Shadow Of Mordor

Chapitre 10 : Quand l’ombre submerge la lumière.

5652 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 04/11/2025 20:46

Chapitre 10 : Quand l’ombre submerge la lumière. 



Mon esprit flotte dans le néant… La mort n’est pas loin, et pourtant, les portes ne s’ouvrent pas. Mon âme reste accrochée à mon corps, suspendue entre deux mondes, ni lumière, ni ténèbres. Juste un froid sans fin, un murmure lointain, comme le souffle d’un vent qui ne touche jamais la terre. J’aimerais partir. J’aimerais que tout s’arrête. Rejoindre enfin Ioreth, Dirhael… Les serrer contre moi une dernière fois, sentir la chaleur de leur peau avant que tout ne s’efface. Mais la malédiction gravée dans ma chair ne me le permet pas. Elle m’arrache au repos, m’arrime de force à ce corps meurtri. Un feu sombre rampe dans mes veines, réveille mes muscles, me ressuscite malgré moi.

Je sens le poids du monde s’abattre sur ma poitrine. Chaque souffle est une lame. Et lentement, trop lentement, mes yeux s’ouvrent. La lumière me brûle. Un voile blanc m’aveugle d’abord, un drap suspendu, agité par le vent et les gouttes de pluie. Le tissu claque doucement, s’assombrit par endroits sous l’eau qui s’y écrase. Le jour est gris, noyé sous les nuages. Le soleil, caché, n’est plus qu’un souvenir. Je comprends alors : je suis allongé dans une calèche. Le bois craque sous les cahots du chemin. La pluie tambourine sur le toit de toile, résonne comme mille doigts sur un cercueil. L’air sent la terre mouillée, le cuir détrempé, et le fer rouillé. Je tente de bouger, mais mon corps refuse. Chaque nerf hurle. Mes doigts tremblent à peine. Mon torse est bandé, mes mains couvertes de sang séché. Je sens la boue sur mes bottes, le froid dans mes os. Le roulement des roues, un pas lourd à côté… tout semble venir de très loin, comme un écho d’un monde auquel je n’appartiens plus. Et alors… le souvenir me frappe. Minas Ithil. Les flammes. Le hurlement des Nazgûl. Les cris des hommes tombant. Les visages de ceux que je n’ai pas sauvés… Tout revient d’un coup, comme une marée noire qui m’écrase la poitrine. Je n’ai pas sauvé la cité. Je n’ai rien sauvé. Tout ce que j’ai touché s’est effondré… Une rage sourde monte en moi, aussitôt étouffée par une douleur plus grande encore : la lassitude. Cette fatigue qui dépasse la chair, qui creuse l’âme. Je suis las de revenir. Las d’être ce pantin entre deux mondes. Las d’exister sans fin, sans but, sans paix. Je ferme à nouveau les yeux. La pluie tombe, inlassablement, comme si le ciel lui-même pleurait pour ceux que je n’ai pas pu sauver. Et dans ce murmure, une seule pensée me hante : Pourquoi suis-je encore là ? Mais aucune réponse ne vient… Un long silence s’étire. Seule la pluie parle, tissant sa mélodie monotone contre le drap blanc. Puis, à travers le vacarme de mes pensées, une voix s’élève. Calme, basse… emplie d’un chagrin que je n’avais jamais entendu en lui.

  • “Talion…”

Celebrimbor… Sa présence s’impose dans mon esprit, mais sans cette froideur habituelle, sans cette lueur de domination. C’est un souffle, une parole timide dans l’obscurité…

  • “J’ai failli.” Sa voix tremble presque. “Je n’ai rien appris de ma propre chute… rien des tourments que m’infligea Sauron. J’ai cru pouvoir guider ton âme là où la mienne n’a su aller. Et j’ai échoué.”

Je sens dans ses mots un poids ancien, celui des siècles et des fautes répétées.

  • “J’aurais dû voir le traître pour ce qu’il était. J’aurais dû te soutenir, plutôt que de te presser vers les ténèbres que je prétends combattre.” Un souffle, presque un murmure. “Pardonne-moi” 

Ces mots-là, je ne les ai jamais attendus de lui. Et mon coeur se serre davantage…

  • “Tu es un homme bon, Talion. Peut-être le meilleur que j’aie jamais rencontré, même parmi les miens. Tu as combattu sans gloire, sans répit, pour un monde qui t’a tout pris. Tu as gardé ton cœur… quand le mien s’est perdu.”

La pluie s’intensifie. Chaque goutte semble scander ses paroles.

  • “Ton âme est noble, plus pure que bien des rois. Tu tends la main là où d’autres brandiraient l’épée. Tu cherches la paix quand tout autour n’est que guerre. Et c’est pour cela que je t’admire.”

Un silence… puis sa voix, adoucie comme un dernier vœu :

  • “Je te le promets, rôdeur. Je ferai tout pour t’offrir le repos que tu mérites. Pour que ton esprit s’élève, enfin libre, vers les plaines blanches et silencieuses… là où brillent les âmes de ceux que tu aimes. Au-delà du ciel grisâtre… là où ni l’ombre ni la douleur ne t’atteindront plus.”

Sa présence se tait. Mais ses mots demeurent, suspendus dans ma poitrine, comme une flamme fragile qui refuse de s’éteindre. Je reste un long moment sans parler. Les paroles de Celebrimbor résonnent encore en moi, s’enroulent autour de mon cœur comme un fil d’argent. Je ne m’attendais pas à les entendre. Pas de lui. Une chaleur étrange me monte à la gorge. Une larme roule lentement sur ma joue, se mêle à l’eau de pluie qui s’infiltre sous le drap. J’inspire, la voix serrée, et murmure simplement :

  • Merci… Celebrimbor.

Le silence retombe. Un silence lourd, traversé par le roulement de la calèche et la pluie battante. Mon esprit erre vers Minas Ithil, vers les ruines, les cris, les visages perdus. Que me reste-t-il à présent ? Quel but ? Quelle guerre mener, quand tout a déjà été englouti par l’ombre ? Je ferme les yeux, cherchant une réponse… Et soudain, une voix grave, traînante, coupe le murmure de la pluie :

  • Hé, Azutra… t’as dit un truc, là ? Une autre voix, râpeuse, pleine de mépris répond :
  • Moi ? Non. C’est ton cerveau qui couine, gros tas. Ou alors t’as encore de la merde dans les oreilles.
  • Mes oreilles vont très bien, p’tit tas d’os !  En revanche j'ai d’la merde dans les yeux, surtout quand j’te regarde !! Gouhahaha !! Un éclat de rire profond secoue la calèche. Bruz. Le rire d’un Olog est aussi fort qu’un coup de tonnerre…
  • Par les entrailles d’un Graug… marmonne Azutra entre ses dents. Si tu ris encore, je t’enfonce ta massue dans la gorge.
  • Oh, fais pas ta mijaurée, grogne Bruz. On t’a connu plus joyeux !

Un sourire m’échappe, malgré moi. Leurs voix… leur absurdité presque rassurante fend la brume qui m’enserre depuis mon réveil. Ils sont là. Ils ne m’ont pas abandonné. Je redresse lentement la tête. La douleur est toujours là, mais plus supportable. Mes bras tremblent quand je m’appuie pour me relever, mes muscles protestent, mais je parviens à m’asseoir.  Devant moi, le dos massif d’Azutra occupe presque tout le siège avant. Son armure sombre brille sous la pluie, ses épaules tremblent de contrariété. À côté de la calèche, Bruz marche, colossal, hilare, balançant sa massue sur l’épaule. La route détrempée s’étend devant eux, serpentant entre des collines noyées dans le brouillard. Et devant eux tous… Kara. Ma Caragor blanche, silencieuse, noble même sous la pluie, tire la calèche avec une obéissance calme. Son pelage trempé luit sous le ciel d’orage, chaque muscle jouant sous sa peau. Je laisse échapper un souffle… ni un rire, ni un sanglot. Peut-être un peu des deux… 

Je me redresse un peu plus et m’avance. Le bois gémit sous mon poids tandis que je viens m’asseoir à côté d’Azutra. Le colosse sursaute légèrement, tournant sa tête vers moi, ses yeux rouges écarquillés.

  • Par les os de Morgoth… grogne-t-il, sa voix grave résonnant comme un tambour. Seigneur ! Vous êtes debout !
  • J’te l’avais dit qu’il était pas crevé, moi, lance Bruz, hilare. Ce rôdeur-là, faut plus le tuer, faut l’enterrer vivant, brûler le sol, et jeter les cendres dans un volcan. Peut-être qu’il restera mort, cette fois !
  • Tais-toi, Olog. Tu parles trop, et mal, réplique Azutra, les dents serrées.
  • Hé ! Moi, au moins, j’parle ! Toi, t’as la langue coincée dans ton casque.
  • Elle a pas besoin d’être libre pour t’arracher les oreilles, grogne Azutra.
  • Haha ! Comme si j’avais peur de toi, crevure !

Leur chamaillerie me tire un léger sourire. Une part de moi se réchauffe à les entendre, même si la pluie continue de tomber, froide et lourde, sur la toile au-dessus de nos têtes.

  • Vous m’avez retrouvé comment ? demandé-je d’une voix encore rauque.

Les deux se tournent vers moi. Leurs visages, marqués de cicatrices et de boue, s’adoucissent presque.

  • C'était pas simple, répond Azutra en hochant la tête. Après l’arrivée des Nazgûl, on a fui… Tous nos gars sont morts. C’était un carnage.
  • Et puis, ajoute Bruz, on s’est dit : tiens, peut-être que l’chef est encore là à traîner, avec sa sale manie de pas mourir. Alors on a cherché. Longtemps.
  • On vous a trouvé dans la forêt, poursuit Azutra d’un ton grave. Étendu… froid comme la pierre. Il marque une pause, son regard se tournant vers la bête blanche. Et elle, votre Caragor, elle nous a presque déchiquetés.
  • Ouais ! renchérit Bruz en riant. Cette bestiole-là, elle a essayé de me bouffer le bras ! Si j’avais pas eu ma massue, j’serais plus qu’un souvenir dans son estomac. Il désigne Kara d’un geste amusé. J’crois qu’elle t’aime, chef. Ou alors elle garde juste jalousement sa nourriture, va savoir ! Azutra lève les yeux au ciel et souffle :
  • Imbécile…

Je ne ris pas. Mon regard reste fixé sur Kara. La pluie glisse sur son pelage, dessinant des rivières argentées sur ses flancs puissants. Elle avance avec calme, sa tête baissée, comme si elle sentait mon regard. Cette loyauté… ce lien… Même les bêtes ont plus de constance que les hommes. Dans mon esprit, la voix de Celebrimbor s’élève à nouveau, douce, presque paternelle :

  • “Je sais que… Tu brûles d’y retourner.” Je ne réponds pas, mais il sait… Il sait ce que je ressens au plus profond de moi… “Va, Talion. Prends ta monture et retourne à Minas Ithil. Ton cœur en a besoin.”

Je hoche lentement la tête. Les voix des deux Uruks s’éloignent, leur conversation devient un bourdonnement lointain. Mon esprit n’est déjà plus ici. Je tends la main, attrape la garde d’Urfael. La lame glisse hors de son fourreau avec un chuintement d’argent. Un éclat froid traverse l’air. En un geste net, je tranche les attaches qui relient Kara à la calèche. La bête secoue la tête, rugit faiblement, puis se fige, attentive à mon regard.

  • Attendez-moi ici, dis-je simplement. Je reviens bientôt.

Azutra ouvre la bouche pour protester, mais je suis déjà en mouvement. D’un bond fluide, je me hisse sur le dos de Kara. La pluie fouette mon visage. Le vent siffle. Et avant que leurs voix ne m’atteignent, je talonne la bête. Kara s’élance, ses griffes martelant la boue, projetant des gerbes d’eau. Nous filons entre les collines, vers le Sud-Est. Vers la cité perdue. Vers Minas Ithil.



La route est longue, noyée sous la pluie. Des heures durant, Kara galope à travers les collines sombres, ses pattes labourant la boue, son souffle chaud s’échappant en nuées blanches dans l’air glacé. Je ne sens plus le froid. Seule la rage sourde de mon cœur me tient debout. Chaque bond nous rapproche un peu plus du cauchemar que j’ai laissé derrière moi. Et puis, enfin… Au détour d’un relief, la silhouette de la forteresse se dessine à l’horizon. Minas Ithil… Ou ce qu’il en reste. Un vent chargé de cendres balaie la plaine. Les montagnes noires encerclent la cité, comme des doigts crochus serrant une proie. Là où autrefois s’élevaient des tours d’argent et de lumière, il ne reste qu’un spectre corrompu. Les murs respirent la mort. Une lueur verte pulse du cœur de la forteresse, monte vers le ciel comme une flamme malade. Elle éclaire les nuages d’un halo sinistre, les teintes de jade et de soufre. Minas Ithil n’est plus. Elle porte à présent le nom maudit de Minas Morgul

Je m’arrête au sommet d’une colline, laissant Kara souffler doucement. Devant moi, la vallée tout entière est dévorée par l’ombre. Des hordes d’Uruks grouillent le long des remparts, leurs torches vacillent dans la brume. Aucun chant d’homme, aucun cri de vie. Aucune trace d’Idril. Ni de Baranor. Rien que la pourriture de Sauron et le silence des morts. Je reste là, figé, incapable de détourner le regard. Mon cœur se serre jusqu’à la douleur. J’ai combattu, saigné, tué pour défendre cette cité. Pour la protéger. Et voilà ce qu’il en reste : un tombeau. Je sens mes doigts trembler sur la garde d’Urfael. Je voudrais hurler… mais aucun son ne sort. Celebrimbor murmure alors, sa voix rompant le vacarme de mes pensées :

  • “Elle est là.”

Je sursaute, tournant la tête, cherchant instinctivement la silhouette d’Arachne. L’ombre d’une toile, un parfum de poison. Mais non. Ce n’est pas elle… Mais… Une lumière s’avance entre les arbres. Pure, douce… presque irréelle. Et de cette clarté émerge une silhouette élancée, vêtue d’un manteau clair que la pluie fait briller. Ses pas sont silencieux, ses cheveux longs et blonds ruissellent comme un flot d’or sous la lueur du ciel. Ses yeux, d’un bleu profond, semblent refléter à la fois la tristesse et la sagesse des âges. Sa peau est blanche comme la porcelaine, ses traits fins, presque sculptés. Ses lèvres, d’un rouge vif, contrastent avec la pâleur de son visage, un éclat de vie dans un monde en ruine. Elle ôte lentement son capuchon. De fines boucles d’oreilles d’argent ornent ses oreilles pointues, étincelantes dans l’obscurité. Eltariel. L’Épée de la Lumière. La lame de Galadriel. Le dernier éclat d’espoir dans la nuit du Mordor. 

Elle s’avance jusqu’à moi. Ses yeux se posent sur la cité en contrebas, puis sur moi. Sa voix, lorsqu’elle parle, n’est qu’un murmure, mais il perce à travers la pluie comme une prière oubliée :

  • La cité est perdue à jamais.

Je reste silencieux un instant, incapable de détourner le regard de Minas Morgul. Puis j’acquiesce lentement. Mes doigts se serrent sur la garde de mon épée, et ma voix, rauque, brisée, s’élève à peine au-dessus du vent :

  • Ce combat fut vain…

Mais je vois la belle Elfe grimacer doucement. Dans ses yeux bleus passe une lueur de chagrin qui me transperce. Elle lit en moi tout ce que je tais : la douleur, le vide, ce désespoir muet qui me déchire de l’intérieur. J’ai l’impression que le poids du monde s’abat sur mes épaules. À côté de moi, Celebrimbor reste silencieux. Je sens sa lumière pâle vaciller un instant, non pas d’épuisement, mais de regret. Lui aussi contemple Minas Morgul, ses murailles verdâtres et corrompues, symbole de tout ce que nous n’avons pu sauver. Ses yeux elfes se ferment un instant, et sa voix, d’ordinaire si dure, murmure doucement dans mon esprit :

  • « Même la plus éclatante des lumières finit par se tordre dans l’ombre… »

Je détourne un instant les yeux, mais je sens Eltariel s’avancer encore vers moi et la pluie semble s’adoucir à son approche, comme si même le ciel retenait son souffle. Son manteau brodé d’argent colle à sa peau blanche. Tout en elle irradie une beauté fragile mais forte. Sans un mot, elle tend la main vers moi. Je la fixe, hésitant. Mes doigts, encore couverts de cendres et de sang, tremblent un instant avant de se poser dans les siens. Sa peau est tiède, presque lumineuse, et j’ai l’impression qu’un poids invisible se soulève de ma poitrine. Elle me guide vers la forêt. Je la suis, chaque pas me semblent irréel, comme si je marchais dans un rêve. La pluie devient un murmure, la mousse sous mes pieds absorbe le son de nos pas, et des pétales pâles tombent des branches au-dessus de nous, flottant autour de nous comme dans une danse silencieuse. Elle s’arrête. Je me retrouve face à elle, à quelques souffles à peine. Son regard se plonge dans le mien, et je vois dans ses yeux toute la tristesse que je ressens moi-même. Brisé, fatigué, mais encore brûlant d’un éclat humain que même la mort n’a pas pu m’ôter.

  • Aucun combat n’est vain, rôdeur… murmure-t-elle, et sa voix caresse l’air, me touche d’une douceur étrange et profonde.

Ses doigts viennent prendre ma main. Paume contre paume, elle trace une ligne sur ma peau. Un pétale tombe dans ma main, et une lumière blanche s’en échappe. Je cligne des yeux et le vois se transformer en fleur délicate, pure, éclatante, comme si Galadriel elle-même l’avait bénie.

  • Il y a du bon en ce monde, Talion… et cela vaut la peine de se battre pour.

Je baisse les yeux sur la fleur, fragile et éphémère, et un sentiment que je n’ai pas ressenti depuis longtemps m’envahit : une paix étrange. La rage, le désespoir, la colère… tout semble s’éloigner, juste un instant. Un rayon de lumière perce enfin les nuages et effleure nos visages. Je ferme les yeux, et pour la première fois depuis des mois, je sens que la lumière n’a pas totalement disparu. Eltariel sourit de me voir un brin apaisé. Un sourire doux, presque lumineux dans l’ombre de la forêt… Et comme pour me rassurer. Me persuadée que mon combat n'était pas vain, elle ajoute. 

  • J’ai vu ceux qui ont survécu, dit-elle doucement. Les Gondoriens ont réussi à fuir la cité. Ils sont sortis de l’autre côté de la montagne. Ils se dirigent vers Minas Tirith.

Un poids se soulève dans ma poitrine. Tout le monde n’est pas mort. Pourtant… une inquiétude brûle encore mes entrailles. Je pose mes mains sur ses bras fins, la regarde dans les yeux et implore :

  • Sais‑tu si la fille de Castamir, Idril… et le commandant Baranor sont encore en vie ? S’ils étaient avec les survivants ?

Elle semble réfléchir un instant, ses yeux bleus scrutant un horizon que je ne peux voir. Puis, avec une certitude douce mais ferme :

  • Je les ai vus. Guidant les survivants. Épuisés, fatigués… mais vivants.

Mon souffle se bloque un instant. Le soulagement me submerge. Je baisse la tête, mes épaules s’affaissent. La fatigue, l’épuisement de ces jours et nuits de combats, me tire vers le sol. Et sans m’en rendre compte, je laisse ma tête tomber sur son épaule. Elle sursaute légèrement, surprise par mon geste. Je murmure, presque inaudible :

  • Merci… Merci de m’avoir tué.

Un éclat amusé passe sur ses lèvres. Elle me repousse doucement, mais avec douceur, déposant l’une de ses mains contre ma joue.

  • C’est la première fois qu’on me remercie pour ça…

Je lui rends son sourire, faible, mais sincère. D’une main, je repousse une mèche de ses cheveux qui frôle son visage doux et pâle.

  • Tu m’as sauvé la vie… souffle-je. Tu as sauvé mon âme. Et tu as sauvé la chance que j'ai de retrouver ma famille… un jour. Pour tout ça, je te serai à jamais reconnaissant.

Je sens sa chaleur, son souffle tremblant légèrement. Son regard croise le mien, brillant d’émotion. Elle rougit, visiblement surprise par mes mots. Et je reste là, appuyé contre elle, un instant, sentant que quelque chose de fragile mais vivant renaît en moi. Eltariel détourne le regard, un léger sourire gêné sur les lèvres. 

  • Si je t’avais laissé là-bas…  murmure-t-elle, j’aurais eu un Nazgûl de plus à affronter. Je ne peux m’empêcher de sourire à mon tour, un sourire sec et amusé. 
  • Sûrement bien plus fort que tous les autres en plus, réponds-je, le ton légèrement taquin. Ses yeux bleus se fixent sur moi, sérieux à nouveau. 
  • Mais… Et maintenant… Quels sont vos plans ? demande-t-elle, s’adressant à la fois à moi et à Celebrimbor, qui surgit à mes côtés, sa présence glaciale et imposante comme toujours.

Nous échangeons un regard. Dans ce silence chargé de promesses et de rancunes, nous savons que nous ne céderons pas. D’une même voix, nous affirmons : 

  • Nous n’abandonnerons pas la guerre contre Sauron. Celebrimbor pose sa main spectrale sur mon épaule. 
  • “Nous avons peut-être perdu une bataille, Talion… mais pas la guerre. Le Palantír est perdu. Maintenant, il est temps de rassembler nos forces, de bâtir une armée.” Je tourne le regard vers lui, ma voix basse mais ferme. 
  • Notre armée commence avec Azutra et Bruz. 

Eltariel fronce légèrement les sourcils, prudente. Mais alors, elle s’avance vers moi, posant sa main sur la mienne avec douceur. 

  • Si tu as besoin… murmure-t-elle, je t’offrirai de nouveau mon aide.  Je serre sa main avec un bref hochement de tête. 
  • Il en va de même pour nous… N'hésite pas un seul instant. Elle esquisse un sourire, et ses yeux brillent d’une détermination tranquille. 
  • Je continue ma traque sur les Nazgûl… mais je suis certaine que nos chemins se recroiseront. 

Puis, avec délicatesse, elle me fait légèrement incliner le visage vers elle… elle est un peu plus petite que moi, et dépose un baiser fugace sur ma joue. Je sens mes joues s’embraser sous le geste. Eltariel recule, me lançant un dernier regard, avant de s’éloigner en me saluant. 

  • Je te reverrai très bientôt, Talion. 

Je reste là un instant, à la regarder disparaître, les doigts encore chauds de son contact, un mélange de soulagement et d’appréhension noué dans ma poitrine. Celebrimbor ajoute, perturbé : 

  • “Je pensais que c’étaient les femmes humaines qui craquaient facilement pour toi, car tu étais un mâle puissant de leur espèce. Mais je me rends compte, avec le recul, que ton aura est si pure que tu irradies tout autour de toi… attirant même les êtres les plus purs. Cela montre à quel point la bonté de ton âme est grande.” Je suis surpris, mais un sourire se dessine sur mes lèvres. 
  • Alors perdre cette bataille aura au moins permis que tu deviennes plus gentil avec moi, dis-je en le taquinant.

Celebrimbor sourit, un éclat rare dans son regard froid, puis disparaît dans l’ombre, laissant derrière lui un silence qui pèse autant qu’il libère. Je tourne une dernière fois mon regard vers Minas Ithil, ses tours en ruine et ses rues désertées… Idril, Baranor, la cité, tout ce que j’ai tenté de protéger, tout ce que je dois désormais abandonner… Puis, je rejoins Kara et grimpe sur son dos. Ma main se pose sur sa tête, caressant sa fourrure blanche, et un calme étrange me traverse.

  • La guerre ne fait que commencer… murmuré-je, plus à moi-même qu’à quiconque.

Kara bondit en avant, et je sens le sol vibrer sous son poids tandis qu’on disparaît dans l’ombre des ruines. Pour la première fois depuis longtemps, je ferme les yeux un instant et respire profondément. La colère, la douleur, le deuil… tout est là, en moi, mais maintenant mêlé à une détermination pure et froide. Chaque nom que je laisse derrière moi, Minas Ithil, Idril, Baranor, Arachne, n’est qu’un rappel de ce que je dois protéger, de ce que je dois venger. Mon cœur est lourd, mais mon esprit est clair. La guerre m’appelle, et je n’ai plus rien à perdre. Je repars, solitaire sur Kara, les yeux fixés droit devant. La cité s’éloigne derrière moi, avalée par la nuit et les ombres, tandis que ma seule obsession, mon unique mission, reste intacte : frapper Sauron là où il croit être intouchable, et reconstruire une armée pour l’affronter. La vengeance, la guerre… tout commence ici, et je suis prêt.



Fin.


Merci d'avoir lu la première partie : Shadow Of Mordor !

N'hésitez pas à me donner votre avis en commentaire.

A suivre,

  • La liste des personnages vu dans la première partie,
  • Le chapitre 11 sera un Bonus sur la vie de Talion avant sa mort.
  • Chapitre 12 : Premier chapitre de la partie II : Shadow Of War.

Bonne lecture !




Liste des personnages :



Talion (L’immortel) : Rôdeur du Gondor en poste à la Porte Noire, Talion vivait avec sa famille dans un avant-poste exposé aux forces de Sauron. Après que sa femme, Ioreth, et son fils, Dirhael, furent assassinés par les serviteurs de l’Ombre, il fut ressuscité et lié au spectre elfique Celebrimbor, héritant d’une soif de vengeance et de pouvoirs surnaturels. Talion est un homme sombre et implacable, hanté par la mort et la trahison, utilisant sa maîtrise du combat et de la domination pour traquer et dominer les Uruks. Son objectif reste centré sur la protection des innocents et la recherche du Palantír, tout en naviguant entre alliances fragiles et confrontations mortelles, et en entretenant des liens complexes avec Idril et Arachne.


Celebrimbor : 

Esprit elfique lié à Talion, Celebrimbor est le forgeron légendaire des Anneaux de Pouvoir, autrefois dupé par Sauron. Il guide et hante Talion, oscillant entre mentor et force manipulatrice. Sa présence est glaciale et calculatrice, motivée par la recherche du Palantír et le désir de vengeance contre Sauron, mais ses méthodes sont souvent impitoyables, contraignant Talion à accomplir des actes sombres. Leur relation est marquée par la tension : alliance nécessaire, mais fragile, où méfiance et dépendance s’entrelacent.


Ioreth : Femme de Talion, a été assassiné à la Porte Noir. Il a gardé d’elle sa cape grise qui porte sur ses épaules. “L’étreinte de Ioreth”, fait d’un tissu elfique résistant, elle lui a offert pour leur premier anniversaire de mariage.


Dirhael  : Fils de Talion et Ioreth, assassiné à la Porte Noir. Lors de sa mort, l’épée de son fils, “Acharné” à été brisé et Talion la récupéré s’en servant de Dague pour garder un peu de son fils avec lui. 


Ratbag :  Uruk rusé et manipulateur, il sert d’espion pour repérer les capitaines d’Ushak et recueillir des informations, oscillant entre lâcheté et opportunisme. Malgré son statut de subalterne, il possède une certaine intelligence tactique et un humour grinçant qui contraste avec la noirceur des événements. Sa survie dépend de l’autorité de Talion et de la loyauté imposée par Azutra, mais il reste capable de choisir ses propres moments pour trahir ou s’échapper. 


Arachne : Dernière-née d’un mal ancien nommé Ungoliant, Arachne est l’ancêtre de nombreuses araignées sournoises de la Terre du Milieu, y compris celles de la Forêt Noire. Elle se manifeste généralement sous une forme de grande araignée terrifiante, capable d’inspirer la peur chez les Orques comme chez les Hommes. Elle entretient un lien complexe avec Talion : ensorcelante et mystérieuse, elle lui offre des visions prophétiques et le guide vers sa vengeance, tout en suscitant méfiance et tension avec Celebrimbor. Malgré sa nature inquiétante, elle éprouve de vrais sentiments pour Talion, mêlant fascination, désir et loyauté ambiguë.


Idril : Fille du Gondor, courageuse et intelligente, mais profondément meurtrie par les événements qui ont ravage Minas Ithil. Elle est amoureuse de Talion, ce qui crée une tension entre désir et prudence face à son côté sombre et à sa quête de vengeance. Malgré sa fragilité apparente, elle reste volontaire et capable de soutenir Talion, offrant un point d’ancrage humain à son tourment.


Baranor : Général gondorien loyal et imposant, protecteur d’Idril. Né à Umbar en tant que Haradrim sous le nom de Warad, il fut échangé au Gondor avec son frère pour maintenir la paix, perdant ses parents lors de raids mercenaires. Adopté par une famille aisée de Minas Ithil, il en fit sa véritable maison. Il ressent un amour discret mais puissant pour Idril et se montre à la fois respectueux et ferme envers Talion, comme pour marquer sa place et prévenir toute intrusion dans son lien avec elle. Son tempérament est mesuré et réfléchi, oscillant entre autorité et douceur, préférant transmettre un message par nuances plutôt que par confrontation directe.


Castamir : Général Gondorien fidèle, Castamir détient des informations cruciales sur le Palantír. Stratège expérimenté, il est déterminé à protéger son peuple malgré les dangers de Minas Ithil. Il se révèlera par la suite être un traitre, ayant vendu la cité pour protéger sa fille. Déshonorant ainsi sa lignée pour toujours. Il perd la vie brutalement, tué par le roi sorcier d'angemar.


Eltariel :  Elfe guerrière et experte en infiltration, Eltariel est connue comme la Lame de Galadriel. Féroce et précise au combat, elle agit avec discrétion et détermination pour contrecarrer les forces de Sauron. Elle apparaît comme une alliée.


Hirgon : Ancien Rôdeur du Gondor, Hirgon a servi fidèlement avant de choisir l’amour plutôt que le devoir, en épousant Eryn, une femme exilée. Ayant déserté pour la suivre, il risqua l’exécution, mais gagne une nouvelle vie parmi les Exilés. Aujourd’hui chef de ce groupe méfiant envers les Rôdeurs, Hirgon incarne à la fois loyauté et sensibilité, mêlant expérience militaire et attachement profond à ceux qu’il protège.


Eryn  : Eryn est la femme d'Hirgon, le chef des Exilés. Elle a été capturée par les Uruks et Hirgon demandé à Talion de la secourir.


Lithariel : Membre de la tribu de Nurn et fille adoptive de la Reine Marwen, Lithariel est une combattante redoutable et pleine de ressources. Héritière du trône, elle incarne l’honneur et la détermination, refusant de se rendre même au prix de la vie de ses alliés. Elle nourrit des sentiments amoureux pour Talion, ajoutant une dimension personnelle à son engagement dans la lutte contre les forces de Sauron.


Torvin (Nain) : Torvin est un personnage rencontré dans La Terre du Milieu : L’Ombre du Mordor . C’est un chasseur nain dans la mer de Núrnen , cherchant à tuer le légendaire Graug avec l’aide de Talion. (Il n'apparait pas vraiment, mais Talion y fait référence)


Azutra (Uruk) : Colosse Uruk, autrefois redouté sous le nom de « Faucon de l’Enfer », Azutra est désormais lié à Talion par la domination de l'anneau de Celebrimbor. Puissant et imposant, il allie force brute et loyauté imposée, devenant un allié imprévisible mais précieux dans les combats contre les Uruks. Sa présence inspire la peur chez les ennemis et la confiance chez ceux qui connaissent sa servitude, oscillant entre menace et protecteur au service de Talion.


Bruz (Olog-Hai)  : Olog massif et terrifiant, autrefois redouté par les Uruks, Bruz est désormais allié à Talion grâce à la domination de Celebrimbor. Sa force colossale et son endurance en font un atout majeur dans les combats, capable de terrasser de nombreux ennemis à lui seul. Malgré sa puissance, il reste soumis à l’autorité de Talion, oscillant entre menace pour ses ennemis et protecteur loyal pour ceux qui suivent le rôdeur.


Kara : Caragor féroce et fidèle, Kara est la monture et compagne de Talion dans ses combats et infiltrations. Sauvage et imprévisible, elle combine force brute et rapidité exceptionnelle, capable de semer la terreur chez les Uruks et de traverser le terrain le plus dangereux. Sa loyauté envers Talion en fait un partenaire redoutable, et sa présence renforce la dimension bestiale et mortelle des actions du rôdeur.


A suivre,



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