Reconstruire

Le jour se levait à peine, et une douce odeur de café flottait dans l’appartement d’Hanji. 

Attendue une heure plus tard, elle émergeait doucement en faisant tinter une cuillère alternativement contre les parois de sa tasse, l’air fatigué. Cela faisait maintenant deux mois que le bataillon d’exploration avait empêché l’extinction de l’humanité, un mois qu’Hanji avait pu reprendre sa vie suite à ses blessures. Après avoir frôlé la mort de si près, elle se demandait toujours parfois si tout cela n’était pas un rêve. 

Le monde était enfin en paix. Des accords ont été signés, garantissant aux habitants d’Eldia de reprendre une vie tranquille. En échange, les Eldiens se devaient de récolter et d’exporter une partie des ressources rares de l’île à faible coût aux pays ayant essuyé de lourdes pertes lors du grand terrassement et ce, pour les 5 prochaines années. Un maigre prix à payer pour l’atrocité commise qui se justifiait par la faute partagée des différents peuples. 

Également, ces traités de paix furent assurés de continuer à moins qu’un possesseur d’un titan ne montre une quelconque agressivité. Il était sans dire que le gouvernement d’Eldia avait pris les mesures nécessaires à ce que cela ne puisse pas se produire. Des représentants internationaux étaient également présents en permanence dans des nouveaux bâtiments appelés « ambassades » afin de garantir cette surveillance ainsi que de permettre des relations commerciales et diplomatiques pérennes. 

Repensant à ces dernières mesures, Hanji laissa échapper un léger soupir de soulagement. La paix, le sourire sur le visage des Eldiens venant à sa rencontre pour la remercier une énième fois, le rire insouciant des enfants agissaient pour elle comme un baume lui permettant d’oublier la douleur. La douleur lancinante de ce bras entièrement brûlé et de ces autres membres en cours de guérison. La douleur liée à la perte de tous ces êtres qui lui était si chers, des camarades s’étant battus vaillamment et qui auraient mérité eux aussi tous ces remerciements. Etre en vie était un miracle donnant un goût amer au rêve de cette réalité. Hanji s’était retrouvée à deux doigts de rendre l’âme, non loin du champ de bataille décisif, le corps brûlé à différent degré. Dans sa chute, elle avait réussi dans un dernier effort à utiliser son équipement de manœuvre pour ne pas s’écraser au sol mais n’avait néanmoins pas pu éviter la chaleur émanant des titans. 

Rescapée miraculeuse, Hanji avait ensuite suivi un intense traitement contre ses brûlures grâce à des techniques étrangères avancées. A force de puissants onguents, la majorité de ses blessures se sont vite améliorées. Seul son bras n’avait lui pas pu être complètement sauvé, lui procurant toujours des douleurs au moindre mouvement ou frottement. 

Son quotidien était loin d’être facile. Il lui fallait maintenant apprendre à effectuer l’ensemble des tâches autrefois si naturelles avec son seul bras valide. S’habiller, se laver, s’attacher les cheveux, faire la vaisselle, cuisiner… Tant de choses qui nécessitaient à présent pour Hanji une grande concentration et lui valaient parfois de petits accidents. 

Son regard se posa sur une coupure visible sur le haut de son pied droit, résultat d’une assiette cassée la veille. 

« Il est temps de se préparer... Je vais encore être en retard. »

Hanji avala d’une traite son café déjà tiède et se dirigea vers sa chambre pour s'asseoir sur son lit, près de la table de chevet. Elle tendit le bras pour y attraper un pot d’onguent tout en grimaçant à l’idée de ce qui l’attendait. Sans perdre de temps pour autant, Hanji commença à appliquer la pommade verdâtre le long de son bras. La douleur devenait de plus en plus supportable de jour en jour et l’application de l’onguent lui permettait d’être soulagée pour une bonne partie de la journée. De toute façon, Hanji ne se permettait pas de se plaindre, elle qui avait la chance d’être en vie. Elle enchaîna rapidement en entourant d’une bande l’ensemble de son bras, puis enfila des vêtements confortables préparés la veille. Finalement presque à l’heure, elle sortit de son appartement et rejoignit son lieu de rendez-vous en pressant le pas. 

Tous les matins, Hanji était attendue avec l’ensemble des forces militaires pour se rassembler à la base principale de la reconstruction aux abords du centre-ville. Cette nouvelle base avait été érigée suite à la victoire de l’humanité dans le but d’aider Eldia à se reconstruire. Cette base permettait également l’organisation de la récolte des ressources vouées à l’exportation. 

Une fois arrivée, Hanji fut comme à son habitude invitée à partager aux recrues de ses équipes quelques mots d’encouragement ainsi que leurs tâches pour la journée. Suite à de longues discussions pendant son absence lors de son hospitalisation, Hanji apprit qu’il fut décidé de renommer l’ancien bataillon d’exploration en bataillon de reconstruction. Même si la délimitation des tâches restait encore assez vague, la plupart des recrues étaient assignées à des travaux de construction d’infrastructure et d’aide à la population. Certains gradés étaient eux assignés aux managements des sites de production de ressources, à des tâches liées aux relations internationales comme l’escorte de haut placés. D’autres, comme Hanji, étaient majoritairement impliqués dans la recherche. 

Après s’être occupée de ses corvées matinales, la scientifique avait quartier libre pour ses recherches, avec une petite équipe attribuée. Avec les nouveaux outils mis à sa disposition par les échanges internationaux, Hanji était désormais capable de mener de plus amples expériences, notamment en biologie. Bien loin d’avoir satisfait sa passion pour les titans, elle s’acharnait désormais à étudier au plus près le sang du peuple Eldien, en le comparant notamment au sang des populations étrangères. Pour cela, elle avait demandé tout précisément à ce qu’Onyankopon se retrouve dans son équipe. En plus de son apport sanguin, il s’était toujours montré d’une grande intelligence et prêt à apporter son aide à la scientifique. Un parfait assistant en somme. Bien sûr, Onyankopon avait accepté ce poste, lui-même intéressé par le sujet de recherche. Après tout ce temps passé sur l’île du paradis, il n’avait plus envie de retourner dans son pays. Ses nouveaux amis étaient tous Eldiens, il aimait particulièrement son poste et l’île n’était pas une mauvaise destination pour s’installer. Avoir la chance de travailler avec sa meilleure amie Hanji était un plus. 

L’après-midi était déjà bien avancée alors que la scientifique poussa un long soupir, le regard dans le vague. 

« Un problème Hanji ? »

Surprise par la voix masculine qui venait de retentir derrière elle, la concernée se retourna pour répondre, tentant un large sourire. 

« Tout va bien Onyankopon ! Toutes ces recherches m’ont fatigué et je n’ai pas pu m’empêcher de soupirer en anticipation à la soirée commune de ce soir. Je sens que les jeunes recrues vont encore déborder d’énergie et nous poser milles questions sur notre ultime bataille. »

« C’est vrai. C’est difficile de se remémorer ces moments… Je comprends que ce soit pour eux une histoire héroïque. Mais pour nous, c’est un récit parsemé de la mort d’être chers… En dehors de ça, ces soirées sont de bonnes distractions non ? Toujours mieux que de rester seul chez soi à ressasser le passé. »

Hanji sembla réfléchir un instant avant de répondre.

« Tu as raison. Je dirais même qu’on s’amuse plutôt bien. Voilà, maintenant j’ai hâte d’y être grâce à toi ! »

La scientifique se mit à rire bruyamment comme à son habitude, déposa une tape amicale sur l’épaule de son ami et sorti en glissant un enthousiaste « A ce soir ! » à l’ensemble de l’équipe présente dans le laboratoire.

Il restait deux heures avant la soirée prévue, laissant largement le temps à Hanji de rentrer se préparer. « Se préparer » était un bien grand mot, tout juste allait-elle peut être prendre le temps de se débarbouiller et échanger son uniforme pour une chemise et un pantalon noir. Elle aurait pu s’arrêter en chemin acheter une nouvelle tenue, maintenant que les boutiques de mode commençaient à se multiplier en centre-ville. Mais Hanji n’avait même maintenant pas le moindre intérêt pour ce genre de choses. Peut-être aurait-elle pu faire un effort dans un élan de séduction ? La scientifique savait que l’apparence était un critère important dans le processus. Pourtant, elle ne voyait pas l’intérêt de déguiser qui elle était le temps d’une soirée. Après tout, qui allait-elle berner ? Une nouvelle recrue dans ses âges qui s’en irait en courant après avoir découvert la vrai Hanji ? Aucun intérêt de son point de vue. 

Le temps d’un instant, ses pensées se concentrèrent sur son camarade Levi. Bien qu’elle n'aimait pas trop y penser, il était indéniable qu’Hanji n’était pas indifférente au charme du brun. Ils n’avaient pas beaucoup rediscuté suite à la victoire de l’humanité, chacun occupé par leurs activités respectives. Et puis il y avait aussi ce sentiment d’embarras planant lors de leurs échanges. Après tout, Hanji avait émis l’envie de fuir ses responsabilités pour vivre en reclus dans la forêt avec Levi. Si elle n’avait pas exprimé ses sentiments, s’ils ne les avaient pas entendus, leur relation aurait pu rester comme avant. 

Hanji expira un long soupir à nouveau. 

Le fait même qu’ils n’aient jamais rediscuté de cette déclaration était une réponse en tant que telle. Hanji savait qu’il était impossible que Levy accepte ses sentiments, encore moins qu’il les partage. Elle était l’exacte opposé de ce qu’elle pensait être son type de personne : bruyante, négligée et passionnée (pour ne pas dire folle).  Un sentiment de tristesse s’empara de la scientifique comme à chaque fois qu’elle repensait à son camarade. Comment pouvait-elle être triste pour une telle chose ? Il n’avait pourtant jamais été question pour Hanji d’admettre l’amour dans sa vie. Elle n’en avait jamais eu le temps, et rarement l’envie. Tout du moins, c’est ce qu’elle avait toujours pensé. Jusqu’à ce que les mots lui échappent, dans ce moment de faiblesse où elle avait eu peur de le perdre. 

Hanji se mit à courir en direction de chez elle, dans une ultime tentative pour chasser ses idées noires. Comment pouvait-elle ressentir de la tristesse, des remords ? Alors qu’elle avait la chance d’être en vie.

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Ce chapitre est également disponible en fanfiction audio sur ma chaîne youtube : https://www.youtube.com/channel/UCknebsdhXZcw_wloiFjwJYA

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