My Beautiful Beast (LevixEren)

Chapitre 14 : Awakening

5226 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 06:53

My Beautiful Beast


Chapitre 14: Awakening 


Eren s’était réveillé dans un monde étrange.


Ici, la nuit ne tombait jamais.


La première fois qu’il avait repris connaissance, il avait la tête posée sur les genoux de sa mère.

Elle lui caressait les cheveux avec douceur tout en fredonnant l’air de cette chanson qu’elle ne lui avait pas chanté depuis très longtemps. C’était une petite comptine qu’elle avait inventé avant qu’ils ne viennent s’installer à Shinganshina. A l’époque où ils avaient vécu dans une petite maison de pierres blanches et de bois. La maison qu’ils partageaient avec son père. Grisha. Tout au fond de lui Eren, savait pertinemment, que la maison dans laquelle il se trouvait actuellement, n’était pas la même que celle de cette époque. Même si elle y ressemblait beaucoup.

Raison pour laquelle il ne s’était jamais attendu à ce que son père vienne les y retrouver.

Dans ce monde étrange, plusieurs choses apparaissaient, disparaissaient ou se métamorphosaient dès qu’il avait le malheur de tourner la tête. Un instant et le salon était large et profond, muni d’un grand canapé à angle couleur beige. Un autre instant et il était à nouveau petit et chaleureux, muni d’une cheminée de pierres.

Ici, tout changeait constamment. Un peu comme si son environnement luttait afin de décider quels éléments du décor méritaient sa place.


Si l’intérieur de la maison où ils vivaient, ne s’était finalement jamais fixé, l’existence de Carla et Eren, elle, était une chose que ce monde tenait pour acquise. C’était un univers étrange où ils ne vivaient qu’à deux.

Après avoir fait ce constat et mille fois le tour de la petite maison, Eren avait commencé à s’aventurer à l’extérieur. Il abandonnait Carla, dans la petite maison, afin d’explorer les environs. Et il n’y avait effectivement jamais croisé personne d’autre.

Eren avait commencé par visiter leur jardin.

Il était le résultat d’un savant mélange entre leur potager de l’époque où ils vivaient avec Grisha et la cour de son école primaire à Trost.

Eren adorait l’arbre qui se trouvait tout au fond de cette cour. Il avait vécu ses plus belles siestes, sous ses branchages. Il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que cet arbre, soit lui aussi devenu une constante de ce petit univers. Après l’avoir découvert, Eren avait passé ses journées sous ses feuillages. Sans jamais osé aller plus loin, il quittait la maison tous les ‘matins’ et s’installait en-dessous pour passer le temps.

Le temps était une notion extrêmement vague dans cet endroit. Mais comme pour tout le reste, Eren l’acceptait sans se poser de question.


Comme il était incapable de compter les jours, les mois, les heures ou les minutes, il était incapable de déterminer à partir de quel moment l’arbre avait commencé à changer. Mais, du jour au lendemain, Eren avait commencé à entendre des voix. Elles paraissaient émaner de l’arbre sous lequel il se reposait.

Ces voix lui avaient rappelées quelque chose que cette drôle de vie silencieuse, aux côtés de sa mère, lui avait fait oublier. L’existence de Mikasa et Armin. Ses deux meilleurs amis. A partir de cet instant, les écouter, allongé ou assis sous l’arbre, c’était devenu sa routine. Il se rendait à l’arbre dès son réveil, se délectait des histoires folles qu’ils lui racontaient. Puis au bout d’un certain temps, leur voix se faisait plus lentes, plus tristes. Ils lui annonçaient presque systématiquement qu’il leur manquait terriblement. Ils ajoutaient qu’ils étaient très pressés de le revoir. Et Eren, attristé, leur répondait qu’il pensait la même chose. Même s’il savait qu’ils ne pouvaient pas l’entendre.

Avec le temps, Eren fut plus que triste de ne pas pouvoir leur répondre. Leur dire que tout allait bien et qu’il était, en sécurité et passablement heureux, avec sa mère. Alors il décida de prendre une initiative. « Maman…quand est-ce que je reverrais Armin et Mikasa ? » Elle était en train de préparer le déjeuner. Elle préparait toujours quelque chose dans la cuisine. Si elle n’était pas en train de cuisiner, elle nettoyait ou alors elle lavait puis étendait du linge sur une grande ligne. Alors qu’en réalité, Eren et elle, ils ne mangeaient jamais. Pas plus qu’ils ne se salissaient.

Elle répondit sans lui faire face : « Je ne sais pas Eren…mais pour l’instant…il doit rester enfermé dans la cave. Tu n’es pas encore prêt. » Eren avait cessé de fixer ce dos, rassurant, d’observer le flottement de sa longue robe verte et les ballotements du nœud qui maintenait son tablier en place, pour poser les yeux sur le coin sombre. Le coin sombre aussi, c’était une constante. Il se trouvait dans la petite maison. Il ne changeait jamais de place. Il était toujours aussi obscur, à tout instant de la journée.

 C’était l’endroit où se trouvait la trappe qui menait au sous-sol. L’entrée de ce qu’ils appelaient la cave. A l’époque où Eren vivait avec ses deux parents, c’était l’endroit où Grisha, enfermait les mauvais enfants, ceux à qui il interdisait à Eren de parler. Cet endroit effrayant et sordide d’où s’échappait des grognements et des cris de douleur, à chaque fois qu’Eren avait le malheur de le fixer trop longtemps. Eren cessa donc de le fixer. Et il arrêta aussi de poser des questions à sa mère.

Au final, quelle importance ? Si sa mère disait qu’il n’était pas encore prêt à revoir ses amis, alors ça devait être vrai, non ?

Et puis, il se sentait beaucoup moins seul lorsqu’il écoutait leurs histoires à travers l’arbre à voix. D’autant plus que si ce n’était pas celles d’Armin et Mikasa, c’était celles d’autres gens qui lui parlaient.  Sans oublier qu’à chaque fois qu’un nouveau souvenir lui affleurait à l’esprit, un nouvel endroit prenait forme dans son étrange petit monde. Comme la rue où il avait rencontré Armin. La forêt blanche et la petite maison de Mikasa avant qu’elle ne vienne habiter à Trost. L’école. La rue dans laquelle il était tombé à vélo. Cet épicier qui vendait d’excellentes oranges…Il avait toujours de quoi explorer ou s’amuser.


Les voix d’Armin et Mikasa lui avaient donné une certaine mesure du temps.

Comme ils n’oubliaient jamais de lui souhaiter un joyeux anniversaire, Eren avait su qu’il avait huit ans. Puis neuf. Puis dix. Puis onze. Puis douze. Puis treize…Pour s’ajuster, son corps avait paru vouloir changer. Il s’était allongé. Et la silhouette imposante et rassurante de sa mère, lui était apparue de plus en plus petite. De plus en plus gracile. Ses expéditions aussi étaient devenues de plus en plus longues, de plus en plus aventureuses. Parfois, il essayait de reproduire les aventures que lui rapportaient ses amis. En vain. Tout seul, dans ce monde sans vie, c’était compliqué. Très compliqué. Alors il se baladait en ville, faisait de la balançoire dans son petit parc et attendait que quelque chose se passe…que quelque chose change. Comme par exemple, que la nuit tombe.

Mais même lorsqu’il était certain que la nuit aurait dû le surprendre dehors, en un clignement d’œil, il se retrouvait automatiquement dans la petite maison, auprès de Carla, la tête posée sur ses genoux. Elle commençait alors à lui passer la main dans les cheveux, fredonnait sa comptine, puis Eren s’endormait, encore, pour ne se réveiller que le lendemain. Après un sommeil sans rêves.

Eren aimait sa mère plus que tout au monde. Et il savait que si elle l’endormait, si elle chantait, c’était  avant tout pour le protéger.

Ses chansons étaient des sortilèges qui permettaient à Eren de garder la bête sous contrôle. La bête ou l’autre, c’était ce petit garçon très méchant, ce monstre, que sa mère avait enfermé à la cave bien des années auparavant, après qu’il eut blessé son père. Elle l’avait fait pour qu’Eren puisse rester un bon garçon... « Un jour Eren, tu seras assez grand et assez fort, pour qu’il t’obéisse. En attendant, je vais t’aider mon cœur, à ce qu’il ne fasse de mal à personne… »

Eren savait qu’elle cherchait à l’aider, qu’elle voulait le protéger de l’autre et de sa cruauté.

Mais plus il restait enfermé dans ce monde, avec elle et plus il se sentait en colère quand arrivait l’heure de sa berceuse. Et plus il essayait de fuir loin de la petite maison afin d’éviter de l’entendre et de s’endormir, encore une fois. Mais aucune de ses tentatives n’aboutissaient et qu’importait la distance qui les séparait, la façon dont Eren prévoyait de s’échapper, il finissait toujours par se retrouver là, la tête posée sur les genoux de sa mère, dans la petite maison, tandis qu’elle lui caressait les cheveux et chantonnait pour l’endormir.

Eren était devenu un prisonnier. Perdu dans un monde sans queue ni tête. Un monde où sa mère, était son unique geôlier.


Plus le temps passait et plus il était en colère. Lorsqu’il essayait vraiment de faire changer les choses, quelques objets apparaissaient. Ils n’étaient pas comme les autres détails qui fluctuaient au fil du temps, non eux, ils apparaissaient et disparaissaient aussi vite qu’ils étaient apparus. Comme si Eren devait fournir un effort supplémentaire pour les imaginer. Une tasse de café. L’odeur de cigarette. Un chapeau de cowboy, noir. Des cahiers gribouillés de sa propre main…

Eren avait essayé d’en ouvrir un, une fois. Une sorte de lapin y avait été dessiné (par lui-même s’il s’en souvenait bien). L’animal dessiné avait l’air en colère et les yeux tombants, juste en-dessous le jeune Eren avait tenté d’écrire quelque chose ‘L…’ Un prénom ? Seule l’initiale demeurait visible tandis que tout le reste de son infâme gribouillis se floutait jusqu’à devenir illisible…Alors qu’il essayait de se concentrer pour faire reculer le flou qui lui dissimulait la fin du mot, sa mère avait surgi du néant. Elle s’était emparée du cahier d’un geste brusque et Eren, hébété avait levé les yeux vers elle. Pendant un instant, elle lui avait paru plus grande, plus imposante, comme s’il n’était de nouveau qu’un enfant de cinq ans. Ses yeux ambrés avaient lancé des éclairs : « Eren…que fais-tu ?

- …je...j’avais juste envie de regarder, Maman. Le cahier était juste là alors j’ai pensé que…

- Ne touche plus à ça. Eren. Il n’est pas encore temps. Tu n’es pas assez fort pour l’affronter. Il ne ferait qu’une bouchée de toi.

- Maman…tu me fais peur, de quoi tu parles…

- De lui. » Elle l’avait saisi par le col avant de le traîner sans prendre de gant vers le coin sombre. La trappe s’était mise à se soulever et s’abaisser comme si la créature qui y était enfermée tentait de s’en échapper. Elle grognait, griffait et vociférait. Eren, tremblant de peur, avait tenté de reculer de mieux qu’il le pouvait… mais Carla l’avait maintenu en place de sa poigne de fer. Impossible de s’échapper. Elle avait expliqué « Peut-être qu’il te permet de guérir Eren, mais il ne faut pas que tu oublies, c’est pour mieux pouvoir te manger…tu n’es pas encore prêt à l’affronter. » Bien qu’elle se soit tenue debout et lui à quatre pattes sur le sol, il avait eu l’impression de l’entendre lui chuchoter ces mots à l’oreille. 


Depuis l’incident du cahier, Eren avait arrêté de s’endormir, la tête posée sur les genoux de sa mère. Maintenant, il l’observait. Et de loin.


Sa méfiance et sa colère, ne le quittait plus. En acceptant l’idée qu’elle puisse lui faire du mal, Eren s’était ouvert la porte vers d’autres horizons. Et c’était comme s’il voyait Carla, pour la première fois. Ainsi il remarqua qu’elle ne lui faisait face que très rarement. Et que là, à la base de sa nuque, d’étranges traces rougeâtres transparaissaient sous le col de sa robe. Il remarqua aussi qu’elle ne pouvait pas quitter la petite maison. Si Eren voulait échapper à ses remontrances, il lui suffisait de s’éloigner un peu, ne serait-ce que pour aller vers l’arbre du jardin. Et elle se contentait de se tenir là, sur le pas de la porte à le regarder s’éloigner, sans bouger.

Il comprit aussi qu’elle n’entendait pas les voix.

Ni celle d’Armin, ni celle de Mikasa, ni celle des autres d’ailleurs. Toutes ces voix confuses qu’Eren s’était mis à entendre depuis peu. Qui parlaient de plaquettes, d’ondes cérébrales, d’encéphalographie…

Eren avait pris conscience que sa mère, parmi toutes les bizarreries de ce monde, était encore l’anomalie la plus dangereuse.

Elle était la seule à avoir essayé de lui faire du mal.


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Un jour où il était particulièrement en colère contre elle et trop nerveux pour continuer de la voir s’activer sans cesse à répéter les mêmes tâches, il partit à l’aventure avec la ferme intention de découvrir qu’elles étaient les limites de ce monde. S’il y avait une porte de sortie ou un quelconque moyen de rejoindre Armin et Mikasa, il comptait bien les découvrir.

C’était à ce moment-là qu’il l’avait entendue.

« Hey…morveux. »

Une voix solitaire. Profonde. Grave. Qui s’était insinué tout au fond de lui comme s’il venait d’avaler une gorgée d’eau glacée. Eren leva les yeux vers le ciel. Il était gris, comme à chaque fois qu’il se sentait triste ou apeuré. La voix avait continué à résonner, à gronder comme le tonnerre. Le monde s’était mis à tournoyer autour de lui. Eren s’était accroupi, les deux mains plaquées sur les oreilles tandis qu’elle continuait de frapper, de plus en plus forte.

« Gamin… »

Le cœur d’Eren battait la chamade. Mais il n’avait plus peur. Ce timbre de voix, cette intonation précise. Ce mot. Il les connaissait. Qui ? Qui parlait de cette façon ? La voix s’adoucit et le tonnerre s’éloigna. Mais le cœur d’Eren, lui, continuait de lui danser entre les côtes. Il s’était relevé et s’était remis en marche, bercé par l’histoire qu’elle lui racontait.

Un canapé beige, à angle, apparut au beau milieu de la rue.

Eren l’avait déjà vu, souvent, dans la petite maison. Mais il faisait partie de ces éléments du décor qui ne restait jamais bien longtemps… «… Elle a bousillé le canapé de ta mère, j’ai dû le faire remplacer. Ils ne vendaient plus le même modèle alors j’ai dû en prendre un autre…de la même couleur. » Quel couleur ?  

Beige.

C’était un large canapé beige, sur lequel il adorait s’endormir. Parce qu’il savait que s’il s’endormait là, alors on le porterait jusqu’à son lit. Deux bras puissants, une légère odeur de café et de quelque chose de plus doux, de rassurant, une touche boisée et musquée, qui l’enveloppait tout entier.

Il se sentait bien dans ces bras. Bien et en sécurité.

Qui ? Qui était-ce ?

« ….je l’ai trouvée dans notre ruelle gamin. Celle où je…».

Soudain elle fut là.

La ruelle.

En face de lui.

Et tout lui revint en mémoire. Levi. Les trois agresseurs. Sa mère. Kenny. Leur maison dans le quartier de Trost…les vacances à la plage.

Eren la contempla. Hébété. Comment avait-il pu oublier ? Comment avait-il pu oublier Levi ? Qu’est-ce qu’il faisait là ? Où se trouvait-il ? Sa mère. Sa mère avait forcément la réponse à toutes ces questions. Il partit en courant. C’était la première fois qu’il était aussi pressé de retrouver la petite maison. La première fois que le ciel s’assombrissait et que pourtant, rien ne semblait le téléporter là-bas comme cela se produisait d’ordinaire.

« …Gamin…tu ne trouves pas que t’as assez pioncé ? Tu comptes me faire attendre pendant combien de temps encore ? …T’es entré dans ma vie comme une foutue bombe, t’as niqué ma routine, défoncé mes plans d’avenir, tu… »

Lorsqu’Eren atteint la maison, à bout de souffle.

Il faisait nuit dehors. Enfin.

Mais sa mère était absente. Le salon était plongé dans le noir et les battements furieux de la bête, coincée sous la trappe, n’avaient jamais été aussi forts...jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent. Net.

« Eren… »

Eren fixa la trappe avec incrédulité. La voix de Levi venait de là-bas. La voix de Levi, qui l’appelait depuis l’intérieur. Il se précipita dans le coin sombre, ignorant la peur panique qui lui vrillait les tripes. Il devait libérer Levi, il devait le sortir de là. Levi n’était pas un mauvais garçon, Carla n’aurait jamais dû l’enfermer là-dedans. Eren était en train de soulever le loquet qui maintenait la trappe fermée quand la voix de Carla retentit derrière son dos : « Eren ! Non ! Ne fais pas ça ! » Il savait que s’il se retournait maintenant pour lui faire face, que s’il voyait ses traits déformés par la terreur et la tristesse, il n’aurait pas le courage d’aller jusqu’au bout. Alors il ne se retourna pas et hurla : « Maman, Levi n’est pas un mauvais garçon, il n’a rien à faire dans la cave…

- Eren si tu ouvres cette trappe, nous ne pourrons plus être tous les deux, plus jamais…

- Maman… » Son cœur se serra. Il eut l’impression que tout son corps était plongé dans un bain glacé. Il souffla : « …je sais. Je sais que tu n’es déjà plus là. » Il s’était figé, la main tremblante, prêt à ouvrir la trappe.

Pourquoi avait-il fermé les yeux aussi longtemps ?

Pourquoi avait-il fait comme si de rien n’était pendant aussi longtemps ?

Alors qu’il savait.

Alors qu’il avait su depuis le début…

… depuis les premières fois où l’arbre à histoires s’était mis à lui transmettre les voix de l’extérieur…

« Maman… les voix ont dit que tu étais morte. Et qu’oncle Kenny aussi, est mort….»

Il pleurait à chaudes larmes. Et elle aussi, par mimétisme sans doute. Elle avait l’air désolée, elle ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose mais sa voix fut étouffée par le bruit assourdissant du loquet, qui se déverrouillait enfin alors qu’Eren avait arrêté de tirer dessus. Carla, le visage baigné de larmes lui hurla : «Je t’aime Eren. »

Et il tomba.


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Ses souvenirs lui étaient revenus dans un simple flash.


Il s’était revu, sur le départ.

Leur pique-nique était prêt, leurs valises en train de se faire charger dans la voiture par oncle Kenny. Sa mère les avait mitraillés de photos alors que Kenny râlait, disant qu’il n’aurait pas été contre un peu d’aide et qu’il détestait finalement cette stupide idée de vacances en ‘famille’.

Au moment de monter en voiture, Carla s’était rendu compte qu’elle avait oublié son sac à main sur la table du salon. Alors elle était descendue et était retournée en courant dans la maison. Si elle était bien revenue avec son sac, elle avait en contrepartie complètement oublié l’appareil photo à l’intérieur. Mais Eren avait refusé de le lui faire remarquer, parce qu’il était déjà trop impatient de retrouver Levi. Parce qu’il voulait déjà être sur la plage.

Ils s’étaient retrouvés coincés dans les embouteillages.

Kenny avait encore râlé alors que Carla se moquait doucement de lui. Eren se rappelait de la conversation alors qu’il était incapable de vraiment les entendre parler.

Il se concentra davantage comme pour rendre le souvenir plus réaliste. Il était certain de se rappeler des mots exacts…

Un agent de police leur avait fait signe de s’engager sur le périphérique. Kenny déclara : «...Ils doivent faire ça pour dégorger le trafic. Au moins, on sera à l’heure. Ce n’est pas trop tôt ! » Ah. Le son lui était revenu. C’était peut-être parce qu’il ne savait pas ce que voulait dire le mot dégorger, que son esprit avait si bien retenu cette phrase-là…


Ils s’étaient donc engouffrés sur le périphérique.


Ils avaient roulé un petit instant avant que Kenny n’ait l’impression qu’il se passait quelque chose de louche.

Il n’y avait aucune voiture devant eux.

Aucune voiture derrière.

Mais ils avaient continué d’avancer, hésitants…

… jusqu’à ce qu’ils les voient.

Des géants. Difformes. Aux visages rieurs. Aux regards vides et stupides...

….des géants qui avaient écrasé toutes les voitures qui les précédaient.


Ils formaient un barrage qui leur coupait la route.


Kenny avait freiné d’un coup et s’était brusquement retourné pour voir s’il pouvait faire marche arrière sans risque. Eren avait pu lire dans son regard, qu’il était effrayé et surpris. Kenny ne comprenait pas ce qu’il se passait. Mais il savait que s’il continuait par-là, ils allaient tous mourir. Carla, elle, s’était figée dans son siège et son visage blafard avait fixé les géants alors qu’elle murmurait : « Les Titans… »

Kenny n’avait pas pu faire marche arrière, car d’autres monstres étaient apparus sur la route et refermaient l’étau autour d’eux. Alors il n’avait pas hésité une seconde de plus, il avait appuyé sur la pédale d’accélération et d’un coup brusque de volant avait projeté leur véhicule vers la forêt qui bordait le périphérique.

Eren avait cru que sa nuque allait se briser au moment où les pare-chocs de leur voiture défoncèrent la barrière de sécurité en métal. Sa mère hurlait par-dessus le vacarme : « Eren ! Eren vite couche toi ! Couche-toi ! » Et parce qu’il avait extrêmement peur, Eren avait obéi. Pourtant il vit tout ce qu’il se passa ensuite. Parce que sa tête arrivait pile entre les deux sièges de devant.

Kenny parvint à éviter les grandes mains d’un des géants alors que la voiture lui passait sous les jambes à toute allure. Les monstres étaient lents et stupides. Eren vit leurs larges ombres agiter les bras dans les airs pendant encore quelques instants alors qu’ils les avaient déjà dépassé.

Et c’est à cet instant, au moment où ils crurent s’en être sorti, qu’il apparut.

Le souvenir devint plus net. Plus fort. Plus réel.

Le monstre n’était pas plus grand que les autres mais il était très certainement plus rapide. Plus intelligent. Plus agile. Il écartait les arbres sur son chemin comme s’il s’agissait de vulgaires toiles d’araignées. Il avait de long bras poilu. Son pelage était blond presque brun. Il ressemblait au croisé d’un singe et d’un loup. Une abomination dont l’expression faciale n’avait rien de bestiale.

Il jubilait.

Il les dépassa en quelques bonds avant d’effectuer un demi-tour brutal. Alors qu’il fonçait droit vers eux, une expression de pure extase déformant un peu plus ses traits inhumains, Eren l’entendit hurler : « CARLA ! » Son cri s’était terminé en grondement sourd. Le bruit qu’aurait fait un prédateur en fondant sur sa proie. Il présenta l’épaule en avant et se décala légèrement sur le côté afin de percuter de plein fouet la voiture du côté voyageur.

Eren n’oublierait jamais.

Le bruit de taule froissée.

Le bruit qu’avait fait le corps de Kenny lorsqu’il avait été broyé.

Le bruit de ses propres os alors qu’ils étaient pulvérisés par l’impact.

Ce qui l’avait sauvé, in extremis ça avait été la main, bizarrement distordue, énorme et brûlante qu’avait tendu sa mère pour protéger son crâne. Eren avait eu si mal, qu’il avait perdu connaissance…

Quand il rouvrit les yeux, il ne sentait plus aucune partie de son corps. La porte arrière de la voiture qui lui faisait face, totalement tordue, s’était arrachée de ses gongs. Eren était si enfoncé dans la taule froissée qu’il avait l’impression d’avoir fusionnée avec elle. Il flirtait entre conscience et inconscience sans parvenir à déterminer pourquoi il était encore en vie. Pourquoi il devait souffrir autant.

La bête n’était plus aussi grande. Une étrange fumée l’entourait, comme si elle était en train de se dégonfler ou de fondre.

Sous les yeux ébahis d’Eren, un tatouage gigantesque était apparu sur la peau dévoilée de son dos. Il avait beau dégonfler à vue d’œil il avait toujours ses longs bras poilus. Bras avec lesquels il maintenait au sol une autre créature. Face contre terre, plus petite et moins déformée que lui, elle avait une longue chevelure couleur chocolat qui lui dissimulait le visage, de longues oreilles en pointes et à l’endroit où il lui manquait un bras, une épaisse veloute de fumée s’élevait dans l’air.

Son assaillant grognait et bavait, comme s’il luttait pour rester conscient et ne pas simplement gronder : « …Toi…espèce de…pute ! » Chacun de ses mots étaient entrecoupés par un grognement : « …qu’est-ce que tu croyais faire au juste ? Réussir à sauver ce…crétin ? S’il a été...assez naïf…pour croire un traitre mot de ce que tu as pu lui raconter…alors il méritait de mourir…tu ne crois pas ? » Sa victime releva la tête sans rien répondre.

Et là, Eren vit.

A travers son rideau de cheveux, deux yeux ambrés presque doré.

Un regard qui n’exprimait que de la tristesse et du désespoir.

Cette créature. C’était sa mère. C’était Carla.


Eren avait voulu hurlé et avait commencé à essayer de se débattre pour la rejoindre. Mais son corps était en trop piteux état. Il lui avait semblé qu’elle le fixait, intensément. Quand il s’était concentré pour davantage lui rendre son regard que d’essayer de s’extirper de la voiture, il l’avait entendue, aussi clairement que si elle lui avait parlé, là, dans sa tête : « Eren.

 Mon tout petit

…je suis désolée.

Je n’ai pas réussi à te protéger jusqu’au bout…

Mais il faut que je le fasse maintenant.

Que je te rende le pouvoir qui va te permettre de survivre à tout ça…

Je vais te libérer Eren.

Je vais te libérer de mon contrôle.

Tu auras besoin de toutes tes forces, si tu veux pouvoir guérir…Mais j’ai pris tellement d’années pour réussir à endormir l’Alpha qui vit en toi, qu’il risque de lui falloir beaucoup de temps avant de parvenir à remonter à la surface...

Tu vas devoir souffrir, Eren.

 Je suis désolée.

 Tu vas souffrir le martyr mais…tu survivras.

Tu es bien plus fort qu’eux…Eren.

N’essaie pas de résister.

Ne bouge pas d’ici.

Pour l’instant, Zeke est bien plus puissant que toi. Il te tuerait. Il te tuerait bien avant que ton père ne puisse t’aider ou apprendre que tu étais toujours en vie.

Patiente, Eren. Grandis. Il faut que tu grandisses. Pour devenir plus fort.

Ils ne savent pas encore que tu existes mais…un jour…ils reviendront.

Tu devras être prêt…donc je dois te libérer…

Eren…je t’aime. »

Et sans plus de cérémonie, elle avait poussé un hurlement. Si puissant et si perçant qu’il avait fendu l’air avant de l’emplir tout entier.

Pendant quelques minutes il ne s’était rien passé. Puis le sol s’était mis à trembler. Tous les géants qui auparavant formaient une barrière autour du périphérique étaient en train de se précipiter sur le monstre. Eren était incapable d’expliquer comment, mais il savait que le singe-loup était leur cible, mais il le savait. Quand les premiers géants arrivèrent dans son champ de vision, Eren remarqua que leurs expressions n’avaient plus rien de naïves ou stupides, ils ne souriaient plus.

Le monstre grogna : « Salope ! Qu’est-ce que tu viens de faire ? Tu crois t’en sortir comme ça ? Tu ne te régénèreras pas, tu ne fuiras pas cette fois-ci. Rendez-vous en enfer Carla. » D’un coup de griffes, il avait enfoncé la main dans la nuque de sa mère et d’un geste rageur lui avait retiré la colonne vertébrale comme s’il était en train de dérouler un vulgaire rouleau de scotch.

Eren aurait voulu hurler. Lui foncer de dessus. Mais c’était peine perdu.

Car dès que la présence de sa mère s’était évanouie dans son esprit, il avait perdu connaissance.



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