Un Peuple Oublié

Chapitre 14 : Chapitre 13 _ Le Gouffre de Helm

2794 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2020 15:45

Plusieurs heures furent ensuite nécessaires aux survivants avant d'apercevoir la cité.

Le Gouffre de Helm.

Au creux de la montagne, elle semblait taillée directement dans la roche, et Naé comprit immédiatement ce qui avait tant contrarié Gandalf.

Le mur d'enceinte avait beau être épais, il n'y avait aucun moyen de retraite. Si la cité venait à être envahie, le peuple serait massacré.

C'était bien sur un lieu magnifique, mais le goût amer qu'elle avait dans la bouche l'empêcha d'en prendre conscience.


En rentrant dans la ville, le peuple les accueillit en héros, puis au fur et à mesure que les femmes se rendaient compte que leurs maris n'étaient pas rentrés, des cris s'élevèrent, suivis de pleurs.

Eowyn se précipita à leur rencontre, rassurée de les voir enfin arriver, mais son sourire fut de courte durée.

-Si peu ... Si peu d'entre vous sont de retour.

-Notre peuple est sauf, répondit Theoden, nous avons payé cela par de nombreuse vies.

Gimli s'approcha de la jeune femme.

-Et le seigneur Aragorn, où est-il ?

Sa voix était tremblante, comme si elle ne pouvait se résoudre à l'évidence devant ses yeux.

-Il est tombé.

Ses yeux s'écarquillèrent, et son expression se figea alors qu'elle tentait d'accepter ces paroles. Quelques instants, son regard se perdit dans le vide, puis elle sembla se reprendre.

-Suivez moi, je vais vous conduire à vos chambres.

Les trois compagnons étaient quant à eux trop peinés pour tenter de la réconforter, ou même pour faire l'effort de tenir une conversation.

Ce fut donc en silence qu'ils la suivirent, à travers le long dédale de pierre, et ils montaient, encore et encore vers le plus haut étage de la cité.

Les gens qu'ils croisaient semblaient inquiets, mais s'écartaient de leur chemin en inclinant la tête.

Les histoires circulaient vite, et le bruit courrait déjà que « c'était grâce au couple d'elfes et à leur ami nain, si la moitié des soldats avaient survécu »


Leur route les emmena ensuite dans la salle du trône, où le Roi était déjà en pleine conversation animée avec quelques soldats rescapés. Ils empruntèrent encore une nouvelle porte, et au bout d'un couloir la jeune femme s'arrêta enfin.

-Voici votre chambre messieurs. De quoi manger et vous laver va vous être apporté.

-Merci ma Dame, reprit Gimli, qui avait reprit un peu d'enthousiasme en entendant ces mots.

L'elfe inclina simplement la tête, et ils disparurent derrière la porte.

Les deux femmes continuèrent leur chemin, et quelques pas plus loin, Eowyn s'arrêta de nouveau.

-Nous nous partagerons cette chambre.

Elle ouvrit la porte et l'elleth y découvrit une pièce assez grande, ou deux petits lits avaient été placés à chaque extrémité. Une seule fenêtre minuscule éclairait la pièce, qui était donc comme le reste du bâtiment assez sombre, mais ce fut une petite baignoire, en son centre qui attira son attention. De la vapeur semblait s'en échapper, bien qu'elle n'osa y croire. Suivant son regard, la jeune femme lui dit ;

-Je m'étais préparée un bain, mais je pense que vous en avez plus besoin que moi.

Elle ponctua sa phrase d'un sourire sincère, et Naé lui en fut infiniment reconnaissante.

Elle la laissa ensuite seule, et alla aider son oncle et son peuple du mieux qu'elle le pouvait.


Dés qu'elle fut sortie, l'elleth ôta ses bottes, sa chemise, délaça son corset, puis détacha sa tresse, et s'engouffra dans l'eau brûlante. Le contact de l'eau fit rougir sa peau, mais cela lui fit un bien fou, et dénoua légèrement le nœud qui avait gonflé dans son ventre.

Le temps sembla s'éterniser, et elle demeurait immobile, profitant de cet instant de paix avant la guerre à venir.

Comme un moment de calme avant la tempête de la bataille qui s'annonçait.

Quand l'eau se fut bien refroidie, elle entreprit alors de se savonner afin d'enlever toute la crasse et le sang qui noircissait son corps et ses cheveux.

Lorsque ce fut fait, elle se mit à laver ses vêtements, et comme ils étaient les seuls en sa possession, les remit encore mouillés, dans une grimace d'inconfort.

Elle rattacha ses cheveux en trois tresses plaquées pour libérer son visage, et comme elle ne ressentait pas le besoin de se reposer, décida d'aller faire un tour, et de voir si sa présence pouvait se rendre utile. Elle réussit à retrouver son chemin dans le labyrinthe de la forteresse, afin de voir ce qu'il se préparait.


En passant dans la salle du trône, elle n'y vit personne. Rien de bien étonnant puisque tous étaient très occupés par les préparatifs du siège à venir.

En sortant par la grande porte, la luminosité l'éblouit un instant.

La vue était magnifique, depuis le plus haut point de la cité, elle pouvait voir tout ce qu'il se passait dans le Gouffre, mais aussi au dehors.

Des enfants courraient dans les rues, et si les voir l'aurait fait sourire autrefois, ce n'était plus le cas.

Leurs morts étaient inévitables, que ce soit demain ou dans cinquante ans, ils finiraient poussière. L'elleth était devenue lasse, au fil du temps. Sans doute le fruit d'une existence morbide, d'avoir tué et massacré, d'avoir vu tant d'horreurs et d'en avoir commit d'autres.

Elle s'était pourtant assagie, et s'était résolue à l'image que son espèce renvoyait auprès des autres. Peut être avaient-ils raison, et n'étaient-ils que des machines de guerre, condamnés à vivre sans en comprendre la valeur ?

Pourtant, quelque chose au fond d'elle avait changé. Comme une petite lueur, qui grossissait dans le bas de son ventre, au plus profond de ses entrailles.

Comme une chaleur, une chose réconfortante, qui lui permettait de tenir, alors que toutes les morts autours d'elle semblaient inévitables. L'espoir.

Elle n'en avait pas prit conscience tout de suite, et même en cet instant, elle n'était pas sur de ce que cela pouvait signifier.

Mais si autrefois, elle serait partie de cet endroit abandonnant ces Hommes à leurs sorts sans aucun sentiment, elle avait maintenant envie de se battre pour eux. Ils méritaient de vivre, et cela elle en était à présent convaincue.


Elle fut troublée dans ses pensées par un point noir qu'elle apercevait au loin.

Intriguée, elle le fixa, immobile, jusqu'à ce que sa vue puisse lui permettre de déceler une silhouette.

Elle avait d'abord pensé à une troupe d'orcs, mais au fur et à mesure que le point se rapprochait, elle constata qu'il semblait seul. Un éclaireur aurait déjà fait marche arrière.

Elle attendit encore quelques instants.

Lorsqu'enfin elle pu discerner la silhouette, elle écarquilla les yeux.

Cela ne se pouvait ...

Aragorn, sur son cheval, semblait en mauvais état, mais néanmoins en vie. Trop heureuse de cette nouvelle inattendue, elle se rua vers la chambre de ses camarades pour les en avertir.


En arrivant dans le couloir qui donnait sur leur porte, elle croisa deux jeunes servantes, qui ricanaient et gloussaient comme des enfants.

-Hihihi et bien vas-y toi ! Et proposes lui de le laver toi même !

Elles éclatèrent d'un rire idiot, et se turent quand elle virent l'elleth.

Celle ci ne leur prêta guère d'attention, même si elle savait pertinemment de qui elles parlaient, et cela lui fit lever les yeux au ciel.

Le sourire aux lèvres, elle ne prit pas la peine de frapper, et ouvrit grand la porte pour leur annoncer la nouvelle.

-Ara...

Elle fut coupée dans son élan par la vision qui s'offrait à elle.

Leur chambre était toute aussi petite que la sienne, quoi qu'un peu plus lumineuse. La même baignoire avait été déposée en son centre, et derrière cette baignoire, se tenait Legolas, entièrement nu.

Il se retourna face à elle, surprit par son entrée, et elle resta bouche bée, perdant le fil de ses mots et de ses pensées une seconde.

Bien que la vasque lui arrivait juste au dessus de sa virilité, le haut de son corps était bien plus agréable à regarder qu'elle ne l'aurait cru.

Sa peau était incroyablement lisse et uniforme, et aucune pilosité ne venait la tacher.

Ses muscles étaient parfaitement dessinés, partant de ses trapèzes, puis ses pectoraux, et jusqu'aux obliques, lui matérialisant un v parfait.

Il surprit son regard, et plutôt que de rougir ou de se couvrir, il la fixa droit dans les yeux, alors qu'un sourire en coin se profilait sur son visage. A cet instant précis, il était indécemment attirant, et au pétillement de ses prunelles, il était clair qu'il en avait conscience.

-Et bien ? S'impatienta Gimli, visiblement mal à l'aise par la scène à laquelle il assistait.

Il était couché sur un lit au fond de la pièce, et Naé ne l'avait même pas vu. Elle sentit ses joues se mettre à rosirent, puis devenir rouges.

Elle détourna donc les yeux, à contre cœur, afin de calmer ses instincts, et reprit sa respiration.

-Aragorn. Il arrive.

Ses mots eurent l'effet escompté, et le nain sauta de son lit.

Elle baissa la tête, et se retourna alors en fermant la porte. Elle fit face aux deux servantes, qui étaient bouche bée. Comprenant qu'elles avaient assisté à la même scène qu'elle, cela la mit étrangement en colère.

-Degagez. Leur dit-elle, aussi froidement qu'il était possible.

Baissant la tête, elles partirent précipitamment, sans demander leur reste.

Puis, l'elleth marcha jusqu'aux portes du château.

Gimli lui passa devant, emporté dans la foulée de son élan, et ce fut le premier à accueillir leur ami retrouvé.

-Où est-il. Laissez moi passer ! Je vais le tuer. Vous êtes l'Homme le plus chanceux, le plus malin, et le plus imprudent que j'ai connu ! Soyez béni, l'Ami !

Il ponctua sa phrase d'une grosse accolade au rôdeur, qui avait l'air tout aussi heureux de ses retrouvailles, bien que terrassé par la fatigue.

-Le abdomen. (vous arrivez tard) Enchaina-t-elle, en lui souriant.

-Hannon Le (merci)

Il lui sourit à son tour, et Legolas ouvrit la bouche avant qu'elle ne se soit aperçut de sa présence à ses cotés.

-Vous avez une mine affreuse.

Les deux sourirent à ce qu'elle aurait appelé « une tentative d'humour ratée », puis l'elfe mit quelque chose dans la main de l'Homme.

Elle fut surprise d'y découvrir le pendentif elfique, qu'il avait sans doute dû arracher des mains du cadavre de l'orc.

Aragorn le remercia, puis demanda où trouver le Roi. Le petit groupe l'accompagna donc dans la salle du trône, où il exposa ce qu'il avait vu en venant ici.


-Une grande armée vous dîtes ? Demanda Theoden.

-Oui l'Isengard s'est vidée.

-Combien sont-ils ?

-Au moins 10 000.

La réponse claqua comme une gifle.

-10 000 ?

La réaction fut immédiate. Tous eurent la même expression choquée.

-C'est une armée constituée dans un seul but, détruire le monde des Hommes. Ils seront là à la tombée de la nuit.

Ces paroles n'étaient pas vraiment rassurantes, mais au moins tous surent à quoi s'attendre. Les soldats chuchotèrent entre eux mais Theoden ne se laissa pas démonter.

-Et bien qu'ils viennent ! J'exige que chaque homme ou jeune garçon capable de tenir une arme se tienne prêt à se battre au crépuscule.

Le soldat à qui il avait donné ses ordre acquiesça, puis sorti par la grande porte.

-On pourra couvrir la chaussée et la porte d'en haut. Aucune armée n'a pu franchir le mur du Gouffre et pénétrer dans Fort le Cor.

Gimli eu l'air de douter des paroles du Roi.

-Il ne s'agit pas de ces abrutis d'orcs. Il s'agit d'Uruk hai, leurs armures sont épaisses et large sont leurs boucliers.

Theoden sembla exasperé par ses indications.

-J'ai déjà connu maintes guerre maître Nain, je sais comment défendre ma citadelle. Ils se briseront contre cette forteresse comme l'eau sur les rochers. Les hordes de Saroumane vont piller et brûler, mais cela nous l'avons déjà vu. Les récoltes peuvent être ressemées, les maisons reconstruites. A l'intérieur de ces murs, nous leur survivrons.

Il semblait avoir dit ces mots pour s'en convaincre lui même, aussi cela excéda Aragorn.

-Ils ne viennent pas pour anéantir les récoltes et les villages du Rohan, ils viennent anéantir son peuple, jusqu'au dernier enfant.

Theoden le regarda, l'air vaincu.

-Et que voulez-vous que je fasse ? Regardez mes hommes, leur courage ne tient qu'à un fil.

En regardant les Hommes présents, Naé ne put qu'acquiescer intérieurement, puis il enchaîna ;

-Si telle est notre fin, alors je ferais ce qui est en mon pouvoir, pour qu'elle reste gravée dans les mémoires.

-Vous avez besoin d'aide MonSeigneur, envoyez des cavaliers en quérir !

-Et qui viendra ? Les Elfes ? Les Nains ? Nous n'avons pas la chance d'avoir autant d'amis que vous. Les anciennes alliances sont mortes.

-Le Gondor répondra.

Aragorn avait l'air certain de ce qu'il avançait, et c'était semblait-il le seul dans cette salle.

-Le Gondor ? Où était le Gondor lorsque l'Ouestfolde est tombé ? Où était le Gondor lorsque nos ennemis nous ont encerclés ? Où était le ... Non Seigneur Aragorn, nous sommes seuls.

Puis il se tourna vers le reste des soldats restés autours d'eux.

-Emmenez les femmes et les enfants dans les cavernes. Protégez la porte !


Durant les heures qui suivirent, tous aidèrent à la préparation de la bataille. Trop peu de soldats étaient expérimentés, et presqu'aucun ne connaissait de tactique militaire.

Aragorn assumait parfaitement son rôle de meneur, et il redonnait de l'espoir aux Hommes, tout en indiquant au mieux les techniques à adopter pour survivre.

-Nous placerons nos troupes de réserve le long du mur. Ils viendront en appuis aux archers par dessus la porte.

Il dépensait une énergie folle, et son teint semblait blanchir à vu d'œil.

-Vous devriez vous reposez. Vous ne nous servirez à rien à moitié en vie.

Mais il n'écouta même pas la remarque de Naé qui ne le quittait plus depuis son retour, lorsqu'Eowyn finit par venir lui implorer son aide.

Elle voulait combattre aux cotés des siens, et cela surprit l'elleth. Mais elle n'ouvrit pas la bouche, et écouta le rôdeur lui exposer les risques. Après un débat qui lui parut interminable, la princesse repartit avec les femmes dans les cavernes.


Le crépuscule approchait, et une épée avait été distribuée à chaque homme capable de la soulever, conformément aux instructions du Roi.

Les armures étaient plus rares, aussi n'avaient-elles été donnée qu'aux soldats en premières lignes.


Les trois compagnons regardaient passer les hommes devant eux. Tous semblaient résignés à la mort, et aucun ne paraissait savoir réellement se battre. C'était un défilé de misère, et Naé dut se retenir pour ne pas éprouver de la pitié.

-Fermiers, forgerons, garçon d'écurie... Commença Aragorn, qui semblait presque aussi désespéré qu'elle.

-Aucun n'est un soldat, finit l'elleth, sur un ton froid.

-La plupart ont déjà vu passé trop d'hivers, ajouta Gimli

-Ou trop peu, dit l'elfe, devant la mine d'un garçon qui devait avoir une douzaines d'années. Regardez les, ils sont terrifiés, ça se lit dans leurs yeux.

Il avait presque craché ses paroles, et une partie d'elle même comprenait son manque d'empathie.

-Boe â hun, neled herain dan caer menig. (il y a de quoi, à trois cent contre dix mille)

Il avait prononcé ces mots en elfique pour ne pas ôter tout espoirs aux Hommes à qui il en restait.

-Si beriathar hîn amar nà ned Edoras. (Ils se défendront mieux ici qu'à Edoras.) lui dit Aragorn.

L'air de Legolas s'était transformé, et on voyait maintenant clairement la colère dans ses yeux.

- Aragorn, men i dnagor. Hyn ù ortheri. Nartha daged aen ! (Aragorn, c'est une bataille qu'ils ne peuvent gagner. Ils mourront tous.)

-Alors je mourrais comme l'un d'entre eux ! Cria le rodeur, apparemment déçu.

Puis il quitta la pièce, avant qu'aucun d'entre eux n'ait pu le rattraper.

-Vous mettriez vous à douter de celui en qui vous avez toujours cru ? Murmura Naé au prince.

Il lui lança un regard interrogateur, puis elle sortit à son tour de la salle.


Laisser un commentaire ?