L'étrange anneau du Roi Isildur

Chapitre 16 : La mort d'Isildur - Partie 2

Chapitre final

1939 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 17/11/2025 17:42

 La mort d’Isildur _ Partie 2



Coincé entre fleuve et lisière, l'atmosphère était lugubre. La belle éclaircie du matin avait laissé place à des nuages sombres, les arbres étaient dépourvus de feuilles et la brume nous pavait le chemin.


Alors que la morosité commençait doucement à faire son œuvre, la voix du porte-étendard résonna.


L'épée en main, le cœur d'airain,

Pour Gondor nous tiendrons demain!

Sous pierre et vent, sous feu grondant

Le sang des rois guide nos rangs!


La colonne reprit le chant à tue-ête et bientôt toute la vallée vibra au son des soldats du Gondor. On entendit des “croac” murmurer dans les branches


- Voyez-ça ! Même les corbeaux donnent de la voix.


À côté de moi, un homme ne chantait pas. Il portait la cape verte des rôdeurs de l'est. Je le surpris à susurrer tout bas :


- Ça ne ressemble pas aux bruits d'un corbeau...


Il siffla une curieuse mélodie entre ses doigts et leva la tête. La réponse qu'il attendait ne vint pas. Il fronça les sourcils. D'un coup de cravache, il s'écarta et se mit debout sur sa monture. Dans l'obscurité ambiante on ne voyait presque rien. Entre deux fumées brumeuses, il écarquilla les yeux.


- ORCS !! Des orcs !!!


- En formation ! Regroupez-vous !


Un cor résonna et la troupe, comme un seul homme, forma un cercle

Les orcs montrèrent timidement leur tête et les premières flèches s'abattirent sur nous.


Dans le cercle, les fils du roi galvanisaient la troupe :


- Enfin un peu d'action ! Qu'ils viennent ! Mon épée a soif !

Montrez-leur comment on salue les sbires de Sauron par chez nous!

Tenez la formation. Pour le Gondor !


Il était d'abord impossible de dire combien ils étaient. On les entendait plus qu'on les voyait. Ici et là une tête émergeait de l'obscurité. Les flèches pleuvaient mais aucune n'était assez affûtée pour percer nos armures.


Toujours en cercle nous avancions au pas. Le terrain nous rendait la tâche difficile. On ne pouvait se mouvoir, charger l'ennemi était impossible. Nous ne pouvions que lever nos boucliers et tenir la formation.


- Rôdeur ! Toi qui vois comme un elfe, à quel genre de bande avons-nous à faire ? Intérogea le Roi


Le cavalier à la cape verte fit quelques mouvements de tête, puis lança l'air désolé.


- Pas une bande Sire... Une armée!


- Archers, au milieu! Tir à volonté !


Les flèches à pointe d'acier fusèrent tant bien que mal.


Les orcs des montagnes ne se battent pas comme des soldats, mais comme une meute de hyènes. Ils vous harcèlent à distance en attendant une opportunité et ils fondent sur les traînards.


Tel un mur d'acier monté, nous tenions le rang. Dès qu'un orc s'avançait un peu trop, sa tête finissait tranchée. Alors qu'ils nous harcelaient sur les côtés, un assaut soudain nous frappa de face. Les boucliers tinrent bon. Isildur se porta à l'avant, tira son épée, et avec la force d'un Balrog, décapita deux orcs sur place. Ses soldats l'imitèrent et l'assaut fut repoussé.


Je ne saurai dire combien de temps dura l'escarmouche, pour nous ce fut une éternité. Mais à force d'abnégation et de persévérance, les têtes d’orcs se firent plus rares jusqu'à ce qu'elles disparaissent totalement.


- Les vilains s'enfuient!

- Victoire!


Des hourras de soulagement s'élevèrent de la troupe. Elendur se rapprocha de son père.


- Je croyais qu'il ne traversait jamais le fleuve...


Les deux échangèrent un regard, puis pour une raison que je ne saurais expliquer, l'héritier fixa avec insistance le petit anneau au cou du Roi. 


Isildur s'adressa à ses hommes :


- Mes braves, ces lâches créatures ont compris leur leçon, cependant il ne fait aucun doute qu'ils vont nous talonner comme des sangsues. Restez sur vos gardes !


- Elendur, Aratan, Cyrion! Mes fils ! Il nous faut vite quitter ce maudit chemin et trouver un meilleur terrain.


Je lisais une grande fierté dans le regard très paternel du roi. Son visage avait revêtu les traits d'une humanité qu'on croyait disparue. Après cela j'ai juré avoir vu notre souverain regarder son petit anneau avec dégoût.


Par chance nous ne déplorions aucun mort. Nous forçâmes la cadence jusqu'à trouver un morceau de route moins accidenté. Les arbres remontraient leurs feuilles et la brume se dissipait lentement. On s'apprêtait a faire une pause bien méritée quand soudain.


Les mêmes petits “croac” flottèrent à nouveau dans l'air.


- Qu'on ne me dise pas que ce sont des corbeaux cette fois...


- Les orcs!!! Ils reviennent !


- Formation !


Le même cor résonna et le même mur d'acier se mit en place. Leurs ombres gigotaient et dansaient tout autour de nous, on les entendait couiner comme des hyènes. La pluie de flèches recommença.


D'évidence, ils étaient beaucoup plus nombreux que la dernière fois. En quelques minutes nous fûmes encerclés par une masse compacte de lances noires. Le chemin était toujours trop étroit pour pouvoir lancer une charge. Ils ne commirent pas la même erreur, ils se tenaient à bonne distance de nos épées et laissaient leurs archers faire le travail.


Nos armures portaient déjà de grosses séquelles, et nos bras fatiguaient. Ça pèse lourd un bouclier... très lourd. Il y a une limite physique à ce que peut endurer un homme, aussi vaillant soit-il. Les premiers soldats commencèrent à tomber.


Tenez-bon ! Ces sales créatures ne sont rien face à vous, mettez les blessés au milieu, comblez les brèches et tenez le rang.


Isildur comprit que la formation ne tiendrait pas longtemps. Il cria vers son fils :


- Elendur ! À l’attaque !


- Oui père !


Le prince rallia ses Cavaliers et alla se mettre en première ligne. Dans un tonnerre de métal, suivi d'une vingtaine d'épées, il rompit soudainement la formation et se rua sur la masse d'orcs. Les misérables créatures furent déchiquetées sur place, puis à la vitesse d'une comète, l'escouade regagna le cercle.


- Hourraa ! Les hommes exultèrent


Tout de suite après, ce fut le tour du prince Aratan et de son frère Cyrion. Les orcs furent ainsi contenus un petit moment.


- Combien sont-ils bon sang !


Le rôdeur, sans comprendre qu'il ne s'agissait pas vraiment d'une question, répondit l'air grave


- Entre 1000 et 2000 Sire...


Au milieu de la formation, les morts et les blessés s'entassaient. Les chevaux courbaient l'échine, le porte-étandard n'arrivait presque plus à tenir son drapeau. Le déluge de flèches ne faiblissait pas.

Cyrion tenta une nouvelle sortie, mais assommés par la fatigue, les chevaux ne furent pas assez rapides. L'effet de surprise échoua. Les orcs se dérobèrent, laissant les gondoriens s'enfoncer dans la masse ennemie. Une fois passés, les orcs se refermèrent sur les cavaliers. Les malheureux étaient pris au piège.


- Par numénor !! Il faut les sortir de là ! Chargez!


- Non père ! On briserait la formation !


Le roi dut alors regarder son fils être tué par les orcs, impuissant.


- Aaaaah serviteurs de Morgoth!!! Soyez maudits !


Enhardis, les orcs ne se contentèrent plus de nous encercler à distance, ils chargèrent notre mur de bouclier. Les premiers aussauts furent infructueux, mais à force, des brèches apparurent dans la formation. Les petits sbires de Sauron se faufilèrent dans les failles. Ils s'attaquaient à nos montures. Lacéraient les pauvres bêtes aux jambes et au ventre.


Nous massacrames aisément les premiers intrus, puis le nombre se faisant, nous fûmes vite débordés. Le cercle ne tenait plus. L'escarmouche se transforma en mêlée sanglante. Les braves tombèrent en nombre.


- Râliez-vous à moi!


Nous formâmes un cercle autour du roi. Sur les deux cents hommes du départ, nous n'étions plus qu'une petite trentaine. Le souverain m'appela à lui.


- Othar ! Mon écuyer!


- Sire?


Il me lança un lourd sac en toile aux cliquetis métalliques, je connaissais ce sac...


- Narzil !??


- Prends-là avec toi, dès que l'occasion se présente, fuis à toute vitesse, Ce n'est pas elle qu'ils veulent...


- Mais Sire..


- Je te l'ordonne!


Je réalisais à peine le fardeau que j'avais entre les mains quand un cri strident résonna


- Aaaarghh!


C'était le porte-étendard, tué par un coup de hache. Le drapeau de Numénor s'écrasa dans la boue. Le prince Aratan sauta de son cheval pour le ramasser.


- Aratan! noon!


C'est alors qu'il fut à son tour transpercé par une lance orc. Le Gondor venait de perdre son deuxième prince. S'en était trop pour Isildur. Il descendit de sa monture et fonça comme une bête vers le meurtrier de son fils. Il tournoya son épée avec la rage d'un possédé et les têtes d’orcs se mirent à voltiger. Pendant un instant, on crut qu'il taillerait en pièces toute l'armée à lui seul.


- Au Roi! Protégez le roi !


Tous ceux qui pouvaient encore tenir leur épée laissèrent leur monture et se rallièrent à la couronne. Nous allions mourir, ça ne faisait plus aucun doute. Elendur s'écria :


- L'anneau père ! Utilisez-le !


Le souverain arracha son collier et prit l'anneau dans sa main. Il le fixa une fraction de seconde et je vis son visage se décontenancer. D'une voix déterminée il répondit.


- Non...


- Alors, au moins, partez avec lui ! Ils ne doivent pas le prendre !


- Et te laisser mon fils !? Jamais !


Le prince chuchota plusieurs mots à son père que je n'ai pas entendus. Le combat continuait, nous n'étions plus qu'une dizaine, coincés dans une masse noire. C'était l'énergie du désespoir qui guidait nos épées. L'instinct du sacrifice, tant qu'il y avait un frère d'armes debout, on tenait.


Je regardais le roi, quand se produisit une chose tout à fait extraordinaire. Je le jure par tou les Valars. Il se tenait à ma droite, quand soudain il disparut. Il ne fut pas emporté, ni mis au sol. Juste disparut. Les orcs, sidérés, virent la même chose que nous, pendant une seconde le combat s'arrêta.


Elendur m'attrapa par le col :


- Va-t'en ! C'est le moment, vite !


Il me poussa hors du cercle, Les orcs ne m'accordèrent aucune attention. Je pris le premier cheval et partis au galop.


En bordure du fleuve, mon cheval allait à toute allure, Je tirai sur la bride de ma monture comme un forcené. Mon regard portait au loin sur l'autre rive et c'est alors que je l’ai vu.


Il était à la dérive, poussé par le courant du fleuve, un cadavre percé de flèches. Sur sa tête, brillait la couronne d’argent du Gondor. Je ne l'aperçus qu'une petite seconde, mais cette image resta imprimée à jamais dans mon esprit.


Les Valars m'accordèrent la vie sauve, il n'en fut pas de même pour Elendur et ses derniers hommes. Je m'en allai jusqu'à Fondcombe où je déposais les restes de Narzil et annonça au seigneur Elrond la mort de notre souverain.



Ainsi se termine mon récit. C’était l’histoire de la triste fin, du grand Isildur. Le Roi qui tua Sauron.


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