Un regard à faire tourner la mayonnaise
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Sam suait à grosses gouttes sur la route de Longoulet. Chaque pas lui coutait. Il s’escrimait en soufflant, arc-bouté sur sa brouette lourdement chargée. Les vaches du Quartier Sud le regardaient passer en mâchonnant leur herbe grasse, sous un soleil impitoyable.
Son chargement quant à lui, se portait très bien : le regard un peu trouble, les idées embrouillées et la langue épaisse, Lothon profitait de la balade en se délectant des efforts du jeune Sam :
— C’est gentil de m’ramener chez moi. J’suis bien sûr que t’aurais pas eu l’idée tout seul, pas vrai ?
— L’Ancien a dit « Débarrasse-m’en Cul-de-Sac d’cette balayure ! »
— Oh ben y faudra qu’tu t’habitues, bientôt c’est mon père qui sera le chef à Cul-de-Sac !
Le jeune ivrogne serrait encore amoureusement le corps du délit – la bouteille qui l’avait terrassé la veille.
— Tu radotes des menteries sans savoir ! siffla Sam entre ses dents.
— Hmm, tu défends encore cet étranger, ce Frodon ! Un Brandebouc ! Mais ma mère va faire casser son héritage ! C’pas naturel, c’te disparition manigancée avec ce magicien ! Qui sait où ils ont escamoté le corps de ce vieux timbré de Bilbon ?
C’en fut trop pour Sam.
Lothon fut propulsé sans ménagement dans l’abreuvoir des laitières.
— Profites-en donc pour te laver, La Pustule !
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