La défaite des Valar

Chapitre 0 : Prologue

979 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/11/2020 17:37

Himring, 472 1A

Du haut de la forteresse, Lalwendë observait le Beleriand avec cette étrange sensation qu’elle ne reverrait jamais son époux. Il avait rassemblé son armée et celles de l’Union de Maedhros. L’objectif était de défaire le Noir Ennemi Morgoth et, accessoirement, de récupérer les Silmarils. La Princesse posa sa main sur son ventre encore plat. Elle avait appris sa grossesse le matin même, en ce jour où le futur père partait pour la guerre. C’était un signe et elle le savait. Devait-elle le tenir informé ? Ou cette nouvelle allait-elle le perturber dans sa mission ? La seconde hypothèse restait peu probable. Son obsession pour son maudit Serment — le sien et celui de Fëanor — était sans limites. Il signait sa perte.

La femme Elfe quitta le balcon à l’instant où elle entendit la porte de la chambre. Son époux, Maedhros, venait de revenir après une dernière réunion avec les chefs de guerre. Il était surnommé Russandol grâce à sa chevelure brun-roux héritée de son grand-père. Il prit Lalwendë dans ses bras et l’embrassa. Leur union avait été compliquée et peu approuvaient. Tous prétextaient que ce mariage risquait de le dévier de son Serment, car fonder une famille changeait les individus. Cependant, il restait fidèle à sa promesse et Lalwendë le comprit rapidement.

— Les Valar sont avec nous. Nous vaincrons, assura-t-il.

Sa femme soupira tandis qu’il la rassura sur son retour. Durant son absence, elle veillerait sur la forteresse et leurs terres. C’était une sombre époque. Morgoth devait être stoppé avant qu’il ne fût trop tard. Elle n’avait pas confiance envers certains Seigneurs Elfes. Les fils de Fëanor avaient une réputation fissurée et elle craignait un retournement de situation. Toutefois, un ennemi commun pouvait rassembler beaucoup.

— Que se passe-t-il ? Vous êtes bien pâle.

Elle leva ses yeux vers ceux de Maedhros et lui annonça la bonne nouvelle. Une nouvelle qui n’arrivait pas au bon moment et elle crut qu’il la repousserait ; or, il ne réagit pas. Il se contenta de regarder le ventre de Lalwendë, puis son visage. Ils étaient en guerre et une Étoile éclairerait cette terrible époque. Il la prit à nouveau dans ses bras et il l’embrassa, heureux de cet événement.

— C’est un don. Une bénédiction que nous accordent les Valar malgré le passé.

— Vous n’avez pas que des amis. Nous le savons tous les deux et vous partez au loin à la guerre.

Il comprit sa crainte et sa demande muette, mais il ne resterait pas à Himring. Sa décision était prise. Son choix ne concernait pas uniquement Morgoth et le désir de ramener la paix. Et quand Lalwendë l’entendit parler des Silmarils, elle s’emporta.

— À croire qu’il n’y a que cela qui vous intéresse. Vous partez à la guerre uniquement pour respecter votre Serment ! Cessez cette folie !

— Morgoth doit disparaître et vous savez fort bien à quel point je le méprise. Nous sommes suffisamment nombreux pour le faire tomber. Et là, tout sera terminé, je vous le promets. Je reviendrai et nous pourrons vivre avec cet enfant qui me fait déjà honneur. C’est une bénédiction des Valar.

Comme s’ils pouvaient pardonner l’orgueil de Fëanor et de ses fils. Lalwendë n’était pas convaincue. L’existence de cet enfant n’était pas pour lui ; c’était pour elle, pour la femme qu’elle était et la mère qu’elle souhaitait devenir. Sentant son inquiétude, Maedhros se dirigea vers son bureau et attrapa un petit coffret finement sculpté. À l’intérieur de la boîte en bois se trouvait un médaillon et il représentait l’emblème de Fëanor : un losange avec des flammes ondulées qui se propageaient du centre vers l’extérieur. En son milieu se distinguait un Silmaril avec, comme couleur dominante, l’or et le bleu ciel. Maedhros, conscient des ténèbres de son époque, voulait que son héritage perdurât au-delà du temps. Des familles tombaient, leurs terres et leurs symboles disparaissaient également. Le Prince refusait cette fatalité pour lui et les siens. Cet enfant était un espoir, car aucun de ses frères n’avait de descendance.

— Si je ne reviens pas avant sa naissance, remettez-lui ce cadeau de ma part.

— Je le ferai, promit son épouse.

Lalwendë n’avait peut-être pas le Don de Voyance ; en revanche, son instinct ne la trompait jamais. Ce combat pourrait bien être le dernier et pas seulement pour Maedhros.

Elle présenta ses adieux avec dignité. Elle pria pour le retour de tous ces maris, frères et fils. Ils partaient pour cette bataille qu’ils nommeraient à l’avenir Nirnaeth Arnoediad : Les Larmes Innombrables. Elle fut la plus sanglante du Premier Âge et l’opportunité des Elfes de vaincre Morgoth fut anéantie. Ils furent affaiblis par une attaque trop hâtive et par l’absence de l’armée du Roi Thingol de Doriath. L’ombre de Morgoth s’étendit sur de nombreuses terres. Doriath, Gondolin et Nargothrond connurent un destin funeste. Elles furent détruites, englouties par les flammes et la mort. Lalwendë fuit la forteresse afin de protéger son enfant. Elle cacha son identité. Elle survécut pour donner un espoir à sa fille et au sang de Maedhros, au sang du Clan de Fëanor.

Depuis des siècles, la légende racontait que tous les fils de Fëanor étaient morts et que sa lignée était éteinte. Cependant, personne ne savait de ce qui était advenu de la femme de Maedhros.


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