La défaite des Valar

Chapitre 1

1947 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/11/2020 16:50

Avril — 3019 du 3A

Le combat faisait rage sur la plaine de Morannon. Le courage des Hommes surpassait la terreur d’imaginer la victoire de Sauron. Beaucoup ne rentreraient pas chez eux ; en revanche, chacun se battait pour sauver la Terre du Milieu et la libérer du Mal. Le Gondor, le Rohan, les Dúnedain luttaient ensemble ; une lutte acharnée et presque désespérée, car l’armée du Seigneur des Ténèbres était bien trop nombreuse. Les Orcs ne cessaient d’affluer. Ils étaient comme un tsunami. Venir devant la Porte Noire était un acte risqué et probablement suicidaire, mais comment montrer à Sauron qu’ils n’avaient pas peur de lui si ce n’était en l’affrontant sur son propre territoire ? Peu importait l’issue de ce combat, ils ne s’agenouilleraient pas et resteraient debout jusqu’à la fin.

Tout n’était que cendre et poussière. La fatigue commençait à tirailler les Hommes. Parmi ces soldats, une jeune métisse guerroyait à leurs côtés. Une jeune femme avec une double origine : humaine par son père et elfique par sa mère. Elle n’avait que vingt-six ans et elle faisait déjà face à la mort. Longtemps son identité fut gardée secrète afin de la protéger. Son père était le Seigneur Aragorn, héritier des Royaumes de Gondor et d’Arnor, Capitaine des Rôdeurs du Nord. Le destin de Léhonora était lié au sien et elle aimait son peuple, celui de Númenor, celui des Dúnedain. Elle avait leur sang dans ses veines. Il brûlait comme une flamme et sa filiation elfique était trop faible pour l’égaler ou l’atténuer.

Le combat cessa brusquement lorsqu’un grondement s’éleva du Mordor. La terre trembla. La cendre se souleva. Les Peuples Libres et leurs alliés regardèrent avec inquiétude cette terre se réveiller. Le destin se jouait devant eux. Léhonora se rapprocha de son père. Son cœur battait la chamade d’une issue incertaine, mais pourtant déjà écrite. Ils étaient tous perdus, elle le pressentait. Rien n’était normal en cet instant et cela se confirma quand un épais nuage enveloppa la Tour Sombre. Les yeux gris de la métisse se tournèrent vers son père qui tenta de la rassurer vainement.

— J’aimerais que tu puisses fuir Léhonora, même si je sais que tu ne le feras pas. Il sait qui tu es et en cela, j’ai peur pour toi.

Le regard bienveillant d’Aragorn se posa sur sa fille. Jamais il n’aurait dû autoriser sa présence. Il aurait dû être plus ferme afin qu’elle obéît et qu’elle restât en sécurité à Minas Tirith. Il lui prit la main et la serra dans la sienne pendant que Gandalf, le Prince Legolas, le Seigneur Eomer, le Maître Nain Gimli ainsi que les deux Hobbits, Merry et Pippin, les Dúnedain et des Capitaines d’armées se rapprochèrent pour former un bloc ; ils s’apprêtaient à affronter le Seigneur des Ténèbres.

Au fur et à mesure, les troupes de Sauron s’écartèrent. Les Nazgùls se posèrent au sol pour encercler les forces des Peuples Libres. Quand le nuage se dispersa, l’œil de Sauron avait disparu ; il avait dû reprendre forme humaine. C’était la capacité que lui conférait l’Anneau, que lui offrait le pouvoir qu’il avait conçu de ses propres mains. L’ennemi attendait. Puis, la noire magie de Sauron empesta l’air et Léhonora crut faillir. Elle sentait l’Evenstar, le pendentif de sa mère, brûler contre sa peau comme s’il tentait de la protéger.

La jeune hybride lâcha lentement la main de son père afin de se replier. Elle recula à l’instant où les Orcs formèrent un chemin et un cavalier monté sur un cheval pommelé apparu. Il portait une armure sombre avec des fils d’or brodés sur le col, elles reliaient sa cape d’un rouge sang ; celle-ci était attachée aux épaules par une broche en or avec, en son centre, un rubis. Son regard était d’un gris prononcé et créait une nuance avec le noir intense de sa longue chevelure aux reflets bleutés. L’Anneau Unique flamboyait à son doigt dont les écritures dansaient.

— Comment avez-vous pu croire que vous parviendrez à la chute de mon royaume ? Il n’y existe aucune limite à mon pouvoir et à partir de ce jour, vous serez les premiers témoins de sa grandeur. Il empoisonnera vos terres comme une épidémie. Vous vous soumettrez ou vous mourez. Je serai clément envers ceux qui décideront de s’incliner devant moi, je serai clément envers les terres des Seigneurs rejoignant mes rangs.

Sa voix était nette et tranchante, grave et sans pitié, sans compassion. Il ne laissait ressentir que la puissance qu’il dégageait, que la cruauté dont il était capable de faire preuve. Son regard d’acier balaya l’armée des Hommes avant de s’arrêter sur les Seigneurs et meneurs, les jugeant un par un ; il cherchait quelque chose en particulier. À leurs symboles, il connaissait le rang de chacun : le Seigneur de Rohan, le Magicien Blanc, un Prince Elfe et… le Seigneur de Gondor. L’Intendant était devenu fou et le dernier fils de cette lignée n’était pas aussi âgé que l’homme face à lui. Il n’avait pas l’allure d’un gondorien lambda, non, il vêtissait l’armure royale. Il brandissait Andúril et cette expression était celle d’un Númenóréen. Sauron les avait longtemps côtoyés pour repérer leurs héritiers d’un simple coup d’œil : ils se ressemblaient tous.

Sauron fit avancer sa monture. Son ennemi le défia du regard. Aucun des deux ne céda et le Seigneur de Mordor descendit de son cheval.

— Cela fait tellement longtemps que j’attends ce moment, ce moment de pouvoir enfin affronter un héritier de Númenor. Quelle lâcheté de se cacher durant tout ce temps !

— La lâcheté n’appartient qu’à celui qui envoie ses hommes au combat sans sortir des murs de sa demeure, répliqua sèchement le Dúnadan.

— Je vous offre un combat singulier.

Non, tout ce que Léhonora ne souhaitait pas. Son père n’était pas assez puissant et il était exténué du combat précédent. Cependant, le Seigneur des Ténèbres s’en moquait éperdument. Il désirait le voir à genoux devant lui et montrer à tous ces hommes que leur espoir n’existait pas. Personne ne put empêcher le duel, car Sauron l’exigea. Gandalf retint Léhonora d’agir, mais comment rester inerte pendant que son père s’engageait dans un affrontement perdu d’avance ?

Aragorn résista. Il ne laisserait pas ce plaisir à Sauron. Toutefois, il ne faisait pas le poids, il le savait : tout le monde le savait. Le pire restait à savoir si le Seigneur des Ténèbres déciderait de l’achever ou de l’épargner. Au sol, Aragorn échappa son arme et Sauron s’apprêtait à frapper. Il s’avança lentement pour donner le coup fatal. Non, Sauron ne permettrait pas à son plus grand ennemi de vivre.

— Non, Adar, s’écria Léhonora en se dégageant de l’emprise du Magicien Blanc.

Elle était prête à supplier Sauron d’épargner son père. Oui, elle était capable de tout pour sauver la seule personne qui lui restait. Elle refusait de se retrouver seule dans un monde assombri par les ténèbres. Léhonora n’eut pas le temps de rejoindre Aragorn que Sauron l’attrapa par les cheveux. Il la repoussa avec brutalité et elle se coupa la lèvre dans sa chute.

— Espèce de pourriture ! Ne portez pas la main sur elle, ragea Aragorn qui stoppa tout mouvement.

Le regard du Dúnadan était haineux. La pointe de l’arme de Sauron se tenait à quelques centimètres de la gorge de sa fille. Elle s’était retournée afin de se redresser, mais elle s’était vivement arrêtée face à cette menace. Le Seigneur des Ténèbres fit un signe de tête avant que trois Númenóréens Noirs attrapassent Aragorn, l’immobilisât et l’attachât. Aragorn ne ressentait que du dégoût envers ces individus, son sang qui les reniait. Après la destruction de Númenor, comment ces hommes avaient-ils pu se rallier à lui ? Cela perdurait depuis des siècles et personne ne pouvait rien y faire. Par peur, par ambition, chacun d’eux avait ses propres raisons pour embrasser les ténèbres.

Sa fille fut relevée par deux d’entre eux et le sang du Dúnadan ne fit qu’un tour quand les mains de ses traîtres se posèrent sur elle. Elle n’était plus en sécurité, jamais elle ne l’avait été et la situation était bien pire aujourd’hui. La mort serait une douce délivrance comparée à ce qu’ils étaient capables de faire. Ils la considéraient comme une impure ; elle souillait leur sang par son côté maternel. En cachant son identité, Aragorn avait pu la protéger durant de longues années avant qu’elle ne décidât, de sa propre volonté, à tout révéler. Elle avait refusé de continuer à vivre dans le mensonge et elle avait eu l’âge de faire son propre choix.

Le Seigneur des Ténèbres s’approcha d’elle. Il capta son regard gris dans le sien et passa tendrement une de ses mains dans sa chevelure châtaigne, emmêlée et sale. Léhonora ferma les yeux. Elle ne supporta pas cette attention de son ennemi et elle crut que son cœur exploserait tant la terreur s’empara d’elle. Elle était forte ; or, en cet instant, l’angoisse la paralysait. Face à Sauron, c’était comme si tout s’envolait, comme si le courage l’avait déserté.

— Emmenez-les tous dans les geôles, ordonna-t-il, quant à vous, vous aurez droit à mes appartements.

Était-ce une larme qui coula sur son visage ? Oui, une larme. Non, deux, et elle fut emmenée. Sauron enfourcha sa monture et Léhonora suivit à pied. Elle tenta de se débattre et de se défaire de l’emprise des Númenóréens Noirs.

— Adar, adar, appela-t-elle par désespoir.

Mais que pouvait-il faire ? Que pouvait-elle faire ? Elle allait être seule. Elle était seule à marcher sur cette terre en cendre. Qu’allait-elle devenir ? Qu’allait-il lui arriver ? Qu’est-ce que Sauron voulait-il faire d’elle ? Que pouvait-elle lui apporter ? La briser ? Elle se battrait, mais face au Mal qu’il était, elle finirait par faillir, elle le savait. Il haïssait les Númenóréens et tous leurs descendants qu’étaient les Dúnedain ; il la ferait souffrir pour assouvir sa vengeance. Cependant, il l’aurait envoyé aux cachots comme les autres, non ? Sauf s’il en faisait une affaire personnelle. Si elle venait à mourir ainsi que son père, le trône de Gondor et d’Arnor serait libre. Cela signerait la chute totale de son peuple.


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