My Beautiful Beast (LevixEren)
Chapitre 2 : When the Hoolingan meets the little Beast (part 2)
5776 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 10/11/2016 08:10
My Beautiful Beast
Chapitre 2: When the Hooligan meets the little Beast (part 2)
Eren ouvrit les yeux d’un coup.
Il voulut se redresser mais un vertige lui fit retomber la tête sur le coussin où on l’avait placée. Il poussa un grognement de douleur. Il avait l’impression que son crâne avait été fendu en deux. Le coup de pied qu’il avait laissé sa première victime lui donner dans le ventre (pour que l’homme baisse sa garde) avait dû lui fêler quelque chose. Sa lèvre supérieure était blessée sur la droite et il était sûr qu’il avait des bleus sur absolument tout le corps.
Mais ces blessures n’étaient rien. La douleur, il y était largement habitué.
Ce qui l’inquiétait, par contre, c’était l’endroit où il se trouvait. Il s’efforça de tourner la tête, histoire de détailler son environnement. On l’avait installé sur un canapé, plutôt confortable, assez ancien. Il se trouvait dans une sorte de salle de repos ? Des vestiaires étaient placés contre les murs blanc cassé. Le sol était carrelé en damier noir et blanc. Une vieille table de bois trônait au milieu de la pièce et assis sur l’une des quatre chaises qui l’entouraient, un garçon. Probablement un adolescent. Leurs regards se croisèrent. Lorsqu’il plongea les yeux dans les lagons bleus d’acier de son vis-à-vis, les derniers souvenirs d’Eren refirent surface.
Pris de panique, il tenta brusquement de se relever.
En deux secondes, la main puissante du garçon était venu le plaquer brutalement contre le canapé : « Hey gamin, je ne suis pas un expert, mais je pense que tu t’es fêlé une côte…Tu ferais mieux de te tenir tranquille. » Le cœur d’Eren battait la chamade. La voix profonde et grave de l’adolescent, conjuguée à son visage impassible et l’absence de toute émotion dans son regard, lui envoyaient tous les signaux du danger imminent. On lui ordonnait de ne pas bouger. Eren se figea et serra les dents. Si seulement il avait encore sa barre de fer…L’adolescent l’observa un instant puis poussa un soupire : « Respire au moins… » Eren reprit son souffle. L’adolescent cessa de lui enfoncer l’épaule dans le canapé et partit chercher une chaise pour se rapprocher. Eren remarqua la trousse de secours ouverte sur la table et se rendit compte qu’il avait été soigneusement rafistolé de partout.
Est-ce qu’il l’avait soigné ? Après l’avoir assommé ? Pourquoi ?
Eren lui lança un regard méfiant alors qu’il s’installait sur la chaise qu’il avait placé à côté du canapé : « Alors…vu que je t’ai sauvé la vie, tu ne penses pas que tu me dois au moins quelques explications… » Eren n’avait absolument aucune envie de lui en fournir la moindre. Après tout, qui était assez bête pour faire confiance au type qui avait envoyé au tapis un homme armé avec coup de pied retourné avant de l’assommer avec la crosse d’un revolver ? L’adolescent gronda : « J’te cause gamin ! Essaye pas de me faire croire que t’es muet où j’te jure que je vais t’arracher la langue ! » La menace le fit frissonner. Adolescent ou non, ce garçon devait être sérieux. Eren lui lança un regard noir : « Pourquoi tu m’as soigné si c’était pour m’arracher la langue ? » Pendant une fraction de seconde, l’adolescent parut surpris de l’entendre répliquer.
Un rictus lui fendit les lèvres et immédiatement, Eren regretta son petit acte de bravoure. Il tenta de se faire tout petit.
L’adolescent déclara : « Je m’appelle Levi, comment tu t’appelles morveux ?
- Eren… » Eren s’était entendu répondre avant même d’avoir pensé à le faire. Et encore une fois il regretta. Pourquoi venait-il de lui révéler son vrai prénom ? Levi soupira : « Eh bien, Eren, les types que t’as salement amoché dans ma ruelle, sont des gars très dangereux. Tu as une idée du merdier dans lequel tu t’es fourré ?
- Je sais qu’ils sont dangereux. C’est pour ça que je voulais les tuer. Pour qu’ils ne puissent plus jamais faire du mal à quelqu’un… » Eren aurait voulu ajouter que par la faute de ce ‘Levi’, il n’avait pas pu mettre son plan à exécution mais son petit doigt lui avait dit qu’accuser son ‘sauveur’ n’était pas une bonne idée.
Levi haussa un sourcil : « Tu as quoi ? Quatre ans ?
- Cinq ans et demi !
- Et tu parles de meurtre ?
- Ils méritaient de mourir. » Eren tremblait.
Il se souvenait encore de ce soir où sa mère était rentrée à la maison, sous le choc, les vêtements en lambeaux. Carla Jäeger était une femme forte. Très forte. En dépit de son travail d’hôtesse dans un bar, elle était une excellente mère et mettait un point d’honneur à ce que son fils ait tout ce qu’il lui fallait quand il le fallait. Nourriture, tendresse, vêtements chauds, médicaments… Mais ce soir-là, elle n’avait pas réussi à masquer sa détresse. Ni même à quel point elle était blessée. Elle s’était dirigée dans la salle de bain d’un pas tremblant avant de se débarrasser de ses vêtements, d’allumer la douche et de se recroqueviller dans la baignoire où elle avait éclaté en sanglots.
Eren lui avait posé une tonne de questions, les larmes aux yeux. Sans savoir ce qu’il se passait exactement, il avait compris que quelque chose de très grave était arrivé. Comme sa mère n’avait fait que pleurer, sans jamais lui fournir la moindre réponse, il avait fini par ravaler ses propres pleurs. Puis il avait soigneusement aidé sa mère à se nettoyer avant de maladroitement soigner ses blessures. Il se souviendrait à jamais des marques qu’il avait vues sur son corps. Et il n’oublierait jamais le sentiment d’impuissance qui lui avait étreint le cœur. Il s’était juré de la protéger. Il était son seul et unique allié. Il devait la protéger comme elle l’avait toujours fait pour lui.
L’enfant s’était donc mis à la suivre jusqu’au travail, impossible de s’en séparer. Carla s’était excusée auprès de sa gérante. Une drag-queen barbue, qu’ils appelaient tous Mama et qui était immédiatement tombée sous le charme des ‘merveilleuses émeraudes’ qu’étaient les pupilles du bambin. Eren avait donc passé ses soirées au club et escorté sa mère jusqu’à leur domicile tous les soirs pendant deux mois. Mais quand il avait commencé à s’endormir en classe et que Carla avait été convoquée par son professeur, la mère et le fils avaient été obligé de conclure un arrangement.
A partir de ce jour, Eren n’avait l’autorisation de venir jouer le chevalier servant que deux fois par semaine, le mardi et le vendredi soir. Il savait que sa mère n’acceptait qu’il l’accompagne que parce qu’elle pensait qu’il s’agissait d’un bon moyen de le rassurer. Depuis son agression, elle avait un mal fou à savoir comment gérer le bien être émotionnel de son petit garçon. Et elle aurait sans doute préféré ne jamais lui donner le moindre aperçu du monde dans lequel elle était forcée de gagner sa vie. Eren avait senti sa détresse et avait donc acquiescé à la proposition, pour qu’elle se sente mieux.
Mais il avait tout aussi vite pris l’habitude de se faufiler dehors, afin discrètement venir l’observer pendant tout son trajet de retour, armé de sa fidèle barre de fer. Ils habitaient au rez-de-chaussée d’un très vieux complexe d’immeubles, il lui suffisait de repasser par la fenêtre de sa chambre laissée entrouverte pour se glisser dans son lit et faire comme si de rien n’était avant que sa mère ne vienne vérifier s’il dormait bien. La vieille voisine censée le garder pendant une partie de la nuit était limite gâteuse et ne pouvait le différencier dans le noir d’un tas de coussins savamment agencé. Sa parfaite organisation lui avait permis de jouer son rôle de gardien à la perfection…du moins jusqu’à cette nuit.
Un soir, ‘ils’ étaient venus au club. Et quand Mama les avaient jeté dehors en leur disant d’un ton menaçant qu’ils avaient tout intérêt à ne revenir que lorsque ‘Carlita’ (le surnom de sa mère dans le monde des hôtesses) ne serait pas présente, ajoutant qu’elle avait déjà prévenu leur patron de ce qu’il s’était passé la dernière fois (ils avaient bien entendus niés en bloc sans prendre la peine de paraître convainquant), Eren, dissimulé derrière la poubelle qui lui permettait de voir quand sa mère quittait l’établissement, avait immédiatement compris. Ces hommes étaient ceux qui avaient fait du mal à sa mère. C’étaient eux qui devaient hanter les cauchemars qui les réveillaient tous les deux quand elle se mettait à hurler, seule dans son lit au beau milieu des nuits où elle ne travaillait pas. C’était de leur faute si elle tremblait lorsqu’elle lui tenait la main en l’emmenant à l’école. Si elle ne souriait plus comme avant, si son regard était terne et fatigué.
Il s’était juré de le leur faire payer. De faire en sorte qu’ils ne puissent plus jamais leur faire de mal. Jamais.
Et c’était ce qu’il avait bien failli réussir ce soir… « Ils ont fait du mal à ma mère ! Ils méritaient de mourir ! Maintenant, comment je vais faire pour les tuer ? Ils se méfieront de moi ! » Eren pleurait à chaudes larmes. Il ne savait pas s’il s’agissait de larmes de rage ou de tristesse ou d’angoisse, et à vrai dire, il s’en contrefichait. Il avait surtout envie de hurler et de frapper dans quelque chose. Est-ce qu’il venait de mettre sa mère en danger ? Au moins, il avait pu faire en sorte qu’elle rentre saine et sauve ce soir…La nuit où Eren avait surpris les regards que ces trois hommes avaient posé sur Mama, bien que celle-ci ait tout fait pour paraître menaçante, il avait compris qu’ils allaient essayer de recommencer. Qu’ils allaient à nouveau faire du mal à sa mère. Et il avait eu raison. Il lui avait suffi d’attendre qu’ils reviennent au club un soir où Carla travaillait…Temps pendant lequel Eren s’était entraîné, avait élaboré un plan… Et maintenant, tous ses efforts étaient réduits à néant…
La voix de l’adolescent le sortit de ses pensées : « Ta mère…c’est une hôtesse dans le club du coin ? » Il acquiesça un peu trop vivement et fut prit de vertige. L’adolescent lui soutint le dos : « Doucement… » Au contact de cette paume, l’enfant se dit que Levi avait la main bien plus large qu’il ne s’y était attendu, compte tenu de sa stature…. Levi demanda : « Pourquoi est-ce que tu n’es pas aller voir la police ? » Eren eut l’air parfaitement pris au dépourvu : « La police ? » Il avait répété le mot comme si l’idée même était aberrante. Si Levi avait parlé d’une licorne ailée ayant le pouvoir de transformer tous les vilains en sucrerie, l’enfant aurait sans doute eut exactement la même expression.
Ici, dans les bas fond de Shinganshina, la police n’était considérée que comme un gang de plus parmi les autres.
L’adolescent poussa un soupire : « Dorénavant, si ces types t’embêtent prévient moi. » L’enfant parut encore plus incrédule : « Pourquoi ? » Levi s’évertua de ne pas avoir l’air aussi agacé qu’il l’était en réalité : « Parce que je suis de la police. » Oui, enfin, il était encore en apprentissage, mais ça revenait plus ou moins au même, non ? Eren rétorqua : « Les policiers sont des trous du cul.
- Hey ! Surveille ton langage ! » Le gamin sursauta et Levi reprit : « …Même si j’aurais dit exactement la même chose que toi à ton âge ! Je ne suis pas un flic comme les autres, je suis un super flic !
- Mais t’es pas un adulte…
- Et alors ? Mon âge ne compte pas, tu as oublié que j’étais un super flic ?
- …et puis t’es tout petit… » Levi lui asséna une claque à l’arrière du crâne avant de se rendre compte que ce n’était peut-être pas une bonne idée (le gosse pouvait très bien avoir une commotion cérébrale sans que Levi n’en sache rien…) Eren grimaça de douleur et porta les deux mains à l’arrière de son crâne : « Aïe ! ».
Un gargouillis particulièrement bruyant attira leur attention.
Eren rougit et descendit les deux mains sur son ventre, évitant de regarder Levi en face. Après l’avoir fixé un moment, l’adolescent se redressa : « Ne bouge pas sale mioche, ou je te jure de te retrouver et de te faire la peau… » Il quitta la salle. Eren s’assit et observa un peu mieux la salle où il se trouvait. C’était peut-être un sous-sol. Il n’y avait qu’une porte, celle par laquelle Levi était sorti. Et derrière des escaliers semblaient mener à la surface. Eren se souvint de l’uniforme que portaient l’adolescent, un pantalon noir, une chemise blanche et un veston. Quel genre de métier exerçait Levi ? Quel âge avait-il ? Ses pensées se focalisèrent sur son drôle de sauveur. Il avait mis un homme tapis d’un seul coup de pied et il bougeait drôlement vite…est-ce qu’il était une sorte combattant de rue, comme l’était M. Chen du 3ème étage ? Après tout, Levi avait le regard de quelqu’un de dangereux et ses cheveux noirs corbeaux scintillants étaient rasés de près sur les côtés et l’arrière du crâne, comme les militaires qu’avaient aperçus Eren le jour ils étaient arrivés à Shinganshina, un an plus tôt…
Levi revint, un sandwich posé sur une assiette dans la main : « Va t’asseoir à table morveux, hors de question que tu salisses mon canapé… » Eren se redressa et chancela un peu quand un éclair de douleur fulgurant lui traversa tout l’abdomen, il vit trouble pendant une fraction de seconde. Levi demanda : « Gamin ? Ça va ? Tu peux marcher ? Est-ce que tu veux que je t’emmène à l’hôpi…
- Non ! » Levi avait à peine terminé sa phrase que l’enfant s’était interposé, blême. Il paraissait au bord de la crise de panique : « Pas l’hôpital ! Je guéris vite, je vais bien… » Comme pour appuyer ses dires, il se dirigea d’un pas déterminé vers la table et s’installa sans grimacer.
Levi le fixait sans rien dire un mot. Il n’avait jamais vu d’enfant comme Eren. Il savait qu’il n’avait lui-même jamais rien eu d’un enfant mais…Une paire d’yeux flamboyants le fixèrent en retour. Eren lui tendait la main comme pour récupérer l’assiette qu’il portait encore à bout de bras. Levi lui posa le sandwich : « Il date d’il y a au moins deux soirs alors je ne… » Eren s’était déjà jeté sur son butin sans prendre la peine d’y réfléchir à deux fois. A la première bouchée, ses yeux s’arrondirent de surprise et son visage s’illumina. Il désigna le sandwich d’une main fébrile : « Qu’est-ce que c’est ? » Levi fronça les sourcils, pris au dépourvu : « Du pain ? De la salade, deux rondelles de tomates plus très fraîches, du fromage et du jambon fumé ? » Eren salivait : « Je…c’est très bon. » Levi voulut lui rétorquer que c’était surtout presque moisi mais il n’en eut pas le cœur.
Il ne se souvenait que trop bien de l’époque où il se contentait de restes ou de ce qu’il trouvait dans les poubelles…ce genre de sandwich aurait valu tout l’or du monde pour lui en ce temps-là.
Vu son salaire d’hôtesse, la mère d’Eren avait dû faire des choix. Une nourriture de qualité ou même variée, ça devait passer bien après de bons vêtements chauds pour l’hiver, ses frais médicaux ou le loyer qui leur permettait d’avoir un toit au-dessus de la tête, dans la liste de ses priorités question répartition du budget…Levi s’installa face à Eren et le regarda dévorer son sandwich avec appétit. Lorsqu’il termina d’engloutir son repas et que Levi lui posa à côté de l’assiette un grand verre de jus d’orange, l’adolescent eut tout à coup l’impression d’accéder au statut divin à travers le regard plein de reconnaissance que le gamin lui lança. Eren agrippa son verre d’une petite main hésitante et goûta son contenu avec appréhension. Un large sourire lui fendit les lèvres : « J’adore le jus d’orange ! C’est mon préféré de tous ceux que me donne Mama ! » Levi se sentit tout drôle pendant un instant. Il marmonna quelques mots sans queue ni tête puis se redressa : « Dépêches-toi de finir que je te ramène à ta mère, elle doit être morte d’inquiétude. » Du moins si Levi en croyait l’air effaré du gamin, sa mère devait effectivement être du style à s’inquiéter de la disparition de sa progéniture (il avait bien eu le droit d’en douter avec tout ce qui se passait dans le coin…)
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Levi aurait préféré l’emmener à l’hôpital, histoire d’être sûr que tout allait bien et que le gosse ne risquait pas de lui claquer entre les doigts d’une minute à l’autre.
Mais il ne pouvait se permettre de faire une chose pareille sans l’accord préalable de sa mère. Dans les bas quartiers de Shinganshina, tout le monde avait un secret à cacher. Vu la réaction qu’avait eu le petit lorsqu’il avait mentionné l’hôpital, Levi ne pouvait que faire des suppositions. Eren et sa mère pouvaient être des clandestins, être recherchés par quelqu’un, ou ne pas avoir assez d’argent pour payer les frais hospitaliers, voire même un peu des trois solutions à la fois… Levi jeta un coup d’œil au gamin qui lui trottait à côté. Il fut surpris de constater qu’il avait déjà l’air d’aller beaucoup mieux…’je guéris vite’ avait-il dit. A quel point est-ce que cette affirmation pouvait être vraie ?
L’enfant le guidait résolument vers sa maison. Levi ne savait pas quand est-ce qu’il avait fini par gagner sa confiance, mais Eren ne semblait plus du tout se méfier de lui. Levi, même d’un point de vue adulte, savait qu’il était très intimidant. Sa chevelure noire, ses yeux en amande d’un bleu céruléen et l’aura menaçante qui l’entourait appelaient à la méfiance et à la crainte. Sa petite taille n’y changeait rien. Quand on ajoutait au tableau général son nom de famille...peu de personne aurait hésité à changer de trottoir à son approche…Mais pas Eren. Le gamin avait à peine cillé face à lui. Il avait même répliqué lorsqu’il l’avait menacé et passablement agis comme si Levi avait été un adolescent parmi les autres. Même si Levi était certain d’avoir réussi à l’intimider à un moment ou à un autre, Eren ne laissait pas la peur prendre le dessus. Il paraissait au contraire s’en servir comme fuel pour attiser sa colère.
Quand ils ne furent plus qu’à quelques mètres de leur appartement, ils entendirent plusieurs voix. Toutes criaient le nom d’Eren.
Avant même que Levi n’ait le temps de réagir, l’enfant s’était déjà élancé. Il l’avait suivi sans trop se presser et arriva pile à temps pour le voir bondir dans les bras d’une femme qui avait la même chevelure couleur chocolat. Elle le serrait si fort dans ses bras que Levi eut l’impression d’entendre sa côte fêlée finir de se briser : « Hey ! Doucement ! Il est blessé ! » Il avait rugi avant même d’avoir vraiment décidé s’il allait ou non faire plus que de simplement raccompagner le gamin chez lui. Au départ Levi avait surtout eu l’intention de laisser le gosse rentrer tout seul et de ne pas davantage s’impliquer dans leurs histoires de famille mais il était bien trop tard pour y penser…Tous les regards s’étaient posés sur lui. Une sorte d’assemblée des voisins, en pyjamas ou en tenue de travail, paraissait s’être réunie pour chercher le gosse dans les environs. Levi jura entre ses dents et se figea à l’endroit où il se tenait. Eren s’était écarté de sa mère avant d’annoncer : « Maman, c’est Levi. C’est lui qui m’a aidé à revenir… » La femme posa les yeux sur lui.
A la plus grande déception de Levi, ses pupilles n’étaient pas aussi extraordinaires que celles de son fils. Elles avaient une petite couleur ambré, chaude et avenante.
Pour ce qui était du reste, la forme du visage, les traits délicats, la bouche, absolument tout pouvait être retrouvé à l’identique chez Eren. Elle se redressa, le gamin dans les bras et fit face à ses voisins : « Merci ! Infiniment merci de m’avoir aidé à le chercher… » Un homme entre deux âges avait dit : « De rien Carla… » Une quinquagénaire en robe de chambre et pantoufles avait ajouté : « ….. Pense bien à le punir au nom de nous tous ! » Une jeune fille dans la vingtaine avait conseillé : « ...Assure toi surtout qu’il ne soit pas gravement blessé… » (Elle avait jeté un coup d’œil grave vers le vêtement maculé de sang que portait l’enfant) Un homme qui avait une carrure d’un déménageur menaça : « Eren recommence et on t’écorche vif ! » Et suivant le même rituel, ils y avaient tous été de leur petit commentaire avant de s’éloigner pour laisser à la mère et l’enfant l’intimité dont ils semblaient avoir besoin. Levi ne put s’empêcher de constater qu’aucun d’entre eux n’avait eu le réflexe de prévenir la police.
Erwin avait vraiment plus de chemin à parcourir qu’il ne le croyait, ne serait-ce que pour regagner la confiance des citoyens…
L’attention de la mère se posa enfin sur lui. Elle le détailla un moment avant de le saluer avec respect et émotion : « Merci ! Merci ! Merci de m’avoir ramené mon bébé en vie… » Levi ne savait plus où se mettre : « Il s’en est fallu de peu. » Perché dans les bras protecteurs de sa mère, Eren lui lança un regard noir. Mais maintenant que l’adolescent avait pu classer Carla dans la catégorie des bonnes mères, voire même des rares humains encore qualifiables de bons (elle avait quand même réussi à mobiliser tout le quartier pour la recherche de son fils, c’était qu’elle était forcément quelqu’un de bien…) il ne pouvait plus taire les agissements d’Eren. Carla déglutit et resserra son fils contre son cœur avant de déclarer d’une voix calme : « Eren…je suis tellement contente que tu sois en vie…c’est vraiment la seule et unique raison pour laquelle je ne suis pas actuellement en train de t’apprendre ce qu’il en coûte de sortir en cachette en pleine nuit… » Eren frissonna de terreur. Alors qu’il avait à peine sourcillé quand Levi avait fait la grosse voix ? Laissez tomber la catégorie ‘bonne personne’ cette Carla devait placée être de la catégorie ‘pure dure à cuire’.
Carla s’adressa ensuite à Levi : « Venez, entrez avec nous. Je me doute déjà de ce qu’il a dû se passer mais je serais curieuse d’entendre votre version de l’histoire… »
En réalité, Levi ne savait pas grand-chose de toute l’affaire et il n’avait aucune intention de raconter le déroulement de la bataille en détails. Il comptait juste avertir cette femme du genre de danger qu’elle courrait : « …Eren a eu beaucoup de chance. Mais ce ne sera sûrement pas le cas la prochaine fois… » Le gamin était assis à côté de sa mère en position de Seiza[1] (comme l’avait installé Carla quelques minutes plus tôt) et gardait les yeux résolument fixés vers le sol. Ils vivaient dans un appartement de style japonais, avec tatamis, table basse dans le salon et portes coulissantes. Un petit appartement miteux que Carla avait décoré de façon à en faire un environnement parfaitement acceptable pour élever un enfant. On voyait qu’elle prenait grand soin de son foyer et de son fils. Il n’y avait absolument aucune trace de la présence d’un homme ou d’un autre colocataire….
Carla était restée silencieuse un moment, avant d’affaisser les épaules : « Eren…oh Eren…je suis tellement désolée…pour cette vie, pour la peur que tu as dû ressentir, pour…tellement de choses… » Levi eut envie de s’enfuir par la fenêtre. Les magnifiques yeux d’Eren s’imbibèrent d’eau. Il bondit sur ses pieds et enlaça la silhouette tremblante de sa mère : « Non ! Tu n’as rien fait maman, c’est de ma faute ! Je ne recommencerais plus, je te le promets…Je ne passerais plus par la fenêtre !» Carla agita la tête : « Tu essayais de me protéger, mon cœur. Tu as dû le faire parce que moi, je n’ai pas su te protéger… tu as senti que j’étais faible alors tu as voulu aider ta mère. Tu es un bon garçon Eren…» Elle l’enlaça : « Je ne laisserais plus jamais une chose pareille arriver, je te le jure… A partir d’aujourd’hui, je vais arrêter d’espérer un miracle qui n’arrivera jamais. Je vais prendre nos vies en mains, tu mérites qu’on t’offre le meilleur… » Peut-être qu’avec un brin d’agilité et juste ce qu’il fallait de rapidité, Levi pourrait se trouver à l’angle de la rue avant même que ces deux-là ne comprennent qu’il était parti…
Carla posa à nouveau les yeux sur lui : « Comment est-ce que je peux m’y prendre pour que ces hommes nous laissent tranquilles ?… » Levi haussa un sourcil et se racla la gorge : « Je crois qu’Eren les a…enfin je veux dire, je crois qu’ils ont bien compris leur leçon. Et puis je les ai avertis de ce qu’il risquait de leur arriver s’ils pointaient à nouveau le bout de leur nez dans le coin. » Ce fut au tour de Carla d’hausser un sourcil : « Hum…merci…Levi, je crois ?...-il acquiesça mollement-…mais quel âge as-tu ? Douze ans ?
- Quinze ans…
- Oh, pardon ! » Même s’il était en train de pleurer il n’y avait pas deux secondes de ça, Eren laissa échapper un petit gloussement. Levi eut très envie de lui botter les fesses, au sens littéral. Carla continua : « Ce que je veux dire, c’est que, tu n’es qu’un enfant… » Levi poussa un soupire. Il aurait voulu l’éviter mais, c’était exactement le moment où il devait jouer la carte de son nom de famille : « …Pas pour eux. Pour eux, je suis plus un Ackermann, qu’un gosse de quinze ans…» Elle ne cilla pas à la mention de son nom. Bon, au moins Levi venait d’avoir confirmation de l’une de ses hypothèses, Eren et sa mère n’étaient définitivement pas du coin. Levi expliqua : « Dans le coin, ce nom de famille est une raison largement suffisante pour qu’ils se tiennent le plus loin possible de vous deux…mais si vous n’êtes pas rassurée, je peux aussi vous raccompagner tous les soirs jusqu’à ce qu’on soit sûr que cette histoire appartienne au passé… » Carla parut hésitante : « Oh je vois…tu fais partie de ce type de personne…Je ne sais pas trop si je devrais accepter ton aide…Je viens à peine de dire à Eren que je vais lui offrir une vie décente et je devrais maintenant compter sur l’aide d’une sorte de mafieux ? …
- Maman, Levi est un ‘super’ policier. Il n’est pas avec les vilains. » Eren était assis au creux des jambes de sa mère et se tortillait. Le cœur de Levi se serra lorsqu’il pensa qu’Eren n’avait vraiment l’air d’un enfant que lorsqu’il se trouvait, bien sagement, en sécurité dans les bras de Carla. Il n’arrivait pas à imaginer le genre de vie qui avait poussé un gosse pareil à devenir aussi violent et méfiant.
Carla eut l’air parfaitement prise au dépourvu : « Un ‘super’ policier ? » Levi expliqua : « Je fais partie d’une sorte d’école de formation spéciale. Elle a ouvert récemment mais fait beaucoup parler d’elle. Erwin Smith, son directeur, a pour projet de réformer les services de police afin qu’ils soient davantage adaptés aux difficultés réellement rencontrées sur le terrain. Notre pays va mal et il compte bien le purger de toutes ses racailles avant qu’il ne puisse renaître de ses cendres. La brigade des Ailes de la Liberté, sera son fer de lance. Et je suis le meilleur de ma promotion…même si ça n’a pas grand-chose à voir avec le fait que je vous offre ma protection… » Un éclair de reconnaissance traversa les prunelles ambrées de Carla avant qu’elle ne demande : « Pourquoi est-ce que tu ferais ça pour nous, Levi ? » L’adolescent fut pris de court par la question. Elle était si juste.
Après tout, pourquoi est-ce qu’il faisait ça ?
Un souvenir éclatant lui revint en mémoire. En un flash il revécu l’émotion intense qui l’avait cloué sur place la première fois qu’il avait vu les yeux d’Eren. Dans cette ruelle sombre. Levi avait rencontré une créature de la nuit. Un petit démon sous forme humaine. L’enfant qu’il avait à présent sous les yeux, bien au chaud dans le giron de sa mère, rasséréné, n’était qu’une bête endormie. Dans ses pupilles enfantines continuaient de brûler, tout doucement, une flamme infernale, impossible à éteindre…Eren le fixait, tout aussi curieux d’entendre sa réponse que l’était Carla. Levi avoua : « Parce que j’en ai envie. » Et c’était vrai. Il en avait envie. Avant ce jour, il n’avait jamais vu le projet d’Erwin que comme un moyen d’atteindre son objectif. Anéantir les Titans.
C’était la première fois de sa vie qu’il prenait en compte tous les changements qu’ils apporteraient aux citoyens de ce pays, si l’expérience d’Erwin s’avérait concluante. S’ils devenaient la brigade de force spéciale dont Erwin Smith avait toujours rêvé. Ils rendraient à ce pays sa dignité, sa liberté, un sentiment de sécurité longtemps perdu.
[1] Pour s’asseoir en style seiza, la personne doit premièrement s’agenouiller sur le sol en pliant ses jambes en dessous de ses cuisses, tout en reposant les fesses sur les talons. Les chevilles sont tournées vers l’extérieur du corps au fur et à mesure que le dessus des pieds descend afin que, dans une forme légèrement en « V », le dessus des pieds soit à plat sur le sol et que les gros orteils se chevauchent, puis que les fesses soient finalement descendues jusqu’en bas.