My Beautiful Beast (LevixEren)
Chapitre 3 : Let's Try to Become Good People...(part 1)
4573 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 08/11/2016 07:27
My Beautiful Beast
Chapitre 3: Let’s try to become good people… (Part 1)
« Ah, ah, ah, ah, ah, ha, ha, ah! » Hange se tordait littéralement de rire sur la moquette. Eld était rouge de honte : « Arrête de rire ! Ma langue a fourché ! Ce n’est pas ce que je voulais dire… » Moblit soupira : « Hange, respire, tu vas t’étouf… » Elle commençait déjà à suffoquer avant même qu’il ne termine sa phrase. Oluo frappa du poing sur la table basse en bois autour de laquelle ils s’étaient tous réunis pour mettre leurs devoirs en commun. Son geste brusque fit glisser le stylo de Petra qui gribouilla sur sa feuille de maths, inconscient de son méfait le faux blond s’écria : « Ça suffit ! Vous êtes en train de nous déconcentrer bande de primates ! »
Levi se retint de lui faire remarquer qu’il était celui qui hurlait le plus fort et se redressa au moment même où Petra commençait à l’étrangler en grognant : « Primate toi-même sale Olu-outan ! Regarde ce que t’as fait à ma feuille ! Regarde ! » Gunther se contenta de tendre en silence une souris de Blanco à la rouquine qui continuait d’étrangler son voisin sans même lui adresser un regard.
Moblit réussit à réanimer Hange alors que Levi enfilait sa veste hivernale d’un geste lent.
Petra, enfin calmée posa les yeux sur lui : « Uh ? Où est-ce que tu vas Capitaine ? » Comme Levi était l’élève le mieux noté de toute la promotion et probablement le plus prometteur, ils avaient tous décidé d’un commun accord de le surnommer Capitaine. Levi n’ayant rien tenté pour les en dissuader (il savait de façon certaine qu’une fois qu’ils avaient une idée en tête rien ne pourrait vraiment les faire en démordre, donc il s’était épargné une grosse perte de temps), le surnom avait été plus ou moins validé.
Levi poussa un grand soupire. S’il devait leur expliquer toute l’histoire, ça lui prendrait un temps fou. Et il n’avait aucune envie de perdre son temps. Levi aimant son temps. S’il en avait eu à perdre, il l’aurait fait en sirotant tranquillement une tasse de thé tout en lisant un bon bouquin dans son fauteuil préféré (Oui, il avait des activités de vieux. Mais ça compensait à peine l’agitation de son rythme de vie effrénée…). Il n’allait certainement pas perdre ce précieux temps à raconter à cette ménagerie, les derniers détails de ce qu’il s’était passé dans sa vie ces deux derniers mois.
En effet, ce qui poussait Levi à sortir au beau milieu de la nuit, tous les soirs depuis deux mois, c’était cette promesse qu’il avait faite de raccompagner Carla Jäeger, jusqu’à la porte de son appartement.
Chez elle, là où ce petit teigneux d’Eren les accueillait toujours à bras le corps, alors qu’ils arrivaient aux alentours de quatre à cinq heures du matin (ça servait à grand-chose de le faire garder par la vieille du 2ème étage ! Cette mégère n’avait pas plus d’autorité sur le gamin que de retenu sur sa vessie.) Et chaque soir, la même routine se répétait. Carla enlaçait son fils tout en le grondant d’être encore réveillé, sans grande conviction. Puis la mégère jurait qu’Eren avait déjà dormi de dix-neuf heures à juste avant qu’ils n’arrivent et qu’il venait à peine de se réveiller pour les accueillir. Levi n’en croyait pas un mot. Carla lui proposait de prendre un petit déjeuner, proposition à laquelle l’adolescent répondait oui, ou non, selon le niveau d’insistance de la mère ou la rondeur des pupilles de son fils alors qu’il lui suppliait de rester plus longtemps ‘au cas où les vilains se trouvaient dehors à guetter le moment où Levi les quitterait’ Ce à quoi Levi mourrait d’envie de lui répondre qu’il n’avait qu’à s’armer de sa barre de fer et que tout irait bien, phrase qu’il se retenait toujours de dire alors que Carla se trouvait dans la même pièce qu’eux (il n’avait pas très envie d’entrer dans les détails de l’affrontement entre Eren et les trois agresseurs…son petit doigt lui disait qu’on évitait en général d’annoncer de but en blanc à une mère aimante que son fils avait probablement été sur le point d’assassiner trois adultes dans une ruelle sombre). Ensuite selon qu’il accepte ou non le petit-déjeuner, Eren s’installait confortablement entre ses jambes et s’y rendormait ou retournait se coucher en boudant.
Quelle belle brochette d’insomniaques ils formaient tous…Peut-être que Shinganshina avait le pouvoir mystique de transformer ses habitants en vampires. Des citoyens de la nuit qui se contentaient de quelques minutes de sommeil avant de pouvoir errer comme des zombies pendant toute la journée…
Est-ce qu’il était vraiment indispensable que Levi explique toute l’histoire à ses camarades ? Non. Surtout pas alors qu’il savait qu’ils étaient incapables d’écouter jusqu’au bout ou d’une traite sans l’interrompre toutes les cinq minutes avec des questions parfaitement impertinentes… La voix d’Hange le tira hors de ses pensées : « Petit Capitaine est en train de devenir grand ! » Un lourd silence accueillit cette déclaration. Un instant passa avant que tous les regards se teintent d’une lueur de compréhension.
Levi, halluciné, ne prit pas la peine de démentir et se dirigea avec nonchalance vers la porte de sa chambre. Il allait être en retard et Carla risquait de partir toute seule. A certains égards elle était encore plus têtue que son fils. Notamment quand elle n’arrêtait pas d’insister pour dire que Levi devait lui laisser l’occasion d’apprendre à rentrer toute seule s’il ne voulait pas passer le reste de sa vie à l’escorter. Ce à quoi Levi répondait systématiquement que deux mois, c’était bien trop tôt pour baisser sa vigilance.
Il tendait la main vers la poignée de sa chambre quand le groupe qui se trouvait dans la chambre poussa un cri unanime.
Levi fit volteface pour les vriller du regard : « Amusez-vous à coloniser ma chambre pour faire semblant de faire vos devoirs à trois heures du matin, un vendredi soir, si ça vous chante…Mais réveillez Kenny et même moi je ne garantirais plus rien de vos vies… » Le bar était fermé un vendredi sur trois. Autant dire que son oncle tenait comme à son arsenal d’armes, à ces quelques heures de repos. Mais aucun d’eux ne sembla prendre la menace au sérieux. Oluo bafouilla : « Le Ca…Ca…Capitaine a une copine ? » Hange ajouta de l’essence sur le feu : « Je ne dirais pas une ‘copine’ non, disons qu’ils doivent faire des choses ensemble, mais pas forcément ‘être ensemble’ pour autant... Après tout, sa mystérieuse dulcinée n’est autre que l’une des hôtesses les plus en côte du club qui fait l’angle de la rue voisine… » Nouveau cri à l’unisson.
Levi ouvrit la porte avant de leur lancer, blasé : « Je laisse à Kenny le soin de vous trucider. Si vous n’avez rien de mieux à faire que de baver sur la vie des autres, aller donc jouer les limaces chez vous. Oh et quand vous quitterez ma chambre, je veux la retrouver dans l’état exact où je l’ai laissée, ou je récupèrerai ce que Kenny aura laissé de vos cadavres pour vous tuer une seconde fois. Compris ? » Bien qu’ils furent tous en état de choc, la force de l’habitude les fit répondre : « Bien reçu Capitaine. »
Levi profita de leur stupeur pour quitter l’appartement et descendre les escaliers qui le menait à la sortie du bâtiment. Il se dépêchait parce qu’il n’avait aucune envie d’être suivi. Et qu’il les savait parfaitement capables de le suivre…
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Levi pensa un instant qu’il faudrait qu’il s’intéresse un jour où l’autre à la façon dont Hange avait découvert qu’il voyait Carla (l’idée qu’elle ait pu le surveiller, dans la nuit, en jouant les espionnes, était pire qu’effrayante…)
Il pressa légèrement le pas avant d’atteindre l’arrière-boutique du club où Carla l’attendait tout en discutant avec Mama. A sa vue, la vieille drag-queen se mit à se trémousser : « Ahan ! Revoilà Levi-chou ! Regarde-moi ce petit lapin en sucre ! Oh je jure que s’il n’avait pas quinze ans, j’en ferais mon quatre heures !
- La ferme vieux trans-à-barbe ! Si tu veux tellement te taper des gosses de quinze ans, crève donc et réincarnes-toi proprement en vraie femme d’abord! » Mama frissonna de la tête aux pieds : « Oh oui, continue ! Parle-moi encore plus mal de cette magnifique voix de ténor ! Frappe-moi de tes mots cinglants ! » Levi prit l’air tout à fait répugné. Voilà en direct l’une des principales raisons pour lesquelles il préférait arriver dans cette ruelle avant Carla. Parce qu’au moins, ces fois-là, Mama ne se sentait pas obligée de venir jouer les sentinelles en attendant qu’il ne la rejoigne et Levi évitait de la croiser.
Carla gloussa : « Oh Mama, laisse-le tranquille…tu vas le faire fuir. » Levi grogna : « Cette erreur de la nature à plus de chance de finir égorger que de me faire fuir… » Carla roula des yeux : « Bien ! Allons-y Levi, j’aimerais que mon petit garçon ait au moins trois bonnes heures de sommeil ce soir… » Au moins, Carla non plus n’était pas dupe, il n’y avait aucune chance qu’Eren fasse autre chose que semblant de dormir quand la vieille le mettait au lit…
Carla et Levi saluèrent Mama et entamèrent tranquillement le trajet.
En général, ils cheminaient dans un silence relatif. Lorsque Carla n’avait pas envie de lui rabattre les oreilles avec toutes ses histoires au sujet d’Eren, elle se contentait de marcher en silence. Pas le genre de silence pesant et conscient qui caractérisait 90% des non conversations auxquelles donnait lieu l’aura naturellement menaçante de Levi. Plus comme les autres 10%, les silences détendus et relaxants de ces rares amis qui savaient qu’ils n’avaient pas besoin de piailler pour que le moment soit considéré comme agréable. Cette fois-ci pourtant, Carla paraissait nerveuse. La nervosité était un sentiment auquel Levi était plus qu’accoutumé et il estima donc qu’il n’avait pas à se sentir concerné outre mesure, jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’entrée du lotissement d’immeubles délabrés. Elle s’arrêta net et déclara : « Levi, je suis désolée d’abuser de ta gentillesse mais…j’aimerais te parler. Est-ce que tu veux bien accepter de rester petit-déjeuner ? »
Elle avait un air sérieux alors Levi hocha de la tête. Rester pour le petit-déjeuner ne le dérangeait pas en réalité, il aimait les œufs brouillés que préparait Carla. Il ne savait pas ce qu’elle y ajoutait de spécial mais, il avait été incapable d’en reproduire le goût. Ce qui le mettait mal à l’aise, c’était le fait qu’Eren s’endorme contre lui, que Carla cuisine pour lui et toute cette étrange proximité qu’ils avaient réussi à installer malgré lui. Comme s’il n’y avait rien de plus normal que la présence de Levi dans leur maison. C’était une sensation chaleureuse à laquelle l’adolescent ne savait pas comment répondre. Ni même d’ailleurs s’il devait vraiment s’y habituer. Dans environ deux mois, Carla serait sûrement tirée d’affaire et l’escorte prendrait fin. Il n’y aurait plus aucune raison que Levi traîne sa carcasse dans le coin ou s’invite chez les Jäeger…
Alors qu’ils approchaient de la porte, Carla continua : « Oh ciel…Eren s’est tellement attaché à toi… » Levi allait lui demander ce qu’elle entendait par là quand la porte s’ouvrit à la volée. Eren, vêtu d’un pyjama bleu en coton épais, leur déboula dessus en hurlant presque : « Bon retour à la maison ! » Clara ne put s’empêcher de glousser tout en le soulevant du sol pour lui faire un énorme câlin : « Je suis rentrée, mon lapin ! » Puis elle fronça les sourcils : « Eren…il faut que tu arrêtes de veiller aussi tard, si ta maîtresse me convoque encore une fois pour me dire que…
- J’ai dormi !
- Eren…
- Promis !
- Juré ?
- Craché ! » Levi agita la tête : « Est-ce que tu sais ce qui arrive au sale mioche qui promette alors qu’ils mentent? » Eren posa ses deux pupilles vert d’eau sur lui et Levi sentit un frisson lui parcourir le dos (il commençait à en avoir l’habitude à force. Encore un mois et il serait sans doute immunisé contre ces deux prunelles…) : « Oui, je sais ce qu’il arrive aux mauvais garçons. Ils finissent dans la cave. » Levi fronça les sourcils : « Dans la, cave ?... » Carla avait blêmit avant de murmurer quelque chose à l’oreille de son fils, le petit garçon prit un air grave avant d’acquiescer : « Je me suis trompé. C’est l’Enfer le bon mot. » Levi était dubitatif. Il n’avait pas pu entendre ce que Carla avait dit, mais il était sûr qu’elle venait de parler une autre langue (il semblait que la théorie des expatriés sans papiers aient été la bonne…)
Carla soupira : « De toute façon, ce sera la dernière fois que tu auras à veiller aussi tard… » Levi et Eren lui lancèrent un regard inquisiteur. Elle ajouta : « Entrons ! »
Une fois que la vieille mégère eut débarrassé le plancher, ils s’installèrent pour prendre le petit déjeuner. Ou du moins, Carla et Levi s’installèrent pour prendre le petit déjeuner tandis qu’Eren retrouvait sa place favorite, au creux des jambes de l’adolescent assis en tailleur. A peine installé, Eren posa la tête contre le torse de Levi et commença à somnoler. L’enfant avait commencé à agir de cette façon à peine une semaine après que Levi ait débuté sa mission d’escorte. La première fois, l’adolescent n’avait même pas su où se mettre, ni même comment faire pour le repousser. Levi avait grandi dans un monde où le strict minimum de contact physique était la norme (voire pas de contact physique du tout, autre que pour blesser l’autre bien entendu…) La chaleur de ce petit corps contre le sien, la moiteur de cette peau, la douceur de cette chevelure rebelle couleur chocolat, sa chair les avait absorbés comme une plante en plein désert. Comme s’il avait toujours eu soif de tendresse et d’attention.
Quand Carla revint de la cuisine avec deux plats d’œufs, deux bols de riz et deux grands verres de jus d’orange, son regard se posa sur Levi et Eren. Et Levi crut voir une ombre lui traverser les yeux. Elle posa son fardeau sur la table et s’installa face à eux : « Bonne appétit. » C’était le signal qui donnait l’autorisation à Levi de commencer à manger. Le début du petit déjeuner se passa en silence. Mais tout à coup, un peu avant qu’ils ne terminent, Clara s’exclama : « Eren t’aime beaucoup… » Levi hocha de la tête, parce qu’au vu de l’attitude du gamin, il était difficile de ne pas s’en rendre compte. Clara renchérit : « Il est d’un naturel extrêmement méfiant…-Levi se retint d’ajouter ‘et violent.’-…nous avons vécu des choses difficiles et il a gardé l’impression qu’il devait nous protéger contre le reste du monde…Il n’avait que quatre ans lorsque nous avons dû quitter son père mais…je crois qu’il a pris ses mots un peu trop au sérieux. Quand Grisha lui a dit de prendre soin de moi, je pense qu’il s’imaginait qu’Eren jouerait ce rôle beaucoup plus tard que ça…j’ai un peu honte d’avoir laissé les choses dégénérées à ce point… » Levi continuait de manger, sûr et certain qu’il viendrait forcément un moment où ce monologue demanderait une sorte de participation active de sa part, il aurait été bête de ne pas profiter tout de suite du fait que Clara ne s’attende pas vraiment à ce qu’il réponde.
Elle poussa un soupire à fendre l’âme, alors que Levi sentait tous les muscles d’Eren se détendre. Le gamin s’était enfin endormi. Carla poursuivit : « Mais, j’ai fait comme j’ai pu, non ? Depuis que tu es arrivé dans nos vies, Eren a l’air d’enfin redevenir un enfant. Plus insouciant, plus joyeux, on dirait qu’il pense que tu seras toujours là pour veiller sur lui…mais on sait tous les deux que c’est faux. » Levi acquiesça de nouveau. Il avait beaucoup à faire. A la fin de sa période d’escorte, il serait bien trop occupé avec les examens de fin d’année pour venir jouer le baby-sitter. Il ne verrait plus Eren, ni sa mère. D’ailleurs avec l’ouverture des dortoirs de l’école, il n’allait même plus vraiment voir Kenny (au moins un point de positif).
Clara le gratifia d’un sourire triste : « Tu es très honnête Levi. Tu n’as même pas essayé de me rassurer ou de promettre que tu essayeras de venir nous voir… » Levi haussa les épaules : « Je ne vois pas l’intérêt de vous mentir. » Clara ricana avant d’ajouter : « J’espère que le nouveau grand-frère d’Eren sera comme toi…enfin pas tout à fait comme toi, mais un peu pareil quand même, dans le fond, en plus expressif peut-être ?… » Levi haussa un sourcil : « Son nouveau grand-frère ? » Clara parut se gonfler de courage, elle prit une grande inspiration avant de déclarer : « Je vais me remarier. » Levi haussa son second sourcil (il avait rarement été aussi expressif de sa vie) : « Avec un client ?
- Oui…
- Est-ce que vous n’aviez pas promis d’essayer d’offrir à Eren, une vie plus décente ? Vous pensez qu’épouser un type qui traîne dans les clubs d’hôtesse ça a quelque chose de décent ?
- Non. C’est pourquoi je ne travaillerais plus dans ce club. J’ai enfin trouvé une place d’infirmière en clinique. Et l’homme que je vais épouser a été très clair. Il est très loin d’être un enfant de chœur. Mais il va changer lui aussi. Nous allons déménager. Il est fort et avec moi, il deviendra assez stable pour devenir un bon père pour Eren. Une figure paternelle sur laquelle il pourra compter…
- Et où est la femme qui a mis au monde son premier fils ?
- Eh bien…elle est morte.
- Oh… » Clara sourit encore une fois, toujours aussi tristement : « Je ne cherche pas à me justifier. Je vais juste faire du mieux possible, avec ce que me donne la vie…
- Je comprends…
- Eren pourra aller dans une bonne école. Et côtoyer d’autres gens…
- Où allez-vous habiter ?
- Le quartier de Trost… » Trost c’était bien. D’un autre côté, tout endroit comparé au quartier de Shinganshina, semblait paradisiaque. Shinganshina était le district des pauvres, des malfamés, des pires brigands, de la crasse et de l’abandon.
Paradiz était un pays divisé en trois grandes régions. Maria, Rose et Sina. La capitale, Heaven, couvrait pratiquement toute la totalité de la région de Sina. Ses quartiers se découpaient en cercles concentriques de plus en plus larges. Plus on s’éloignait du centre d’Heaven et plus on s’approchait de l’enfer. Shinganshina était cet enfer. Trost en comparaison, n’en était que la porte. Eren y serait heureux. Levi savait de quoi il parlait, parce que l’école d’Erwin avait été construite dans le quartier de Trost. Le dortoir aussi s’y trouverait…et Levi ne put s’empêcher de se dire que peut-être, un jour, alors qu’il se baladait dans le coin, il pourrait lui arriver de croiser Eren et son nouveau grand-frère…
Il ne les hélerait pas. Il ferait plutôt en sorte que l’enfant ne le remarque pas. Il s’assurerait qu’Eren allait bien. Vraiment bien. Sans jamais réapparaitre dans sa vie. Levi savait qu’il ne devait plus approcher du gamin. Parce que s’il y avait une chose qu’on avait dite au sujet de sa famille, qui était encore plus vraie que toutes les autres rumeurs, c’était que les Ackermann portaient malheur. Levi était prédestiné à une vie de violence et de cruauté. Ce n’était pas le genre de chose qu’on voulait offrir aux gens qu’on estimait un tant soit peu.
Pour la première fois depuis le début de leur petit rituel, Levi se permit de passer une main distraite dans les cheveux d’Eren. Il y perdit les doigts, pensif, alors que l’enfant se détendait un peu plus contre lui. Un nœud se forma au creux de sa gorge. Il toussota : « Bien. Je suis sûr qu’Eren adorera Trost. Ce n’est pas comme ici. Vous avez déjà essayé de vous y balader ? Là-bas il y a des parcs avec de vrais espaces pour que les enfants jouent. Et la police n’en porte pas que le nom. Vous serez en sécurité, mieux nourri. Eren pourra se faire de vrais amis, il n’aura plus aucune raison d’être sur ses gardes et de se battre…
- Levi. » Levi n’avait jamais autant parlé de sa vie (il avait même failli s’en mordre la langue et il avait presque mal à la mâchoire). Il ne se sentait clairement pas dans son état normal. Clara se pencha pour lui poser une main compatissante sur l’avant-bras : « Je peux passer au bar pour te donner notre nouvelle adresse…
- Non. » Il avait failli s’étrangler. Levi reprit : « Non. Ne mettez plus jamais les pieds dans ce quartier de merde. Je ne voudrais pas qu’il vous arrive malheur pile au moment où vous décidez de venir me dire coucou ou va savoir quelle autre connerie. C’est bon.
- J’ai un portable si tu…
- Non. Vous ne m’avez pas compris. Si vous avez eu la curiosité de vous intéresser un peu à l’école dans laquelle j’ai été enrôlé, alors vous savez que je ne suis pas quelqu’un de bien. Loin de là. Vous voulez offrir une meilleure vie à Eren ? Profitez de l’instant présent pour couper les ponts.» Elle marqua un silence avant de demander : « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ?
- Dites-lui ce qu’il faut pour qu’il arrête de penser à moi. Abandon, disparition, peu importe.
- Je ne te ferais pas passer pour le méchant Levi. » Il n’ajouta rien, parce qu’elle avait au fond des yeux cette étrange lueur caractéristique du moment où un Jäeger devenait plus têtu qu’une brique. Eren gloussa dans son sommeil. Levi eut soudain une conscience accrue de cette présence contre lui. Du petit corps chaud qui s’était pelotonné dans son giron, de cette impression légère et bulleuse qui le réchauffait tout entier. En plus de sa gorge nouée, voilà maintenant qu’il avait mal au cœur. Tout ça, ça ne lui ressemblait vraiment pas. Au diable les adieux déchirants. Il se redressa, Eren dans les bras. Il aurait pu faire comme d’habitude et le confier à sa mère, mais il voulait marquer le coup, à sa façon.
Ils n’échangèrent pas un mot alors qu’il transportait Eren vers sa chambre. Levi l’installa doucement dans son lit et le borda. Il avait peut-être encore un peu mal à la poitrine mais voir le gamin comme ça, tranquillement posé dans son lit, au chaud et en sécurité, ça avait un côté apaisant. Levi resta planté là, à regarder Eren dormir. Pendant dix, voire vingt minutes peut-être, sans que Clara ne vienne le déranger. Ils n’avaient échangé aucun autre mot mais, c’était une femme aussi intelligente que sensible. Bien que Levi ne soit vraiment pas à l’aise avec les émotions qui ferraillaient en lui actuellement, il commençait à les accepter. Il suffisait de se l’avouer. Abandonner le gamin c’était plus dur qu’il ne l’aurait cru.
Qu’aurait fait une personne normale dans sa situation ?
Il n’arrivait même pas à l’imaginer. Alors il fit ce qu’il savait faire de mieux : « Grandi bien graine de psychopathe. Peut-être qu’un meilleur environnement t’empêchera de mal tourner…Et arrête de fuguer. Mange à ta faim. Ne te bat plus. Ou alors apprends au moins à le faire contre des gens de ton âge…et sans barre de fer… Bref… » Il ne trouvait plus ses mots. C’était donc qu’il n’y avait rien de plus à dire. Si des mots capables d’expliquer ce qu’il ressentait existaient, alors il ne les connaissait pas.
Levi tourna les talons, traversa le petit appartement miteux, puis escorté par Clara, il sortit. Il la salua brièvement avant de s’éloigner d’un pas décidé. Sans se retourner.