Un nouveau départ (Livaï x Hanji)
Voilà 4 jours que l’expédition du bataillon d’exploration était terminée. Déjà, seulement, Hanji ne savait pas trop. D’un côté ces expéditions causaient tellement de morts parmi ces compagnons d’armes, mais elles permettaient aussi de sortir et de rencontrer ces monstres, qu’elle trouvait si intéressants. Mais actuellement, Hanji était assez inquiète. La sortie ne s’était pas très bien déroulée...pas bien déroulée du tout même. Un déviant avait pris par surprise toute une partie des troupes dans un brouillard épais, et les effectifs avaient été considérablement réduits. On pouvait craindre qu’après cette catastrophe, une bonne portion des soutiens du bataillon allait changer d’avis…voire interdire toute nouvelle sortie. Ce qui serait stupide pour l’humanité, quoi qu’en disent les conservateurs.
Hanji, toute seule dans sa chambre, soupira et secoua la tête comme pour chasser toutes ces idées noires. Elle se leva et décida d’aller retrouver ses camarades dans la cantine. Lorsqu’elle entra dans la pièce, la première personne qu’elle vit fut Livaï. Seul, à son habitude, assis en bout de table, il gardait les yeux rivés au sol sans parler à personne. Néanmoins, au son de la porte, il se redressa et regarda qui entrait. Il croisa un instant le regard brun d’Hanji, et détourna les yeux. Il la prenait pour une marginale férue de titans, une fille bizarre et assez énervante. Malgré tout, il enviait son entrain et son optimiste, qui semblaient toujours aller de paire avec elle, et il la trouvait assez sympathique. Et aussi, il finit par se l’avouer, il la trouvait très jolie. Mais aujourd’hui, il ne voulait voir personne. Il se leva donc et sortit de la pièce pour se diriger vers le toit.
Voyant cela, Hanji soupira. Livaï n’était déjà pas sociable de base, et ce n’est pas l'événement qu’il venait de vivre qui allait le pousser à aller vers les autres. Il était arrivé dans le bataillon d’exploration 3 mois auparavant environ avec deux personnes, Isabel et Farlan, amenés par le major Erwin. Comme tous les soldats, elle avait beaucoup de respect et une grande confiance envers son commandant, et contester cette arrivée ne lui avait même pas effleuré l’esprit. D’après les rumeurs, ils étaient trois voleurs de la capitale souterraine qui possédaient des dispositifs de manoeuvre tridimensionnelle (sans que personne ne sache comment ils se les étaient procurés). Erwin les aurait attrapés et aurait échangé leur poste au sein des bataillons contre l’annulation des peines qui pesaient contre eux, parce qu’ils maîtrisaient très bien le dispositif. Ils semblaient très proches. Mais lors de la dernière expédition, Farlan et Isabel se trouvaient dans la section qui s’était faite décimée par un déviant. Livaï aurait découverts leurs corps déchiquetés et aurait tué le déviant seul, un exploit pour une première sortie hors des murs. Et si avant il était déjà froid et désagréable, aujourd’hui, après la mort de ses amis, il était littéralement hermite. C’était dommage, il pouvait sûrement être un peu plus populaire… D’autant qu’il faisait tomber les filles, enfin, les commères, celles qui se préoccupaient encore de l’apparence physique des garçons. Celles qui n’avaient pas encore vu l’enfer de leurs propres yeux. Soit les nouvelles recrues, et de très rares filles ayant eu la chance de se faire affecter à un endroit où aucun titan n’avait déboulé. En même temps il était plutôt beau, avec ses yeux et ses cheveux noirs. Mais il s’en foutait, et d’après Hanji, il avait bien raison. Mais ça la peinait de voir ce garçon enfermé sur lui-même et toujours tout seul. Après une petite hésitation, elle le suivit dehors au lieu d’aller à une table avec ses amis. Elle ne lui avait parlé qu’une fois mais elle avait bien aimé Isabel et Farlan, et surtout ça l’embêtait de voir quelqu’un dans cet état. Elle arriva en haut des marches, entrouvrit la porte, et ce qu’elle vit ne pouvait que l’étonner. Livaï, assis sur un des créneaux, un genou plié et un bras posé dessus, pleurait. Les dents serrées, il tentait de retenir ses larmes qui coulaient malgré lui sur ses joues. Une mèche cachait ses yeux à Hanji qui réalisa que Livaï était vraiment beau, même en train de pleurer. Hanji était clouée par la surprise, parce qu’elle n’avait jamais vu le jeune homme afficher le moindre sentiment, en dehors du mépris. Elle ne pouvait pas savoir que 6 jours plus tôt, juste avant de partir en expédition, Livaï était au même endroit, accompagné de Farlan et d’Isabel, et qu’il choisissait de leur accorder sa confiance et de les laisser participer à l’expédition. Choix qui, d’après lui, avait coûté la vie à ses amis. À présent il se retrouvait là, à la même place, seul. Il n’avait pas voulu venir ici pour pleurer, juste pour aller voir le ciel, mais le souvenir de ses amis ici, regardant la lune avec lui, avait fini par avoir raison de lui.
Soudain, dans un geste brusque, il essuya ses larmes du revers de sa manche. Hanji soupira, et poussa la porte. Elle s’avança et s’assit sur le créneau à côté du jeune homme sans rien dire, et regarda le ciel avec lui. La nuit allait tomber, et il n’y avait pas de nuages.
“Qu’est-ce que tu fous-là ? dit Livaï au bout d’un moment.
- Comme toi, je suppose.
- ...Dégage. Laisse-moi.
- Non.”
Un petit instant passa. Il était peut-être froid, et détestable, Hanji était têtue et n’allait pas lâcher l’affaire si facilement.
“Qu’est-ce que t’attends ? lâcha le jeune homme, énervé par la présence de sa compagne d’arme.
- Comme toi, que la lune se lève. J’ai pas envie de louper le spectacle.
- Pour dégager de là, j’entends.
- Je viens de te le dire, la lune. Ou toi, ça dépend.
- ...Quoi ?
- Si tu rentres, je rentre aussi.
- Laisse-moi.”
Hanji soupira et s’étira.
“Pourquoi ? demanda-t-elle.
- Parce que. Je veux pas de toi ici. Je veux être seul.
- Mais moi je ne veux pas que tu sois seul !
- Qu’est-ce que ça peut te foutre ? murmurra Livaï.
- J’aime pas que tu sois seul. Tu l’es toujours, c’est déprimant. Et c’est pas drôle d’être toujours seul, non ? dit-elle en souriant.
- Peut-être. Je m’en fous.”
Ne plus faire de choix qu’il pourrait regretter. Il se l’était promis. Et la meilleure manière de ne perdre personne d’important était de ne s’attacher à personne. Il voulait être seul de base, comme ça il ne se retrouverait plus seul. Et il ne voulait surtout pas voir Hanji. Hanji qui lui rappelait trop Isabel, toujours optimiste et un brin gamine.
“En tous cas, je ne rentrerai pas si tu es là, conclut Hanji.
- ...D’accord, finit par dire Livaï.
- D’accord ?!”
Elle n’en revenait pas de ses oreilles. Livaï, l’associable par excellence, acceptait sa présence à ses côtés ? Elle doutait d’avoir bien entendu. Elle s’attendait à ce qu’il lui foute un coup de poing et qu’il la jette à l’intérieur. Et au lieu de ça…
En fait, Hanji lui rappelait vraiment Isabel. Et sa présence ne le dérangeait pas pour l’instant, avoir un sosie de son amie défunte à côté de lui lui rappelait de bons souvenirs. Mais il savait qu’Hanji n’allait pas pouvoir tenir la condition qu’il allait poser
pour qu’elle reste.
“À condition que tu ne parles pas.
- Hein ? Mais…”
C’était sans doute le meilleur moyen de frustrer Hanji. Bavarde comme pas deux,
elle ne supportait pas de se taire. Malgré tout elle essaya, et resta silencieuse plus de 10 minutes d’affilée. Un record ! La nuit était définitivement tombée, et la lune se mit à étinceler. C’était encore la pleine lune, et elle était magnifique. Éblouie par l’éclat de l’astre, Hanji releva la tête pour mieux contempler le spectacle.
“Tu as dit que tu attendais la lune. Elle est là, tu peux partir, dit Livaï.
- J’ai dit que je t’attendais toi, aussi, répondit Hanji, sautant sur l’occasion de parler.”
Un silence. Livaï ne lui avait toujours pas dit de partir.
“Tu sais, je...j’aimais bien Isabel et Farlan, dit Hanji tout bas.”
Ah, pensa Livaï, nous y voilà. Il pensait que c’était la raison pour laquelle elle l’avait rejoint. Elle avait pitié.
“Ouais, répondit-il sans autres commentaires.”
Il ne voulait pas de sa pitié.
“Je suis désolée. J’aurais dû me taire, hein ?
- Je sais pas. Tu fais comme tu veux.”
Hanji hocha la tête, puis regarda Livaï. Le visage dur, il regardait la lune. Et la jeune femme comprit. D’habitude elle ne faisait pas forcément preuve d’une grande empathie, mais là, elle avait l’impression de pouvoir lire en lui sans difficulté. Elle en était elle-même étonnée. Elle ne s’était jamais sentie aussi proche de quelqu’un à ce point. Et c’était...étonnement agréable. Elle avait juste envie de rester près de lui. Une étrange sensation s’empara d’elle, comme un champ magnétique qui se serait installé entre elle et lui. Et elle sût. Quoi lui dire, quoi faire pour qu’il s’ouvre enfin à elle.
“Je sais ce que tu te dis, murmura-t-elle. Ce n’est pas vrai. Je n’ai pas pitié de toi.”
Livaï sursauta. Comment avait-elle pu lire aussi profondément que ça en lui ?
“Moi aussi j’ai vu mes amis mourir, continua-t-elle. Moi aussi j’ai ressenti cette sensation de vide et cette envie d’être seule. Je n’ai pas pitié de toi, ou alors j’aurais pitié de tout le bataillon. Juste...je les aimais bien, alors je me souviens d’eux. Mais je ne les aimais sans doute pas autant que toi, et puis ils étaient les seules personnes qui comptaient pour toi, non ?
- ...Oui...répondit le brun dans un souffle, abasourdi par cette fille qui lisait en ses sentiments comme dans un livre ouvert.
- Eh ben, voilà. Je n’ai pas pitié de toi plus que d’un autre. Je suis juste triste pour toi. Tu es dans le même panier que nous.”
Livaï était plus qu’ébahi. Il avait l’impression que c’était lui qui venait de parler, parce que c’était exactement ce qu’il voulait entendre. Tout à coup, il ressentit une certaine curiosité pour cette fille qui venait de le décrypter si facilement. Qui était-elle pour le connaître aussi bien ?
“Si tu veux que je te laisse seul, dit Hanji en se levant, j’y vais.”
Le jeune homme la regarda se lever et partir, et fit une chose qu’il n’aurait jamais cru faire : il la suivit. Il la suivit et passa la fin de la soirée près d’elle, toujours en silence, mais pas tout seul. Elle s’en fichait qu’il ne parle pas. Elle n’avait plus besoin de mots pour le comprendre.
Ce n’était pas parfait. Ils en avaient tous les deux conscience. Mais c’était un début. Le début d’une autre histoire, un petit rien qui pouvait tout faire basculer.