Un Peuple Oublié

Chapitre 34 : Chapitre 32 _ Nous avons vaincu

3008 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2020 16:23

Le vent se soulevait doucement, au fur et à mesure que se confiait Naé, jusqu'à arracher des frissons aux trois amis.

La lune était presque entrain de redescendre sa course, lorsqu'enfin l'elleth se tut.

Un drôle de silence plana alors, comme personne ne savait que dire.

Faramir, étrangement, se sentit pour la première fois vraiment proche de l'elleth. Il l'avait toujours apprécié, bien sur, mais il avait souvent eut l'impression que leurs échanges n'allaient généralement que dans un sens. Le sien.

Pas une seule fois il n'avait réussi à lui soutirer ses émotions, ses sentiments, ou ne serait-ce qu'un petit bout de la longue vie qu'elle avait menée.


Pour la première fois, il avait l'impression d'avoir enfin la clef à toutes les petites choses qu'il savait d'elle ou de sa façon de penser. Ce fut comme s'il parvenait enfin à retracer le puzzle qu'elle représentait jusqu'à présent. Et il en fut touché.

Comme on l'est lorsqu'on se rend compte pour la première fois que l'on a un ami.

Bien sur, il en avait eu, enfant. Et même adolescent. Mais les gens étaient toujours fuyant dans sa vie, incapable de prendre vraiment racine. Son statut de fils de l'intendant n'avait pour ainsi dire rien arrangé. Les autres l'avaient toujours craint, et au vu des agissements de son père, il l'avait toujours comprit. La seule personne qui lui avait été proche était son frère, pour qui il avait une admiration et une estime sans nom. Et bien que leurs caractères est toujours été très différent, depuis leur enfance, ils étaient proches. Très proche. Et sa perte l'avait tellement touché qu'il avait eu du mal à calmer sa peine.


C'est d'ailleurs un des éléments qui l'avait lié à l'elleth, en premier lieu. Elle avait connu Boromir. Pas de la même façon, bien sur, mais bien que ce ne fut pas long, ce fut profond.

-Merci, dit-il, si bas que son grain de voix se perdit dans le vent, et qu'il se demanda si son amie l'avait entendue.


Mais Naé tourna la tête dans sa direction, et lui adressa un sourire plein de tendresse.

Puis, elle se leva, et disparut doucement dans l'obscurité.

Il la laissa faire sans un mot.


Elle se dirigeait certainement sur la grande place de l'arbre blanc, s'asseyant sur un rebord, les pieds dans le vide. Il la retrouvait là tous les matins, comme si elle ne dormait plus. Attendant le retour de tout ceux qui lui était cher.

Il savait que, comme lui, évidemment, elle culpabilisait de n'avoir pu aller avec eux au combat. Comme si elle en ressentait de la honte, et après avoir entendu son histoire, et en avoir apprit plus sur son peuple, il comprenait.

Cela provoquait un sentiment d'impuissance, qu'apparemment tout elfe noir avait banni de son existence.

C'était difficile pour lui, aussi, bien sur, mais heureusement, il avait quelqu'un d'autre avec qui le partager. Quelqu'un de sa race et qui le comprenait.

Eowyn.

Elle était là, à présent, avec lui. Les yeux perdus dans le vide.

Dès qu'il l'avait vu, il avait comprit qu'il ne pourrait être en paix qu'à ses cotés. Elle était tellement, ... douce. De par son caractère, de par les magnifiques traits de son visage pourtant si déterminé.


Jour après jour, il s'était rapproché d'elle, l'aidant à surmonter la perte de son oncle, comme elle l'aidait avec celle de son propre père. Se remettant l'un et l'autre de leurs blessures, et se racontant le monde et la vie qui les entourait. Elle semblait tellement courageuse. Il admirait ses valeurs, et Naé avait plusieurs fois rit de voir ses yeux se mettre à briller lorsqu'elle arrivait.


-Cela vous à-t-il donc tant touché ? Lui demanda-t-il doucement, comme pour ne pas la brusquer mais simplement pour qu'elle relève la tête dans sa direction.

-Je n'en sais rien. Je crois que cela explique beaucoup de chose. J'ai l'impression de mieux la comprendre, elle sourit pour elle même. Enfait, de le pouvoir enfin. Et je ne peux néanmoins m'empêcher de ressentir de la peine pour elle. Elle n'a ni famille, ni maison, et à tué le seul ami qu'elle n'a jamais eu... Je comprends mieux pourquoi tous ces changements à la mort d'Azazel.

-Oh je crois que des amis, elle en a d'autres, lui sourit-il, déçut de la tristesse qu'elle éprouvait à l'égard de l'elleth. Peut être faut-il simplement qu'elle s'en aperçoive.

-Encore faudrait-il qu'ils rentrent...

-Nous sommes là nous.

Elle lui sourit, calmement.

-Hélas, je crois qu'aucun être sur terre ne pourrait remplacer la perte de Legolas s'il ne rentrait pas...

Il se mordit la lèvre. Evidemment. Comment avait-il pu passer à coté. C'était donc cela qui lui rongeait le cœur jour après jour. Puis il sourit à son tour, en pensant qu'un millier d'année ne semblait pas rendre plus sage en matière de sentiment.

Après un silence un peu pesant, la jeune femme reprit d'une toute petite voix;

-Que se passera-t-il si Aragorn revient ?

-Alors mon Roi décidera où sera ma place.

Elle sembla avoir un sourire de soulagement.

-Il a sauvé notre peuple. Il a sauvé notre cité. Enfait il nous a tous sauvé. Continua-t-il. Et puis même s'il ne l'avait pas fait, il est le Roi. Je n'ai nullement l'intention de remettre en question l'ordre des choses.

-Vous êtes un homme de bien, Faramir. Je suis heureuse d'être ici avec vous.






Lorsque le soleil se leva ce matin là, Naé avait à peine dormi quelques heures, assise, sur le rebord de la place de l'arbre blanc, les pieds dans le vide, elle contemplait l'horizon, dans le silence de la cité endormie.

Seuls quelques alcooliques, ou insomniaques faisaient un peu de bruit dans les rues, leurs pas résonnant sur la pierre.

Un léger vent s'éleva. Un vent du Nord.

Lui rappelant qu'elle non plus, elle n'était pas d'ici. Un vent froid, mais pourtant doux. Elle ferma les yeux et profita du doux frisson que cela lui déroba. Puis elle rouvrit les yeux, profitant de la chaleur si particulière des premiers rayons du soleil.


Et soudain, au loin, elle vit une tache sombre.

Une tache qui avançait.

Son cœur s'accéléra. D'autres taches ne tardèrent pas à se dessiner dans l'horizon, tandis qu'un sourire transperça son visage.

Ils étaient revenus.

Elle avait soudain rengainé sa hâte, imaginant alors que ses amis ne seraient peut être pas ici. Peut être étaient-ils restés là bas, les yeux clos.


Elle se précipita alors dans la salle du trône, et courut informer Faramir jusque dans sa chambre que l'armée était de retour.

Toute excitée, Naé courut en criant dans la cité que les hommes arrivaient, et se précipita pour leur ouvrir les portes.

Mais sa joie fut de courte durée.

Lorsque l'armée passa les murs de la cité, elle découvrit Eomer, en tête, et son cœur se serra.

Cela n'aurait pas du être lui. Car, bien qu'elle fut heureuse de le voir sain et sauf, cela aurait du être Aragorn.

Cela aurait du être le Roi.

Elle se figea alors, les yeux rivés sur chaque nouveau cavalier qui se faufilait par les portes ouvertes.


Des cris de joie retentirent soudain, des éclats de rire, et quelques larmes de soulagement. Les embrassades fusaient de part et d'autres tandis que les hommes descendaient de cheval.

Puis évidemment, le moment que chacun redoutait, lorsqu'il n'y eut plus de cavalier à faire rentrer, des cris de désespoirs s'élevèrent. Des larmes, des déchirements. Des femmes qui hurlaient le nom de leurs maris, des enfants qui criaient le nom de leur père.


L'elleth, elle n'avait toujours pas bougé. Ses yeux s'embuèrent, un peu plus à chaque cri qu'elle percevait.

Elle eut envie de les rejoindre.

De laisser son désespoir retentir.

La tristesse et la haine montait en elle, alors qu'elle n'avait vu aucun de ses compagnons parmi les cavaliers. C'était comme une boule, qui nouait son ventre, puis grossissait, jusque dans sa gorge. Elle serra les poings, appréhendant la rage qui menaçait d'exploser du fond de ses veines. Tout ça pour ça? Ce n'était pas possible. Ce n'était qu'une blague. Un mauvais tour. Ou un mauvais rêve.


Elle regarda Eowyn sauter dans les bras de son frère, et leur étreinte lui brisa le cœur en deux. Elle reprit alors son souffle, lentement, tandis que le rohirim s'approchait d'elle.

-Madame, lui sourit-il.

Elle n'eut pas la force de répondre, tant elle s'accrochait à chaque syllabe qui passait entre ses lèvres.

-Vos amis vont bien, se dépêcha-t-il d'articuler. Ils sont à Fondcombes, pour profiter de soin que nous n'aurions pu leur procurer ici. Ils devraient nous rejoindre dans quelques jours, tout au plus quelques semaines.

Comme un revers de trop de sentiments, Naé sentit une larme de soulagement rouler sur sa joue. Elle aurait voulu lui exprimer sa gratitude, mais aucun son ne sortit de sa gorge qui s'était nouée un peu plus tôt. Alors, sans ne pouvoir s'en empêcher, elle le prit dans ses bras.

Eomer eut un geste de recul presque imperceptible, choqué par ce soudain élan d'émotions dont il ne la pensait pas capable. Puis se laissa faire, et sourit.

-Merci, lui murmura-t-elle.

Une fois qu'elle l'eut lâché, elle se reprit alors et lui demanda d'avantage d'explications.

-Nous avons vaincu. Sauron n'est plus.


Ces mots sonnèrent comme une bénédiction aux oreilles de chacun, et tous s'écrièrent de joie. Les embrassades reprirent de plus bel, et des éclats de rire et de joie retentirent contre les murs. 

Peu à peu, les hommes remontèrent vers le château, et un grand buffet leur fut préparé, ainsi que des lits pour qu'ils puissent se reposer.

Naé ne lâcha pas le Rohirim d'une semelle. Pas avant qu'il ne lui ait eu raconté dans les moindres détails chaque étape de la bataille.

Eowyn et Faramir ne l'avaient d'ailleurs jamais vue de la sorte, elle souriait comme une enfant, lançant quelques blagues douteuses à certains soldats qu'elle connaissait.

Bien qu'elle aurait préféré apprendre la nouvelle de la bouche de ses compagnons, elle était bien trop heureuse pour être déçue de leur absence. Ils étaient tous en vie, et rien n'avait autant d'importance à ses yeux. Pour la première fois depuis des semaines, ses sourires étaient sincères, et bien que Faramir avait toujours apprécié cette elleth, il découvrit alors de nouveaux traits de sa personnalité qui lui arrachèrent plusieurs éclats de rire.


Les jours qui suivirent furent alors bien différents. La joie régnait dans la cité, et le soulagement dans tous les cœurs. La guerre était finie, et bien que nombre de morts étaient à déplorer, chacun se sentait enfin en sécurité. Naé aida les hommes à brûler les corps de leurs frères tombés au combat. Le simple fait de savoir ses amis sain et sauf avait réveillé en elle un soulagement profond, et elle se sentait de nouveau en paix avec elle même. Elle ne se posait plus de question quant à son départ, bien décidée à rester jusqu'à les retrouver. Elle n'avait plus aucune idée de ce qu'elle était sensée faire de sa vie, mais cela n'avait plus la moindre importance. Les journées passaient, rapidement, puisqu'elle n'avait pas le temps de s'ennuyer.

Lorsque le soleil était là, elle aidait du mieux qu'elle le pouvait chacune des reconstructions qu'il y avait à faire, dans la bonne humeur des hommes qui l'entouraient. Bien souvent, lorsque le travail était pénible, ceux là se mettaient à chanter, tous ensemble, comme pour se donner du courage ou de la volonté. Des chansons gaies, joyeuses pour la plupart, et certains soldats avec qui l'elleth avait sympatisés se faisaient une joie de lui apprendre les paroles. Elle se surprit plus d'une fois à être la première à entamer ces chants, suivit rapidement par tous les autres.


Elle riait, un peu plus à chaque jour qui passait. De temps en temps, elle allait chasser dans les bois alentours, pour retrouver un peu de solitude, ou partageant ce temps avec Faramir ou Eowyn, à qui elle apprenait certaines astuces. Elle découvrit des coins magnifiques, à quelques lieux de la cité, et se promit d'y emmener Legolas lorsqu'elle l'aurait retrouvé.


Elle voyait bien que les sentiments entre les deux jeunes gens s'amplifiaient au fil des jours, et cela la rendait de temps à autre taquine, au grand damne de ses amis.


Le soir venu, de grands buffets étaient dressés dans la plus grande salle du château, au profit de chacun. Faramir avait pensé que les gens avaient besoin de festoyer et de se retrouver, après une pareille épreuve, et chacun lui en était reconnaissant. Généralement, les hommes se retrouvaient ensuite à la taverne, où ils passaient bien souvent des nuits agitées.

L'elleth se rendait de temps en temps avec eux, heureuse de créer des liens avec les hommes aux cotés desquels elle s'était battue.

Chacun la respectait, et beaucoup lui présentaient leur familles, ou l'invitaient même à partager un repas avec eux. Elle avait tant critiqué les Hommes, qu'elle souriait à présent de voir combien elle appréciait ces moments avec eux.


Bien sur, les ressources diminuaient, et il faudrait bientôt se montrer plus raisonnable au vu de l'automne qui approchait, mais tous étaient heureux de mettre la main à la patte. Eomer avait déjà envoyé une partie des vivres du Rohan, qui n'auraient pas été nécessaire à son peuple, maintenant que tout siège avait été écarté.


Souvent, très tard, ou devrais-je dire très tôt, lorsque Naé était lasse de chanter et de danser debout sur les tables, et que les hommes partaient au fur et à mesure, elle s'éclipsait elle aussi, reprenant sa place au plus haut point de la cité, le regard fixé sur l'horizon, elle attendait. Puis le sommeil finissait par venir la chercher pour quelques heures, et lorsque le soleil se levait, elle était toujours la première à se remettre au travail.


Les Hommes avaient finalement fini par ne plus la craindre, et par réellement l'apprécier, heureux d'une présence féminine dans leur rangs. Néanmoins, de par sa race et son expérience, elle leur inspirait un respect particulier, une estime en plus. Ils se pliaient naturellement à ses conseils, qui se faisaient de plus en plus percevoir jour après jour et malgré elle, plutôt comme des ordres. Personne ne contestait plus ses décisions, et tout le monde s'en remettait à elle pour avoir une opinion sur les choses à faire ou les chantiers les plus urgent.


Une nuit, alors qu'elle s'éloignait de toutes les responsabilités qui lui pendait au nez, elle monta au sommet des remparts, et entama un chant, pour se vider l'esprit et le cœur.

C'était une berceuse, que sa mère lui avait apprit avant qu'elle n'en soit séparée. Un chant qui était resté dans un coin de sa tête et qu'elle n'avait jamais pu oublier.

Elle libéra ses émotions, et finit en improvisant quelques vers, en mémoire d'Azazel.

Elle en était sur à présent, elle était entrain de faire son deuil. Sa perte ne l'accablait plus de chagrin. Elle en était triste, évidemment, mais elle avait commencé à l'accepter. Des cauchemars qui l'empêchaient de trouver le sommeil, elle ne rêvait à présent plus que de son beau visage, éteint mais tranquille. Comme s'il était enfin libre. 

-C'est très beau.

Elle avait reconnue la voix de Faramir avant même d'avoir à se retourner, aussi s'arrêta-t-elle simplement.

-Pardonnez moi, je ne voulais pas troubler votre solitude.

Naé lui sourit avec tendresse.

-Cela faisait un moment que je n'avais rendu hommage à mes propres morts.

En disant cela, ses yeux se dirigèrent vers l'horizon toujours vide qu'elle connaissait désormais par cœur.

-Les hommes sont rentrés depuis trois semaines. Laissez à vos amis le temps de se remettre. La route est longue depuis Fondcombes.

-Vous y êtes déjà aller ?

-Non. Les rendez vous politiques étaient d'avantage les affaires de mon frère... Et je ne m'en plains pas. Ces paysages me manqueraient trop, dit-il en montrant d'une main les plaines qui s'étendaient devant eux.

Elle sourit.

-Tout sera différent pour vous lorsqu'Aragorn va revenir, n'est-ce pas ?

-Et bien alors vous avez raison, il faudrait qu'il se dépêche.

Ils rirent ensemble.

-Vous n'aimez pas dirigez ?

-Si cela avait été mon devoir, je l'aurais rempli, bien sur. Mais je n'en aurais tiré aucun bonheur.

-Vous l'auriez sans doute trouvez ailleurs, dans ce cas. Lui repondit-elle avec un clin d'oeil lourd de sous entendus.

Il rit de sa taquinerie.

-Je n'aurais certainement pas vraiment eu le choix quant à mon épouse, souffla-t-il, d'une voix emplit de lassitude.

Elle marqua un silence, réfléchissant à ce qu'il venait de dire.

-Evidemment oui, ... Les princes n'ont pas le droit d'aimer n'importe qui.

Un brin d'agacement perlait dans sa voix, et le jeune intendant se demanda alors ce qui avait pu la toucher dans ses paroles. Puis il repensa à ce que lui avait dit Eowyn. Après tout, Legolas était un prince, peut être que ce sujet la concernait plus qu'il ne l'aurait pensé. Il eut envie de lui en parler, puis se souvint qu'il n'était pas censé être au courant des pensées de son coeur.

-Cela dépend du prince.

Elle comprit soudain qu'il ne parlait plus de lui, et lui donna un coup de coude en prenant un air faussement offensé, puis rit avec lui, retrouvant sa bonne humeur.  


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