My Beautiful Beast (LevixEren)
My Beautiful Beast
Chapitre 9: Crack (part 1)
Lorsque Levi était arrivé en trombe dans la chambre d’hôpital, Carla accroupie devant Eren l’enlaçait.
Sans perdre une seconde, il s’était alors précipité vers Kenny pour lui décocher la plus belle droite du siècle. L’oncle accusa le coup et sous les yeux ébahis de Carla, ne broncha même pas, pas plus qu’il n’essaya de riposter. Il se contenta de se tenir là, les yeux plantés dans le regard glacial que lui lançait son neveu. Et tout à coup, toutes traces de la dévorante colère qui le dévorait deux secondes auparavant, disparurent du regard de Levi. Ne demeurait déjà plus sur son visage que son habituel air blasé lorsqu’il déclara : « Je savais que t’allais finir par tout gâcher. » Carla avait pris Eren dans ses bras et s’était redressée : « Levi…ce n’était pas de sa faute. Il était impossible de prévoir tout ce qu’il s’est passé. » Levi continuait de fixer Kenny : « On s’en fout. On ne lui avait donné qu’une mission, ne pas lâcher le gamin des yeux du weekend… et il finit à l’hosto. » Eren intervint : « Je vais bien Levi. Je n’ai même plus mal à la tête… » Levi laissa glisser son regard vers l’enfant.
Eren venait d’enlever le bandage qui lui enserrait le crâne. Kenny s’était avancé vers lui : « Fais pas ça morveux ! Tu as une commotion céré… » Sa voix s’était perdue au fond de sa gorge. Là, sous le bandage d’Eren, il n’y avait rien. Sa peau caramel était nette, sans la moindre trace de blessures. Carla avait blêmi a vu d’œil. Eren claironna : « Je guéris vite ! Comme les superhéros ! Et sans moi, Mikasa serait sûrement morte, elle aussi… » Kenny souffla : « Impossible ! Foutrement impossible ! » Carla semblait de plus en plus mal en point, Levi essaya de faire passer le malaise : « Qui est Mikasa ? » Eren lui adressa un petit sourire malicieux : « Ta cousine ! » Levi haussa les deux sourcils : « Ma quoi ? »
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Cela faisait déjà six longs mois depuis l’incident des retrouvailles Ackermann. Et depuis pas mal de choses avaient changé au sein de la petite famille.
Tout d’abord, Carla. Dorénavant, elle se débrouillait pour rentrer à la maison, tous les soirs, quitte à ne disposer que de quatre heures de sommeil avant de reprendre du service. Elle était celle qui montait toujours border Eren avant qu’il ne s’endorme. Une fois, la curiosité de Levi ayant été piquée par son attitude, il avait tendu l’oreille devant la chambre où ils se trouvaient tous les deux. La douce voix de Carla chantait une étrange chanson dans une langue qui lui était parfaitement étrangère. Encore plus curieux, Levi avait osé jeter un œil dans la pièce. L’enfant, loin de dormir, était assis sur son lit et la fixait en ondulant doucement de la tête de droite à gauche. A la manière d’une bête sauvage en transe. Saisi, Levi était resté planté là, à assister à ce spectacle sans savoir quoi faire ou quoi dire. Une fois la chanson terminée, les paupières d’Eren avaient semblé se fermer seules. Carla l’avait allongé avant de le recouvrir de sa couverture et de lui déposer un baiser sur le front.
Levi s’était reculé et avait fait mine de sortir de sa chambre. En quittant celle d’Eren, Carla avait paru surprise de le trouver-là, dans le couloir. Elle lui avait esquissé un drôle de sourire tout en évitant de le regarder dans les yeux et avait déclaré : « Je sais qu’il n’en a pas l’air comme ça mais…je sais que cette histoire avec la mère de Mikasa l’a beaucoup affecté. J’aimerais qu’il ne fasse pas de cauchemar… » Levi avait acquiescé, la nuque raide : « Eren est solide Carla. Pas de quoi s’affoler. T’as l’air complètement crevée, tu devrais prendre plus de temps pour te reposer. » Et effectivement, elle avait l’air épuisée. Presque sur le point de s’évanouir. C’était toujours le cas après qu’elle ait passé presque une demi-heure à endormir Eren. Elle avait mollement hoché de la tête et répondu : « Je pense suivre ton conseil. Je m’en vais de ce pas m’écrouler dans mon lit… » Puis elle s’était éloignée. Et depuis Levi avait soigneusement évité de se trouver à proximité de la chambre d’Eren à l’heure du couché.
Ensuite, venait Kenny. Depuis l’arrivée de Mikasa et Mitch Ackermann, Kenny n’était plus vraiment le même, sans pour autant être différent. Erwin avait pris Mitch sous son aile et Levi avait appris toute la vérité au sujet de la mission secrète qui avait été donné à Kenny. Il avait commencé par être en colère contre Erwin mais avait vite compris que le blond était prêt à tout pour tenir sa promesse et débarrasser le pays de sa gangrène en anéantissant tous les gangs et autres bandes du crime organisés qui y pullulaient. C’était cette détermination sans faille qui avait poussé Levi à le suivre et intégrer Survey Corp. Alors certes, Erwin s’était servi de Kenny pour faire le sale boulot, mais ça aurait été le contraire qui aurait été étonnant de sa part.
Du coup il semblait à Levi que Kenny faisait absolument tout pour se racheter. Carla et lui avaient passé un certain temps sans s’adresser la parole. Leurs interactions étaient forcées et à la limite de la politesse. Jusqu’à ce qu’un jour, Carla semble lui avoir pardonné d’avoir mis la vie de son fils en danger. Kenny s’était alors appliqué dans son rôle de professeur comme il n’avait jamais semblé prêt à le faire auparavant. Il avait aussi pris la peine d’aider Mitch et Mikasa à s’installer dans une maison qui se trouvait à même pas deux rues de la leur. Mitch avait commencé à travailler pour Erwin (Il était certain qu’il serait davantage en sécurité là où le blond pouvait le surveiller sans trop empiéter sur sa vie privée) Kenny avait proposé à Mikasa de lui apprendre à se battre comme une Ackermann et c’était avec une non-joie contenue que la fillette avait accepté : « …parce que les vilains reviennent toujours, il faut se tenir prêt au combat…Eren aura besoin de quelqu’un pour le protéger…Je veux être prête. » dixit Mikasa. Levi n’arrivait pas à comprendre comment Eren avait pu se débrouiller pour qu’elle devienne aussi étrangement hyper-protective à son égard. Mais une chose était certaine, Kenny essayait désespérément de ne pas commettre les mêmes erreurs avec elle que celles qu’il avait commises avec son neveu.
Mais si on devait vraiment classer les changements selon celui de la famille qui en montraient le plus. Eren l’emportait haut la main. Le gamin était constamment fatigué. Son hyperactivité semblait s’être fait la malle en même temps que sa joie de vivre. Oh, bien entendu il continuait d’aimer jouer au basket avec Levi, ainsi que de se glisser dans sa chambre pour faire ses devoirs ou tout simplement l’embêter. Mais ce n’était plus pareil. La lueur sauvage qui brillait au fond de ses yeux en permanence, s’était comme éteinte. Si Levi osait le dire comme ça, Eren paraissait normal. Le grain de folie qui semblait constamment sur le point de s’embraser en lui, avait disparu. Si Levi n’était pas aussi inquiet, il aurait sans doute pu apprécier ce fait.
Carla ne s’inquiétait pas. Eren grandissait après tout, non ? Il était normal qu’il se calme et mûrisse. Elle affirmait aussi qu’il déprimait juste parce qu’Armin prenait du temps à revenir de l’enceinte du mur. Kenny quant à lui, préférait ne pas se prononcer. Mais il avait fini par lâcher un soir où Levi paraissait particulièrement tracassé (Eren, cet insomniaque chronique était allé se coucher à 20h !) : « L’incident Mana était plutôt intense morveux. Si t’avais vu l’état des cadavres, toi aussi tu n’aurais pas été étonné que le gamin soit encore secoué. C’est l’inverse qu’aurait été complètement flippant. Tu sais, il n’est pas vraiment un Ackermann, c’est une pièce rapportée, non ? » Mais Levi n’était toujours pas convaincu. Après tout, Eren lui avait déjà prouvé bien avant l’incident que son attitude borderline, flirtant avec la psychopathie, ne datait pas d’hier.
En conséquence du côté de Levi, la vie quotidienne s’était teintée d’une torpeur douce-amère qui lui mettait les nerfs en pelote. Et bien entendu, c’était ses camarades de classe qui trinquaient. Ce début de troisième année était compliquée pour les Elitistes, impossible de passer le moindre cours sportifs ou séance d’entraînement sans finir à l’infirmerie. Ils avaient même fini par être reconnaissant aux E.C lorsqu’ils acceptaient d’être les partenaires de leur Capitaine des enfers. Levi trouvait l’académie d’autant plus stressante que maintenant, elle accueillait dix classes de vingt-cinq élèves en première années et six classes de vingt élèves en seconde année. Alors qu’Erwin n’avait encore aucun résultat concluant à montrer à la population, on commençait à investir en masse dans son projet (le blond avait eu la présence d’esprit de préciser que son école ne mènerait pas forcément en première ligne mais qu’il était tout à fait possible de participer au sauvetage de leur beau pays en se donnant à fond dans l’administration des services…). Résultat des courses, Levi était devenu une légende. Et entre ses admirateurs (secrets ou non, ils se montraient d’une persistance masochiste alors qu’il ne faisait rien pour les encourager) et ses détracteurs, il ne pouvait faire un pas sans que toute l’école n’en parle.
Kenny fut celui qui leur proposa une trêve.
Il avait ravalé sa fierté et s’était présenté dans le bureau d’Erwin (le blond était présent plus souvent maintenant que son académie contenait plus d’une quarantaine d’élèves) et lui avait demandé conseil. C’était ainsi qu’il avait obtenu une permission d’une semaine, pour Carla et lui, afin qu’ils profitent des vacances d’été en famille. Kenny avait donc organisé avec sa femme, les vacances rêvées. Réservation pour une chambre d’hôte en bord de mer avec sources thermales, road trip et autres activités. Tout avait été pensé pour qu’ils se retrouvent tous les quatre et tentent de renouer le contact (si contact il y avait jamais eu). L’idée de devoir passer autant de temps coincé avec sa ‘famille’ filait à Levi une nausée comme il n’en avait jamais eu auparavant.
Mais pour Eren, c’était le nirvana : « On va voir la mer ?! La vraie ? » Carla acquiesça pour la millième fois, un sourire aux lèvres alors que l’enfant se mettait à sauter partout. Eren finit par s’agripper aux pantalons de Levi et le secouer de toutes ses forces : « Levi ! On va voir la mer ! C’est comme une suuuuuuuuuper grande piscine, sauf qu’il y a des vagues, du sel…
- Du sperme de baleine, de la pisse, des algues dégueulasses, des capotes usag…
- Levi ! » Carla le foudroyait du regard, mais elle ne pouvait s’empêcher d’avoir l’air amusée : « J’oubliais à quel point tu es maniaque, c’est sûr que pour toi la mer…ça relève plus du supplice que du paradis… » Eren sourcils froncés paraissait réfléchir : « Maman, c’est quoi du sperme ? » Un petit silence accueillit sa question et Kenny fut le premier à vraiment faire comme s’il n’avait rien entendu : « J’aurais voulu que tu viennes, gamin, mais si tu ne veux pas alors… » Eren s’écria : « Non ! Si Levi ne vient pas, moi non plus ! » Levi lui écrasa le crâne de sa paume ouverte : « Arrête de raconter n’importe quoi, morveux. Les petits garçons ça accompagnent leur mère quand elle part en vacances…
- Toi aussi t’es petit Levi, et t’es un garçon. Aïe ! » Levi lui avait assenée une belle claque à l’arrière du crâne. Carla et Kenny se retenaient à peine de ricaner. Levi argumenta : « Et pourquoi tu resterais ici, hein ? T’avais l’air de vouloir voir la mer à tout prix et maintenant tu parles de ne pas partir ? » Eren gonfla légèrement les joues puis parut dépité : « Ce n’est pas pareil si t’es pas là… » Carla poussa un petit gémissement : « Ils sont vraiment trop chou ! » Et Levi se demanda très fortement ce qu’il avait bien pu faire pour se retrouver inclus dans son délire.
Il soupira : « Ce sera exactement pareil tu verras. » Il n’avait vraiment aucune envie de ces vacances. A jouer à la petite famille parfaite voir même normale. S’amuser sur la plage, faire des châteaux de sable, manger aux restaurants et quoi ensuite ? Faire une bataille de polochons dans leur chambre d’hôtes ? Et puis quoi encore ! Est-ce qu’il était vraiment le seul à se souvenir que Kenny était un foutu ex-assassin ? Que Carla et Eren étaient les migrants les plus louches de la planète ? Levi n’était pas du style à prendre des bains de soleil, à rire à gorge déployée ou même tout simplement à rester coller à quelqu’un plus d’une demi-heure avant de se sentir carrément envahi. Il ne savait pas comment gérer ce genre de sentiments super dégoulinants et il faisait déjà son maximum en acceptant de vivre avec eux, dans cette maison. Il commençait à peine à s’y habituer alors il était hors de question qu’on le force à faire bien pire…sa santé mentale en dépendait.
Et là, Eren lui avait attrapé la main.
C’était la première fois qu’ils se tenaient par la main. Cela faisait plus d’un an maintenant qu’ils vivaient ensemble, et Levi pensait déjà avoir expérimenté toutes sortes de nouveautés. Il était même, d’une certaine façon, parfaitement immunisé contre les effets néfastes de ses yeux magnétiques. Ils avaient déjà été forcé de prendre des bains ensemble, Levi l’avait déjà porté jusqu’à son lit un nombre incalculable de fois et même si depuis peu Eren évitait de venir s’endormir contre son torse, ils continuaient de jouer au basket ensemble (et Eren devenait plutôt doué). Ils ne manquaient pas de contact, surtout quand le gamin décidait de venir se coller à lui, comme ça, aléatoirement. Pour lire, dessiner ou tout simplement l’embêter en gribouillant (un peu mieux qu’avant, maintenant on voyait clairement ce qu’il avait tenté de dessiner) sur ses cahiers de cours… mais c’était la première fois qu’ils se tenaient par la main. Et Levi ne put s’empêcher de le remarquer. Chaque cellule de son corps ne put s’empêcher de le remarquer. Un frisson électrique lui souleva tous les poils du bras, remontant jusqu’à dresser les minuscules cheveux qui se trouvaient à la base de sa nuque.
Il voulut retirer sa main mais se vit plutôt refermer les doigts autour de celle d’Eren. L’enfant plongea son regard dans le sien et légèrement gêné supplia : « Viens avec nous s’il te plait Levi…je ne veux pas être tout seul… » Il s’écoula une, puis deux, puis trois secondes, durant lesquels Levi ne sut même plus comment il s’appelait. Une quantité impressionnante d’émotions s’étaient bousculées en lui et l’accident magistral qui en résultat lui court-circuita le cerveau. Eren pencha la tête sur le côté et commença à ôter sa main, l’air complètement abattu, comme si le bug de Levi signifiait qu’il avait perdu la partie. Sans même pouvoir réfléchir à ce qu’il faisait, Levi resserra sa prise, empêchant Eren de s’écarter : « Attend… » L’adolescent avait l’estomac dans les chaussettes et son cœur jouait aux montagnes russe. Il était presque sûr qu’il était en train d’avoir une crise cardiaque. Actuellement, seule la présence de la main d’Eren dans la sienne l’empêchait d’avoir un malaise…
Eren parut s’inquiéter un peu et il serra à son tour la main de Levi : « Tu ne veux vraiment pas y aller ? Tu ne te sens pas bien ? Ce n’est pas grave Levi je v…
- Il est hors de question que je partage une chambre avec vous. Ou avec lui. Je ne ferais pas de château de sable, je ne me baignerais pas dans cette eau dégueulasse que vous appelez la ‘mer’. Et je préfère encore me crever les yeux avec une petite cuillère que de me retrouver à poil avec Kenny. Peu importe les circonstances dans lesquelles c’était censé arriver… » Le visage d’Eren s’illumina tout à coup. Il lui lâcha la main pour courir comme un fou dans tout le salon : « Ouais ! Levi vient avec nous ! Levi vient à la mer ! Je vais en vacances ! » Levi papillonna, incrédule. Mais qu’est-ce qu’il venait de faire ? Qu’est-ce qu’il venait de se passer au juste ?
Carla et Kenny se lancèrent un regard plein de sous-entendus et teinté d’admiration. Kenny déclara : « Eh ben…tu l’as drôlement bien élevé ton petit démon… » Carla lui administra une petite tape sur le bras : « Oh, arrête un peu ! On dirait à t’entendre que c’est moi qui l’ai rendu aussi manipulateur ! » Kenny grogna : « Des générations et des générations de tueurs sanguinaires, un entraînement sans faille, des nerfs d’acier et ton mioche vient tout à coup me détraquer tout ça à coup d’œillades perfides et moues démoniaques ?! » Carla ricana : « Plus ils sont grands plus la chute est rude ! Si tu n’avais pas fait Levi si solide, il n’aurait eu aucun mal à éviter tout en souplesse les assauts de mon petit canonnier. Le secret contre l’acier, c’est la faille Kenny, c’est la faille… » Levi leur jeta un regard noir. Le genre de regard qui tuait un mort. Kenny ne cilla même pas lorsqu'il répliqua, un rictus au bord des lèvres : « On passe te chercher à la fin des cours vendredi. Tiens-toi prêt, grand-frère Levi. »
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Eren ne se sentait pas bien.
Ou plutôt, c’était comme si depuis peu, il lui manquait quelque chose. Quelque chose d’essentiel. Le manque lui rongeait les tripes et Eren passait le plus clair de son temps à se sentir tout patraque. Les seuls points positifs, c’était qu’il arrivait de mieux en mieux à se concentrer en cours. Et depuis que Mikasa avait intégré sa classe (Eren ne savait pas comment elle avait fait pour y être accepté alors qu’elle n’avait jamais été scolarisé auparavant) il s’était même fait de nouveaux amis. Connie et Sasha. Des amis qu’il était très pressé de montrer Armin et dont il ne cessait de parler dans toutes les lettres qu’il lui envoyait.
Eren avait hâte de retrouver son meilleur ami, tout réparé, enfin prêt à jouer aux baskets et courir dans les parcs à ses côtés…A la fin des vacances d’été, ils seraient enfin tous réunis. Armin allait rencontrer Mikasa, Connie et Sasha et…un fulgurant mal de crâne lui fit plisser les yeux de douleur. Mikasa remarqua à peine le changement qu’elle s’était déjà précipitée et lui avait plaqué une main sur le front : « Est-ce que ça va Eren ? Tu as encore mal à la tête ? » Il lui repoussa la main. Il détestait cette manie qu’elle avait de toujours le traiter comme un bébé. Il grogna : « C’est bon Mikasa, je vais bien…
- Tu en as parlé à tante Carla ? » Eren pinça les lèvres. Non, il ne l’avait pas fait. Parce qu’en ce moment à la maison, ça allait enfin un peu mieux. Il était hors de question qu’il parle de son mal de crâne et qu’ils se remettent tous à accuser oncle Kenny. Eren se redressa du cheval à bascule sur lequel il s’était installé : « C’est bon ! J’avais juste le soleil dans les yeux ! » Mikasa jeta un coup d’œil vers le ciel couvert pour montrer qu’elle ne croyait pas une seconde à son mensonge. Elle déclara : « Tu ne devrais peut-être pas aller à la plage… » Eren roula des yeux : « Mikasa. Tu ça juste dis parce que tu ne veux pas que je parte ! » Elle ne démentit pas. Eren poussa un soupire puis il lui toucha l’épaule et sourit : « Je t’enverrais une super carte postale ! Et je te ramènerais des taaas de souvenirs ! Tu verras, c’est qu’une semaine, ça passera super vite ! Tu vas pouvoir profiter de ton papa et … » Elle avait l’air assez triste et si Eren n’était aussi aux anges à l’idée de passer des vacances avec Levi, il aurait presque été tenté de lui demander de venir avec eux.
Il hésitait encore quand ils pointèrent le bout de leur nez.
Rufus et sa bande. Des enfants d’au moins onze ans, qui n’arrêtaient pas de venir lui chercher des noises. Depuis qu’Eren était venu en aide à Armin en massacrant la bande de Todd c’était un peu comme s’il avait ouvert la boîte de Pandore. Les brutes s’en prenaient à lui les unes après les autres, comme pour se lancer un défi. Eren n’avait pas peur d’eux. La plupart du temps, il prenait leur agression pour un jeu et l’idée d’avoir à livrer un bon combat lui mettait le sang en ébullition…Mais pas depuis qu’il y avait Mikasa. Pas depuis son séjour à l’hôpital. Cela faisait des mois qu’il n’avait pas vu rouge. Rien n’arrivait à la cheville de ce qu’il avait ressenti ce jour-là, dans la montagne. Mais depuis, plus rien. Quand il pensait à se battre, s’était comme si des kilos de plombs lui lestaient les membres. Il se sentait lourd et encore plus nauséeux qu’avant. En plus, la dernière fois qu’il était tombé du vélo que Mitch avait acheté à Mikasa pour qu’elle se rende à l’école, son écorchure au genou n’avait pas guéri aussi vite que d’habitude et il avait dû subir l’humiliation de se trimballer avec un pansement rose pendant toute une journée de cours.
Peut-être que ce qu’il lui fallait, c’était une bonne bagarre ? Histoire de réveiller son superpouvoir ?
Eren carra les épaules alors que la bande de brutes s’arrêtaient à quelques pas d’eux. Derrière lui, il sentait l’aura menaçante de Mikasa. Une chance que ces cinq idiots n’aient pas encore entendu parler du Cerbère. La réputation de Mikasa commençait à devenir sacrément importante dans le coin et tous ceux qui avaient cherché à affronter Eren ces derniers mois, portaient encore les séquelles de leur rencontre avec elle. On commençait à dire partout qu’Eren s’était trouvé un garde du corps infernal. Peut-être que Rufus ne parlait pas aux bonnes personnes. Dans tous les cas, c’était une occasion en or de tester sa théorie. Bien qu’il se sente légèrement plus lucide maintenant qu’il n’avait plus de superpouvoirs, Eren ne pouvait s’empêcher de se sentir ridiculement faible sans eux.
Rufus s’approcha jusqu’à lui bousculer l’épaule. Eren tendit un bras vers l’arrière pour interdire à Mikasa d’intervenir. Le grand roux esquissa un rictus : « Oh ! Ackermann, désolé, t’es tellement petit que je ne t’avais pas vu… » Eren plissa les yeux, il était presque sûr d’avoir entendu la même réplique hier soir, dans le dessin-animé qui passait pendant l’heure du goûter…Il soupira : « Rufus je sais que tu habites du côté Ouest de Trost. Tu n’as rien à faire ici…tu ne traines même pas dans ce parc d’habitude…
- Et alors Ackermann ? Qu’est-ce qui m’empêche de traîner ou je veux ? C’est ton parc peut-être ? On n’a pas vu ton nom sur le panneau à l’entrée… » Eren esquissa un rictus à son tour : « Ça, c’est parce que vous être trop bête pour savoir lire… » Au bout d’un certain temps, Eren avait fini par développer plusieurs petites techniques lui permettant de déclencher une bagarre en moins de deux minutes. Jusqu’ici, Rufus et sa bande s’étaient toujours contenté de le bousculer un peu et de se moquer de lui, sans jamais en venir aux poings. D’une certaine façon, Eren avait déjà acquis assez de notoriété dans le milieu des petits délinquants juvéniles pour qu’ils hésitent à l’attaquer directement. Mais maintenant qu’il venait de l’insulter devant ses sbires, Rufus n’avait pas d’autre choix que d’essayer de le corriger.
Il ne pouvait avoir plus raison.
Eren vit partir le coup mais son corps fut incapable de suivre son esprit. Même lorsque le poing de Rufus s’écrasa contre sa joue, l’habituelle décharge électrique ne vint pas. Il eut juste très mal avant de tomber à la renverse. Pendant un instant, il fut sonné. C’est le temps qu’il fallut à Mikasa pour leur infliger la dérouillée de leur vie. Eren, irrité, repoussa la main qu’elle lui tendit pour l’aider à se relever. Il souffrait et même si Rufus serait dorénavant trop effrayé pour venir lui chercher des poux, il savait que ce serait par peur de se confronter à Mikasa. Il détestait ne plus avoir ses superpouvoirs. Des larmes de frustrations lui piquèrent le coin des yeux. Il s’essuya le visage avec sa manche d’un geste colérique. Pourquoi diable est-ce qu’il pleurait ? Mikasa avait l’air de mourir d’inquiétude : « Eren ? Est-ce que ça va ? » Sa voix se mit à trembler de rage : « Je jure de lui arracher toutes les dents si tu…
- Arrêtes Mikasa ! Je ne suis pas un bébé ! » Elle posa sur lui un regard creux. Il n’avait rien de vraiment convainquant. Il était tout sale, sa joue allait arborer un beau bleu et il avait les larmes aux yeux. Elle ne lui fit pas l’affront de le rabaisser davantage et se contenta de répliquer : « Viens, on rentre à la maison. Tante Carla va te soigner… »
Carla l’avait enguirlandée pendant au moins dix minutes.
« Bravo ! Moi qui étais impatiente de prendre nos premières photos de familles ! Regarde la tête que tu auras ! » Elle le soignait sans prendre de gants. Eren aurait presque préféré laisser le bleu se résorber tout seul, Carla venait d’inventer une toute nouvelle façon de le punir. Lorsqu’elle appliqua l’onguent anti-bleu, il ne put s’empêcher de grimacer. Kenny, visiblement amusé décida d’inaugurer leur tout nouvel appareil photo : « Souriez ! » Carla lui lança un regard noir : « Oh non ! Kenny !
- Oh allez, pour la postérité, ce n’est pas souvent qu’Eren rentre à la maison avec une blessure de guerre…d’habitude ce sont plutôt les mères du quartier qui font la queue pour nous demander de garder notre chien-loup en laisse…
- Ne le compare pas à un animal de compagnie ! Et il n’y a pas de quoi être fier !
- Alors, Eren, il était costaud au moins ? Quel âge ?
- Kenny ! » Eren prit un air revêche : « Non ! Si j’avais encore mes superpouvoirs, je l’aurais battu d’un seul coup de pied. C’était un faible !
- Tes superpouvoirs ? » Carla intervint, les poings sur les hanches : « Dieu t’a retiré tes pouvoirs parce que tu t’en servais n’importe comment ! On ne frappe pas les gens Eren, combien de fois est-ce qu’il faudra que je te le répète ? Quand on est plus fort que les autres, on fait comme Mikasa et on n’utilise sa force que pour protéger ce qu’il y a d’important ! Le jour où tu seras à nouveau digne de tes pouvoirs, ils reviendront sûrement ! » Eren parut très choqué. Est-ce qu’il utilisait vraiment ses pouvoirs n’importe comment ? Bon, c’était vrai qu’il aimait beaucoup se battre et qu’il cherchait les ennuis pour déclencher de bonnes bagarres mais…est-ce que toutes ces brutes n’étaient pas des vilains ?
Carla remercia Mikasa et lui ordonna de retourner chez elle avant que son père ne s’inquiéte trop. Elle acquiesça doucement, vint enlacer Eren une dernière fois (il faillit étouffer tellement elle le serrait fort) et marmonna : « N’oublie pas ma carte et mes cadeaux… » Avant de les quitter. Carla jeta un regard empli de sérieux à Eren alors que dépité, il s’était figé dans le salon : « Tu nous as déjà mis en retard à aller traîner dieu sait où ! Va chercher tes affaires ! » Il obéit sans un mot. Kenny attendit qu’il arrive en haut d’escaliers avant de demander : « Carla…je ne sais pas si je suis vraiment bien placé pour en parler maintenant mais…Eren. » Ses épaules s’affaissèrent et elle se tourna afin de lui faire entièrement face : « Kenny…je… » Ils attendirent un instant. Puis, elle leva vers lui un regard brillant de détermination : « Je vous raconterais tout, à Levi et toi. Toute notre histoire…d’où nous venons, pourquoi…Eren…-elle agita la tête-…je suis sûre que vous saurez faire la part des choses. Je voulais juste être sûre, tu comprends…
- Que tu pouvais nous faire confiance…
- Oui…et que vous seriez assez forts pour m’aider…je veux qu’il grandisse dans un foyer uni. Je veux qu’il soit heureux. Il est toute ma vie… » Kenny marqua une pause avant de demander : « Carla…à quoi est-ce qu’on est censé t’aider ? » Elle prit un air grave avant de répondre : « A contrôler Eren. Plus il grandit et moins j’arrive à le faire toute seule…il aura besoin de vous quand son éveil sera complet…
- Son éveil ?... » Eren descendit les escaliers en courant. Carla fit un imperceptible mouvement de tête pour indiquer à Kenny qu’il leur faudrait terminer leur conversation plus tard. Eren s’arrêta devant eux, la mine contrite : « Je suis désolé maman…je ne recommencerais plus… » Elle lui tapota le sommet du crâne puis s’accroupit pour lui faire face. Kenny remarqua alors que Carla prenait toujours grand soin de s’adresser à son fils en se plaçant à hauteur de ses yeux. C’était un peu comme si elle s’assurait, par contact visuel, de garder le contrôle à tout instant. Dans le même temps, elle n’oubliait jamais de lui agripper les mains comme maintenant ou de lui toucher l’épaule, comme pour le rassurer : « Si tu as compris pourquoi j’étais en colère, alors c’est bon… » Il lui plongea dans les bras pour l’enlacer. Ils se câlinèrent un instant avant qu’elle ne se mette à lui caresser les cheveux : « Tu es un bon garçon, Eren.
- Je t’aime maman… » Elle sourit avec chaleur : « Arrêtes d’essayer de m’acheter ! Petit monstre va ! Tu le sais que t’es craquant, n’est-ce pas ? » Elle s’était mis à le chatouiller. Il se débattit pour s’extraire de sa prise tout en riant de bon cœur.
Une fois leur petit jeu terminé, Carla se redressa et claqua de la langue : « Bien. Maman n’a absolument pas envie d’avoir de photos de son bébé avec un gros bleu sur la joue…donc… » Les yeux d’Eren s’arrondirent. Il se mit tout à coup à trépigner : « La chanson magique ! » Carla acquiesça et l’enfant parti dans une série de sauts hystériques. Carla en profita pour croiser le regard intrigué de Kenny. Sans produire un son, elle articula ‘Regarde bien…ne bouge surtout pas’. Puis plus fort elle ajouta : « Tu es prêt ? » Eren acquiesça avec vigueur. Elle ordonna : « Position de sécurité ! » Il s’assit en tailleur sur le sol et elle suivit le mouvement. Il plaça ensuite ses mains dans les siennes. Ils échangèrent un regard complice puis elle commença à chanter.
Kenny n’avait jamais rien entendu de pareil. Il n’était même pas sûr que cette langue existe vraiment. Mais cette chanson avait un il-ne-savait-quoi d’envoûtant. La tête d’Eren commença à se balancer doucement de gauche à droite, comme s’il entrait en transe. Une lueur s’embrasa dans le fond de ses yeux. Et ce ne fut que lorsqu’il l’y revit brûler que Kenny se rendit compte qu’elle avait disparu depuis quelques mois, mais qu’elle avait toujours été là, avant. Le calme soudain d’Eren lui apparut sous un nouveau jour. Il était assez intéressant de constater que Levi avait toujours su lui, que quelque chose clochait avec le nouvel Eren. Le chant de Carla changea soudain d’intonation. Kenny cessa de fixer l’enfant pour poser les yeux sur la mère. Ce qu’il vit faillit le faire tomber à la renverse. Là, dans les yeux de Carla, la même lueur psychédélique dansait.
La chanson parut baisser d’intensité jusqu’à entièrement devenir inaudible. Un grondement, très semblable aux ronronnements sourds d’un gros fauve commença à emplir la pièce. Très vite, un bruit similaire, mais bien plus ‘enfantin’ vint se joindre au premier. Carla et Eren avait tous les deux la même pupille fine, les mêmes iris démesurément présentes. L’or se perdait dans l’émeraude. De microscopiques de tâches bleu azur transparaissaient dans les yeux d’Eren. Kenny en eut le souffle coupé. Sous ses yeux, l’hématome qui bleuissait sur la joue du gamin se résorba complètement. Carla cessa alors de gronder et d’un geste brusque, elle leva le bras. Immédiatement, Eren réagit au quart de tour et bondit en grondant sur sa mère. Elle claqua des doigts et il se stoppa net en plein élan. Il avait l’air endormi tout en étant éveillé. Elle le guida doucement pour le remettre assis. Il obéit mollement. Elle lui parla sur un ton doux : « Eren. Lorsque je redirais ton prénom, tu oublieras tout ce qu’il vient de se passer et tu laisseras l’autre dormir…tu te souviens ? Dans la cave… » L’enfant acquiesça. Elle n’avait plus qu’une petite lueur au fond des yeux et l’air passablement fatiguée : « Très bien. Tu es un bon garçon…maintenant réveille-toi, Eren. »
Eren s’ébroua puis un sourire désarmant lui fendit la bouche : « Je n’ai plus mal à la tête ! Merci maman ! » Il lui bondit au cou. Carla le serra contre elle tout en focalisant son regard sur Kenny. L’Ackermann n’avait toujours pas esquissé le moindre mouvement. Lui qui avait longtemps cru que son clan se traînait une sacrée malédiction…il devait revoir absolument toutes ses mesures sur l’échelle de la poisse ultime. Les Jaeger gagnaient et de loin.
Il finit par soupirer : « Très bien. Avec toutes vos conneries on risque d’être en retard pour aller récupérer l’autre morveux ! Dépêchez-vous de ramasser vos affaires et tout le monde en voiture ! » Il n’en dirait pas plus. Pas tant que Carla ne lui avait pas proprement raconté tout ce qu’il y avait à savoir. Elle lui adressa un regard empli de reconnaissance. Il n’avait pas besoin de l’exprimer pour qu’elle le sache, c’était ça le plus flippant avec elle, elle savait déjà que Kenny n’avait aucune intention de les abandonner pour si peu. Ils étaient sa famille.