Te repousser pour mieux t'aimer

Chapitre 4 : Chapitre 3 : Arthur et ses chevaliers

1796 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/11/2020 12:19

Chapitre 3 : Arthur et ses chevaliers.



Je suis plongée dans le noir, ne pouvant qu'entendre ce qui se passe autour de moi. Il y a de l'agitation. J'ai l'impression qu'on me dépose sur le sol mais, je suis dans un tel état comateux que je ne peux dire si c'est un délire ou la réalité.


— Elle est brûlante.


— Ça ne m'étonne pas plus que ça.


Ceci explique cela, je suppose. Mon corps se venge de ce qu'on lui a longtemps refusé : le repos, la paix. Je sombre à nouveau dans les ténèbres, qui me promettent tranquillité et rétablissement en espérant me réveiller dans ma chambre. J'entends presque ma mère me dire que je suis en retard en cours.


Je vois son visage avec son sourire tendre et exaspéré quand j'ai renversé ma glace sur la tête d'un petit garçon qui m'avait embrassée. J'avais six ans.


Je me souviens de sa colère, le jour où je suis rentrée complètement saoule, alors que j'étais sortie en boîte pour la première fois. J'avais quinze ans et j'ai été privée de sortie pendant un mois.


Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour retourner à cette époque. Une époque insouciante où tout était à sa place et où tout tournait rond. Je ne veux pas être ici. Un monde que je ne connais pas, sauvage, sanguinaire et sans pitié. Et je ne veux surtout pas ouvrir les yeux pour me retrouver dans ma cage.


Je ne sais combien de temps je reste inconsciente. J'ai de brefs moments de lucidité, j'entends qu'on parle, je sens qu'on me touche le front. Mais, après ce qui me semble une éternité, je me sens enfin mieux. Les migraines sont parties ainsi que l'état comateux. Mon corps me paraît également moins douloureux. J'entends des voix près de moi et je reconnais celles des hommes qui sont venus me chercher et m'ont sortie de cet enfer. J'ouvre doucement les yeux pour voir qu'il fait noir et qu'un feu de camp est allumé.


— Enfin réveillée gamine ? s'exclame une voix en me faisant sursauter.


— Tu ne vois pas que tu lui fais peur ? le réprimande un autre.


— Mais non, c'est parce qu'elle t'a vu, ça, réplique l'autre.


Je m'assieds doucement les regardant de manière méfiante. Celui à la grosse voix qui m'a fait sursauter a la carrure d'un ours. Il est chauve et a des cicatrices sur les parties visibles de son corps. Néanmoins, il a un air jovial qui contraste avec son apparence bourrue. On devine une certaine gentillesse et son sourire espiègle porte à croire qu'il aime taquiner. 

L'autre me fait penser aux Saxons… en plus propre avec un côté moins barbare. Il a des longs cheveux blonds et une barbe qu'il ferait mieux de raser. Mais il semble plutôt mignon. À leur côté, il y a un autre homme qui les regarde, blasé. Il ressemble à l'ours mais en moins "armoire à glace" et il nettoie une hache. Je frissonne en la voyant, me demandant de quoi il la nettoie. Mon regard tombe sur un autre aux cheveux bouclés bruns et avec, lui aussi, une barbe à raser. Il me fait un signe de tête auquel je ne réponds pas, me contentant de les fixer avec insistance.


— Vous n'avez pas à avoir peur, fait l'homme qui a ouvert ma cage. Je suis Arthur, le commandant des chevaliers


Sarmates. Et voici les chevaliers Bors (l'ours donc), Gauvain (le blond), Dagonet (l'homme à la hache), Galahad (l'homme aux boucles brunes).


— Et moi c'est Lancelot, se présente un homme qui arrive avec du bois en me faisant un clin d'œil.


J'entends quelques-uns de ses compagnons soupirer d'exaspération. Apparemment, il a déjà dû faire ce cirque à ses conquêtes. Je le regarde de haut en bas, un sourcil relevé alors que les autres sourient, amusés.


— Enora, je réplique seulement.


— Oui, on sait, rétorque Dagonet. Ce qu'on veut savoir c'est d'où tu viens ?


Je le regarde, cherchant une réponse appropriée. J'ai fini par me dire que toute cette histoire de Saxons, de Pictes et que sais-je encore, était réelle. Donc, si j'en crois mes maigres connaissances, on est au Moyen-Âge ou quelque chose du genre. Ils ne doivent pas connaître l'Amérique eux. Donc si je dis Caroline du nord, ils risquent de ne pas comprendre. Le souci, c'est que je ne connais pas les autres peuples qui existent. Bon tant pis, j'opte pour la vérité ou, du moins, une partie.


— Caroline du Nord, je fais avec hésitation, si bien que ma réponse ressemble plus à une question.


— Je ne crois pas connaître, répond Arthur.


— Tu m'étonnes, je marmonne.


— Pardon ? réplique-t-il en fronçant les sourcils.


— Rien, je bafouille. Et qu'est-ce que vous allez faire de moi exactement ? je demande en les regardant avec inquiétude.


— Nous allons vous emmener au mur d'Hadrien avec nous et nous verrons une fois là-bas.


— Cool, me voilà rassurée, j'ironise.


Il me regarde bizarrement alors que je soupire. Je sens qu'on va avoir des soucis de compréhension pendant un moment.


— Que faisais-tu avec des Saxons, gamine ? demande Bors.


Je me raidis d'un coup, ma mâchoire se crispe et je détourne mon regard pour le diriger vers la forêt. Je me rends compte seulement maintenant qu'on est dans une forêt. Voilà la question. Je me disais aussi que ce serait bizarre que le sujet ne vienne pas sur le tapis. J'entends le bruit d'un coup suivi d'un « aïe, mais quoi encore ? » mais je n'écoute plus. Je soupire en secouant la tête. C'est ça la solution, ne plus jamais y repenser, faire comme si rien n'était arrivé. Oui, je tiens le moyen de ne pas sombrer dans la folie tout de suite.


— Vous auriez de l'eau ? je demande soudain en me rendant compte que je suis assoiffée.


Gauvain me tend sa gourde et je lui souris en le remerciant avant de presque la lui arracher et la vider. Je la lui rends avec une moue d'excuse alors qu'il essaye de retenir un sourire. Arthur me propose un peu de nourriture que je décline gentiment, je n'ai pas faim.


— Vous ne devez pas avoir mangé depuis un moment Enora, vous devez vous nourrir.


— Et bien je n'ai pas faim et je n'ai pas pour habitude de manger quand je n'ai pas faim, je réplique en le fusillant du

regard. Je ne suis pas une enfant, je sais quand je dois me nourrir.


Il soupire alors que je le défie du regard de me faire manger. Récupérer ma liberté me rend revêche. Comme si mon esprit refusait qu'on impose de nouveau quoique ce soit à mon corps meurtri. Arthur semble se rendre compte que c'est perdu d'avance puisqu'il me laisse enfin tranquille en me conseillant de dormir. J'obéis à ce conseil, en me disant qu'il ne supporterait sûrement pas que je proteste encore une fois. Je me couche et ferme les yeux. Je m'endors aussitôt mais j'aurais préféré passer une nuit blanche.


Les souvenirs affluent, traîtres, douloureux, réduisant à néant les efforts fournis pendant le réveil pour ne pas y penser. Je les hais, je les hais tous autant qu'ils sont. Ces saletés de Saxons dégoûtants, répugnants. Je me jure de tuer tous ceux qui croiseront mon passage. Ils mourront tous autant qu'ils sont.


Mes rêves hantent mon sommeil et un moment plus pénible que les autres arrive quand je me sens secouée violemment. Mon instinct de survie me guidant complètement, je ne prends pas le temps de regarder qui me réveille. Je lui saute dessus tout de suite. La personne reçoit mon poing dans la figure, je lui grimpe dessus alors que l'intrus s'écroule à terre et… reste bloquée.


Je ne connais pas son visage mais son odeur m'est familière. Je fronce les sourcils en l'observant. Il est… beau, très beau. Il me regarde abasourdi — sûrement de s'être fait plaquer au sol par une fille.


— On dérange ? raille la voix de… Bors évidemment. Et bien Tristan, tu ne fais pas les choses à moitié.


Je me relève en catastrophe, rougissante de honte. Je regarde autour de moi et vois que les autres sont là aussi.


— Elle m'a frappé, explique le dénommé Tristan en se frottant la mâchoire.


L'ours éclate de rire, d'autres suivent, d'autres se contentent de sourire.


— Je..., je commence à bégayer. C'est que… Ho et puis c'est de votre faute, je finis par m'énerver en me tournant vers Tristan.


— Ma faute ? s'exclame-t-il.


— Ben oui, qu'est-ce qui vous a pris de me secouer comme ça ?


— Il fallait bien vous réveiller.


— Et vous ne saviez pas le faire de manière moins brutale ? je réplique alors que je hausse la voix.


— Et c'est une raison pour me frapper ? demande-t-il d'une voix froide alors qu'un oiseau sur son épaule piaffe.


— Bien sûr, j'ai cru que vous étiez... Mais, tu vas te taire le moineau ? je hurle en regardant l'oiseau.


— C'est un faucon, me reprend Tristan.


— Sans blague ? je fais avec une mine faussement surprise.


— Bon remettons nous en route, intervient Arthur alors que les autres me regardent avec des yeux ronds. Enora vous avez le temps de manger.


— J'ai plus faim, je grimace.


Il soupire en secouant la tête.


— Bien vous montrez avec Tristan, fait-il d'une voix sans réplique avant de monter son cheval.


Je déglutis en regardant le concerné qui n'affiche aucune expression. On aurait pu me le dire avant que je ne lui crie dessus, non ?


— Tu l'as plus fait parler en dix secondes que nous en dix ans, rigole Bors en montant à cheval.


Tristan monte et se tourne vers moi. Je soupire en remerciant mon père et sa lubie de m'inscrire à des cours d'équitation. Je grimpe derrière lui en soupirant. Pour être honnête, j'ai cru que cette proximité me dérangerait plus que ça. Je ne prétends pas être à l'aise mais mon angoisse est gérable. Mon esprit réussit à faire entendre raison à mon corps, qui se détend légèrement.


— Vous feriez mieux de vous tenir, dit-il.


Je passe mes bras autour de sa taille avec hésitation et il démarre. Une pensée bien loin de mon traumatisme me traverse et je déglutis difficilement.


J'espère qu'il n'est pas rancunier.


***

Encore merci à BakApple pour sa correction ^^

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