Un Peuple Oublié

Chapitre 13 : Chapitre 12 _ Les loups de l'Isengard

2881 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2020 15:40

Moins d'une heure plus tard, tout le peuple de Meduseld s'était mit en route pour la longue expedition jusqu'au Gouffre de Helm.

La plupart étaient à pieds, les chevaux avaient été réquisitionnés pour porter les charges lourdes, et ceux qui étaient trop vieux ou trop malade pour un tel voyage.

Vu la lenteur incroyable avec laquelle ce peuple avançait, Naé comprit qu'il leur faudrait au moins toute la journée pour atteindre leur destination, et cela s'ils n'étaient pas attaqués en chemin.

Elle leva les yeux au ciel.

Naé n'avait jamais trop aimé les Hommes, les ayant toujours trouvé faibles, peureux, incapables de se défendre par eux même.

Elle ne pouvait s'empêcher de les penser éphémères, comme leur vie était courte, en comparaison à ceux de sa race, et ne leur avait même jamais réellement porté d'intérêt. Jusqu'à ce qu'elle rencontre Aragorn, du moins, mais là, ça en était trop.

La lenteur de la marche l'exaspérait, et son humeur se dégradait un peu plus à chaque pas. Ses vêtements étaient collants, rendus moites par sa chaleur corporelle de ces derniers jours.

Son dernier bain datait du jour où ils avaient perdu les hobbits, et elle aurait tout donné pour avoir eu le temps de se laver avant de repartir de Meduseld.

Elle les regarda un à un, se remémorant sa discussion avec Eowyn.

Pourquoi les femmes n'apprenaient-elles pas à se battre ? C'était totalement ridicule. Inapproprié. Ils avaient du sentir, comme tous, la guerre se rapprocher.

Et malgré cela, ils n'avaient pas changé leur façon archaïque de voir la vie ? Ne s'étaient-ils donc pas du tout préparés? Fallait-il être idiot. Ou borné. Ou Legolas.

Elle sourit à cette pensée.

Se sentant bouillonner de l'intérieur, elle décida donc de prendre ses dispositions avant d'imploser, et se mit à courir, afin de servir d'éclaireur.

Les heures passaient et elle demeurait loin du groupe, avançant à son rythme, sentant la bonne humeur revenir progressivement. Elle explorait les recoins d'un paysage qu'elle ne connaissait que très peu, et cela lui fit du bien.

Personne ne s'inquiétait de savoir où elle était et pour la première fois depuis plusieurs mois, elle n'avait pas besoin de se justifier pour aller pisser.


Quand le soleil fut au plus haut dans le ciel, et qu'il commençait tout juste à redescendre, elle finit par se rapprocher de ses compagnons, qui semblaient eux, d'excellente humeur.

Gimli, qui ne s'était toujours pas remit de leur course après les Uruk, avait eu le droit de monter un cheval pour économiser ses forces. Il parlait avec Eowyn, et Aragorn avait l'air de se moquer de lui.

-En effet, on ne voit que peu de femme nain. Et en vérité, elles sont si proches au niveau de la voix et de l'apparence, qu'on les confond souvent avec les hommes nains.

Aragorn expliqua ;

-C'est la barbe, en murmurant, pour ne pas que Gimli l'entende.

-Et cet état de fait, à donner naissance à une rumeur qui dit qu'il n'y a pas de femme nain, et que les nains, jaillissent des trous qui sont dans le sol.

Eowyn éclata de rire, et Naé en fit de même, suivie par le rôdeur.

-Ce qui naturellement est ridicule ...

Il dut faire un faux mouvement sur le dos de son cheval, puisque celui ci se mit à partir au galop, et le nain dégringola.

-Ca va bien, ca va, pas de panique. C'était délibéré, je l'ai fais exprès !

L'elleth rit de nouveau au faux pas du nain, puis tourna les yeux vers Eowyn.

Elle l'intriguait, et elle ne put s'empêcher de voir la façon dont elle regardait Aragorn. De remarquer le pétillement dans ses yeux quand elle s'en approchait.

-Où est-elle ?

Aragorn la regarda sans comprendre.

-La femme qui vous a offert ce collier.

Il sourit tristement.

-Elle voyage vers une terre immortelle avec ce qu'il reste des siens.

Naé manqua de s'étouffer. Une Elfe ? Elle avait bien remarqué ce pendentif elfique dont il ne se séparait jamais, mais sachant qu'il avait été élevé à Fondcombes, elle n'avait pas pensé qu'il puisse être le cadeau d'une elleth. Elle avait vaguement pensé à ce que ce soit une marque de confiance d'Elrond, puis s'était de toute façon dit que cela ne la regardait pas.

Il était rare que deux êtres de races différentes créent de véritables liens, alors de là à tomber amoureux...

La fragilité humaine ne pouvait s'unir avec l'immortalité et la stabilité des elfes, aussi, ils évitaient tout simplement de se côtoyer. N'ayant ni les mêmes préoccupations ni les mêmes goûts, ni les même capacités, ... Enfin n'ayant pas grand-chose en commun quoi. C'était là ce qu'elle avait toujours pensé.

Les rares histoires d'union de race se terminaient toujours mal. Aragorn devait en être pleinement conscient, puisqu'après avoir évoqué celle qui comptait à son cœur, son sourire s'effaça, et il se perdit dans ses pensées...

Ils ne tardèrent pas à faire une halte pour manger. L'elleth s'assit aux cotés du rôdeur, et lui posa des questions à propos de son enfance chez les elfes, auxquelles il fut heureux de répondre. Ils avaient beaucoup mangé le matin même, aussi préférèrent-ils laisser la nourriture à ceux qui en avait vraiment besoin.

Eowyn vint soudain les voir, une petite marmite à la main.

-J'ai fais du ragoût. Il y en a peu, mais c'est chaud.

La mixture avait une odeur infecte, et Naé détourna gentiment l'offre, prétextant qu'elle n'avait pas faim. Aragorn se sentit obligé d'en prendre, et au vue de sa mine dépitée lorsqu'elle lui remplit une pleine gamelle, il était clair qu'il regretta tout de suite son choix.

Néanmoins il en prit une bonne cuillère, et la félicita.

Lorsqu'elle tourna le dos, il jeta à sa comparse un regard lourd de sens, auquel elle rit vivement, puis vida son assiette sur le sol. Eowyn se retourna d'un coup, et aurait vu son geste, si l'elleth n'avait pas eu le réflexe de relever la gamelle. Il la remercia du regard.

-Mon oncle m'a dit une chose vraiment étrange. Il a dit que vous étiez à la guerre aux cotés de Thengel, mon grand-père ! Il a du se tromper !

Aragorn soupira, puis acquiesca.

-Le Roi Theoden a une bonne mémoire, ce n'était qu'un petit garçon à cette époque.

La mine d'Eowyn se décomposa.

-Alors vous avez au moins soixante ans ? Soixante dix ? Vous n'avez pas quatre-vingt ans ?

-Quatre-vingt sept, dit le rodeur, à contre coeur.

-Vous êtes l'un des Dunedains. Un descendant de Numenor, béni d'une longue vie ! On m'a dit que votre peuple était entré dans la légende.

-Il ne reste que très peu d'entre nous, le Royaume du Nord a été détruit il y a longtemps.

-Je suis désolée.. Mangez !

Puis elle s'assit avec eux, et fixa l'horizon. Aragorn se résout à se montrer poli en reprenant une cuillère de ce ragoût infecte, pendant qu'elle était à leurs cotés.

-Votre compagnon n'est pas avec vous, Naé ?

-Mon compagnon ? Demanda l'intéressée, ne sachant pas ce qu'elle voulait dire.

-Legolas ?

Elle manqua de s'étrangler toute seule, et ce fut Aragorn qui répondit avec un grand sourire, semblant s'amuser de la situation;

-Qu'est-ce qui a bien pu vous faire pensez qu'il était son compagnon ?

Eowyn ne comprenait pas ce qui méritait le rire du rôdeur.

-Et bien, vous voyagez ensemble, pour commencer. Et puis, bien sur c'est idiot mais vous êtes deux elfes, et des elfes, on en voit pas souvent.. Et j'ai vu votre complicité ce matin, ainsi que l'éclat dans vos yeux quand vous vous regardez.

Aragorn cette fois éclata de rire, sous les yeux surpris de la jeune femme.

-Pourquoi riez vous ?

-Parce que je ne connais personne qui se détestent autant que ces deux là. Laissez les seuls un instant et ils s'entre-tuent.

-Mais, je croyais que ...

-La seule complicité qu'ils partagent, se trouve sans doute dans la diversité d'injures qu'ils se lancent au visage à longueur de temps. Et croyez moi, c'est épuisant ne serait-ce qu'à entendre. Quand à l'éclat que vous dites avoir vu, sans doute était-ce celui de la rage de leur proximité.

Il ponctua cette phrase d'un grand sourire, et Eowyn se tourna vers l'elleth,

-Je suis désolée, je ne savais pas. Et quel est l'objet de cette rage ?

Alors que Naé s'apprêtait à faire la liste des défauts de l'elfe, Aragorn la coupa ;

-Leur orgueil, dit-il pour résumer la situation. Ne cherchez pas à en savoir plus, je vous en prie rajouta-t-il en chuchotant pour qu'elle soit la seule à l'entendre.

Naé sourit, et la jeune femme sembla accepter l'idée puisqu'elle se tut.


Soudain, un bruit sourd parvint à leurs oreilles, et un frisson parcourut le dos de l'elleth. Elle se leva d'un coup, et un des éclaireurs arriva au galop, essoufflé en criant ;

- Les Ouargues ! Nous sommes attaqués !

Un élan de panique s'éleva du peuple, tandis que les soldats se précipitaient sur leurs chevaux. Elle vit Legolas s'élancer au loin, avec son arc dans la main, prêt à tirer l'ennemi, pour l'instant invisible.

-Tous les cavaliers en tête de colonne ! S'écria Theoden.

Puis elle l'entendit demander à Eowyn de conduire le peuple jusqu'au gouffre.

Agrippant la crinière d'Ametis, elle se hissa sur son dos, et partit au galop vers l'elfe. Les autres chevaux la suivirent, et les hommes avaient sorti leurs épées et leurs lances, en criant pour se donner du courage. Du coin de l'œil, elle vit Legolas grimper sur son cheval en un geste surhumain, et elle leva les yeux au ciel.

Son arc entre les mains, elle décocha une flèche dans la tête du premier orc qu'elle vit.

Puis du deuxième, du troisième. Ils devaient bien être une trentaine en tout, montés sur des ouargues, plus laids et repoussants les uns que les autres.

Si une flèche suffisait à mettre un orc à terre, ces loups étaient beaucoup plus résistants. Leur peau était faite d'un cuir que seul la force d'une lame ou d'une lance pouvait transpercer. Ils avaient néanmoins une faiblesse au niveau de l'arrière du crane, ou leur peau était plus molle.

Elle l'avait apprit à ses dépends il y avait des centaines d'années maintenant, et ne risquait pas de l'oublier.

Lors de l'impact, les premiers chevaux tombèrent, et les ouargues se jetèrent sur leurs cavaliers tombés au sol.

Naé avait rangé son arc à présent, et faisait tournoyer ses lames. Elle décapita quelques orcs, mais, dressée sur un cheval, elle était trop haute.

Elle fit alors un salto arrière pour retomber au sol sur ses pieds, et adressa un petite claque à son cheval pour qu'il fasse demi tour, loin du combat.

Elle se jeta ensuite sur le monstre le plus proche. Prenant l'impulsion qu'il lui fallait pour s'élancer au dessus de ses crocs, elle enfonça ses épées dans sa boite crânienne. Il s'écrasa au sol dans un bruit sourd.

Elle vit au loin que Gimli semblait en difficulté, il était tombé de son cheval et semblait minuscule face au ouargue qui se jeta sur lui.

L'elleth courut jusqu'à lui, tout en bondissant pour égorger ceux qu'elle pouvait tuer en chemin. Une bête énorme lui barra alors la route. Il devait arriver facilement au garrot d'Ametis, et l'orc qui le montait affichait un sourire sadique en la regardant.

La bête se rua sur elle, et elle eut juste le temps de sortir le poignard de sa botte et de le lancer dans le cou de l'orc, avant de faire un bond sur le coté pour esquiver la gueule du monstre.

L'odeur de son haleine lui piqua le nez, et elle dut retenir un haut le cœur. Son cavalier tomba, mort, sur le sol, tandis que la bête se retournait déjà pour une nouvelle tentative. Elle se plaqua contre le sol au dernier moment, et lui planta ses lames sous la gorge lorsqu'il passa au dessus d'elle, avant de s'écarter en une roulade.

Ce qui lui évita d'être aspergée d'un sang noir et répugnant. Raide mort, il s'écroula d'un trait à l'endroit où elle se trouvait une seconde plus tôt.

Elle resta immobile un instant pour reprendre son souffle, et analyser la situation. Puis se remit debout en une impulsion. Elle se mit à courir vers Gimli, qui était à présent piégé sous deux ouargues, entrain de pester et d'essayer de se dégager.

Alors qu'elle s'approchait, elle vit une nouvelle bête s'approcher de lui pour lui arracher la tête. Elle sortit un autre poignard du lacet sur sa cuisse, et lui envoya en plein dans l'oeil, ce qui le tua sur le coup.

Le nain se retourna et la remercia du regard, puis se mit à fixer quelque chose derrière elle et eut un air paniqué.

En sortant ses lames, l'elleth se retourna précipitamment en se mettant à genoux, et trancha net les jambes de l'orc qu'elle avait entendu approcher au dernier moment.

Doucement, elle se releva, et l'acheva en lui tranchant la gorge. Le sang gicla et si ses vêtements avaient déjà besoin d'être lavés, elle douta à présent que cette odeur puisse un jour s'estomper.

Un regard autour d'elle lui apprit que le combat était fini. Les hommes étaient entrain d'achever les derniers monstres, et elle vit que Legolas avait sorti Gimli de sa mauvaise posture. Il était couvert de sang, lui aussi, mais ce n'était certainement pas le sien. Elle s'approcha des cadavres dans lesquels elle avait laissé ses poignards, les retira de là, les essuya contre le vêtement qui recouvrait sa cuisse, et les rangea dans leurs fourreaux, à leurs places respectives.


En se relevant, elle entendit la voix de l'elfe appeler Aragorn.

Intriguée, elle regarda autours d'elle et un frisson la parcourut alors qu'elle ne réussit pas à le trouver du regard. Elle se dirigea donc vers Legolas, et vit dans ses yeux qu'il était tout aussi rempli de doute. Un orc toussota près d'eux. Le prince fondit sur lui et essaya de découvrir la vérité dans ses paroles. Naé quant à elle l'avait déjà compris mais n'arrivait pas à l'assimiler. Son corps n'avait pas été trouvé parmi les cadavres, cela ne pouvait signifier qu'une chose.

-Il est...mort. Il a dégringolé de la falaise.

L'orc s'étouffa dans son propre sang après ses dernières paroles. Il serrait quelque chose dans sa main, et lorsque Legolas lui ouvrit, il y découvrit avec horreur le pendentif elfique du rôdeur.

Les mains de l'elleth se serrèrent, et elle sentit ses ongles traverser sa peau alors qu'elle essaya de ravaler sa colère. L'elfe s'approcha du gouffre, et regarda en bas de la falaise. Elle vit ses poings se serrer à son tour, et il se tourna vers elle.

Sa rage était pleinement visible et elle crut un instant qu'il allait se laisser envahir par ses émotions, lorsqu'elle entendit le Roi donner ses instructions.

-Mettez les blessés sur les chevaux, les loups de l'Isengard vont revenir. Laissez les morts.

Les jointures des mains du prince devinrent blanches.

Elle s'approcha alors de lui, mit sa main sur son cœur, puis la laissa aller dans le vent, vers l'endroit d'où était tombé le rôdeur, signe elfique de respect, et de considération. Lorsqu'elle se retourna vers lui, elle vit que ses yeux étaient voilés, et cela fini de déchirer le gouffre qu'elle sentait grandir en elle.

Hésitante, elle tendit la main vers son visage. Il la fixa intensément, puis pencha légèrement la tête en avant. Elle mit donc sa main contre sa joue, et plaqua son front contre le sien.

Leurs ressentis de douleurs et de colère se mêlèrent, comme leurs souffles, si prés des lèvres de l'autre.

Ce geste était une coutume de son peuple, afin d'apaiser les émotions d'un être tourmenté.

Dans chaque communauté elfique, les émotions et sentiments étaient tabous, et les elfes apprenaient depuis toujours à les contenir, de façon à ne jamais rien laisser paraître.

Le geste de Naé n'avait rien de tendre ou d'amical, il lui rappelait simplement de se recentrer sur lui même, afin de ravaler ses émotions.

Il comprit qu'elle partageait sa peine, et lorsqu'elle se retira, il la remercia du regard avec une intensité qu'elle n'avait jamais vu.

Elle se dirigea ensuite vers son cheval, qui s'était réfugié plus loin le temps du combat.

Lorsque chacun fut prêt, ils se remirent en route pour le Gouffre, dans le silence le plus total.

Ils avaient perdu presque la moitié des soldats, et tous avaient la crainte que le peuple se soit fait attaquer de leur coté. 


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