Un Vide de Vérité

Chapitre 40 : Quand on doute...

2440 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/02/2021 16:41

Ingma eut un mouvement d’arrêt en entrant dans la cuisine.


« Par la déesse… »


Le sol était tapissé de farine, la table couverte d’œuf dégoulinant, plusieurs casseroles gisaient un peu partout, et il y avait du chocolat sur absolument toutes les surfaces. La pièce d’ordinaire impeccable était maintenant un gigantesque capharnaüm. Elle porta une main sur son cœur et se retint au chambranle de la porte.


« Oh ! Bonjour Ingma ! »


La coupable l’observait avec un immense sourire, des bulles de savon sur la joue et dans les cheveux.


« Désolée pour tout ça, mais ne vous inquiétez pas ! Olaf et moi sommes en train de tout ranger.

-Majesté… »


Le regard de la cuisinière se porta sur le bonhomme de neige occupé à lécher une casserole pleine de chocolat. Lui-même ressemblait maintenant à une grosse boule de glace recouverte d’un coulis. Il lui fit un grand sourire plein de cacao.


« Tout est sous contrôle Ingma !

-Olaf ! Donne-moi cette casserole s’il te plait.

-Mais il y a encore plein de chocolat dedans.

-Oui mais c’est le moment de ranger maintenant Olaf. »


Anna eut un rire gêné en direction de la cuisinière qui titubait jusqu’à une chaise.


« Il faut ranger et tout nettoyer !

-Et qu’est ce qu’on fait de tout ce qu’il reste à manger ?

-On le raaaaaaaange ! Allez ! »


La reine tira la chaise pour permettre à Ingma de s’installer et de reprendre ses esprits. Il était plutôt difficile de faire des reproches à la souveraine du royaume, heureusement, Anna n’était pas du genre à fuir ses responsabilités, y compris en cas de tempête culinaire. C’est donc le plus naturellement du monde qu’elle se mit à tout ranger avec l’aide plus ou moins active de son complice du moment. Et finalement, ils furent d’une efficacité redoutable puisque tout fut rangé, nettoyé, astiqué pile au moment de récupérer le gâteau. Etonnamment, Ingma reprenait des couleurs au fur et à mesure que sa cuisine retrouvait son apparence habituelle. Olaf et Anna, en revanche, étaient surexcité à l’idée de découvrir le résultat de leur travail. Ils déposèrent le gâteau sur le plan de travail avec 1000 précautions et jugèrent leur œuvre d’art.


Les bords étaient haut et moelleux, un peu brûlé sur la crête, parce que oui, il y avait une crête tant le centre s’était complètement affaissé. L’ensemble ressemblait à un cratère, ou à un bol que l’on aurait pu remplir d’un coulis aux fruits, par exemple. Olaf applaudit.


« C’est le plus beau gâteau que j’ai jamais vu ! »


Ingma lui jeta un regard si noir que le bonhomme de neige aurait pu tomber raide mort s’il l’avait croisé. Anna était plus mesurée.


« Il est un peu…

-Plat ? »


La suggestion de la part de la cuisinière la fit éclater de rire.


« Au moins il n’est pas brûlé.

-On peut le manger ?

-Pas maintenant, Olaf. »


Ingma secoua la tête, elle récupéra quelques ingrédients et en quelques minutes, elle habilla le centre affaissé avec une reproduction d’Olaf tout en chantilly, des mûres pour lui faire les yeux et une pâte à choux caramélisée en guise de nez. Anna était stupéfaite.


« Wow.

-Oh c’est moi ! On peut le manger maintenant ? »


Olaf s’arrêta pour réfléchir.


« Attendez… Ca veut dire que je vais me manger moi-même ? »


Il cria d’effrois.


« Mais c’est horrible !

-C’est un gâteau au chocolat, Olaf, et Ingma a été assez gentille pour le rattraper. »


Anna fit un câlin à son ami et remercia la cuisinière d’un sourire.


« Merci.

-A votre service, Majesté. La prochaine fois je serais ravie de vous montrer ma recette.

-Pourquoi pas ! Qu’est ce que tu en dis, Olaf ?

-On peut le manger ? »


La reine rit franchement et reposa le bonhomme de neige sur le sol.


« Viens, allons le montrer à Elsa.

-Oh oui ! Bonne idée ! Et après on pourra le manger ? »


Ingma les regarda quitter sa cuisine avec un soupir de soulagement. Ils se mirent à courir dans les couloirs pour rejoindre Elsa. Devant la porte de la chambre, Anna usa de son code habituel.


« Entre.

-Oh ! On n’était pas sûrs que tu sois là et… »


Sa phrase mourut sur le bord de ses lèvres, il ne fallut pas plus d’une seconde à la reine pour voir que sa sœur était contrariée. Debout, devant la fenêtre de sa chambre, le regard perdu vers l’horizon, les épaules abattus et le châle de leur mère sur le dos, définitivement, quelque chose n’allait pas. Anna déposa le gâteau dans les mains d’Olaf.


« Hé ! J’ai une idée ! Pourquoi est ce que tu n’irais pas le déguster avec Kristoff et Sven ? Elsa et moi on vous rejoint rapidement.

-Alors on peut le manger ?

-Oui Olaf, mais vous nous gardez une part, d’accord ?

-Promis ! »


Le bonhomme de neige repartit sans demander son reste, la cadette referma la porte derrière lui et se rapprocha de sa sœur.


« Qu’est ce qui ne va pas ? »


Elsa ne savait pas du tout comment répondre à cette question, en fait, elle ne savait pas du tout comment aborder le sujet avec sa cadette. Comprendre qu’elle avait une attirance pour les femmes était une chose, mais l’accepter et en parler à ses proches en était une autre. Elle prit une légère inspiration avant de dire :


« J’ai toujours peur de tout gâcher.

-Pourtant nous savons maintenant toutes les deux que c’est impossible, tu ne sais pas faire ça, Elsa. »


Et comme toujours, elle pouvait compter sur Anna pour la soutenir et aborder les sujets difficiles à sa place. Sa cadette lui prit le bras pour qu’elles puissent s’installer toutes les deux sur le lit.


« C’est Laceli ? »


L’ainée écarquilla les yeux de surprise.


« Je.. Heu.. Laceli ? C’est… Heu… »


Son cœur s’emballa furieusement et pendant un instant elle songea à tout nier en bloc, la crainte d’avoir été découverte lui noua l’estomac. Mais une petite voix s’éleva pour protester, il n’était pas question qu’elle mente à sa sœur. Les mensonges avaient fait trop de dégâts dans leur famille. Elsa capitula, tête baissée.


« Oui, comment le sais-tu ?

-Tu es ma sœur, je commence à te connaitre. »


Anna lui prit doucement le menton pour l’obliger à se redresser et la serra dans ses bras. Une étreinte chaleureuse dans laquelle elle se sentait parfaitement en sécurité.


« Allez viens, raconte-moi tout. »


Elles s’installèrent plus confortablement, blottie l’une contre l’autre.


« Tout ?

-Oui, tout.

-Qu’est ce que tu sais, déjà ?

-J’ai simplement remarqué qu’il se passait quelque chose entre vous.

-Et… Ca ne te dérange pas ? »


Anna haussa les sourcils.


« Me déranger ? Non, pourquoi ? Ca devrait ?

-Hé bien…

-Oh tu veux dire parce qu’elle était avec Derlock et qu’elle a participé à notre enlèvement ? Mais je pensais qu’on était d’accord pour dire qu’elle était aussi une victime dans l’histoire. Et puis elle s’est quand même très bien rattrapée en participant au combat. »


Elsa écoutait le débit de sa cadette avec toujours un peu d’appréhension, c’est vrai, il y avait ça aussi, Laceli avait été leur adversaire pendant un temps.


« Non je ne parlais pas de ça. Enfin, ça compte aussi mais, c’est une femme.

-Oui c’est plutôt évident ça.

-Et moi aussi.

-D’accord. Jusque là tu as tout bon, je suis fière de toi Elsa.

-Et ça ne te pose pas de problème ?

-Quoi donc ? Que tu éprouves de l’attirance pour une autre femme ? »


L’ancienne reine acquiesça d’un léger signe de tête.


« Hm Hm. Ce n’est pas… normal.

-Normal ? »


La cadette cligna des yeux.


« Mon futur époux a été élevé par des trolls, qui sont littéralement des cailloux qui parlent, son meilleur ami est un renne et sur le portrait de famille, il y a un bonhomme de neige qui parle et qui aime les gros câlins. Tu as le pouvoir de maitriser la glace et moi la terre. Être amoureuses, Elsa, je crois que c’est la chose la plus normale et la plus belle qui puisse arriver dans nos vies. »


L’intéressée oublia de respirer pendant quelques instants. Elle s’était faite un monde de tension à l’idée de devoir avouer ses sentiments pour une autre femme. Elle s’était imaginée des choses terribles, un rejet total au point de devoir s’exiler d’Arendelle et voilà qu’en fait, en moins d’une minute, Anna venait de complètement désamorcer la situation. Elle sentit la main de sa sœur dans ses cheveux et se remit à respirer normalement.


« Tu le penses vraiment ?

-Bien sûr que je le pense. Je veux te voir heureuse, Elsa. Et si c’est avec Laceli, ça me va très bien. Si c’est une autre femme, ou un homme, ça me va très bien aussi.

-Mais… Et le peuple ?

-Hé bien ?

-Ils peuvent penser différemment de toi. »


Anna sourit tendrement. Après des années enfermées dans le château, même si elle s’était montrée plus ouverte, Elsa avait néanmoins gardé une certaine distance. Une enfance et une adolescence à ne pas se laisser approcher par qui que ce soit, elle ne pouvait pas changer du tout au tout du jour au lendemain. Pour Anna en revanche, les choses avaient été très différentes. Elle s’était mêlée à la population avec beaucoup de facilité, avide de contact sociale, elle s’était baignée dans l’effervescence de la ville avec la plus grande joie. Elle connaissait donc très bien les habitants.


« Non Elsa, le peuple d’Arendelle ne va pas penser différemment. Déjà, parce qu’ils t’adorent.

-Alors que j’ai gelé le royaume, réveillé les esprits de la forêt et détruit la place.

-Alors que tu as contribué à faire prospérer Arendelle, leur offre de la joie permanente grâce à tes pouvoirs, as participé à réparer une injustice et libéré toute la forêt de la malédiction, quant à la place… Vraiment Elsa ? »


Anna la serra davantage dans ses bras.


« Donc je disais, ils ne vont pas détester, parce qu’ils t’adorent, et aussi parce que tu ne seras pas la première.

-Que… Quoi ? »


La reine rit doucement, elle repoussa une mèche blonde du visage choquée de son ainée.


« Tu ne seras pas la première. Il y a Anja et Elyna, elles tiennent la boutique de couture sur les hauteurs. Et Tobias et Sören, le premier est pêcheur, le second travaille à l’étable.

-Mais… Je… C…

-Le meilleur ami de mon époux est un renne, et pourtant, il va bientôt devenir roi et en plus, tout le monde est content. »


Anna sourit à sa sœur.


« On s’en fiche Elsa.

-Oh. Alors je crois que j’ai vraiment tout gâché. »


Maintenant libérée de toute la tension qui avait pesé sur ses épaules, l’ancienne reine entreprit de tout expliquer à sa cadette, racontant avec plus de détail comment Laceli avait su s’imposer dans son quotidien. A quel point elle s’était attachée à elle et combien il lui était difficile de sans cesse repousser ses avances. Jusqu’au dernier coup d’éclat en date, plus brutal que les autres. Anna l’avait écoutée dans un silence quasi religieux, se contentant de la câliner pour lui apporter tout son soutien, posant parfois quelques questions lorsqu’un détail lui avait échappé. Elle déposa un baiser sur la tempe d’Elsa.


« Tu devrais juste lui parler. Lui expliquer tout ce qui vient de se passer ce soir, que tu avais peur de ma réaction, de ne pas être acceptée. Laceli peut comprendre ça.

-Tu penses ?

-J’en suis sûre, en tout cas, ça vaut le coup d’essayer, tu n’as rien à perdre. Au pire, je peux toujours interdire aux bateaux de prendre la mer pour l’empêcher de partir. »


Elsa rit doucement.


« C’est un peu radical.

-Mais très efficace ! Et on aime l’efficacité ! »


Elles rirent ensembles de nouveau, puis l’ainée serra Anna dans ses bras.


« Merci. Merci d’être toi, merci pour tout ça. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi.

-Je serai toujours là pour toi. »


Elles partagèrent un doux instant, simplement blottie l’une contre l’autre dans un silence confortable.


« Elsa, je peux te poser une question ?

-Bien sûr.

-Pourquoi Laceli m’appelle Coquelicot ?

-Tu es rousse, tu maitrises le pouvoir de la terre, donc tu peux faire pousser des fleurs, du coup : Coquelicot.

-Oh. D’accord. »


C’était une explication qui se tenait.


« J’ai une autre question en fait. »


Elle sentit le rire de sa sœur ainée tout contre elle.


« Oui ?

-Pourquoi R pour Lenjo ?

-R comme l’air parce qu’il maitrise le vent, mais aussi parce que tout début, c’était la seule lettre que Laceli comprenait quand il essayait de lui apprendre l’alphabet par signe.

-Il utilisait un livre pour me parler.

-Plutôt malin. »


Anna sourit, oui, Lenjo était habile. 

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