. Elle était juste une amie de Lewis et je l’avais rencontrée quelques jours après ce dernier. Et pourtant, je ne ressentais pas la même chose pour les deux, comme si ma reconnaissance était avant tout allée vers la première personne m’ayant aidé : Lewis Hanson. 

Mais mes sentiments pour Lora étaient bel et bien différents. Je ne lui devais rien et pourtant l’alchimie marchait également entre nous et en quelques jours, Lora et moi étions déjà très amis. 

Et chaque fois que je la voyais ou que je l’entendais parler, je sentais en moi cette profonde sensation que je ne saurais décrire. 


Lewis soupira par le nez et mangea à nouveau un bout de son pilon. Puis il l’avala et confirma :

-C’est décidé, je viendrais avec vous. Mais tâche de nous réveiller à l’heure.

-Bien sûr.

Je débarrassais leurs assiettes et ils s’installèrent dans ma chambre pour dormir jusqu’au petit matin. 


****


La nuit passa et le coq chanta. Étonnamment, Lewis s’était levé un peu plus tôt pour vérifier si l’on ne ferait pas la grasse matinée. Heureusement pour nous, nous étions réveillés à temps et nous nous étions préparés afin d’arpenter les longues plaines. 

Ernst restait aux ruines de Shiganshina afin de ne pas avoir à se réveiller plus tôt, surtout qu’il était revenu lessivé de la dernière expédition et je n’étais pas assez sadique pour le forcer à refaire le chemin. Il faisait encore nuit lorsque nous partîmes et nous dûmes nous munir de petites torches afin d’éclairer le chemin en terre. Je n’avais pris que ma canne et ma pêche et fait d’ailleurs passé ma canne à Lora. 

Le soleil se leva enfin lorsque nous nous approchâmes de la rivière. Nous la passâmes sans trop de problèmes par rapport à hier et nous arrivâmes finalement à la forêt. Les torches nous furent encore une fois utiles et nous découvrîmes que des centaines de petites bêtes vivaient çà et là dans les bois. 

-Dîtes… Vous vous rappelez du jour où on est parti en mission pour la première fois ? demanda Lewis calmement alors qu’il marchait à ma droite. 

-Euuuh… C’était il y a quatre ans non ? répondit la voix de Lora à ma gauche. C’était pas ma première fois, ni la tiennes d’ailleurs, Lewis. 

-Certes mais c’était la première fois de Kei. Je me vois encore le rassurer tant il avait peur d’aller au delà de Shiganshina. 

Je restais stoïque et continuais de marcher sans dire un mot, faisant mine d’être concentré sur le chemin. 

-Et moi je me souviens encore de la tronche que t’avais tiré quand t’avais su que Kei rejoindrait la Brigade de conquête. Hein, Lewis ? 

-Ouais bah j’étais content, c’est tout…

Lora me fit une grimace recréant à la perfection le visage de mon ami. Elle faillit me faire rire mais ce fameux sentiment me rattrapa et je senti que mes joues devenaient peu à peu rouges. Elle me fixa et baissa ensuite les yeux vers le sol herbeux. Je fis de même. 

Nous marchâmes encore une vingtaine de minutes lorsqu’enfin, la lumière fut visible entre les branches. Je pointais du doigt le halo.

-C’est bon, on est arrivés !

Les deux camarades se mirent à courir vers la sortie et s’arrêtèrent net. Je me tenais, après quelques secondes de marche, entre mes deux compagnons. Il fixaient avec des airs ébahis l’arbre nous faisant face. Lora poussa un petit gémissement non contrôlé tandis que Lewis restait silencieux, la bouche grande ouverte. 

-Alors ? Pas mal hein ?

-Tu… Tu avais raison, Kei… chuchota Lora.

Lewis avança doucement sans dire mot. Soudain, un petit craquement se fit entendre dans notre dos. Il semblait venir de la forêt. Je me retournais instantanément et discernais dans l’obscurité des piliers de bois deux étranges reflets du soleil. Je savais ce que ces ombres signifiaient. Et mes soupçons furent confirmés lorsque j’entendis une personne braquer son arme vers nous. Les deux individus sortirent de la pénombre et montrèrent leurs visages. Les deux étaient munis de fusils d’assaut dont les canons étaient pointés vers nous. Ni Lora ni Lewis n’avait remarqué leur présence. Les hommes restèrent quelques secondes dans cette position et décidèrent de communiquer.

-Ackerman ? dit l’un d’eux. 

Lora se retourna et à la vue d’hommes armés, plaqua sa main gauche sur ses lèvres pour ne pas crier et les fixa longuement. 

-Qu… Quoi ? 

-Vous… Êtes Ackerman ? questionna l’autre. 

Leurs équipement semblaient bien plus avancés que le notre, ce qui signifiait que ces hommes étaient ceux que nous avions apprit à fuir si une confrontation avait lieu hors de Shiganshina. Ces soldats… c’était des Mahr. 

Lewis se retourna à son tour et resta immobile. Lora échangea un regard avec moi et je compris dans sa manière de me regarder qu’elle était pour la fuite. Je hochais alors la tête. 

-Êtes-vous Ackerman ?! hurla le premier. 

De ses doigts, Lora compta jusqu’à trois. Lorsqu’elle referma totalement sa main, elle se précipita vers Lewis et beugla :

-FUYEZ !!!

Je m’exécutais et usais de mes talents de coureur afin de fuir le plus vite possible. Je n’avais jamais couru à une telle vitesse. Elle fut telle que j’atteins l’arbre en moins de deux secondes. Je jetais un petit regard derrière moi et, voyant que les hommes hésitaient à user de leurs armes, je continuais à courir. J’avais également remarqué que Lewis et Lora s’étaient rapprochés de l’arbre.

Dans la fuite et dans le stress, je mis du temps à m’en rendre compte mais plusieurs coups de feu furent tirés. Suite à l’un deux un puissant mugissement retentit et le cri s’interrompu en devenant de plus en plus faible, comme s’il tombait dans un trou. Enfin, un énorme bruit de flaque d’eau résonna dans l’écorce du mur. Avant que tout explose, Lewis s’égosilla :

-LORA !!

Un bruissement accablant nous explosa les tympans et je fus projeté par un souffle brulant. Je m’écrasais violemment contre le sol, roulais plusieurs fois sous la puissance du vent dévastateur et ouvrais finalement les yeux. Devant moi se dressa un colosse dépassant la taille de l’arbre ayant désormais disparu. Du moins c’est ce que je croyais puisqu’il s’écrasa sur une partie de la forêt, laissant place à l’imposant homme gris. Des cheveux blonds touchaient ses épaules et de longues cornes sortaient de ses épaules formant un arc de cercle autour de son crâne squelettique. Ses bras formaient d’imposants pics aussi pointus qu’une lame de rasoir et il possédait un torse dénué de sein mais à la musculature visible. D’autres cornes sortaient de sa nuque et de ses pieds. Enfin, une épaisse fumée sortait des trous de ses yeux er de sa mâchoire. 

-L… Lora… ? marmonnais-je de peur. 

Mon regard se porta sur les deux soldats Mahr. Ils semblaient autant voire même plus effrayés que moi et se mirent à vider leurs chargeurs sur la peau dure comme la pierre du titan. Ils tentèrent de recharger mais se retrouvèrent sans minutions. Ils se mirent à crier tout en appuyant sur un petit engin rectangulaire placé sur leurs torses mais ne semblaient toujours pas plus calme. Le géant se retourna vers les Mahr et leva son bras en pic. Dans un mouvement extrêmement lent, il assena un coup destructeur aux deux hommes. L’impact fut si fort que je pu sentir le sol vibrer. Le bout du pic ayant touché les soldats prit une teinte rouge et leurs armes furent totalement détruites sous le poids du bras du titan. Il ramena finalement son bras vers ses côtes. Après quelques secondes d’inactivité, ses genoux se plièrent et touchèrent le sol. C’est ensuite tout le reste de son corps qui s’écrasa sur les arbres aux alentours. 

J’avais sous les yeux la preuve qu’Eldia se battrait encore et toujours. 

-C’est toi… ? Lora… ?









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