My Beautiful Beast (LevixEren)

Chapitre 15 : Finally, Home.

8338 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 06:59

My Beautiful Beast


Chapitre 15: Finally, Home.


“ Je m’appelle Eren Ackermann. J’ai treize ans. Je me trouve actuellement chez Hanji Zoe. Elle est l’amie de… » Eren marqua une pause. L’exercice n’était pas difficile. Depuis qu’il s’était réveillé il avait déjà dû faire bien plus compliqué.

C’était cette salle qui le mettait mal à l’aise.

Elle était blanche des murs au plafond. Le seul endroit qui ne l’était pas, c’était cette très large vitre teintée sur la gauche. Hanji lui avait expliqué que c’était une mesure de sécurité. Pour lui et pour les autres. Ceux qui se trouvaient derrière la vitre et qui l’observaient. Eren était un peu particulier. Depuis qu’il était sorti du coma, la bête qui cohabitait avec lui dans son corps et qu’avait pris soin d’endormir sa mère pendant toute son enfance, s’était réveillée. Le moindre choc émotionnel l’enrageait et elle blessait ceux qui avaient le malheur de se trouver sur sa route…

Un souvenir récent traversa l’esprit d’Eren et il grimaça : « Hey. Hanji. Je m’excuse encore, pour le bras de ton ami… » La brunette laissa échapper un gloussement avant d’hocher de la tête : «Arrête donc de t’excuser, Angel, ce sont les risques du métier ! Et puis, on rêvait d’une bonne raison de travailler en équipe Moblit et moi. Fabriquer un bras cybernétique pour remplacer celui que t’as arraché, c’est une aubaine ! »Eren, un peu perturbé, esquissa un petit sourire incertain. Est-ce que c’était vraiment quelque chose de bien ? Quelqu’un derrière la vitre, activa le micro pour leur parler : « Hanji…s’il te plait… » Eren reconnut la voix d’Erwin.

Enfant, il n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer cet homme, même si Levi et Kenny ne cessaient d’en parler et que sa mère lui était reconnaissante pour son travail à la clinique. Mais depuis qu’il s’était réveillé, Eren avait eu maintes et maintes occasions de le voir. A chaque fois pour les mêmes raisons, parler de l’accident. Hanji cessa de sourire et fit semblant de reprendre son sérieux. Eren de son côté, sourit plus franchement. Il aimait beaucoup Hanji. Lorsqu’il l’avait revue pour la première fois, ça lui avait fait un choc. Un gros choc. Son ancienne apparence s’était soudain superposée à la nouvelle et le cerveau d’Eren avait été incapable de faire la part des choses.

Résultat ? Il avait arraché le bras d’un infirmier.

C’était pour ça que depuis, on lui avait interdit de rencontrer les autres. Ceux qu’il connaissait avant. De peur que son esprit ne puisse supporter le choc. A la place, on l’exerçait. On lui apprenait. Qu’est ce qui était réel ? Qu’est-ce qui ne l’était pas ? On lui avait montré des photos d’Armin, de Mikasa, d’Eld, Sasha, Connie, Moblit, Petra, Oluo, de Franklin le grand-père d’Armin et bien sûr de Levi. Mais il n’avait pas encore le droit de les revoir en vrai. Voilà pourquoi il y avait cette vitre. Pour les protéger. Lui et eux.

Aujourd’hui était un jour spécial, parce que c’était la première fois qu’Eren pourrait leur parler.

Il se souvenait de leur voix, des nouvelles, qu’on lui avait fait écouter par enregistrement. Il devait juste leur prouver qu’il était capable de le supporter…Hanji reprit : « Hum, hum…Donc M. Ackermann un peu de sérieux. » Assise face à lui, dans un pouffe géant de couleur orange, elle avait fait mine de remonter ses lunettes d’une main, imitant le tique de l’infirmière en chef qui enguirlandait Eren quand il refusait de terminer son assiette. Eren gloussa avant d’acquiescer : « …je ne sais plus où j’en étais…

- Vous disiez donc, que je suis l’amie de…

- Levi. » Le regard d’Eren s’illumina. S’il avait autant pressé les choses, c’était parce qu’il mourrait d’envie de le revoir. Levi. Le dernier membre de sa famille. Eren tourna la tête en direction de la vitre. Erwin n’était pas le seul à se trouver là, derrière. Levi était là, lui aussi. Ainsi que Mikasa et Armin. Eren trépigna d’impatience. Il continua son monologue : « Je me trouve à Stohess…

- Qui est ?

- Le nom du quartier à l’intérieur du mur. Là où Armin a subi son opération du cœur…

- Très bien. Et où habites-tu ?

- A Trost. Dans une maison, au bout d’une impasse. »Hanji prit un air plus grave : « Attention Eren, une question plus compliquée maintenant…où sont tes parents ? » Eren marqua une pause. Se souvenir de sa mère, de Kenny ou de l’accident lui avait déclenché des crises de rage d’une violence inouïe. Pendant deux mois. Mais il était au-dessus de tout ça maintenant. Et il voulait obtenir le droit de parler à ses amis. Alors il répéta mot pour mot ce qu’on lui avait dit de répondre quand on lui poserait cette question : « Je ne sais pas où est mon Papa. Mais…Maman est morte. Oncle Kenny aussi.

- Comment sont-ils morts ?

- Dans un accident de voiture. Sur le périphérique. J’étais dans la voiture et c’est pour ça que je ne peux plus utiliser mes jambes… » Eren resserra les doigts contre les accoudoirs de son fauteuil roulant. Apparemment, même si la bête avait réussi à tout réparer, ce n’était pas pour autant que ses muscles et ses nerfs avaient survécus sans dommage à ses six années de coma(en dépit des efforts des chiropracteurs).

Hanji hocha de la tête, visiblement satisfaite. Elle ouvrit le dossier qu’elle tenait contre sa poitrine et lui montra une photo : « Qui est-ce ? » Eren observa la photographie avec attention, les yeux plissés. Puis il sourit de toutes ses dents. Génial, non seulement le visage de cette personne ne se superposait plus à son ancienne apparence mais en plus, son esprit avait arrêté de mélanger les formes comme s’il se prenait pour un artiste peintre : « C’est Petra ! Ça ? C’est Erwin. Eld. Mikasa. Papy Franklin. La fille de l’épicière aux oranges géantes. Armin. Oluo…Gunther! Euh…Moblit? Sasha! Connie! Hanji! Maman, oncle Kenny. Oncle Mitch…Levi!...Dis Hanji, est-ce que je peux la garder celle-là ? Il fait une drôle de tête dessus ! » Hanji se racla la gorge : « Euh, j’aurais bien voulu Angel mais je sens son aura meurtrière d’ici, à travers la vitre renforcée…épargne ma vie et ne lui détaille jamais ce qu’il y avait sur cette photo, tu veux bien ? » Eren rit de bon cœur.

Hanji aimait beaucoup lui montrer des photos différentes des habituelles photos d’identité utilisées pour ce genre d’exercice. Elle avait profité du fait qu’il était le seul à les voir sous cet angle pour en glisser quelques-unes d’amusantes, comme celle de Moblit portant un faux nez en plastique… ou celle de Levi pris au dépourvu parmi une foule de fans ( ?) en délire alors qu’une femme venait de lui montrer ses seins.

Hanji fit face à la vitre : « Alors ? Satisfaits ? Je vous avais dit qu’il faisait de remarquables progrès ! » On appuya sur le bouton : « Eren ! » Eren se redressa autant que possible et scruta la vitre avec attention comme s’il cherchait à voir au travers : « Armin ! » La voix d’Erwin, retentit, amusée : « Désolé, je ne pouvais plus les tenir…

- Eren !

- Oui Armin ?

- Je… » Eren l’entendit fondre en larmes et sa gorge se noua, il esquissa un faible sourire : « Je suis content que ton opération se soit bien passé. J’ai été beaucoup moins fort que toi sur ce coup-là, hein ? » Armin renifla bruyamment tout en riant. Eren sourit de plus bel : « Hey ! Choisis au moins, tu ris ou tu pleures ? » Pour le coup, à la mention des mots qu’Eren lui avait dit alors lors de leur première rencontre, Armin fondit définitivement en larmes. Eren grimaça et jeta un coup d’œil inquiet vers Hanji qui l’encouragea d’un petit signe de tête. De l’autre côté de la vitre, on avait lâché le bouton qui leur permettait d’entendre ce qu’il se passait.

Lorsque la communication reprit, ce fut une voix, grave et profonde qui retentit dans toute la salle blanche : « Salut gamin. Content de voir que tu ne grognes plus. » Eren sentit un courant d’air glacial lui secouer le corps. Un frisson souleva tous les poils de ses bras alors que son cœur partait au triple galop. Il avait déjà remarqué qu’il réagissait comme ça lorsqu’il entendait la voix de Levi. A chaque fois, il avait l’impression de se retrouver à nouveau prisonnier de son esprit et de subir la colère du tonnerre, sous un ciel gris cendre. Mais ce n’était alors que des enregistrements. En vraie, l’effet était décuplé. Il glapit : « Levi ! » Il se concentra à nouveau, comme pour percer l’opacité de la vitre à la seule force de ses yeux : « Levi ! Comment va Armin ?

- Pousse de haricot et Mikasa ont dû sortir. Ils reviendront une autre fois, lorsqu’ils seront calmés… » Eren haussa les sourcils, incrédule : « Mi...Mikasa aussi pleurait ? » Levi renifla, amusé : « Elle a commencé à pleurer avant même que tu n’ouvres la bouche. Elle a voulu essayer de parler mais elle est restée là, à remuer les lèvres comme une foutue carpe. » Eren baissa les yeux et marmonna : « Moi qui voulait leur parler…

- La prochaine fois, gamin. Ils seront vraiment prêts. Ils ont passé tellement de temps à parler à ton cadavre que te voir en vie, forcément ça fait un choc. » Eren plissa les yeux : « Levi…je n’étais pas mort…

- C’était tout comme. » Eren gigota sur sa chaise. Il avait l’impression d’avoir beaucoup de choses à dire, trop peu de temps et pas les mots nécessaires pour s’exprimer. Alors il demanda : « Levi…est-ce que ça va ? » Il y eut un silence et Eren s’imagina le visage, blasé et halluciné que devait avoir Levi de l’autre côté de cette vitre. Sa question était stupide, il le savait…pourtant, Hanji s’était tendue et elle avait l’air très sérieuse tout à coup. Levi souffla : « Mieux. Maintenant. Beaucoup mieux. »

Eren sentit qu’il devait y avoir une signification cachée derrière ces mots mais il n’arrivait pas à la saisir. Les lèvres d’Hanji s’étaient fendues d’un large sourire et Eren n’eut pas le temps de demander si Levi avait été malade qu’elle s’écriait : « Oh mon dieu ! Je pourrais mourir de diabète tellement vous êtes choux ! Heureusement que cette salle est équipée d’un système d’enregistrement ! » Il y eut un bruit sourd dans le micro puis la voix courroucé de Levi retentit à nouveau : « Toi, binoclarde de mes deux, attends un peu de sortir de ton bunker à deux balles, je vais te montrer ce qu’il en coute de te foutre de ma gueule…

- Oh mon petit Levi, pas la peine d’être timide, je sais que toi aussi tu as dû verser une petite larmichette, non ?

-…Hanji, est-ce que tu as bien pris tous tes médocs ce matin ?

- Merci de t’inquiéter de ma santé Caporal, mais tout va bien ! Tu sais Eren, il avait pratiquement élu domicile dans ta chambre !

- Hanji. Je ne peux peut-être pas t’atteindre maintenant, mais je sais où se trouve ton laboratoire. Et j’ai un code d’accès me permettant d’y entrer à toute heure du jour et de la nuit… » Levi s’était exprimé d’une voix calme et posée. Mais d’une certaine manière c’était encore plus effrayant…Hanji avait l’air au bord de la crise cardiaque : « Tu…tu n’oserais pas.

- Tu parierais là-dessus ?…

- Levi, tu es le petit Gremlin le plus cruel de l’univers…

- Je ne sais pas ce qu’est un Gremlin.

- Quoi ? Tu n’as pas vu Gremlin ?! Ok, on doit remédier à ça à notre prochaine R.M.S.M…

- Vous comptez continuer cette connerie ?

- Oh, ne joue pas les rabat-joie ! Au fond tu adores les R.M.S.M » Eren fronçait les sourcils : « C’est quoi une R.M.S.M ?

- Réunion Mensuelle de Soutien Moral pour le Caporal. Mais comme on ne le prononçait jamais le C de la fin a fini par tomber dans l’oubli…ce sont de petites réunions, organisées chez l’un d’entre nous, pendant lesquelles on mange n’importe quoi, se bourre la gueule et mate des films rétro…ou des récents selon l’envie. On a décidé de faire ça quand il s’est avéré que le grand méchant Levi était incapable de se faire d’autres amis…

- Je ne veux pas entendre ce genre de trucs sortir de la bouche d’une binoclarde sociopathe qui donne des noms à ses rats de laboratoire avant de leur injecter des sérums bizarres qui les précipiteront vers une mort certaine… » Hanji marqua une pause puis une larme roula le long de sa joue : « Oh…Mister Pingles ! Levi comment tu oses me parler de lui dans un moment pareil ? Tu es un véritable monstre ! » Eren ne savait pas si Hanji pleurait vraiment mais  elle paraissait sincèrement attristée.

Ils continuèrent à se disputer pendant un petit moment alors qu’Eren se perdait dans ses pensées. Levi avait changé, il n’y avait qu’à l’écouter parler pour comprendre qu’il avait vécu beaucoup de choses. Sa voix d’ailleurs, maintenant qu’Eren l’entendait bien n’était pas la même. Elle paraissait lui résonner dans le torse avant de jaillir, puissante. La voix du Levi qu’il avait connu, n’était pas aussi profonde. Elle était grave mais bien souvent il baissait d’un ton pour paraitre plus intimidant. Le Levi du présent n’avait pas besoin de baisser d’un ton pour qu’on le prenne au sérieux.

Eren avait vu des vidéos de lui. Hanji lui avait montré certaines émissions où Levi avait été forcé de participer, quelques reportages ou même des flashs infos pendant lesquels on le voyait traverser la foule, vêtu de son uniforme de Brigade. Charismatique, intimidant, tout simplement à couper le souffle. C’était un homme impressionnant mais totalement étranger. Le Levi du passé était déjà un super héros aux yeux de l’Eren de l’époque, mais c’était un héros accessible. Son héros. Aujourd’hui, c’était un héros national. Le héros de tout le monde. Un adulte.

Eren se sentit seul et abandonné.

Il savait qu’il n’était plus le même qu’avant, lui non plus. Bien qu’Hanji refuse encore qu’il s’observe dans un miroir, il savait qu’il avait grandi. Et bien qu’il n’ait pas bougé de son lit en réalité, il avait bel et bien ‘vécu’ ces six années. Dans un monde distordu, factice et vide. Aux côtés d’une représentation étrange de sa mère. Mais il les avait vécus quand même. Au contact de leurs voix, il avait ‘senti’ le temps passer.

Hanji lui passa une main devant les yeux : « Angel ? Est-ce que ça va ? » Eren acquiesça doucement. Souvent il se retrouvait à flotter, dans un entre-deux un peu bizarre. Et il lui semblait qu’il pouvait retrouver le monde qu’il avait créé pendant son coma, avec une facilité déconcertante. Comme si ce monde se trouvait au bout d’un toboggan que son esprit n’avait plus qu’à descendre…

Hanji lui posa une main sur l’avant-bras. Le contact chaud et moite de sa paume lui arracha un frisson et l’ancra dans la réalité : « Eren…si tu veux te reposer, ce n’est pas grave tu sais. On pourra reprendre demain matin… » Eren agita la tête avec vigueur : « Non, je ne suis pas fatigué. J’ai assez dormi je crois… » Hanji lui sourit : « D’accord…Erwin est revenu. Mikasa et Armin ont été raccompagnés chez eux, est-ce que tu es prêt à passer à la suite ? » Deux infirmiers, aux larges épaules, un air méfiant plaqué sur le visage, étaient entrés dans la pièce. Ils tenaient fermement deux tas de sangles et une camisole.

Hanji lui avait raconté comment se déroulerait la seconde phase de son interrogatoire. Eren n’était donc pas étonné de les voir arriver ni même de savoir qu’ils comptaient l’attacher. Car bien qu’il ait tenté de parler de l’incident à plusieurs reprises avec Erwin, l’expérience s’était toujours soldée par un échec, Eren perdant conscience au profit de la bête, à chaque fois qu’il se laissait envahir par ses émotions. Mais maintenant qu’il avait prouvé qu’il était capable de résister, il était temps qu’il leur fournisse des réponses. Toutes les réponses dont il disposait.

On lui enfila la camisole puis on le sangla.

Un instant, son regard tomba sur la vitre teintée. Et Eren s’imagina Levi, debout derrière cette vitre, en train de le regarder se faire attacher comme une bête sauvage. Et il eut un peu honte. Sa mère était un monstre, elle aussi. Alors elle ne l’aurait jamais abandonnée. Mais Levi, qu’était Levi ? Celui qui avait sa responsabilité, devant la loi. Son tuteur. Un étranger….qu’est-ce qui l’empêcherait de l’abandonner ? « Angel ? Tu te sens toujours bien ?

- Oui Hanji…ça va.

- N’hésite pas à le dire si ça ne va pas, d’accord ? » Il acquiesça.

Le pouffe avait été retiré de la pièce et Hanji se tenait debout, juste à côté de la vitre teintée. Le plus loin possible de lui.

L’ambiance n’était plus la même. La tension dans l’air n’était plus la même. Eren prit son courage à deux mains et déclara : « Je m’appelais Eren Jäeger. J’ai treize ans. Je suis né à Paradiz. Maman et moi on vivait dans une forêt. Papa rentrait de temps en temps mais il était toujours occupé, dans le village. Un jour, Papa nous a demandé de fuir. Il a dit, que les méchants allaient venir chez nous et qu’ils essayeraient de nous faire du mal. Il m’a fait promettre de protéger Maman et il a dit à Maman de me protéger moi aussi… » Eren sentit sa gorge se nouer.

 « Eren. Mon tout petit…je suis désolée. Je n’ai pas réussi à te protéger jusqu’au bout… »

Il chassa la voix qui venait de lui murmurer ces mots à l’oreille d’un vague geste de la tête et continua son récit. Il devait mettre de côté ses sentiments. Il ne devait pas penser au fait qu’ils avaient lamentablement échoué. Qu’il n’avait pas plus pu protéger sa mère qu’elle-même n’avait été en mesure de le protéger lui : « …On a voyagé pendant un moment…puis on est arrivé à Shinganshina, par le train…J’ai rencontré Levi. Puis oncle Kenny. On a commencé à vivre ensemble…

- C’est très bien Eren, tu te débrouille comme un chef…continue. Est-ce que tu sais comment tu as fait pour avoir des superpouvoirs ? D’où vient cette bête, dont tu nous parles ? » Eren marqua une pause. Puis il déclara : « Papa disait que je suis né comme ça. Qu’elle a toujours été là. Maman n’aimait pas la bête. Elle disait que je devais avoir le choix. Alors elle a inventé des chansons, des codes qui calmaient la bête, quand Papa n’était pas avec nous ou pour m’endormir le soir… » Hanji hocha de la tête, tout doucement. Elle demanda : « Eren…que s’est-il passé le jour où ta maman est morte ? »

 

Il n’y avait aucune voiture devant eux.

Aucune voiture derrière.

Mais ils avaient continué d’avancer, hésitants…

… jusqu’à ce qu’ils les voient.

Des géants. Difformes. Aux visages rieurs. Aux regards vides et stupides...

….des géants qui avaient écrasé toutes les voitures qui les précédaient.


« Il y avait des monstres. Leurs corps étaient bizarres. Ils ont écrasé toutes les voitures d’avant. Et ils nous ont coupé la route…alors oncle Kenny a foncé vers la forêt… »

 

Eren avait cru que sa nuque allait se briser au moment où les pare-chocs de leur voiture défoncèrent la barrière de sécurité en métal. Sa mère hurlait par-dessus le vacarme : « Eren ! Eren vite couche toi ! Couche-toi ! » Et parce qu’il avait extrêmement peur, Eren avait obéi.


Eren sentit les larmes lui monter aux yeux : « L’un des monstres ressemblait à un singe-loup. Il parlait. Il a hurlé le nom de maman puis il foncé vers la voiture et… »


Il les dépassa en quelques bonds avant d’effectuer un demi-tour brutal. Alors qu’il fonçait droit vers eux, une expression de pure extase déformant un peu plus ses traits inhumains, Eren l’entendit hurler : « CARLA ! » Son cri s’était terminé en grondement sourd. Le bruit qu’aurait fait un prédateur en fondant sur sa proie. Il présenta l’épaule en avant et se décala légèrement sur le côté afin de percuter de plein fouet la voiture du côté voyageur.

Eren n’oublierait jamais.

Le bruit de taule froissée.

Le bruit qu’avait fait le corps de Kenny lorsqu’il avait été broyé.

Le bruit de ses propres os alors qu’ils étaient pulvérisés par l’impact.


Eren suffoquait. La salle blanche s’était teintée d’un rouge carmin, envoûtant. Il s’entendait grogner et sentait sa conscience lui échapper tout doucement. La voix de Levi retentit soudain : « Gamin. Si c’est trop dur, on s’arrête. » Levi. Il devait un bon garçon, s’il voulait que Levi le garde à ses côtés. La bête ne devait pas prendre le dessus, pas devant lui. Eren inspira puis expira. Il se mit à fredonner tout doucement, l’air entêtant de la berceuse. Le rouge s’atténua et il sentit son rythme cardiaque ralentir. Hanji l’applaudit : « Splendide Eren ! Tu as réussi à stopper le processus ! C’est un pas de géant ! » Erwin l’interrompit : « Eren…est-ce cette bête qui parle, qui a tué ta mère ?

- Oui…. »


Le monstre grogna : « Salope ! Qu’est-ce que tu viens de faire ? Tu crois t’en sortir comme ça ? Tu ne te régénèreras pas, tu ne fuiras pas cette fois-ci. Rendez-vous en enfer Carla. » D’un coup de griffes, il avait enfoncé la main dans la nuque de sa mère et d’un geste rageur lui avait retiré la colonne vertébrale comme s’il était en train de dérouler un vulgaire rouleau de scotch.


La voix d’Erwin reprit, insistante : « Eren…est-ce que ce symbole te dis quelque chose ? » Hanji était en train de lui montrer une image. Les yeux d’Eren s’écarquillèrent. C’était ça. C’était le dessin de son tatouage. Il avait plus ou moins compris que cette créature ne s’était pas toujours balader en ville sous la forme de monstre, mais c’était la première fois qu’il intégrait aussi bien l’idée que l’humain qui avait assassiné sa mère continuait de vivre sa vie, comme si de rien n’était. Que tous ces monstres, qui les avaient attaqué se trouvaient quelque part, dans la nature…Eren acquiesça : « Oui. C’était son tatouage…qu’est-ce que ça veut dire ? » Erwin souffla : « Alors j’avais raison, les Titans sont bien derrière tout ça, mais s’ils sont déjà capable de coordonner une telle attaque, pourquoi n’utilisent-ils pas leurs soldats pour prendre le contrôle du pays ? Que cherchent-ils ? »


Carla, elle, s’était figée dans son siège et son visage blafard avait fixé les géants alors qu’elle murmurait : « Les Titans… »


Titan. Titan. Titan. Titan. Titan. Titan. Titan. Titan. Titan. Titan.


Le mot s’était glissé dans son esprit et s’y répétait en boucle comme une litanie. La bête enragée qui l’habitait venait de trouver une cible pour sa colère. Il allait tous leur faire payer. Il allait tous les tuer. Jusqu’au dernier.


« …Ils ne savent pas encore que tu existes mais…un jour…ils reviendront.. ».


Les méchants reviennent toujours. La seule façon qu’il avait de se débarrasser de cette menace, c’était de les tuer. De tous les tuer. Jusqu’au dernier. Pour leur faire payer ce qu’ils avaient fait à sa mère. A Kenny. Le prix de ses six années perdues…


D’un coup de griffes, il avait enfoncé la main dans la nuque de sa mère et d’un geste rageur lui avait retiré la colonne vertébrale comme s’il était en train de dérouler un vulgaire rouleau de scotch…


Eren perdit connaissance.


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Cette crise fut sa dernière.


Maintenant que la bête avait une cible elle semblait peu encline à la violence gratuite. Même lorsqu’Eren tentait de s’énerver, il ne se passait rien de spécial. Selon les observations d’Hanji, il demeurait à peine plus fort que n’importe quel autre enfant de son âge. Du coup, on avait arrêté de le mettre en quarantaine et il avait pu progressivement recommencer à voir du monde.

Tout d’abord il avait reçu la visite de l’Escadron. Une visite plutôt gênante où Petra avait fondu larmes, Gunther lui avait offert un livre pour enfant qu’il avait eu l’intention de lui offrir pour ses huit ans (âge auquel il était censé être sorti du coma selon les prévisions d’Hanji), Eld lui avait demandé s’il était paralysé de partout en dessous de la ceinture (avant que Petra ne lui fasse voir les pissenlits par la racine, d’un coup poing savamment placé en plein diaphragme), Moblit lui avait doucement souri (sans dire un mot, pas un de tout le temps qu’il avait passé dans la chambre) et Oluo s’était contenté de le toiser avec un air méfiant plaqué sur le visage (il avait exactement la même coupe que Levi, fait qu’Eren trouva plutôt drôle et effrayant à la fois).


Comme la bête ne s’était pas manifestée, on avait donné la permission à Mikasa et Armin de lui rendre visite.


Armin avait à nouveau fondu en larmes mais Mikasa avait tenu le coup. Sauf qu’elle avait failli broyer les côtes d’Eren dans une étreinte qui avait duré plus de quinze minutes. Armin avait dû lui venir en aide pour se débarrasser d’elle. Ensuite, ils s’étaient installés dans les deux fauteuils de la chambre avec l’aisance de l’habitude. Eren les imagina, accomplissant le même rituel pour venir lui raconter leurs journées, alors qu’il s’installait lui-même sous l’arbre à voix de son monde imaginaire. Il sourit tristement, fait qui n’échappa pas aux yeux de lynx de Mikasa : « Qu’est-ce qu’il y a Eren, tu as mal quelque part ?

- Non… je me disais juste…ça va vous paraître bizarre mais je …je suis presque sûr que je pouvais entendre tout ce que vous disiez. Vous savez, pendant que j’étais dans le coma ? » Ils échangèrent un regard avant qu’Armin ne réplique : « Tu avais intérêt de nous écouter ! On ne venait pas s’égosiller pour rien quand même… » Eren sourit plus franchement : « C’est encore confus mais Hanji pense que je pourrais me rappeler d’un tas de choses. Comme de conversations entières…

- Ce serait génial ! » Eren inspira un bon coup puis expira avant de se laisser aller contre son matelas : « J’ai l’impression…d’avoir perdu mon temps. Je n’arrive même pas à me souvenir de pourquoi, je ne voulais pas me réveiller…peut-être que c’était parce que là-bas, Maman était encore vivante ? » Un silence pesant lui répondit.

Eren écarquilla les yeux et se redressa pour faire face à ses amis. Mikasa n’avait pas changé d’expression mais il pouvait voir sur le visage d’Armin qu’il les inquiétait en plus de les attrister. Il grogna : « Il faut vraiment que j’arrête de parler à voix haute…je ne voulais pas vous déprimer… » Mikasa agita la tête : « C’est bon Eren. On est là pour ça, tu peux nous dire tout ce que tu veux. Ta mère te manque ?

- Oui… » Sa gorge se noua. Il grimaça : «…Je crois bien que je préfère plutôt arrêter de parler à voix haute… Et si vous faisiez comme d’habitude ? Hein ? Comme ça, ce sera moins bizarre…

- Comme d’habitude ? » Armin avait réussi à reprendre contenance, même s’il semblait se faire violence pour ne pas pleurer. Carla avait été une mère, pour lui aussi. Eren acquiesça : « Oui, racontez-moi votre journée. »


Ils étaient encore en plein récit, lorsqu’une évidence frappa Eren…


« Vous pensez que je pourrais aller au lycée avec vous ? » Ils marquèrent une pause. Armin répondit, avec toute cette sincérité, un peu brute, qui le caractérisait : « Tu as survécu au pire ‘accident’ routier de toute l’histoire de Paradiz. Alors même si la plupart des gens diraient que tu n’as aucune chance de rattraper ton retard, moi, je suis certain du contraire ! » Mikasa acquiesça : « Oui. Si tu veux vraiment étudier avec nous Eren, on t’aidera. On viendra te donner des cours… » Eren s’était un peu attendu à ce qu’ils se moquent de lui. Mais non, pas du tout. Ils croyaient en lui. Il se sentit incroyablement chanceux d’avoir de tels amis. Son cœur s’envola dans sa poitrine et il osa enfin leur faire part de son projet secret : « Je veux intégrer l’académie du Survey Corp. » Un long silence accueillit sa réplique. 

Survey Corp. était sans aucun doute l’école la plus difficile à intégrer de tout Paradiz. Il fallait soit être une E.C présélectionné, soit avoir un sponsor qui nous recommandait, soit être un sacré surdoué…Eren n’appartenait évidemment à aucune de ces catégories.

Le regard qu’échangèrent alors Mikasa et Armin fut bien plus long et empli de sous-entendu. Mikasa déclara : « Eren…on sait que le gang des Titans est responsable de votre accident… » Eren avait entrouvert la bouche, surpris. Il était certain qu’Erwin n’avait pas divulgué ce genre d’informations à ses amis, pas plus qu’un membre de la Brigade d’Intervention ou encore Levi…qui avait bien pu ?...Mikasa répondit comme si elle lisait dans ses pensées : « Armin a piraté le système de sécurité de la Brigade quand on a voulu en apprendre plus sur ton accident. On se doutait bien que quelque chose clochait… » Eren arrondit la bouche tout en lançant à Armin un coup d’œil choqué. Le blond avait viré au rouge tomate : « Je ne l’ai fait qu’une fois ! Et c’était parce que tout le monde refusait de répondre sérieusement à nos questions !

- Ouah ! C’est dément ! T’es super doué pour avoir réussi à faire ça, non ?

- Euh…il n’y a pas de quoi être fier…Erwin m’a remonté les bretelles. Et il a dit que j’étais fiché en tant que cyber délinquant de première classe…mon grand-père a failli avoir une crise cardiaque… » Eren rit de bon cœur : « Tu as un des prérequis pour être accepté à Survey Corp. ! Je suis sûr qu’Erwin aura envie d’engager un gamin capable de démolir leur système de sécurité, je veux dire, il vaut mieux t’avoir dans leur camp que l’inverse, non ? » Armin paraissait tout à fait embarrassé : « Eren ! Ça n’a vraiment rien de drôle…

- Oh, mais je suis sérieux…Si je n’étais pas coincé ici, peut-être que je trouverais un crime spectaculaire à commettre, histoire que l’académie me repère… » Mikasa intervint : « Eren. » Son ton avait été glacial. Eren soupira : « Du calme Mikasa, je plaisantais…enfin presque…

- Eren…tu veux intégrer l’académie pour venger la mort de ta mère ? » Elle le fixait de ses grands yeux noirs. Bien qu’ils soient dépourvus des pupilles bleus caractéristiques des Ackermann, ils avaient sans aucun doute la même intensité. Eren sentit sa résolution s’affermir alors qu’il répondait : « Oui. » Un nouveau silence. Mikasa continua : « Tante Carla n’aurait pas voulu que tu mettes ta vie en danger.

- Tu ne connaissais pas ma mère aussi bien que tu le crois. N’essaies pas de me convaincre en l’utilisant, tu risques de t’enfoncer. » Les yeux d’Eren lançait des éclairs. La dernière fois qu’Armin y avait vu cette lueur, ça avait été quand il était en train de massacrer Todd Johnson dans une ruelle déserte…Mais Mikasa, comme on pouvait s’y attendre de sa part, ne broncha pas : « Tu penses vraiment que ta mère voudrait que tu ailles t’attaquer au gang qui l’a tuée ? Tu as survécu par miracle Eren et tu as passé six ans dans le coma.

- Ce qui fait que j’ai treize ans, comme toi et Armin et que je peux prendre mes décisions tout seul, merci.

- Non. Je ne prends pas de décision. C’est mon père les prend pour moi. Tout comme le Nain est responsable de toi.

- Qui c’est que t’appelle le Nain ? » Ils tournèrent tous les quatre la tête vers la porte d’entrée. Debout dans l’embrasure, des lunettes de soleil au design futuriste sur le nez, Levi encore vêtu de son uniforme de service.


Eren espérait qu’il n’avait pas entendu leur sujet de conversation.


Levi haussa un sourcil : « Hey, les mioches est-ce que vous avez vu l’heure qu’il est ? Vous avez cours demain je vous signale… » Mikasa n’avait pas quitté Eren des yeux. Eren pour sa part, ne pouvait s’empêcher de fixer Levi. Levi, le vrai. Pas une vidéo. Pas une photo. Pas une voix à travers les haut-parleurs de la salle blanche. Son cœur se mit à battre furieusement. Il eut l’impression de se retrouver à la place de tous ces gens, dans la rue, qui l’idolâtrait.

Mikasa l’interrompit dans sa rêverie : « Eren, on n’as pas terminé notre conversation. On en reparlera demain. » Eren se fit violence pour ne pas grogner : « Vous revenez demain ? » Il était heureux de les revoir mais pas si c’était pour que Mikasa lui remonte les bretelles. D’autant plus qu’il n’avait aucune intention de changer d’avis. Armin acquiesça et se jeta dans ses bras pour l’enlacer. Mikasa s’était figée sur place. Eren, attendrit, lui tendit un bras pour qu’elle soit inclus dans l’étreinte. Ils s’enlacèrent tous les trois et Eren eut l’impression que le monde se remettait à tourner dans le bon sens.

Comment avait-il pu vivre aussi longtemps sans eux ?

Levi s’éclaircit la gorge : « Franklin et Mitch vont me casser les pieds si vous ne partez pas, tout de suite. Votre carrosse vous attend et le compteur tourne…ce serait con de perdre l’un des seuls taxis de Stohess qui accepte encore d’aller jusqu’à Trost… » Ils s’écartèrent et Mikasa lança un regard noir vers Levi, comme si c’était lui et lui seul qui l’arrachait à Eren. Son cousin soutint son regard sans flancher. Dissimulé derrière ses lunettes noires, il avait même l’air de la toiser.

Ils partirent enfin. Non sans dire au revoir à Eren pour la mille et unième fois.

Lorsqu’ils passèrent la porte, Levi s’avança dans la chambre. Et ainsi, ils ne furent plus que deux. Levi continua d’avancer jusqu’à ce qu’il se trouve devant le canapé. Il ôta son long manteau noir et Eren entraperçut l’énorme emblème des Ailes de la Liberté. Son cœur battait toujours aussi vite et il avait une irrésistible envie d’aller se cacher. Malheureusement, avec des jambes dans cet état…Levi se laissa tomber dans le canapé, croisa la jambe. Puis les bras sur son torse.

Eren eut l’impression pendant une fraction de seconde, qu’il n’était pas venu pour lui parler ou même le voir, mais pour le surveiller. Comme, un gardien de prison. Puis il se souvint d’à qui il avait affaire et se dit que, peut-être (s’il restait une trace de l’ancien Levi quelque part dans cet adulte) il agissait de cette façon, surtout parce qu’il était embarrassé. L’adolescent prit donc son courage à deux mains : « Levi ? » Il ne bougea pas un muscle. Eren sentit le rouge lui monter aux joues. Levi était intimidant. Levi avait toujours aimé être intimidant, il jouait déjà le grand méchant quand Eren avait cinq ans. Comment son jeune lui avait pu passer outre ? Il détailla l’homme qui lui faisait face.

Toujours cette même coupe, net, militaire. Son visage était un peu mieux dessiné, plus mature, plus…beau ? Il était totalement imberbe. Et même dans cette position, il était difficile de ne pas remarquer à quel point il était parfaitement musclé. Ses épaules étaient plus larges, mais il ne l’était pas non plus au point de Gunther. La musculature de Levi faisait davantage pensée à celle d’un guépard, souple, puissante, efficace. Levi poussa un soupire : « T’étais en train d’engueuler Mikasa y a pas dix minutes et maintenant tu joues les muets ? » Eren grimaça puis croisa les bras sur son torse, s’il voulait jouer à ce jeu, ils pouvaient être deux : « Je croyais que les gardiens de prison évitaient de parler aux prisonniers…

- Uh ?

- Tu es entré dans la pièce et tu n’as pas dit un mot. Alors j’ai cru que t’étais juste là pour me surveiller… » Levi haussa un sourcil avant d’enlever sa paire de lunettes. Eren retint sa respiration. Il avait les paupières tombantes et le regard perçant. Des yeux en amande d’un bleu acier à couper le souffle. Il posa ses lunettes sur la table basse : « Tu as toujours autant de cran...apparemment, six ans de coma ne t’ont pas suffi. » Eren se retint à grande peine de pouffer de rire. Il avait l’impression d’avoir déjà vécu cette scène. Enfin, ça s’était passé différemment, mais globalement, c’était bien la même.

Levi était toujours en train de menacer et de grommeler. Mais s’il avait vraiment voulu être méchant, il l’aurait déjà fait. Eren demanda : « Pourquoi est-ce que tu as payé mes factures d’hôpital si c’était pour me replonger dans le coma ? » Il jura voir un rictus se dessiner sur les lèvres de Levi, même s’il faisait maintenant plutôt sombre dans la pièce. Levi aussi, reconnaissait cette scène. Sensiblement la même que cette nuit-là, lorsqu’ils s’étaient rencontrés. Levi se leva et marcha jusqu’à l’interrupteur. Sans plus rien ajouter, il appuya sur le bouton qui fit descendre les stores de la chambre. Eren pinça les lèvres : « Est-ce que tu comptes rester dormir ? » Levi pencha la tête : « Est-ce que ce n’était pas toi qui avant, me rabattait les oreilles pour qu’on dorme ensemble ? » Eren écarquilla les yeux, pourquoi fallait-il qu’il se souvienne de ça ? : « J’avais six ans ! » Levi esquissa vraiment un rictus cette fois-ci : « Tu as toujours six ans, morveux. »

Eren fronça les sourcils : « C’est faux ! Hanji a dit que même s’il m’arrive d’avoir…des tics enfantins ( ?), mon niveau de langage et mes capacités cognitives sont tout à fait celles de n’importe quel adolescent de mon âge !

- Arrête de croire tout ce que te dis cette folle à lunettes. » Levi ouvrit la commode qui se trouvait sous la bibliothèque et en sortit quelques affaires. Hanji n’avait pas menti, il avait quasiment élu domicile dans cette chambre…

Sans plus rien dire, Levi se rendit dans la salle de bain. Eren, nerveux, se demandait bien de quoi ils pourraient parler tous les deux. Comment rattraper le temps perdu ? Déjà, à l’époque, Levi n’était pas très bavard et il n’avait jamais rien raconté de sa vie à Eren. Ça n’avait pas l’air d’avoir changé…Lorsque Levi sortit de la salle d’eau, il ne portait qu’un T-shirt et un caleçon. Malgré lui, Eren laissa son regard glisser sur son corps. Quasiment nu, il avait l’air encore plus ferme et tonique. Eren s’observa un instant. En comparaison, il était maigrichon et chétif. Irrité, il demanda : « Pourquoi est-ce que tu ne portes pas de pyjama ? Il ne fait pas si chaud…

- Je porte un pyjama. A la maison, je dors nu. Estimes-toi heureux, gamin. » Levi avait ramassé une couverture dans un autre tiroir de la commode avant de se laisser tomber sur le canapé. Eren avait écarquillé les yeux : « Quoi ? Nu ? » Levi soupira : « Tu vois. Un vrai gamin... » Eren s’insurgea : « Je ne suis pas un gamin ! C’est toi qui es bizarre ! Dormir nu, ce n’est pas un truc d’adulte ! C’est juste un truc de pervers. » Levi se contenta de fixer le plafond, un léger sourire énigmatique flottant sur les lèvres. Eren se sentit encore plus agacé : « Pfft… » Il se laissa retomber sur ses coussins et monta sa couette d’un geste brusque.

Un court silence s’en suivit.

Eren se trouva stupide. Il était si anxieux que leur conversation ne menait nulle part. Est-ce qu’ils étaient vraiment censé se parler comme si de rien n’était ? Allait-il laisser Levi s’endormir puis repartir le lendemain, comme s’il n’avait pas attendu qu’une seule chose, qu’ils se revoient ? Eren n’arrivait plus à se rappeler des choses qu’ils faisaient ensemble… Alors il dressa une courte liste.

Ils jouaient au basket. Levi lui préparait ses goûters, l’aidait parfois à faire ses devoirs, venait le chercher à l’école... Eren le suivait partout, gribouillait des dessins sur ses cahiers de cours, venait embêter ses amis lorsqu’ils rendaient visite à Levi, lui racontait toutes ses petites histoires d’écolier…oh. Eren venait de comprendre. C’était surtout lui qui s’était accroché à Levi. Comme une sangsue. Et Levi l’avait supporté, calmement. Levi était… Il avait soufflé, si bas qu’il était le seul à s’être entendu « Un grand-frère. » Sauf que là, il n’avait plus vraiment besoin d’un grand-frère. Un tuteur ? Non. Il n’arriverait jamais à considérer Levi comme il avait considéré Carla, son père ou même oncle Kenny. Ni même comme il considérait Erwin…

Mais alors, qu’était Levi pour lui ?

La voix de Leva s’éleva soudain : « Hey. Gamin. Tu dors ? » Tout à sa réflexion. Eren s’abstint de répondre. Il était très perturbé. Et apeuré. Parce qu’il savait que s’il ne trouvait pas très vite quelque chose pour le relier à Levi alors…il ne lui resterait plus rien. Il enfouit son nez dans son coussin. Levi s’était levé et avait éteint la lumière. Le silence s’était allongé. Eren aurait voulu trouver quelque chose à dire. Ou à faire, qui puisse faire disparaître son malaise. Quelques minutes s’écoulèrent. Dix ou quinze, peut-être plus, sans qu’Eren ne parvienne à trouver une réponse satisfaisante.


Une main hésitante se posa sur l’arrière de son crâne.


Eren sentit des doigts se glisser dans sa chevelure, frotter la peau sensible de son cuir chevelu. Un frisson de plaisir lui secoua tout le corps.

Intrigué, il se servit de ses bras pour se tourner et faire face à Levi. Il se tenait là, en contrejour, juste à côté de son lit. Eren était incapable de discerner quoique ce soit dans la nuit. Son visage lui était dissimulé par le jeu d’ombre sur les stores. Mais sa main, toujours posée sur la tête d’Eren, avait comme des tremblements. Il souffla : « Réponds quand je te cause, gamin. Si tu ne réponds pas, je ne saurais pas si t’es juste endormi ou retourné dans un foutu coma... » Eren sentit les larmes lui monter aux yeux. Il s’était trompé. Levi ne l’avait pas juste supporté avec calme. Il n’avait pas imaginé ou fantasmé leur lien. Levi avait eu peur, qu’il ne se réveille jamais. Qu’il meurt. Eren se hissa sur ses bras et se jeta contre le torse qui lui faisait face.

Il y enfouit son visage et inspira un grand coup.

Le café. Une douce odeur boisée et musquée. L’odeur de Levi. Il ferma les yeux. Ils n’avaient pas besoin de se parler, ou même d’être quelque chose de bien défini. Ils ne l’avaient jamais été. Deux étrangers, deux enfants perdus, qui s’étaient choisis. Ils s’étaient rencontrés dans une ruelle sombre, à l’angle de l’une des rues les plus malfamées de Shinganshina. Et ils ne s’étaient plus quittés. Parce qu’ils s’étaient choisi. Eren avait le droit de choisir Levi à nouveau. Pour être sa seule famille, son seul soutien. Il murmura : « Je suis de retour à la maison… » Et c’était exactement le sentiment qu’il avait. Il était enfin de retour chez lui. En sécurité.

Levi lui frotta doucement la tête : « Bon retour. »


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