Étrangère

Chapitre 34 : Doutes

5117 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/08/2017 20:55

-Je ne te laisserai jamais..


Bave au menton, je me remémorais ce précieux moment depuis maintenant une quinzaine de minutes. Je savais que je ne devais pas m'attarder éternellement sur ces paroles mais à chaque fois que j'y repensais, je sentais comme des petits papillons dans le ventre. Depuis combien de temps déjà ? Ah oui, pratiquement une semaine. Mais quand bien même, je n'arrivais plus à penser autre chose qu'à Livaï. J'étais carrément obsédée par lui. Remuant la tête plusieurs fois, je me répétai mentalement que je devais me ressaisir. Après tout, j'étais entrain de transporter une énorme caisse de nourriture qui faisait pratiquement le quart de mon poids. Si je venais à trébucher avec, je me garantissais deux jours enfermée à l'infirmerie. Malheureusement rêveuse que j'étais, je ne regardais même pas où j'allais.


-Bordel, Hana ! râla soudainement quelqu'un.


Sans faire attention, je fonçai dans le pauvre Jean. En plus de ça, je marchai sur son pied. Je m'excusai plusieurs fois du mieux que je pouvais avant de déposer délicatement ma caisse et de rejoindre Armin et Eren. Accoudés contre des barrières, nous regardions au loin Historia coursait quelques gamins.


-Elle est complètement différente, soupira Jean.


-En m'avait dis qu'elle aimerait les aider, nous expliqua Eren.


-Dîtes donc, vous quatre ! nous sermonna la blonde en arrivant en furie. Vous ne voyez pas tout ce qu'il reste à transporter ? On n'a pas toute la journée !


Déjà fatiguée de ce qui m'attendait, je soupirai sans me retenir. Je posai sur mon épaule quelques sacs avant de reprendre la même direction que tout à l'heure. Armin et Jean devant nous, je me retrouvai à l'arrière avec Eren. Pour une raison que j'ignorais toujours, il était en froid avec moi. Décidée à détendre l'atmosphère, je lui demandai des nouvelles de son entraînement à la rigidification. Monotone, il m'expliqua qu'il arrivait maintenant à boucher l'entrée de la grotte mais qu'il restait encore pas mal de choses à perfectionner.


-Si Reiner et Bertholdt ont la fâcheuse idée de pointer à nouveau le bout de leur nez, me dit-il en changeant complètement de sujet, je serai forcé de les tuer.


-Eren, l'interpellais-je plus sérieusement. Qu'est ce que j'ai fait dernièrement pour que tu m'ignores ainsi ?


Je ne voulais pas parler de ces deux ordures mais plutôt de nous. Je voyais Eren comme mon meilleur ami. Ne pas lui parler ou me faire ignorer par lui ne faisait que me peiner de jours en jours. J'attendais sans étonnement une réponse qui ne sortit jamais de sa bouche. Stoïque, il se contenta d'avancer sans me regarder. Dans ma tête, j'avais déjà abandonné. Jusqu'à ce qu'il décide enfin d'ouvrir la bouche.


-Pensez-vous avoir un avenir ? me demanda t-il subitement. Tu ne pourras pas avoir d'enfant. Il est Caporal ! Il ne quittera jamais le bataillon. Et même si vous parvenez à survivre jusque là, vu son âge il mourra bien avant toi.


-Eren, arrête toi.


Comme un soudain changement d'expression, il arbora une mine triste. Il s'excusa avant d'accélérer le pas et de me laisser seule en retrait. Toutes ces questions, il était plus qu'évidemment qu'elles visaient Livaï. En réalité, je me les étais déjà posées. Il n'avait pas besoin de me les répéter. Mais est ce que cette conversation avait un lien avec sa façon d'être avec moi ? Perplexe, je le regardai s'éloigner tout en serrant d'avantage le sac qu'il tenait dans ses bras. En tournant légèrement la tête, je remarquai mon frère un peu plus loin accompagné de Mikasa. À deux, ils portaient de chaque côté une caisse plutôt lourde. Sourires aux lèvres, ils ricanaient. Je soupirai discrètement en les voyant. Au moins, ils y en avaient qui s'amusaient.


Finalement, cet après-midi nous avions tous ensemble convenu de rendre visite à Keith. Mais l'heure n'étant pas encore au rendez-vous, j'avais décidé de stationner devant la porte de Livaï. J'avais d'abord toqué plusieurs fois, sans grande réponse. Je vérifiai que le couloir était vide pour discrètement entrer dans sa chambre. Comme deviné, il n'y avait personne. J'oubliai rapidement cette idée en entendant l'eau coulante de la douche. Innocente, je me rapprochai de la salle de bains. L'envie de l'épier entrain de se laver me titilla l'esprit. Étais-je à ce point malsaine ? Non. Enfin, peut être que si. Hésitante, je m'abaissai avant de regarder dans la serrure.


Le rouge me monta directement aux joues lorsque j'aperçus son corps nu baigné sous le jet que produisait sa douche. Dos à moi, je l'admirai passer ses doigts dans ses cheveux pour les aplatir en arrière. Laissant descendre mon regard le long de son dos parfaitement musclé, j'aperçus le début de ses fesses. Il se tourna légèrement en biais pour attraper quelque chose. Mes yeux se dirigèrent automatique vers l'endroit le plus intime qu'il pouvait avoir. Malheureusement, je ne voyais rien. Maudite buée. Je frottai bêtement la serrure, sachant pertinemment que ça ne changerait de toute façon rien. Subitement, il tourna sa tête vers la porte. Je pouvais parier n'importe quoi que nos regards étaient entrain de se croiser. Le plus rapidement possible, je plongeai pour atterrir sur son lit. J'eus à peine le temps de m'asseoir correctement qu'il ouvrit brutalement la porte. Tandis que je faisais mine de réfléchir à quelque chose, il me fixa intensément.


-Si tu voulais me rejoindre tu n'avais cas entrer, me prévint-il d'un sourire arrogant.


Soudainement gênée, je lui lançai un coussin en pleine figure comme seule défense. Sans difficulté, il ferma la porte au dernier moment pour éviter de se le prendre. Suivirent alors plusieurs minutes d'attentes avant qu'il ne ressorte vêtu d'un pantalon et d'un T-shirt. Nerveuse, je restai silencieuse. Faisant de même, il s'installa au bord de son lit. Une nouvelle fois dos à moi, je repensai à la vision que je venais à peine de voir.


-J'ai vu ton frère et Mikasa tout à l'heure, m'indiqua t-il en essuyant ses cheveux avec une serviette. Ils ont l'air de bien s'entendre.


-Je trouve aussi.., avouais-je en grattant l'arrière de ma nuque. Ça ne m'étonnerait pas qu'ils se rapprochent.


-Il faut croire que les Ackerman ont un petit faible pour ta famille, remarqua t-il.


J'avais presque oublié qu'il était lui aussi un Ackerman. Bien évidemment, je lui avais déjà posé la question quant à ses relations avec Mikasa. Ne sachant pas vraiment lui-même, il m'avait tout simplement expliqué qu'ils étaient plus comme un clan qu'une famille. Ce jour-là, j'avais été heureuse d'en apprendre un peu plus sur lui. Soudainement en manque de nos petites taquineries habituelles, je saisis avec très grand plaisir la perche qu'il venait de me tendre. Appuyant sur ses épaules, je l'obligeai à basculer en arrière. Mon visage se retrouva au dessus du sien.


-Petit faible, hein ? demandais-je en arquant un sourcil.


Un micro sourire se dessina sur ses lèvres. Relevant légèrement la tête, il parsema mes lèvres de petits baisers. Ces moments entre nous me faisaient toujours le même effet. Malheureusement, je repensai rapidement à ce qu'Eren m'avait craché tout à l'heure. Est ce qu'un futur était possible entre Livaï et moi ? J'étais peut être bientôt une adulte mais lui l'était depuis un bon bout de temps déjà. Je ne savais même pas quel âge il avait exactement. Hésitante, je lui posai la question.


-Début de la trentaine, dit-il en se remettant assis. Pourquoi ?


Je ne voyais plus son visage pourtant j'étais pratiquement sûre que ma question l'avait dérangé. D'une voix que je trouvais un peu triste, il me demanda si ça me posait un problème. J'avais beau être perturbée par notre différence d'âge et par la mauvaise vision que les gens pouvaient avoir de nous, je n'arrivais pas imaginer devoir m'éloigner de lui. Me rapprochant de son dos, j'enroulai délicatement mes bras autour de son cou.


-Bien sûr que non, lui murmurais-je avant d'embrasser sa joue.


À présent sur nos chevaux, nous étions en route pour rencontrer notre ancien entraîneur Keith Shadis. J'appris pendant notre trajet qu'il avait été autrefois le major du bataillon, juste avant Erwin. En y repensant, ça faisait un moment que nous ne l'avions pas revu. Arrivés proche d'une tourelle, il se tenait debout les mains dans le dos. Eren, plus que pressé, sauta littéralement de son cheval. Nous le suivions rapidement mes camarades et moi, accompagnés de Livaï ainsi que d'Hanji.


Nous étions maintenant tous assis autour d'une table. Sasha préférant rester debout, j'avais hérité de la seule place restante. Keith ne se retint pas de nous dire que nous avions changés. Il commença soudainement à parler de lui. Passer le flambeau à meilleur que lui était apparemment la meilleure décision de toute son existence. Hanji lui expliqua que nous nous apprêtions à reprendre le mur Maria. Il devait donc certainement comprendre pourquoi nous étions venus. Keith resta un instant silencieux avant de passer son regard sur chacun de nous.


-Cette lueur sauvage qui brûle au fond de tes yeux, elle vient de ton père, s'adressa t-il à Eren. Et toi, tu as bien hérité de la beauté de ta mère.


Ne sachant pas comment réagir face à ce compliment, je me grattai timidement le front. La réaction d'Eren était toute inverse. Il se leva subitement, lui criant de nous dire tout ce qu'il savait sur ses parents. Même si moi aussi je mourrai d'envie de découvrir cette histoire, je ne me serai jamais permise de lui parler de la sorte. Devant l'impatience de Eren, Keith nous raconta ses souvenirs. Sa première rencontre avec le père d'Eren remontait à vingt ans. Le bataillon rentrait d'une expédition. Ils avaient croisés très peu de titans sur le chemin du retour. C'était plutôt inhabituel. Keith arrivait aux abords du mur Maria quand tout à coup il tomba nez à nez avec deux hommes.


-Ton père Eren, et le tien.


Je ne rêvais pas, il venait bien de me regarder. Sous le choc, Keith leur demanda aussitôt se qu'ils faisaient là et comment ils avaient réussi à franchir l'enceinte des murs. Vêtements sales et mines déboussolées, nos pères s'étonnèrent d'enfin rencontrer un soldat. Il accepta finalement de les faire entrer. Sortir des murs étant un crime, ils furent d'abord emprisonnés. Mais avec l'aide de Keith, Grisha Jeager et Melvin Aguria furent rapidement relâchés.


-Je les croyais d'abord innocents, nous expliqua t-il. Plus tard, je commençai moi aussi à les soupçonner quand ils me demandèrent des informations sur notre monde.


Ils ignoraient vraiment tout de tout. Ils ne connaissaient pas les origines de notre monde et n'avaient aucune notion des murs. Était-ce la un mensonge qu'ils avaient tous les deux pris la peine d'inventer ? Je me posais vraiment la question. En échange de quelques informations sur eux, Keith accepta de répondre à toutes leurs questions en particulier sur notre mode de vie. Le père d'Eren avait rencontré le mien à l'extérieur des murs. Alors qu'il marchait sans but, il tomba sur un petit village dont les habitants étaient encore sains et saufs. Lui tendant une main amicale, mon père décida de l'héberger pendant quelques temps. Après ça, ils décidèrent tous les deux de rejoindre les murs pour une raison qu'ils refusaient de révéler.


-Melvin me confia aussi qu'il avait une femme et qu'elle venait à peine d'accoucher de leur petite fille.


Heureux de cette nouvelle naissance, mon père lui révéla même la date. Je devais avouer que j'avais moi aussi envie de la savoir. Voyant la timidité dont je faisais preuve, Keith me la partagea de lui-même. J'étais née le 18 février. Si je réfléchissais bien, tout ce qu'il disait concordait. Étant un peu plus âgée que mes autres camarades, il était logique que j'étais déjà née alors que le père d'Eren n'avait pas encore de famille. Étonné par le fait que les personnes à l'intérieur des murs ne vivaient pas dans la crainte des titans, Grisha trouva ça comme une bonne chose. Keith, n'étant pas de cet avis, lui confia que l'organisation nommée "le bataillon d'exploration"avait pour but de dissiper l'interdiction d'être curieux à l'égard du monde extérieur.


-Les mots de ton père me redonnèrent espoir ce jour là, murmura t-il nostalgique. Il trouvait que nous étions des soldats extraordinaires.


C'était dans ce même bar que Grisha parla pour la première fois à sa future femme. Nos pères prirent alors chacun leur propre chemin. Comme convenu, Grisha devint un médecin réputé tandis que le mien devint aussi muet qu'une taupe. Les seuls échos que Keith avait entendu était qu'il s'enfermait dans une cabane au fin fond de il ne savait où pour tester expériences sur expériences. Quelques années passèrent, Eren naquit. Un beau jour, mon père décida qu'il était enfin venu pour lui de quitter ces murs.


-Comme par magie, Melvin revint à notre rencontre. Il clama qu'il avait enfin réussi à accomplir ce qu'il avait essayé de créer pendant toutes ces années, raconta Keith perdu. Je vous avoue que sur le moment je ne compris pas les mots qui sortirent de sa bouche.


-Qu'est ce qu'il a dit ? demandais-je en me relevant impatiente.


-Qu'il savait que c'était à Grisha de le faire mais qu'il le ferait en son nom. Il lui demanda de profiter encore un peu de la vie au sein des murs, qu'il pouvait avoir la conscience tranquille car il porterait son fardeau.


Mon père ne souhaitait pas se faire passer pour lui, mais plutôt faire ces actes en son nom. Avant de partir, mon père lui légua une étrange boîte. Quelques jours plus tard, une famille entière fut massacrée dans leur demeure en pleine nuit. Mon père avait disparu sans laisser de trace. Quelques années passèrent et le mur Maria tomba. Grisha apprit la mort de sa femme de la bouche de son enfant. Il emmena alors son fils dans une forêt avant de prévenir Keith de ne pas s'en mêler et de ne pas le suivre.


-Le jour où toi et ta famille êtes arrivés aux murs, j'avais été mis au courant. J'avais rencontré ta mère et ton frère mais une personne manquait à l'appel. J'étais aussi dans cette salle le jour de tes analyses sanguines et j'avais vaguement entendu que ton père s'était fait dévoré par un titan pendant votre voyage.


-Ma mère l'a tué, le contredis-je immédiatement.


Ma réponse ne l'étonna pas. Entamant la fin de son histoire, il nous raconta qu'après cette nouvelle étonnante il n'arrivait toujours pas à y croire. Il monta sur le mur près de la porte afin d'inspecter les alentours. Voyant le corps gisant de mon père, il se précipita vers lui. Il resta bouche bée devant l'énorme quantité de fumée qui sortait de son crâne. Toujours vivant, mon père pointa une direction avec son doigt que Keith prit le risque de suivre. Chevauchant son cheval, il tomba finalement sur moi. J'étais près de la forêt et j'avais apparemment déjà pris l'initiative de revenir sur mes pas. Il m'attrapa sur son cheval avant de me ramener près de mon père. La suite je la connaissais. Keith m'avait piqué puis j'avais dévoré mon père.


-Tu es repartie dans la forêt sous ta forme de titan, chuchota t-il. Et moi je rentrais tel un homme qui ne savait plus dans quel monde il vivait.


-Pourquoi n'avoir rien dit ? demanda Hanji.


-Quelqu'un m'aurait cru ? rétorqua t-il. Je ne pense pas.


Et moi, qu'est ce que j'en pensais de toute cette histoire ? Je ne savais pas vraiment. J'étais un peu perdue. Mise à part que finalement mon père était peut être un homme bien ? Il n'avait juste pas su gérer ses responsabilités. Ma mère, elle qui avait toujours voulu avoir une preuve de son amour, si elle avait eu un peu de jugeote elle l'aurait trouvé. Elle aurait su que mon père avait quitté les murs pour retourner auprès de sa famille. En tout cas, nous en savions Eren et moi un peu plus sur nos paternels. Ils étaient extraordinaires.


À la fois soulagés mais déçus ne pas en avoir su d'avantage, nous regagnions nos chevaux. Plusieurs questions restaient en suspens. D'où venaient-ils ? Pourquoi avaient-ils décidé de subitement rejoindre les murs ? Mais surtout, qu'est ce que mon père avait secrètement préparé pendant toutes ces années ?


Maintenant réunis dans une salle, Erwin, quelques représentants, Livaï, Hanji, Eren et moi, faisions un compte rendu de la situation. Il était évident que nos pères faisaient partie de ces personnes qui venaient d'au-delà du mur. Mais contrairement à nos précédents ennemis, ils s'étaient alliés aux humains. Qu'il y avait-il dans ce sous-sol de si important pour que le père d'Eren dans son dernier souffle se mette à faire croire que toute la vérité était enfermée à l'intérieur de cette pièce ? Erwin resta silencieux. La seule hypothèse que nous émettions était qu'elle avait un rapport avec les souvenirs du monde.


-Aujourd'hui toute les préparations ont été terminés, nous expliqua Erwin très sérieux. L'opération pour récupérer le mur Maria commencera dans deux jours à partir de maintenant.


Je trouvais cette opération un peu précipitée. Cependant, les ordres étaient les ordres. Le mystère qui entourait cette fameuse pièce souterraine, nous devions aller le découvrir par nous-même. La conversation ne dura plus très longtemps. Nous sortions finalement un par un. Je cherchai automatiquement Livaï du regard. Avant que je ne puisse regarder derrière moi, il referma la porte. Je restai perplexe qu'il souhaitait parler en privée avec Erwin. Voyant mon désarroi, Hanji me pointa quelque chose du doigt. Un verre traînait sur une des tables. Je le pris discrètement avant de le poser contre la porte pour écouter leur conversation.


-Qu'est ce qu'il y a Livaï ? lui demanda calmement Erwin.


-Qu'est ce qu'il se passera quand on aura repris le mur Maria ?


-La priorité sera de prendre des mesures défensives puis d'éliminer toutes ces menaces.


-Je ne veux pas que tu mettes en péril la vie de Hana pour absolument réussir cette mission, rétorqua t-il sèchement.


Je restai bouche-bée devant le ton qu'il avait pris. J'étais à la fois étonnée et heureuse de l'entendre s'inquiéter pour moi. Mais il ne pouvait imposer ses propres conditions à Erwin. Il était notre supérieur tout de même. Le blond lui demanda directement pourquoi est ce qu'il mettrait ma vie en danger ? Livaï cracha que le blond était du genre à sacrifier n'importe qui pour obtenir ce qu'il voulait.


-Très bien, soupira Erwin. Elle pourra faire ce qu'elle veut..


-Attends, je crois que t'as pas compris, grogna Livaï sur le même ton. Si tu lui ordonnes de se sacrifier pour la bonne cause, elle le fera bête qu'elle est.


Je fronçai légèrement les sourcils. Il n'était pas non plus obligé de parler de moi de cette manière. D'un côté, je ne pouvais pas vraiment le contredire. Si Erwin m'ordonnait de faire quelque chose de dangereux mais qui pourrait faire avancer le progrès de l'humanité, alors je le ferai certainement.


-Si elle venait à mourir..


-L'amour n'est pas fais pour un soldat, le coupa le blond.


-À ce que je sache, tu as toi aussi déjà été amoureux d'une certaine Marie.


-C'était différent, lui assura t-il en haussant légèrement la voix. J'ai su faire la part des choses. Et toi, es-tu vraiment sûr qu'avoir une relation avec une gamine est..


-Je n'en ai rien à faire de ce que tu penses, protesta Livaï. N'essaye pas de me faire la leçon. Ce qu'il y a entre elle et moi ne regarde, comme son nom l'indique, que elle et moi.


Toujours aussi béat, j'écoutais ses paroles qui ne faisaient qu'embraser mon petit cœur. Il s'exprimait avec une telle confidence que j'avais l'impression qu'il ne donnait pas vraiment le choix à Erwin. C'était dans ces moments-là que je voyais vraiment ce que Livaï ressentait pour moi. Je regrettais vraiment de ne pas avoir eu le même discours lorsqu'Eren m'avait posé toutes ces questions. Après un long silence, Erwin reprit un ton plus calme.


-Tu as ma parole Livaï. Je ne lui demanderai rien qui puisse la mettre en danger.


J'eus à peine le temps de me retirer de la porte que Livaï la poussa brutalement. N'ayant même pas eu le réflexe de cacher mon verre, je le tenais devant moi. Je rigolai nerveusement, prise sur le fait. Lui n'avait pas l'air de trouver ça drôle du tout. Par son regard, je comprenais qu'il n'était pas vraiment content de savoir que je venais d'épier leur conversation. J'arrêtais alors de rire, le regardant aussi impassible que lui. À force de s'inquiéter pour moi, il va finir par ne plus me faire confiance du tout. Je pouvais faire mes choix toute seule et je pouvais décider si je voulais vivre ou mourir. Prenant un air sérieux, je posai mon poing contre ma poitrine.


-Je ne mourrai pas aussi facilement Caporal, je vous le promets ! criais-je en faisant le salut de l'humanité.


Il arbora un air plus attendrissant. Je fermai les yeux lorsqu'il passa ses doigts dans mes cheveux. Me caresser la tête, c'était ce qu'il faisait quand il était fier de moi.


Au dîner, Sasha posa ses mains sur la tête lorsqu'elle découvrit ce qu'était posé sur notre table. Un plateau de viande était soigneusement présenté devant nous. Ce soir était un soir spécial. Nous célébrions la récupération du mur Maria. Même si je trouvais cette déclaration un peu précipitée, je n'allais pas me priver. Avant que je ne puisse réagir, la salle se transforma en un brouhaha infernale. Chacun se disputait pour avoir sa part. Tandis qu'à notre table, Sasha attrapa le gros morceau de viande entre ses deux mains. Complètement en extase, elle l'approcha de sa bouche. Connie bloqua immédiatement la tête de la brune avec ses bras. Avec quelques efforts, Jean réussit à la lui arracher des mains. Seulement la brune n'en resta pas là. Elle mordit la main du brun.


-Elle est entrain de me manger ! Elle est entrain de me manger ! se répéta Jean complètement paniqué.


-Sasha ? pleura à moitié Connie. Ce que tu manges c'est Jean ! Tu ne le reconnais plus ?


-Vous ne mangez jamais de viande dans le bataillon d'exploration ? demanda un garçon derrière eux. Pitoyable..


Recevant un coup de poing de Sasha, son nez pissa littéralement du sang. Elle était hors de contrôle. Mes camarades finirent par la ligoter à un poteau. Je ne savais pas si je devais m'en réjouir ou pas. Manger de la viande était comme une jouissance pour Sasha. Le plat de viande diminuait de plus en plus. J'entendais les pleurnichements de la brune. De toute façon, je n'étais pas fan de la viande. Je me levai avec mon assiette pour me diriger vers Sasha. Je m'agenouillai devant elle avant de planter ma fourchette dans un morceau de viande. Les yeux de Sasha se mirent à scintiller alors qu'elle sanglotait toujours. Lorsque j'approchai mon ustensile de sa bouche, elle en goba pratiquement la moitié. Je fronçai immédiatement les sourcils.


-Sasha, ce n'est pas une façon de se comporter, la réprimandais-je. Tu ressembles plus à un animal en manque plutôt qu'à une jeune fille.


Elle essaya de me faire les yeux doux pour se faire pardonner. Je soupirai, picorant un nouveau morceau. Cette fois, je réussis à reculer la fourchette avant qu'elle n'essaye de recommencer comme tout à l'heure. Ses dents claquèrent violemment. C'était bien fais pour elle. Elle n'avait qu'à m'écouter. Je m'exécutai une nouvelle fois. Rapprochant le morceau de sa bouche, elle essaya de se retenir. Elle finit par attendre que ma fourchette atteigne pratiquement sa bouche pour y arracher le morceau de viande. Elle faisait des progrès. Je la félicitai en lui caressant la tête. J'avais vraiment l'impression de nourrir un enfant qui ne savait pas se contenir devant une sucrerie.


-Tu as de la sauce partout, râlais-je en lui essuyant la bouche avec une serviette.


Tandis qu'elle mâchonnait encore sa nourriture, elle me regarda différemment. Elle était sûrement entrain de penser quelque chose à mon sujet. Après avoir avalé, des mors sortirent enfin de sa bouche.


-Tu es vraiment quelqu'un d'exemplaire Hana, me dit-elle en souriant. Je suis sûre que vos futurs enfants seront bien éduqués.


En guise de réponse, je lui lançai un sourire. Elle voyait encore beaucoup trop loin. Je ne pouvais pas lui dire que je n'aurai certainement pas d'enfant et que je n'aurai jamais l'occasion d'en élever un. Je détachai finalement une seule de ses mains pour qu'elle puisse finir mon assiette avant de rejoindre à nouveau la table. Mon frère s'étant entre temps incrusté dans le groupe, je le saluai en m'asseyant. Eren et Jean étaient déjà entrain de se chercher des noises. Ils s'attrapèrent par le col pour ensuite s'insulter et se battre.


-Dis le, combien de fois tu serais mort sans le pouvoir des titans ? lui demanda Jean énervé. Et même, combien de fois Mikasa devra te sauver ? Si tu comptes te précipiter pour mourir encore une fois, je te tuerai !


-Je vais m'assurer de le garder à l'esprit ! lui répondit Eren avant de lui donner un autre coup. Monsieur je ne suis même pas capable d'attirer l'attention de Mikasa !


-Va te faire voir ! rétorqua t-il en enfonçant son genou dans son ventre. Tu crois qu'on a pas vu comment tu regardes Hana ? T'as encore moins de couilles que moi !


Encore cette histoire entre Eren et moi qui passait sur le tapis. Ils n'arrivaient pas à comprendre que nous étions tout simplement amis ? En regardant Mikasa, je remarquai que c'était la première fois que je ne la voyais pas défendre Eren. Assise à côté de mon frère, elle les regardait impassible.


-Pourquoi personne ne nous arrêtes ? se plaignit Eren.


-La viande va remonter, s'étouffa Jean.


Quelqu'un arriva d'un pas plus que lourd. Posant d'abord sa main sur l'épaule de Jean, il envoya violemment son pied dans le ventre de Eren. Il souleva Jean pour le jeter sur une table plus loin. À moitié morts, nul doute que l'auteur de cette violence qui ne savait pas agir calmement était Livaï.


-Tout le monde s'est un peu laissé emporter à ce que je vois, expliqua t-il plus calmement. Allez dormir, et nettoyez tout ça.


Aussitôt dis aussitôt fais, les soldats se mirent à la tâche. N'étant pas disposée de corvées, je n'avais pas d'autres choix que de mettre la main à la pâte. Une fois la salle nettoyée, je décidai de sortir dehors rejoindre Eren sur les escaliers. Je m'essayai à ses côtés. À première vue, il avait l'air d'avoir un peu récupéré de son énergie.


-Jean a raison, murmura t-il tout à coup. Je suis vraiment pitoyable..


-Pourquoi ? demandais-je ne me souvenant déjà plus de leur conversation.


-Je ne suis même pas capable de te dire ce que je ressens, sourit-il nerveusement.


Évidemment que mes joues devinrent roses, c'était Eren. Pas parce que j'étais contente de l'entendre, mais plutôt parce que j'allais devoir lui dire que ce n'était pas réciproque. Je n'étais pas stupide, Eren m'appréciait beaucoup. Allions-nous vraiment avoir cette discussion ? Je tremblais déjà à l'idée d'entendre ces mots interdits sortirent de sa bouche. Devant mon silence, il continua son monologue.


-Hana, qu'est ce que tu..


-J'aime Livaï, lui répondis-je peut être un peu trop rapidement.


-Et moi c'est toi que j'aime..


Les battements de mon cœur s’accélérèrent. Je paniquais. J'essayai de le convaincre, lui faisant comprendre que son amour n'était qu'en fait une forte amitié. Pas vraiment convaincu, il continua à maintenir sa version. Il en pinçait pour moi. Je soupirai avant de poser ma tête entre mes mains. Ces fortes amitiés où un des deux finissait par craquer pour l'autre, j'étais entrain de la vivre. Comment étais-je supposée l'affronter à partir maintenant ?


-Je te rendrai plus heureuse que lui ! me promit-il. Est ce que lui t'as déjà dis qu'il t'aimait, hein ? Est ce que t'es vraiment sûrz de ça ? Moi je te le dirai tous les jours, je te le montrerai, je..


-Ça suffit Eren ! commençais-je à m'énerver.


Il essayait de me brouiller l'esprit et le pire c'était que ça marchait mais rien qu'un peu. Je savais très bien qui j'aimais et avec qui je voulais être. Je n'avais pas besoin d'y réfléchir à deux fois. Mais Eren me remettait ça sous le nez et les doutes que j'avais sur Livaï étaient entrain de remonter. Est ce qu'il m'aimait vraiment ? Bien sûr que oui, il n'osait juste pas l'avouer directement. Tandis que je me battais avec moi-même mentalement, je ne remarquai pas que Eren approcha son visage du mien. Avant qu'il n'atteigne mes lèvres, le parquet derrière nous craqua. Je m'effondrai complètement lorsque je rencontrai le regard meurtrier de Livaï.



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