Quatre anneaux pour les maîtres Hobbits

Chapitre 1 : Des anneaux dans la nuit

1331 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/01/2023 20:27

Ce soir-là, Rosie Cotton finissait son service aux alentours de minuit. Après avoir expédié son dernier client – ce grand gaillard un peu pataud du nom de Samsagace Gamegie – elle devait encore laver les chopes et nettoyer les tables. Son patron, Otto Fierpied, voulait sans doute tester sa résistance durant ses premières semaines de travail dans son auberge, dans le centre d'Hobbitbourg ; la jeune hobbit en était bien consciente et faisait donc du mieux qu'elle pouvait malgré son épuisement dû au manque de sommeil. 


Cette nuit aurait pu demeurer parfaitement banale. Rosie aurait pu simplement achever ses corvées et rentrer chez elle pour dormir. Rien de ce qui s'ensuivit n'aurait pu se produire. 


Mais cette nuit-là, le destin en décida autrement...



OoOoOoO



À des centaines de lieues d'ici, dans une ruelle mal famée de Bree, un hobbit de grande taille pour un membre de son peuple – de la race des Fortauds, les plus robustes parmi les Semi-Hommes – dormait, roulé en boule sur le sol froid, sous son manteau rapiécé et élimé. Un début de barbe sale, de couleur noire, mangeait ses joues à la peau rêche, marquées par la fatigue et le manque d'hygiène ; sa chemise, jadis jaune vif, portait désormais les couleurs peu reluisantes de la boue et du crottin et sentait mauvais ; pourtant, dans sa main droite aux jointures couvertes de cal, il serrait presque maladivement une longue pipe finement ouvragée, une de celles qui se transmettent de père en fils depuis des générations au sein des clans de bonne famille. Cette pipe était sans doute l'unique vestige de sa fortune et de son rang d'autrefois ; désormais, cependant, Tony Lesbrouffe – qui n'était nul autre que ce malheureux tremblotant de froid au bord du caniveau – était un homme ruiné, ruiné à cause de la concurrence déloyale de plusieurs grandes familles de fermiers dont les noms demeuraient douloureusement gravés dans sa mémoire. 


Pourtant, cette nuit-là, son sort changea...



OoOoOoO



Les Lahaie avaient toujours été considérés comme les voisins les plus détestables qu'on pût avoir. Ce vieux couple de fermiers aigris et misanthropes passait son temps à se disputer, voire même à cogner lorsque la situation dégénérait vraiment. Qui, d'Ernest ou de Melissa, était le plus insupportable, difficile à dire. Quelque part, ils allaient bien ensemble – pas pour des raisons de complémentarité, hélas...


Les deux vieillards ronflaient côte à côte lorsqu'une douce lumière magique enveloppa un panier de pommes de terre fraichement déterrées posé dans leur cuisine...



OoOoOoO



Gogol était le fou du village. Étant orphelin, il n'avait jamais su son nom de famille – pas que cela l'eût intéressé outre mesure, d'ailleurs. C'était un garçon rêveur, incroyablement naïf et si facilement distrait qu'on le prenait pour un parfait idiot. Il était cependant également inconsidérément pur et bon, capable de s'émerveiller du moindre papillon qui passait à sa portée ou de décider d’aller mettre des pansements sur l’écorce abîmée des arbres de la forêt. 


Au vu de sa haute et fine taille – pour un hobbit –, de son teint de peau pâle et de ses cheveux roux clairs, ainsi que de son don incontestable pour le chant, on comprenait immédiatement qu'il s'agissait d'un Peaublême de sang pur, un descendant de cette race nordique peu répandue qui était la seule à entretenir des rapports amicaux avec les elfes. Là où il habitait, c'était la bordure entre le territoire occupé par les Peaublêmes et celui des Piedvelus, les hobbits les plus nombreux en Comté. 


Étant donné sa phobie incompréhensible des gros animaux d'élevage comme les cochons ou les chèvres, doublée de son inaptitude sociale flagrante, on l'employait comme gardien des volailles dans la basse-cour d'une ferme. Il devait se charger d'éloigner les renards et les fouines trop aventureux. Avec le temps, il avait fini par tisser des liens affectifs avec les poules qu'il surveillait nuit et jour, les appelait par des prénoms qu'il leur avait attribués et passait de longues heures à leur parler ou à chanter. Les oiseaux l'appréciaient et le considéraient presque comme l'un des leurs – après tout, il mangeait, marchait et dormait en leur compagnie – et lui-même s'identifiait pratiquement en tant que poule, au point qu'il se nourrissait presque exclusivement de graines et oubliait parfois qu'il était incapable de pondre des œufs. 


Cette nuit, alors qu'il sommeillait comme à son habitude roulé en boule sur la paille du poulailler, un scintillement mystérieux lui fit ouvrir les yeux...



OoOoOoO



Rosie frottait vigoureusement la table de son chiffon, essayant de faire partir les traces de boue laissées par un groupe de fermiers venus jouer aux cartes après une dure journée de travail. Quelques chopes, à moitié vides pour certaines, étaient aléatoirement disposées sur le comptoir derrière elle. Avec la fatigue qui montait, Rosie commençait à devenir malhabile : d'un coup de coude involontaire, elle heurta une chaise derrière elle qui s'effondra contre le comptoir, ce qui le secoua violemment. Une des chopes, posée sur le rebord dans une petite flaque de bière, glissa malencontreusement sur le bois mouillé et se fracassa sur le sol, faisant sursauter la malheureuse serveuse.

 

« Oh non, marmonna-t-elle. Otto va me tuer... »


Vite, elle se précipita vers les cuisines pour se saisir d'un balai et d'une pelle afin de faire disparaître les traces de son crime. 

Lorsqu'elle revint, toute rouge de honte et trempée de sueur froide, un détail étrange par terre attira son attention...


Parmi les débris de la chope brisée, comme enroulé autour de ce qui avait jadis été son anse, un étrange objet métallique scintillait de mille feux dans la pénombre de la taverne. En se penchant pour s'en saisir, Rosie comprit qu'il s'agissait d'un petit anneau de couleur dorée, serti d'une pierre jaune taillée en forme de goutte. L'objet était assez grossier, comme forgé à la hâte et sans réelle conviction, mais parut tout de même suffisamment joli à la jeune hobbit pour qu'elle le ramasse et, instinctivement, l'enfile à son annulaire. 



OoOoOoO



Au même moment, à Bree, Tony Lesbrouffe, plongé dans un demi-sommeil fiévreux, sentit un poids inhabituel alourdir la pipe qu'il tenait dans sa main. Malgré son épuisement, la curiosité lui fit relever les paupières et porter l'objet à son visage : un anneau de bronze serti d'une pierre violette formant trois petits pics ornait le tuyau de sa pipe comme s'il s'agissait d'un doigt. 


Délicatement, le hobbit clochard s'en saisit et le fit glisser le long de sa pipe pour le prendre dans sa main et l'examiner attentivement, sourcils froncés d'incompréhension. 



OoOoOoO



Dans la maison des Lahaie, Ernest se réveilla, habité par un étrange pressentiment. Discrètement pour ne pas réveiller sa détestable épouse et se faire encore engueuler, il alla dans la cuisine boire un verre d'eau. Il sentait que quelque chose clochait... mais n'arrivait pas à mettre la main dessus. Il finit par hausser pragmatiquement les épaules et partit se recoucher. 



OoOoOoO



Avec fascination, Gogol le fou du village observait yeux grands ouverts une forme lumineuse se matérialiser juste sous ses yeux, autour de la patte de Suzanne – la poule devant laquelle il était étendu. C'était... c'était un genre d'anneau, d'une jolie couleur argentée, serti d'une pierre aux reflets irisés. Gogol n'avait jamais vu pareil ouvrage : par quelle main d'homme, d'elfe ou de nain une telle merveille avait-elle pu être forgée ? Le bijou semblait presque irréel aux yeux du jeune hobbit... 



Au bout de quelques dizaines de minutes, il finit par croire qu'il ne s'agissait que d'un rêve et ferma à nouveau les yeux pour s'assoupir. 

Laisser un commentaire ?