My Beautiful Beast (LevixEren)

My Beautiful Beast

Chapitre 17: Together

Le Printemps était arrivé.

Avec lui, un certain redoux qui donnait au quartier de Stohess des allures de paradis perdu. Les arbres fleurissaient. Les oiseaux chantaient et la forêt qui bordait la résidence d’Hanji frémissait sous le vent.

Lorsque Levi arriva ce matin-là devant l’entrée du Labo, Eren l’attendait déjà. Ses valises à ses pieds, un petit bonnet blanc muni d’oreilles de chat posé sur la tête. Il trépignait sur place. Levi ralentit et l’observa un instant. Un jean aux teintes brunes, un t-shirt vert au col en V couleur kaki et lacé d’un ruban marron. Par-dessus-lequel il portait une veste en cuir dans les mêmes tons. Où diable Hanji avait-elle trouvé ces vêtements ? Le t-shirt qu’Eren portait ressemblait beaucoup à ceux qu’adorait lui acheter sa mère…Levi pinça les lèvres, c’était en le voyant comme ça, impatient et vêtu comme avant, qu’il devenait impossible de ne pas se rendre compte qu’Eren n’était justement plus le même petit garçon qu’à l’époque.

Levi se gara à sa place habituelle. Sans même attendre qu’il n’en descende, Eren se précipita vers la voiture, ses bagages portés avec nonchalance par-dessus l’épaule.

Il avait des étoiles dans les yeux alors qu’il faisait le tour du véhicule. Lorsque Levi en sortit, il le harcela de questions : « Ouah ! C’est quoi comme marque ? Combien de chevaux ? Comment t’as pu te payer un bolide pareil ? Combien gagne un membre d’Escadron en fait ? » A cette dernière question, Levi lui lança un regard insistant et Eren se figea avant de ricaner nerveusement : « Oh, allez quoi, t’es mon tuteur non ? En tant que fils est-ce que je ne peux pas te demander ton salaire ? » Levi grimaça : « Ne redis plus jamais ça. » Eren acquiesça vivement et rit de bon cœur : « J’avoue que même à moi, ça m’a fait bizarre ! » Levi récupéra ses valises et les balança dans le coffre. Une fois le coffre refermé, il remarqua l’étrange silence dans lequel semblait être tombé Eren. Il lui jeta un coup d’œil curieux. L’adolescent était en train de fixer le Labo, un air indéchiffrable plaqué sur le visage.

Levi s’éclaircit la gorge et déclara : « Gamin, si tu ne te sens pas encore prêt à quitter le Labo alors… » Eren tourna la tête vers lui si vite que Levi eut du mal à capter le mouvement. L’adolescent avait l’air surpris : « Tu plaisantes ?! J’adore Hanji mais j’en ai plus que marre d’être son cobaye ! Ma chambre me manque, je hais la bouffe dégueulasse que me force à avaler cette grosse truie d’infirmière en chef. Je suis sûr qu’elle a fait sa formation dans un camp de torture pour prisonnier de guerre ! J’en ai assez de l’odeur du désinfectant et de tourner en rond entre quatre murs ! » Levi ne put s’empêcher de pouffer de rire. Eren faillit en perdre la mâchoire. Il aurait voulu que la scène dure longtemps. Au moins juste le temps de vraiment réaliser qu’il avait réussi l’exploit de faire presque rire Levi. Mais celui-ci parut se reprendre au bout d’une minute à peine et lui indiqua d’un geste de la main le côté passager : « J’ai compris morveux, dépêches-toi de monter en voiture… » Encore un peu sous le choc, Eren obéit.

Au bout de dix minutes, Eren recommença à gigoter dans tous les sens. Au bout de quinze minutes, il prétextait vouloir se remettre à la page des goûts musicaux du moment et allumait la radio. Même pas deux minutes plus tard, il marmonnait l’air d’une chanson et tapotait des doigts sur sa cuisse en remuant la tête de droite à gauche. Une chose n’avait pas changé, il était intenable en voiture.

Levi se retint à grande peine de sourire.

Lorsqu’ils quittèrent le domaine des industries Zoe et commencèrent la traversée de Stohess, Eren redevint silencieux. Levi, intrigué, lui laissa un peu de temps avant de demander : « Eh ben morveux, je m’attendais plutôt à ce que tu t’extasies du moindre feu rouge, c’est quoi ce silence ? » Eren fixait le paysage, la tête posée sur sa paume comme s’il contemplait quelque chose de profondément ennuyeux. Au moment où Levi lui posa cette question, son expression changea du tout au tout. Il parut en colère : « Que je m’extasie ? C’est le matin et toutes les terrasses de café sont pleines, il y a des jeunes qui ont à peine l’air de revenir de soirée, des voitures de luxe sont garées à chaque coin de rue, il n’y a pas un seul clochard, on ne voit même pas les poubelles. Les rues sont propres et même le ciel est tellement bleu qu’on dirait qu’ils lui ont injecté de l’encre… »

Levi haussa les sourcils : « …Je ne comprends pas vraiment en quoi est-ce que ce que tu viens de dire mérite que tu t’énerves… » Eren montra la ville d’un geste ample : « Tout ça, c’est complètement faux ! Le monde n’est pas comme ça. Le reste du monde n’est pas comme ça ! Shinganshina est deux fois plus grand que cet endroit. Et on ne parle que des quartiers d’Heaven, même pas du pays entier. Combien d’autres villes existent derrière un mur magnétique ? Trois. Paraiso, Hemel et Rakuen. Mais même à elles quatre ces villes protégées ne représentent que, quoi ? Dix, quinze pourcent de la population de Paradiz? » A mesure qu’Eren parlait, la lueur au fond de ses yeux s’embrasait. Son discours, sa réflexion, son engagement, Levi avait l’impression de se retrouver face à un tout nouvel individu.

Eren poursuivit : « Ça se voit que la plupart d’entre eux ne travaillent même pas s’ils ont le temps d’aller au café ! Ils font comment ? Ils engagent des gens qui viennent de l’extérieur, des gens comme ma mère qui n’ont pas d’autres choix que de se plier à leur volonté avant de rentrer chez eux, le ventre quasiment vide pour nourrir leur famille. Les gens qu’on voit, là, ne vivent pas dans le monde réel. Ils vivent en cage, comme des porcs qu’on engraisse. Ils ne savent pas se battre, ni même comment survivre, pour ça, ils engagent des gens comme toi Levi ou comme Erwin. Mais ils oublient que ce sont eux qui vivent en cage. Elle a beau être super belle, ça reste une cage non ? Ils seront bien forcés de s’en rendre compte quand les Brigades auront terminés de nettoyer l’extérieur du mur. Ce seront eux qui devront nous payer un pass-droit pour sortir de leur prison… » Levi ne trouva rien à dire. Il était encore trop sous le choc pour trouver quoi répliquer. Il n’aimait pas plus qu’Eren tout ce que pouvait représenter le quartier de Stohess à Heaven ou encore les autres villes ‘protégées’ Rakuen, Hemel et Paraiso. Mais il n’avait jamais pensé voir un jour ce genre de réflexion être exprimée par Eren.

C’était un peu comme le voir grandir d’un coup de baguette magique. Et se rendre compte qu’en plus de son corps, son esprit non plus n’était pas plus tout à fait celui d’un enfant.

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La bonne humeur d’Eren revint dès qu’ils eurent quitté l’enceinte du mur. Et elle ne fit qu’aller en grandissant à mesure qu’ils approchaient du quartier de Trost.

L’adolescent avait même failli carrément s’enfoncer la tête dans la vitre lorsqu’ils approchèrent du parc dans lequel il jouait avec Armin puis Mikasa lorsqu’ils étaient enfants. Sans un mot, Levi freina et se gara un instant pour lui laisser tout le loisir de l’observer. Mais Eren ne descendit pas de voiture. Il se contenta de détailler l’endroit depuis sa place sans rien dire. Pour la millième fois de tout leur retour, Levi eut envie d’être capable de lire dans les pensées. Avant il pouvait comprendre ce que pensait et désirait Eren sans même que l’enfant n’ait à le dire à haute voix ou même à l’expliquer.

C’était facile à l’époque…

Levi allait prendre son courage à deux mains et lui poser la question, lorsqu’Eren s’écria : « Dans mes souvenirs, ce parc était immense. Je pouvais courir à en perdre haleine sans réussir à le traverser en entier…Pendant mon coma, il y avait un endroit qui lui ressemblait…même si je savais que j’avais grandi, d’une certaine façon, ce parc était resté toujours aussi immense…c’est un peu triste de voir qu’en vrai, il est si petit… » Eren se détourna de sa vitre et haussa les épaules : « …en même temps, si j’ai pu m’habituer à ma taille, je finirais bien par m’habituer à la sienne, non ? » Eren tapota le volant alors que Levi continuait de scruter son visage, à la recherche de la moindre trace de regret : « …Allez Levi ! Rentrons, je commence à avoir faim ! » Levi n’en trouva aucune et redémarra en silence.

Eren avait l’air parfaitement extatique.

« Wouah ! Mais….ça n’a pas du tout changé ! » Il descendit de voiture et s’avança en sautillant vers la porte d’entrée : « Levi ! C’est nickel ! Pas un brin d’herbe trop haut, pas une trace sur les vitres…j’avais presque oublié que t’étais maniaque ! » Levi refermait les coffres, les bagages d’Eren sur l’épaule, il fronça les sourcils : « Maniaque ? En quoi est-ce que garder la maison en état fait de moi un maniaque ? » Eren lui adressa un grand sourire, plein de sous-entendus. Levi grogna en le rejoignant, clés en main. Il ouvrit la porte et s’avança dans le hall d’entrée. Ce ne fut que lorsqu’il arriva aux pieds des escaliers que Levi se souvint d’En. Il avait complètement oublié d’en parler à Eren. Il se retourna pour s’apercevoir qu’il était un peu tard pour faire les présentations. La chatte, intriguée, était en train de renifler avec entrain la main que lui tendait l’adolescent accroupi.

Connaissant En, ce premier contact risquait très vite de devenir douloureux. En plus d’être très indépendante, elle était craintive et assez agressive envers les étrangers…Levi allait expliquer les raisons de sa présence lorsqu’elle glissa la tête sous la main ouverte d’Eren. Surpris, Levi marqua un instant de pause durant lequel Eren dit : « Bonjour En… » Levi entrouvrit la bouche pour demander qui avait bien pu lui révéler le nom d’un chat dont tous ignoraient l’existence quand Eren ajouta : « On m’a dit que tu avais les mêmes yeux que moi…mais c’est faux ! Les tiens sont bien plus beaux ! » En s’était tellement collée à Eren qu’il pouvait presque la serrer contre son torse. Et si Levi n’était pas devenu totalement fou, cette ingrate était même en train de ronronner. Une part de Levi ne cessait de le remercier de ne pas avoir parlé davantage à Eren pendant qu’il était plongé dans le coma. Hanji n’avait pas plaisanté lorsqu’elle avait affirmé qu’Eren pourrait sans doute se souvenir de conversations entières….

Levi gronda : « Je rêve. Petite ingrate ! Je te nourris, tu me pompes ma chaleur en hiver, pas un ronron et là, tu joues la belle pour le morveux ? Tu vas bouffer du pâté de sous-marque jusqu’à ta mort ! » Eren rit de bon cœur, il se redressa la chatte dans les bras : « Ne l’écoute pas, il grogne plus qu’il ne mord ! Mais tu le sais non ? » Il lui posa un baiser entre les deux oreilles et En miaula doucement. Levi écarquilla les yeux, halluciné. En voyant la tête qu’il tirait Eren rit de plus belle.

Son rire s’envola dans les airs et emplit toute la maison. Levi se détendit tout à coup et un sourire lui flotta sur les lèvres. Il venait de comprendre pourquoi il avait gardé cette maison intacte. C’était très exactement pour cet instant.

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Levi l’avait accompagné à l’étage.

Eren avait fait de son mieux pour ne pas trop attarder son regard vers le fond du large couloir, là où se trouvait la chambre à coucher de Kenny et sa mère. Il se concentra davantage sur la chambre de Levi dont la porte était entrouverte. Un design moderne et simple. Un lit King size, un parquet de bois d’ébène. Une table basse de style japonais. Une large bibliothèque qui encadrait un bureau, sur lequel reposait un ordinateur dernier cri…Levi interrompit sa contemplation : « Hey, gamin, ta chambre est de ce côté. » Eren sursauta, comme s’il faisait quelque chose de mal et reporta son attention vers Levi. Il évita de croiser son regard d’acier et s’avança d’un pas décidé vers sa propre chambre.

Levi avait tout rénové. Son lit. Son armoire. Son bureau. Sa bibliothèque. La moquette. Le papier peint. Il ne restait rien de son ancienne chambre.

Eren marqua un silence. Levi légèrement nerveux s’expliqua : « Hanji a pensé que c’était une bonne idée…de toute façon tout était trop petit. Alors… » Eren fit volteface et lui répondit d’un air sérieux : « C’est parfait. » Encore une fois, pas une trace de regret. Levi se demandait s’il devait croire que le gosse était plus fort qu’il ne l’avait cru ou s’il était incroyablement doué pour prendre sur lui. En entra dans la pièce comme si elle lui avait toujours appartenu et se frotta à la jambe d’Eren. L’adolescent se baissa un peu pour lui flatter l’encolure d’une main distraite. Levi hocha de la tête : « Je vais te laisser t’installer gamin, je vais préparer le déjeuner…

- Tu sais cuisiner Levi ?!

- Pourquoi est-ce que t’as l’air aussi surpris ?

- Euh…je n’en sais rien… » Levi soupira : « Vient En. Laissons Eren s’installer comme il faut. » Comme si elle avait tout à fait compris ce qui venait de se dire, En suivit Levi lorsqu’il quitta la pièce. Eren posa à nouveau les yeux sur la pièce. Il aurait voulu s’y sentir un peu plus mal. Ou alors que son esprit tente de retrouver quelque chose de son ancienne chambre mais….rien ne lui vint. Alors il s’attela à ranger les quelques affaires qu’il avait récupéré de sa chambre au Labo et se promit de très vite remplumer sa bibliothèque.

Le silence était vite retombé sur la maison.

Il était si simple de se replonger dans la routine que Levi s’était mis à cuisiner rêvassant. Si bien qu’il faillit se trancher un doigt lorsqu’un bruit sourd se fit entendre dans les escaliers. Ses yeux se levèrent automatiquement vers En. La chatte était assise sur la plus haute plateforme de son arbre à chat géant et paraissait tout aussi surprise que lui. Si ce n’était pas En alors qui…Eren jura : « Putain de jambes ! Vous avez intérêts à fonctionner nickel quand j’aurais quinze ans ! Ou je vous ampute et je demande à Hanji de me fabriquer des prothèses ! » Levi se sentit un peu stupide. Il s’était tellement habitué à la solitude qu’il avait réussi à oublier la présence d’Eren en à peine vingt minutes. Il grogna : « T’avais qu’à  pas courir dans les escaliers ! » Eren ronchonna : « Je n’ai pas couru !

- Est-ce que tu peux te lever ? » Levi s’était légèrement penché pour apercevoir l’adolescent encore avachi sur les marches d’escaliers depuis la cuisine américaine. Eren se redressa : « Oui…. » Il s’avança, légèrement penaud et vint rejoindre Levi dans la cuisine. Levi eut la décence de ne pas se moquer de lui. Alors Eren ravala sa mauvaise humeur et demanda : « Je peux t’aider ? » Levi haussa un sourcil : « Tu viens à peine de quitter le Labo et t’as déjà envie d’y retourner en urgence ?

- Qu’est-ce que t’insinues ? Que je suis tellement nul que je risque de me faire mal, c’est ça ?

- Tu vois, je n’insinue pas si tu peux comprendre aussi vite où je veux en venir…ne me gêne pas. Assieds-toi et attends. » Eren avait encore les jambes flageolantes alors il ne se fit pas prier et s’installa sur l’un des tabourets qui se trouvait de l’autre côté du plan de travail.

Levi avait l’air d’un magicien.

Le couteau paraissait n’être qu’une extension de sa main. Il coupait, tranchait et éminçait avec une rapidité presque inhumaine. Sous ses doigts experts la nourriture prenait vie. Couleur, forme, senteur, tout était sublimé. Il leur prépara une splendide poêlée de légumes, du riz complet et des aiguillettes de poulet en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Quand Eren se retrouva attablé devant son assiette, encore sous le charme, il souffla : « Je deviendrais aussi bon que toi ! » Levi répliqua : « Qui aurait cru que la technique au couteau des Ackermann pouvait être si bien réutilisée en cuisine ? »

A peine le déjeuner avait-il commencé qu’Eren commença à lui raconter toute sa vie. Comme le fait qu’Hanji pleurait alors qu’il empaquetait ses affaires ce matin ou encore que Mikasa et Armin fussent dégoûtés d’être à l’internat au moment où il quittait le Labo et de ne pas pouvoir venir l’aider à déménager. Eren avait ajouté dans un soupire que c’était stupide parce qu’il ne possédait absolument rien qui nécessite qu’ils soient trois pour l’aider à transporter. Avant de lui parler du fait qu’il trouvait quand même lui aussi parfaitement nul qu’Armin et Mikasa fussent en internat toute la semaine parce qu’il allait s’ennuyer ferme tout seul. Levi silencieux se surprit à apprécier le repas plus qu’à l’accoutumée. Il ne l’admettrait sans doute jamais mais, ça avait sans doute à voir avec le babillage incessant d’Eren….

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L’atmosphère était plus tendue qu’à l’accoutumée.

On pouvait croire que c’était parce qu’il s’était déjà écoulé deux ans depuis la dernière fois où ils avaient été sur le point d’effectuer une si grosse prise. Ou encore parce qu’ils avaient dû réunir dans la même pièce deux chef d’Escadron qui ne s’entendaient absolument pas. Ou même parce que ça faisait presque cinq heures qu’ils passaient tous confinés (à vingt) en salle de débriefing…mais en réalité, ce qui ajoutait grandement à la nervosité commune, c’était les tapotements incessants de Levi contre la table de réunion. Son regard fixé sur l’horloge mural et ses grognements de mécontentements à chaque fois que Kyles Uster avait malheur d’émettre la moindre opposition qui risquait de prolonger le meeting…

Levi craqua : « On s’en fout complètement ! Si tu veux planquer tes putains de lopettes en sniper et attendre qu’un déluge divin de merde vienne forcer le Renard et ses chiens à quitter leur planque, fais-le Face de cul ! Mes gars et moi, on fera juste comme d’habitude, on bossera pour dix ! Essaie juste de faire en sorte que tes boulets ne se tirent pas une balle dans le pied ! » Un long silence accueillit cette réplique.

Ce n’était pas la première fois que Levi traitait Kyles Uster de face de cul, ce qui changeait vraiment, c’était que pour une fois, il avait vraiment l’air de le penser. Le chef d’Escadron répliqua : « Avec tout le respect que je ne te dois pas chef Ackermann, c’est ce genre de comportement qui explique pourquoi tu n’as toujours que six hommes prêts à travailler pour toi…tes méthodes sont tout simplement…

- La ferme Face de cul, mes six hommes en valent trente comme les tiens. D’ailleurs j’avais dit à Mono-sourcils que je préférais encore avoir à me faire enlever une couille que d’avoir à bosser encore une fois avec toi et tes lopettes sur une autre affaire ! » Hanji éclata de rire, comme si elle essayait de se contenir depuis trop longtemps.

Les agents sous les ordres de Kyles lui lancèrent un regard courroucé. Eld leva les bras en signe d’apaisement : « On se calme. Je crois que ce que le Caporal essaie de dire c’est que vous devriez…

- …vous cassez de cette salle et allez faire mumuse avec le gang des bacs à sable du nord de Trost ! Ça au moins ce sera un adversaire à votre taille !

- Euh, non Caporal je ne crois pas que ce soit… » Kyles et ses hommes se levèrent avec la synchronisation parfaite d’un corps d’armée : « Ca suffit, je refuse de rester ici une seconde de plus ! Je te laisse tout superviser Levi. Allez donc tous tous vous faire trucider. On ne vous appelle pas l’Escadron Suicide pour rien ! Je ne suis sûrement pas là pour me faire insulter par un morveux d’à peine vingt-quatre ans ! » Levi haussa un sourcil, un rictus sur les lèvres lorsqu’il répliqua : « Ah ? Mon âge n’avait pas l’air de déranger ta femme hier soir… » Kyles écarquilla les yeux et porta la main à sa ceinture comme s’il voulait saisir son arme. Moblit posa la main sur son avant-bras avant même qu’il ne puisse y poser les doigts : « Chef Uster, à votre place, je ne ferais pas ça… » Le ton était avenant mais la poigne du châtain racontait toute une autre histoire.

L’atmosphère s’était chargée d’électricité et quand Kyles releva les yeux, il ne rencontra que des regards incroyablement froids.

Des regards de tueurs. Dirigés droit vers lui et son équipe. Le fait qu’il soit en sous nombre numérique n’avait pas l’air de déranger leurs sept adversaires. Pire, il y avait comme un arrière parfum d’excitation qui flottait dans la pièce. A part Moblit, ils étaient tous assis et ils n’avaient pas vraiment bougé de leur position initiale. Mais ils avaient les muscles tendus et une aura de danger les entourait. C’était comme se retrouver dans une cage remplie de prédateurs affamés. Menacer leur chef c’était vouloir être réduit en charpie.

Kyles sentit une goutte de sueur froide lui perler sur le front.

Il déglutit. Il ne devait pas totalement perdre la face. Il faisait lui aussi parti de la Brigade d’Intervention. Et même si son Escadron n’avait pas d’aussi bons résultats que celle de Levi Ackermann, il excellait dans son domaine et sa contribution n’était pas négligeable. Il était à la tête d’une vingtaine d’hommes surentraînés qui eux, ne cachaient aucuns squelettes dans leur placard. Des hommes biens. De bons flics. De bonnes recrues. De bons soldats. L’Elite. Il ne devait pas se laisser entrainer par le chien fou d’Erwin Smith. Il n’avait qu’à attendre que la bête se retourne contre son maître pour prouver que toute cette histoire d’anciens E.C présents dans les Brigades n’était qu’une grave erreur….Il soupira : « Très bien. Nous partons. Mais le commandant Erwin entendra parler de ce qu’il s’est passé ici, soyez-en sûrs. » Il tourna les talons et quitta la salle, accompagnés de ses treize hommes.

La porte se referma derrière eux.

Eld se laissa tomber en arrière sur son siège : « Enfin terminé ! » Hanji s’essuya un œil : « J’ai cru que j’allais mourir asphyxiée ! Tu as tenu plus longtemps que d’habitude Levi ! » Oluo claqua de la langue : « Ces péquenauds devraient apprendre à mieux jauger la force de leur adversaire avant de venir la ramener ! » Petra lui jeta un regard consterné : « Je suis sûre que tu aurais réussi à te poignarder toi-même avant d’en abattre un seul….

- J’ai suivi les préceptes du grand Kenny Ackermann ! Je ne me serais pas poignardé tout seul ! » Gunther s’étira : « Bon…est-ce qu’on doit s’attendre à ce qu’Erwin nous tombe dessus ? » Levi était en train de ranger ses notes : « Absolument pas, cet enculé de blond a dû nous forcer à rencontrer Face de cul uniquement pour que je l’énerve… » Eld leva un sourcil : « Pourquoi diable est-ce que le Commandant voudrait énerver le chef Kyles ? » Moblit soupira : « Si Erwin à vraiment voulu énerver Kyle, c’était probablement pour qu’il aille se plaindre du comportement de Levi en dehors de nos murs…comme ça Erwin le fera suivre et il saura enfin avec quel homme politique influent Uster a monté une alliance. Il est de notoriété publique qu’on essaie de lui voler la supervision de la Brigade. Tout ce qu’ils veulent c’est prouver qu’il n’est pas apte à diriger le rassemblement d’hommes le plus dangereux du territoire…la Brigade d’Intervention attire les convoitises. C’est un énorme pouvoir… » Levi grogna : « Le simple fait que tu réussisses à lire dans les pensées de Mono-sourcils, même si tu dois louper encore une ou deux de ses entourloupes cachées, me donne envie de te faire exorciser… » Levi s’était levé et s’apprêtait visiblement à partir.

Petra paniqua : « Caporal, tu pars déjà ?! » Levi haussa un sourcil et lui jeta un regard blasé : « Maintenant qu’on en a terminé avec cette grosse blague de réunion ? Ouais ! Il était grand temps ! Erwin me le paieras…

- Non mais euh…en fait je me disais, est-ce que tu voudrais bien qu’on aille boire un verre après le boulot ? » Un silence accueillit sa demande. Hanji acquiesça vivement de la tête avant de murmurer au creux de l’oreille d’Eld: « Maintenant qu’Eren n’est plus plongé dans le coma ni même en rééducation au Labo, Petra doit croire que Levi est enfin disponible pour une relation plus engagée que ces vagues histoire de cul… » Eld parut surpris et chuchota : « Vraiment ? Et tu crois que Petra a les couilles d’enfin arrêté de jouer l’autruche et d’y aller à fond pour lui faire comprendre qu’elle veut autre chose qu’une relation de chef-employée-amie? » Hanji pencha la tête sur le côté : « Alors ça…. » Petra était rouge pivoine lorsqu’elle précisa : « Tous ensemble. Je veux dire qu’on aille boire un verre, tous ensembles… » Hanji ricana à l’intention d’Eld : « …non, je ne crois pas ! » Levi parut réfléchir un instant puis il déclina poliment : « Je préfère rentrer. Une autre fois peut-être… » Eld s’exclama : « Tu rentres tôt tous jours-ci Caporal…

- Le morveux m’attend pour dîner, même quand je lui dis de manger seul…

- Oh je vois ! Ta petite femme t’attend sagement à la maison, ça se comprend… » Levi marqua une légère pause : «Eld. Quand on prendra d’assaut le QG du Renard, tu seras en slip. »

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Cela faisait une semaine et demie qu’ils vivaient ensemble.

Levi ouvrit la porte d’entrée et immédiatement, des bruits de pas se firent entendre. Eren et En déboulèrent dans le hall « Bienvenu à la maison ! » Et Levi n’était toujours pas habitué à être accueillit de cette façon. Ce soir-là, Eren paraissait tout particulièrement excité. Il l’aida à se débarrasser de sa sacoche : « Alors le boulot ? » Levi réfléchit quelques secondes à la question. Il avait terminé deux tiers de sa paperasse et faillit assassiner un collègue et la moitié de son équipe alors il répondit : « …La routine… » Eren commença à papoter : « J’ai enfin ma carte d’abonnement au transport. Je vais pouvoir commencer à reprendre les cours au Labo… » Eren l’attirait vers le salon, fébrile. Et Levi ne voyait absolument pas pourquoi l’idée d’aller se farcir le crâne de….

Eren avait mis le couvert et sur la table trônait une marmite de potage.

Levi s’écria : « T’as cuisiné gamin ? » Eren lui adressa un large sourire, visiblement très fier de lui : « J’ai super bien suivi la recette ! » Il installa Levi à sa place, s’assit lui-même et le servit avec entrain. Puis il attendit que Levi en prenne une bouchée…Levi soupira, prit une cuillère de potage et gouta. Quelques légumes étaient mal mixés. Mais globalement, ce n’était ni le pire plat qu’il ait jamais mangé, ni le meilleur. Il déclara : « Ça se mange. » Et le sourire que lui rendit le gamin était si étincelant qu’on aurait dit qu’il venait de lui offrir le plus beau des compliments.

Alors Levi termina tout son plat et s’en resservit même un deuxième.

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Allez savoir si c’était à cause de tout le potage qu’il avait avalé mais Levi se réveilla en pleine nuit pour aller aux toilettes.

Sur le chemin du retour il entendit un bruit en provenance de la chambre d’Eren. Il approcha, curieux. L’adolescent devait être en plein cauchemar. Il grognait et gémissait de douleur : « Non…pas elle…va-t’en….Zeke….non…. » Levi entra dans la chambre avant de savoir ce qu’il comptait faire. Eren était en train de se griffer le visage avec force. Levi se précipita vers lui et lui agrippa les deux bras avant de le serrer contre lui pour l’empêcher de se débattre. Eren s’immobilisa presque instantanément. Il inspira un bon coup et poussa un dernier gémissement plaintif, presque comme s’il pleurait. Levi resta dans cette position un long moment. Mais lorsqu’il voulut recoucher Eren correctement, l’adolescent s’était accroché à son T-shirt. Levi regarda son visage apaisé et détailla les marques de griffures encore à vif sur son cou.

 Et s’il recommençait ?

Levi ne pouvait pas le laisser seul.

Il se redressa, plaça un bras sous la nuque d’Eren et l’autre sous ses genoux avant de le soulever et le caler contre son torse. Ce lit était bien trop petit pour les accueillir tous les deux. Il s’avança jusqu’à sa chambre et installa Eren aussi doucement que possible pour ne pas le réveiller. Au moment de s’installer lui-même, Levi pensa pendant un instant qu’Eren n’était plus vraiment un enfant et qu’il risquait sans doute de trouver bizarre de se réveiller dans un lit qui n’était pas le sien…Il en était là de sa réflexion lorsqu’Eren se tourna dans sa direction et enfouit son nez dans son coussin. L’adolescent renifla un instant avant de soupirer d’aise. Levi marqua une longue pause. Puis il soupira à son tour. Pourquoi se prendre la tête maintenant ? Il n’aurait qu’à expliquer à Eren qu’il l’avait aidé à arrêter de se mutiler le visage…

Levi posa la tête sur son coussin et ferma les yeux. Il savait qu’il était incapable de dormir avec quelqu’un à ses côtés. Pas depuis qu’il s’était réveillé aux côtés du cadavre de sa mère. Mais rien ne l’empêchait d’essayer au moins de se reposer. Au bout d’un certain temps, il cala sa respiration sur celle d’Eren. C’était apaisant, presque une berceuse….

Et ce fut sur ces pensées qu’il s’endormit.

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Levi ouvrit les yeux d’un coup.

Comme s’il se réveillait d’une soirée particulièrement arrosée. Sauf qu’il était hyper reposé plutôt que nauséeux et terrassé par un mal de crâne carabiné. Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes qu’il se rendit compte qu’il était dans une position inhabituelle. Sa tête était posée contre le torse d’Eren. Le gamin le tenait dans ses bras comme s’il était celui qui avait eu besoin de réconfort ou qu’il était une foutue peluche…mais ce n’était pas le plus choquant. Ce qui l’était vraiment c’était que Levi ait pu réussir à s’endormir aux côtés d’un autre être humain…d’habitude il ne pouvait s’empêcher de penser que le corps allongé à ses côtés était en train de pourrir…Une drôle d’émotion se forma au creux de ses côtes. C’était gênant. Désagréable. Et à la fois pas si désagréable que ça…c’était différent. Et donc très inconfortable. Il s’extirpa des bras d’Eren et le réveilla d’un bref coup dans les côtes.

Eren lui fit la tête pendant presque toute leur journée de shopping.

Entre la honte d’avoir été surpris en plein moment de faiblesse, l’embarras d’avoir été rassuré comme un gosse de six ans et la colère d’avoir été réveillé par un coup dans les côtes. Il avait de quoi refuser d’être coopératif. Pourtant, il fallait bien qu’ils refassent sa garde-robe. Après tout, Hanji avait rempli ses armoires au Labo que de vêtements ridicules avec des gants en pattes d’animaux, des bonnets fantaisies ou de T-shirt encore plus fantaisistes.  

Ils déjeunèrent dans un restaurant familial, l’un de ceux qu’affectionnait tout particulièrement Eren, là où il vendait son hamburger favoris au steak végétal. Bien qu’ils ne reparlèrent plus de la nuit passée, l’adolescent accepta l’invitation comme une excuse un peu maladroite de la part de Levi et cessa d’être de mauvaise humeur. La fin de la journée se passa dans une ambiance plus détendue.

Pourtant ce soir-là, en pleine nuit, Levi fut réveillé par un bruit sourd.

Eren, l’air paniqué, de nouvelles griffures à vif sur le cou et le torse, le fixait sans un mot, debout dans l’embrasure de sa porte. Alors, sans rien dire, Levi se décala sur le côté et souleva un pan de couette comme pour l’inviter à s’y glisser. Eren obéit, toujours en silence et enfonça le nez dans le coussin qui avait été celui de Levi quelques secondes plus tôt. Il cessa de trembler et parut enfin se détendre. Levi posa la tête sur son nouveau coussin et ferma les yeux.

C’était bizarre. Ils le savaient tous les deux. Mais absolument toute leur vie était bizarre. Levi descendait d’une très ancienne famille d’assassin. Eren appartenait à une espèce humanoïde encore inconnue. Est-ce qu’il n’y avait vraiment pas autres choses desquelles être préoccupés ? Levi n’avait jamais aussi bien dormi que la nuit précédente. Et Eren paraissait pouvoir tenir éloigné les cauchemars et les crises de mutilations nocturnes tant qu’il ne dormait pas seul.

C’était bizarre et c’était bancal. Mais ça fonctionnait. Alors dormir ensemble devint une routine.