Un Peuple Oublié

Chapitre 33 : Chapitre 31 _ L'Histoire d'une elfe

4058 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2020 16:22

Cela faisait plus de trois semaines, que les jours se ressemblaient, pour tout le monde.

L'attente était de plus en plus longue. Et plus elle durait, plus les gens perdaient espoir.

Certains commençaient à parler d'abandonner la cité pour aller se cacher dans les montagnes.

Si les Hommes avaient été battus, Il ne tarderait pas à venir se venger. Et tout le monde avait vu l'armée des morts partir en fumée.

Aucune aide ne leur viendrait, cette fois. L'atmosphère devenait pesante, et tout le monde le sentait.


Naé, au milieu de tout cela, se contentait de ne rien dire. Elle lançait de temps en temps un regard noir à ceux qui sortaient les plus grosses idioties, mais hormis ses deux amis, personne n'avait entendu le son de sa voix depuis des jours. Certains y voyait une raison de continuer les commérages, quand d'autres se demandaient ce qu'elle faisait toujours là, à réparer des toits.


Lorsque le soir arrivait, elle avait finit par emporter une ou deux bouteilles de vin, pour se vider l'esprit lors de ses rendez vous nocturnes.

Ce soir là, les trois compères étaient particulièrement bavards, la langue déliée sans doute par la quantité d'alcool qu'ils avaient ingurgité.

-Vous ne nous avez jamais conté votre histoire, Naé, glissa Faramir.

Elle éclata de rire.

-Pourquoi le ferais-je ?

-Je me suis toujours demandé à quoi les elfes passaient leur immortalité...

-Pour passez le temps ? Oh, cela dépend... Certains apprennent à se battre, quand d'autres apprennent plutôt à parler aux arbres. Elle ne put retenir un rire à la mention des elfes sylvestres. Ou encore, les derniers apprennent à penser, à critiquer les autres, à essayer de comprendre les Hommes, ou même les Valars.

Un petit silence s'en suivit.

-J'espère ne pas avoir déçu monsieur l'intendant.

Il sourit.

-Ne m'appelez pas comme ça. Et vous, qu'avez vous fait durant ces ... Quel âge avez vous d'ailleurs?

C'était comme s'il réalisait soudain qu'il n'en avait aucune idée.

Un éclat de rire échappa des deux jeunes femmes.

L'elleth finit par soupirer.

-Approximativement 30ans.

Les deux Hommes parurent sceptiques.

-Oui, je compte en centaine d'année, cela m'est plus simple.

Après un calcul rapide, ce fut Eowyn qui réagit la première.

-3000 ans ? Non, ce n'est pas...

-Et pourtant..., la coupa-t-elle.

-Vous étiez donc présente lors de l'ascension de Sauron ?

Naé rit de cette remarque.

-Bien sur, j'étais petite à l'époque. Mais je garde quelques souvenirs, d'avant tout cela...

-Racontez nous, s'il vous plait.

Elle sourit avec tendresse. Mais, son sourire mourut sur ses lèvres, quand les images filèrent devant ses yeux.

-Il y a plus de honte que de gloire, mes amis.

Mais ils ne répondirent rien, tous les trois déjà couchés au sol, ils contemplaient la lumière de la Lune.

Naé se redressa, et bût une gorgée de vin, comme pour se donner du courage.

-Je ne sais pas où vous en êtes avec votre histoire, alors je vais commencer par vous parler des elfes mes enfants. Elle avait prit une grosse voix, imitant celle de Gandalf, qui fut le seul à lui avoir jamais conté d'histoire. Nous sommes trois races d'elfes différentes, n'est-ce pas ?

Voyant qu'ils la regardaient avec un air désolé, elle se tapa la tête.

-Non mais c'est dingue ça ! Bon, on va faire simple, parce que ce n'est pas vraiment le sujet principal. Les elfes Celestes. Comme le seigneur Elrond, ou dame Galadriel, des elfes penseurs, pas très intéressants enfait. Les elfes Sylvains, ou Sindar. Comme ... Legolas. Dire son nom à haute voix lui arracha un frisson. En communion avec la nature, d'un tempérament plutôt froid et discret, ils ... elle se tut une seconde, se rendant compte qu'elle aurait eu mille choses à dire. Et les elfes Noirs. Comme, moi. Des êtres de feu, nous étions un peuple guerrier. Ah, et puis tant qu'à faire. À sa naissance, Sauron était comme ça. Comme moi.


Cette fois ci, les deux jeunes gens relevèrent la tête, pour la regarder. Oui, oui, c'était bien la l'unique vérité.

-Bien sur, plus tard, il est devenu le serviteur de Morgoth, et à partir de là, je pense qu'on peut dire qu'il n'appartenait plus à aucune race de rien du tout.

-Quand je suis venue au monde, notre clan vivait aux abords de la montagne du Destin. Faites de tunnels et de sculptures, l'endroit était magnifique. C'est notre besoin de feu, de chaleur. Le tempérament ardent propre à mon peuple.

Mon père a été assassiné pour des divergences d'opinions politiques, je crois qu'il n'appréciait pas vraiment le Prince Noir qui était le notre, mais j'étais très jeune à cette époque, je ne garde aucun souvenir de lui. Quelques années plus tard, la tension au sein du clan était trop forte, dût à l'ascension et aux projets de guerre de Sauron. Ma mère m'a donc confié à Gandalf. Meme aujourd'hui, je ne sais pas comment ils se connaissaient, mais apparemment, le magicien l'appréciait. Et puis ce n'était pas un cadeau de pure bienveillance, évidemment. Depuis toujours, j'ai une dette envers lui. N'importe quel service qu'il pouvait me demander n'importe quand.

Elle sourit, soudain mélancolique.


-Il m'a emmené dans les mont Brumeux, au sein d'un autre clan, puis il a disparu des années. Il veillait sur moi de loin, comme il disait.

Quand je suis arrivée la bas, je n'étais qu'une petite fille. Une étrangère au clan, n'ayant plus de famille, j'ai eu beaucoup de mal à me faire accepter. Les jeunes de mon âge me fuyaient, ou se moquaient de moi. Vous savez comment sont les enfants... Des enfants de la guerre je veux dire, parce que les enfants d'elfes celestes, (elle rit) ils doivent être beaucoup plus polis les uns envers les autres... Enfin non, du coup vous ne savez pas. Et bien vous n'avez qu'à imaginer!

Jusqu'à ce qu'un jour, un garçon me prenne sous son aile. C'était le garçon le plus aimé et coursé par les filles, depuis toujours. Il n'était pas de haute naissance, mais il était joueur, et magnifique, bien sur.

Très vite, nous avons passé notre temps ensemble, nous jouions dans les labyrinthes de la montagne, et nous entraînions à l'épée.

Déjà à l'époque, il portait un intérêt tout particulier à la guerre, et à manier les armes. De toutes natures et de toutes origines. Il me défendait des autres, et bien que beaucoup jalousaient notre amitié, personne n'osaient plus s'en prendre à moi.


Les années passaient, et nous étions toujours inséparables. Il se révélait meilleur au combat de jour en jour, et au vu de ses capacités et de son acharnement, qui dépassaient d'ailleurs largement les miens, il était clair qu'il serait un jour le prochain Prince Noir.

Des tas de projets s'offraient à lui, beaucoup venaient lui montrer leur soutient, mais il n'en avait que faire.

Et même à l'adolescence, lorsque les filles commençaient à s'approcher, il ne les regardait pas.

Puis, plus tard encore, nous avons fini par devenir amant. Conséquence logique de notre impossibilité à se séparer de l'autre.

À l'époque, je pensais qu'il était mon Alaar, et que j'étais le sien. Mais ce n'était pas le cas. Je découvrais seulement la vie avec le seul qui n'ait jamais compté à mes yeux ...

Mais enfin bon...

Le grand jour approcha, où il provoqua notre Prince en duel. Je me souviens de ce jour là.

Ce fut la première fois que je connus la peur. Une peur bleu, à me paralyser.

Mes pensées tournaient en boucle. Je n'arrivais pas à calmer ma respiration.

Mes mains tremblaient comme si elles étaient glacées.

Ce fut la première fois que j'ai versé une larme.

Elle rit.

Je m'en souviens bien, je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Lorsqu'il fut vainqueur. Je me souviens de la surprise de sentir des perles rouler le long de mes joues, et de leurs goût salée.


Ses yeux se perdirent un instant dans les étoiles, et elle soupira, comme si elle savourait ce souvenir, avant de reprendre.


-Oui, s'étaient là nos coutumes. Le droit d'épée prévalait sur le droit du sang, et pour devenir Prince, il fallait tuer l'ancien.

Ce jour là, Azazel devint le nouveau Prince.


Eowyn se redressa

-Cet Azazel ? Demanda-t-elle en montrant son œil.

Naé sourit tristement,

-En personne.

Elle marqua une pause, tandis que ses deux compagnons attendaient patiemment la suite. Eowyn connaissait vaguement la fin de l'histoire. Mais elle n'avait jamais réellement chercher à en comprendre le milieu.


-Prenant le contrôle du clan, certaines choses se mirent à changer. Bien qu'il soit seul chef, Azazel écoutait mes conseils, et ceux de beaucoup autours de lui. Il avait certes des défauts, mais il menait les siens du mieux qu'il le pouvait. Et c'était déjà quelque chose d'honorable.

Il n'entra pas en guerre, continuant ce que son prédécesseur avait mit en place.

Les crimes sur les autres races étaient même de plus en plus punis, essayant de préserver l'intimité et la discrétion qui maintenait le clan entier.

De vagues échos arrivaient de loin, nous rapportant les nouvelles de ce que Sauron essayait de faire.

Azazel encaissait avec brio, et ne semblait pas adhérer aux valeurs qu'Il tentait d'insuffler.

Au cours des dizaines d'années que dura son règne, il réussit à échapper à Ses demandes de renforts, ou de soutient.

Tout le clan et moi même avions fini par penser qu'Il nous laisserait en paix, mais évidemment, nous avions tord.

Ce n'était même plus du tord, rit-elle pour elle même, c'était de la bêtise. Nous le sous estimions. Profondément.


Alors que le temps passait et que nous pensions qu'Il nous avait oublié, Il arriva un soir.

Lui et toute son armée.

Aucun de nos éclaireurs ne nous avaient informé. Preuve de leur traîtrise...

Son armée était composée d'elfes Noirs, comme nous. Des amis, des connaissances lointaines, des frères... Ils nous massacrèrent.

Ce soir là, je vis plus de morts que je n'en avais jamais vu. Si ce n'est dans les champs du Pelenor.

Notre armée fut la première à être tout simplement détruite.

Puis nos anciens, nos enfants.

Des êtres qui commençaient tout juste à savoir se battre, ou qui ne s'en souvenaient plus, moururent avec la même violence qui faisaient briller leurs yeux et battre leurs cœurs depuis toujours.

Ce fut une nuit noire. Une nuit rouge, éclaboussée par le sang de tout mon peuple.


Elle se redressa, et but une gorgée de vin. Ses deux compagnons s'étaient tus. Le silence régnait dans la nuit et seul le cri d'une chouette vint casser le silence.

-Je crois qu'il nous faut quelque chose de plus fort. Finit par dire Faramir.

Doucement, il se leva, et s'éloigna.

Les deux femmes restaient couchées par terre. Naé se perdit dans ses pensées. Jamais elle ne s'était confié sur son histoire. Ni sur les horreurs qu'elle avait pu voir. Ou commettre.

Elle n'était qu'au début de son récit, et pourtant. Sa tête la brûlait, et sa salive lui semblait beaucoup trop acide.

Elle gardait comme un goût amer sur les lèvres, dont elle ne parvenait pas à se débarrasser. C'était comme si elle dévoilait la honte même de son existence. Celle qu'elle avait toujours pensé inavouable. Elle restait là, immobile. Comme si le simple fait de penser la rendait malade.

Faramir revint, une bouteille à la main, et la tendit à son amie.

L'elleth la prit, et n'eut pas besoin de sentir pour savoir qu'il s'agissait de l'alcool presque pur qu'elle avait bu avec les soldats si souvent.

Le goût était toujours aussi infect, mais elle eut l'impression que cela lui donna le courage de continuer.


-Les assauts ne tarissaient pas. De plus en plus d'hommes se déversaient dans nos couloirs, dans nos maisons.

C'était comme si le monde voulait nous montrer toute la fureur qu'il y avait au dehors.

On avait toujours pensé que la violence nous était propre. A notre peuple. Ce besoin de se battre. De toujours se prouver meilleur que son voisin. Nous n'avions pas pensé qu'elle causerait notre perte.

Et pourtant...

Presque tout le clan fut décimé. Rare furent ceux qui parvinrent à s'enfuir.

Je me souviens de l'appel du sang, qui me broyait les entrailles.

Cette violence pure qui m'excitait autant qu'elle me dégoûtait. Une fascination.

Cette adrénaline qui pulsait au creux de mes veines, mon cœur qui ne semblait même pas vouloir s'emballer.

Comme si tout cela était normal. Comme si cette rage faisait partie de moi depuis toujours.

Je me souviens de mon ivresse de vivre à ce moment. L'obligation de combattre, avec le sentiment de plaisir que cela me procurait.


Elle fit une courte pause, reprenant son souffle.

Je ne voyait plus rien autour de moi.

Que l'ennemi qui se tenait là, et plus rien après. Comme un grand néant qui m'empêchait même d'entendre quoi que ce soit.

De sentir l'odeur de la mort, ou la moindre douleur. Et c'est alors que je l'entendis.

Ce bruit.

Cet unique bruit qui sortait du néant.

Ce bruit métallique contre la pierre.

Azazel avait déposé ses armes.

Il avait lâché son épée, et elle avait rebondit contre la pierre froide, comme un avertissement contre tous ceux qui se battaient encore.

Je me souviens m'être arrêtée. Avoir récupérer mon souffle, et l'avoir regardé.

Je me souviens de son regard, dit-elle, d'une voix emplit de tristesse.

Son regard désespéré. Et surtout désolé. Il s'excusait auprès de moi.

La suite est floue dans mon esprit.

Mais j'avais compris qu'il avait déposé les armes pour sauver son peuple. Il avait réussit à résister à l'appel du sang. A la rage. A la violence. A tout ce en quoi notre race a toujours cru. Et tout ça pour quoi ? Pour son clan. Mon estime pour lui en avait été encore renforcée.

Elle sentit une larme rouler sur sa joue.

Je ne me souviens plus de ce qu'il se passa ensuite. En comparaison à toute l'horreur que je venais de voir, je n'arrivais plus à garder une image en tête. La seule chose que j'entendais était mon cœur, régulier. Qui ralentissait petit à petit. Je sentais mon souffle sécher mes lèvres, et mes jambes me brûler. J'avais un trou dans la hanche aussi gros que le goulot d'une bouteille. Je sentais alors mon sang s'écouler de la plaie, et la douleur m'envahir. Comme un poison qui doucement se rependait dans mon corps. Je me souviens être tombée à genoux.


Elle essuya les larmes qui avaient rongées ses joues pendant son récit, et rebut alors une nouvelle gorgée.

Faramir et Eowyn la regardaient, en haleine, concentrés comme des enfants à qui l'on raconte un histoire pour s'endormir.


-Je me suis réveillée plus d'une semaine plus tard, avec le visage de mon ami face à moi. Il m'expliqua qu'il avait négocié. Qu'il avait laissé le Roi sorcier prendre sa place. Les survivants avaient grossi les rangs de l'armée Noire, les autres... Il n'y avait pas d'autres. Il avait livré son peuple, sans doute pour nous sauver tous les deux.

Je ne parvenais pas à comprendre comment nous avions pu nous en sortir. Presque indemne, et surtout loin. Loin de tout ca.

Aujourd'hui je me dis qu'il avait sans doute passé un pacte avec eux. L'échange de son âme s'ils nous laissait partir. Peut être même avait-il juré d'aller les rejoindre, après quelques dizaines d'années.

Mais bien sur, à l'époque, j'étais loin d'imaginer, et j'avais bien sur fini par ne plus lui en vouloir. Nous n'avions plus que l'autre. Tous les deux, livrés à nous même, avec le souvenir d'un massacre et la certitude que toute vie Lui seraient un jour donnée.

Si nous n'avions pu résister, personne ne le pourrait. C'était là du moins ce dont nous étions convaincus.


Les premiers temps furent difficiles. Nous avions été habitués à tout avoir. À vivre comme des rois, et voila que nous n'avions plus rien. Aucun bien matériel, bien sur, mais surtout aucun peuple ne voulait de nous.

Les autres elfes nous considéraient comme des parias. Comme la race qui avait donné vie et pouvoir au Mal. Les hommes et les nains, firent de même. Ils avaient perdu trop de semblable à la guerre pour laisser des elfes Noirs se balader sur leurs terres.

Ce rejet nous brûlait petit à petit. Nous n'étions responsables de rien, et pourtant il leur fallait des coupables. Notre haine envers ces peuples mûrit à son tour petit à petit. Et nous avons appris à vivre comme des fugitifs. Tout le temps sur la route, nous ne restions jamais au même endroit.

Les cités ne voulaient pas de nous, les auberges non plus. Il était difficile de se nourrir, mais la chasse nous sauva. La seule communauté qui nous accepta, fut les Haradrims.

Fascinés par la guerre, ils voyaient en nous des maîtres et des professeurs, et nous avons séjourné au Harad quelques dizaines d'années.


Elle sourit, mélancolique.


Ce furent de bonnes années, d'ailleurs. Nous étions de nouveau respectés, et craints. Nous mangions à notre faim, dormions dans des lits confortables, mais sans vraiment nous mêler à la vie des hommes. Après tout, ils restaient des Hommes, et ... nous ne trouvions plus de valeurs en eux. Ils voulaient de la violence, toujours plus de violence. Et bien qu'elle coulait dans nos veines, elle avait à présent une saveur malsaine, nous rappelant tout ce que nous avions perdu.

Au bout d'un certains nombre d'années, lorsque je me surpris à former le petit fils de l'un de mes premiers élève, je me rendis compte que j'étais lasse. Alors Azazel le comprit, et le lendemain, nous étions partis.


Le temps avait passé, et les hommes avaient commencé à oublier. La terre nous semblait de nouveau toute à nous, et nous étions de nouveau libre de circuler ou nous le voulions. Si ce n'est dans les royaumes elfiques, qui eux bien sur, ont la mémoire aussi tenace que la rancœur.

Nous volions notre argent, ou notre nourriture. Nous dormions là où il restait de la place. Et petit à petit, notre humanité s'éloigna.

Notre réputation commença à nous précéder, et quelques hommes vinrent à nous pour réclamer nos services. Chasseur de tête. Au début, cela avait un semblant de conscience. Nous respections un code, de conduite et de moral. Nous ne tuions jamais sans raison.

Mais là encore, les années passèrent et nos codes s'estompèrent au fil du temps.

Petit à petit, les questions s'effaçaient. Nous ramenions des têtes, et empochions l'argent, point final.

Jamais nous n'avons eu envie de nous mélanger. De nous fondre dans la masse, nous trouver des amis, ou ne serait-ce que des gens à qui parler.

Il m'avait moi, et je l'avais lui, cela était suffisant. Nous vivions ensemble, chassions ensemble et couchions ensemble.

Nous étions tout l'un pour l'autre, et cela depuis le début. Et bien sur, ce fut une erreur.

Je ne l'ai compris que plus tard.


Un soir, en pleine chasse d'un riche marchand de la cité voisine, nous avions dormi sur la route. La lune était presque entière, et la nuit était claire, je m'en souviens très bien. Comme tous les soirs, après le repas, j'étais la première à dormir. Alors il m'embrassait sur le front et me chantait une chanson.

Et lorsque je me réveilla pour prendre mon tour de garde, il n'était plus là.

Je l'ai cherchée, bien sur. Dans toute la forêt, j'ai hurlé son nom encore et encore, mais le silence se moquait de moi. J'ai passé cinq jours, la bas. Inspectant chaque recoins, chaque terrier, chaque arbre où il aurait pu se cacher. Mais tout était vide.

Alors après dix huit jours, j'ai abandonné. Je me suis assise au sol, et j'ai pleuré. J'avais fini par penser qu'il m'avait abandonné. Qu'il était parti, tout seul, de son plein grès. Comme s'il s'était lassé de ma présence, et avait eu besoin de voir autre chose, sans prendre la peine de me le dire.


Cela est arrivé il y a plus de 900 ans, et pourtant, je revois chaque image comme si c'était hier.

Je m'étais mise à douter. À me dire que lui aussi, après mes parents, après Gandalf, il m'avait abandonné.

J'ai passé plus de neuf mois, dans cette forêt, dormant au même endroit chaque nuit, me disant qu'il changerait peut être d'avis. Qu'il reviendrait. Que je lui manquerai.

Mais les jours passaient, et j'étais toujours seule. Son absence me rongeait, et j'étais en colère.

Contre moi même, contre tout le monde, contre l'univers lui même, qui s'acharnait à me faire survivre à des choses dont je ne voulais plus.

Et puis un jour, à trop maudire les Valars, ce n'est pas Azazel qui me trouva, mais Gandalf. Il me sortit de là, une fois encore. Il passa du temps avec moi, dans ce monde où je ne voulais pas être seule, et justement, il m'apprit à l'être. Il m'apprit à aimer être seule. À en avoir besoin.

Je me remis alors à faire ce que je savais faire et qui me nourrissait. Je passais de cité en cité, cherchant du travail et prenant celui que l'on me donnait.

Je trouvais de temps à autre un homme pour réchauffer mes nuits, mais jamais je n'ai eu envie de m'attacher de nouveau à quelque chose ou à quelqu'un, jusqu'à aujourd'hui.


Il y eut un silence, qui dura plusieurs minutes. Le temps que tous les trois comprennent et pèsent bien tous les mots qu'ils venaient d'entendre ou de dire.

-Et vous ne l'avez jamais revu ? Azazel.

La petite voix du jeune intendant sortit l'elleth de ses pensées.

Elle toussota, puis se racla la gorge, avant de reprendre une gorgée.

-Il y a quelques semaines. Il est venu me chercher. C'est là que j'ai compris qu'il ne m'avait pas abandonné. Il avait été prit par Sauron. Il s'était livré pour me protéger. Il savait pertinemment à l'époque que si j'avais su où il allait, je l'aurais suivi, peu importe où. Mais il ne me l'avait pas dit. Son âme à été noircie par les maléfices de ce monstre, jusqu'à la dénaturer complètement. Il a faillit nous tuer, vous savez. Aragorn, Gimli, et ... Legolas.

Alors je... je l'ai tué en premier.

Elle vit que des larmes coulaient sur le visage d'Eowyn, silencieuses, et cela lui embauma le cœur d'un parfum de tendresse immense.

-Je n'étais pas borgne, il y a un mois. Je n'étais pas infirme non plus. Et je n'étais pas blanche comme le Sindar le plus pur. Grogna-t-elle, en passant sa main dans ses cheveux. Mais ce sera ma façon à moi de ne pouvoir l'oublier.

Vous savez, les elfes n'aiment qu'une fois.

Ils ont tous cet Alaar, qui leur sera montrer un jour ou l'autre, et dont ils ne pourront se défaire.

Les Alaars, bien sur vont par deux. Mais il est quelques fois, pour faire rire les Valars sans doute, qu'un elfe ait pour âme sœur quelqu'un qui ne l'a pas en retour.

On dit de cet elfe qu'il est maudit, car il n'y a de plus grande peine que de savoir que la seule personne que vous aimerez pour l'éternité ne ressentira jamais rien pour vous.

Azazel était maudit.

Je ne l'ai comprit que trop tard. Quand il est revenu.

L'âme pourrissante et corrompue, dépourvue de sa volonté propre, il a continué à me chercher...  


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