Histoire en Terre du Milieu
Ils se mirent à ranger leurs affaires précipitamment, tout en éteignant les quelques braises du feu qui rougeoyaient encore. Aragorn préparait déjà leurs chevaux, son épée au poing.
Il criait des ordres, les précipitant sur leurs chevaux, laissant la plupart des affaires au sol. Quand Matt se mit à enrouler sa couverture dans laquelle il dormait, le rodeur la lui arracha des mains et lui ordonna plutôt de monter à cheval immédiatement.
Quand tous furent en selle, Legolas prit la tête de leur petite troupe et l’emmena plein nord, les guidant à travers les arbres.
Ils se mirent à cavaler ainsi pendant plusieurs heures, s’efforçant de ménager leurs destriers en ralentissant par moments.
Matt s’efforçait de garder le contrôle de son cheval, son derrière était en feu et lui arrachait une grimace de douleur à chaque mouvement brusque de sa monture. Il parvint néanmoins à garder contenance, et ralentit son cheval pour se placer au niveau d’Aragorn, qui fermait la marche :
-Pourquoi se déplacer si vite ? Ils sont à pieds et nous à cheval, ils ne peuvent nous rattraper.
-Attends de les voir courir dans des espaces dégagés comme des plaines. Tu ne les as pas vus courir sur terrain plat. Ils ne s’arrêtent jamais, poursuivant leurs proies sans relâche.
Tant qu’ils sont ralentis par la forêt, nous conserverons notre avance.
Et ce n’est pas leur nombre qui me fait peur, mais plutôt celui qui les mène, répondit-il.
Il regardait fréquemment derrière eux, comme s’il s’attendait à les voir surgir de derrière un arbre. Il reprit ensuite la parole, tout en retournant la tête pour regarder Matt droit dans les yeux.
-Leur meneur n’est pas un orque, c’est la Main Noire. Un personnage maléfique aux ordres de Sauron. Il a été tué il y a fort longtemps par un rodeur allié d’un elfe légendaire, sur les terres du Mordor.
Mais j’imagine que la mort elle-même n’est pas une barrière suffisante aux incroyables pouvoirs de Sauron.
Matt connaissait ce personnage, c’était l’un des chefs ennemis qu’il avait eu le plus de mal à vaincre dans ses jeux de rôle.
-Nous avons très peu de chances de pouvoir leur échapper, fit Aragorn, et encore moins de les vaincre.
Notre seul espoir est d’atteindre un refuge, la demeure d’Elrond, Fondcombe. Il faudra tout faire pour que Frodon y parvienne, fit-il en fixant Matt droit dans les yeux.
Après lui avoir dit ça, Aragorn fit ralentir sa monture pour surveiller leurs arrières. Matt quant à lui, sentait comme une boule dans sa gorge, son moral venait de chuter en flèche, l’anxiété le saisis et il se mis à regarder souvent derrière lui.
Il cherchait le moindre mouvement qui pourrait laisser présager la présence des orques, et serrait tellement fort son épée que ses phalanges étaient toutes blanches.
Il savait très bien ce qu’Aragorn avait voulu dire. Dans les jeux de rôle, quand la vie n’était pas un enjeu décisif, il n’hésitait pas à sacrifier un personnage pour en sauver plusieurs, c’était alors de la logique élémentaire.
Mais quand il s’agissait de sa propre vie, et Matt en faisait l’expérience, il est beaucoup plus facile de faire un choix, car la logique se mêle alors aux sentiments.
Les minutes passaient comme des heures, la forêt avait laissé place à une grande plaine où seuls quelques petits buissons et conifères dépassaient des hautes herbes qui recouvraient le sol par endroits.
Aragorn les poussait à avancer, sans les faire s’arrêter ou peu. Vers midi, quand le soleil fut au-dessus de leur tête, ils virent les premiers éclaireurs orques. Ceux-ci étaient montés sur des Wargs, des loups géants allant aussi vite qu’un cheval mais à la dentition bien plus longue et pointue.
Legolas ralentit pour se placer à l’arrière de la file, à côté d’Aragorn. Il se retourna sur sa selle avec une aisance que Matt lui enviait. Il prit son arc qu’il avait en bandoulière, sorti une flèche de son carquois, arma et tira le tout en quelques secondes.
Le trait fila dans le ciel, si haut que Matt croyait qu’il allait monter jusqu’aux nuages, avant que la gravité ne fasse de nouveau effet et qu’il se mette à redescendre pour atteindre la tête de l’un des Wargs.
L’effet fut immédiat, et la créature s’arrêta net, catapultant l’orque qui la montait en avant.
Legolas répéta le même geste deux ou trois fois, et tous les éclaireurs finirent sans monture, abandonnant la poursuite pour atteindre leur troupe.
Les hobbits se mirent à crier de joie et d’allégresse avant qu’Aragorn ne leur ordonne d’avancer encore une fois.
Ils savaient tous qu’ils n’avaient fait que gagner un peu de temps avant l’échéance, et qu’il allait leur falloir avancer sur de longues distances pour arriver à Fondcombe.
Le soir arriva enfin, et bien qu’ils s’efforcèrent d’aller le plus loin possible, ils durent bien s’arrêter à un moment, ne pouvant plus se diriger dans l’obscurité omniprésente à cette heure.
Ils dormirent sans feu ce soir-là, ne voulant pas se faire repérer. La fatigue de toute la journée de chevauchée les rattrapa rapidement, et tous sombrèrent dans un profond sommeil.
Quand Matt ouvrit les yeux, tout le monde dormait encore, et le soleil n’était encore qu’un point à l’horizon. Il prépara donc les chevaux pour gagner du temps, sachant qu’il n’arriverait probablement pas retrouver le sommeil.
Alors qu’il levait les yeux après avoir tout préparé, il aperçut un curieux nuage de poussière s’élever dans le ciel.
En y regardant de plus près, il distingua une troupe de soldats qui arrivait sur eux, un flot d’armures noires surplombé par l’étendard d’Isengard.
Matt hurla pour alerter les autres, et commença à secouer Aragorn, attendant les instructions qu’il allait leur donner. En un clin d’œil, le rodeur était debout, son épée au poing. Il observa rapidement les soldats qui arrivaient avant d’ordonner d’une voix forte :
-Les hobbits sur les montures, ils sont trop proche pour qu’on puisse leur échapper à cheval. Legolas, accompagnez-les jusqu’à Fondcombe ! Je vais les retarder suffisamment pour vous faire gagner du temps !
-Vous êtes fou ! lui cria Matt, le regardant d’un air consterné. Ils sont trop nombreux pour vous ! »
Il regarda dans les yeux Aragorn, et compris que les paroles de la veille, quand ils étaient encore dans la forêt, étaient prévues pour un moment comme celui-là.
Matt prit une grande inspiration, et lui dit d’une voix qu’il voulait la plus calme possible :
-Je suis avec vous !
Aragorn lui fit un signe de tête, et prit son arc. Il arma une flèche, visa soigneusement un des guerriers qui les chargeait avant d’ouvrir les doigts. Sans même attendre de savoir si le trait avait touché, il en armait une deuxième qu’il tira dans la même direction.
Les deux traits filaient vers le personnage qu’Aragorn avait nommé la « Main Noire ». Mais les deux traits, bien que parfaitement ajustés, n’atteignirent pas leur cible. L’un comme l’autre, ils furent interceptés par un éclat métallique. Matt compris que c’était l’épée de ce sombre ennemi qui avait tranché les flèches en plein vol, tellement vite qu’il n’avait pu en voir grand-chose.
Ils n’étaient plus qu’à une cinquantaine de mètre quand un autre trait fusa, ne visant pas la Main Noire mais l’un des orques dans les premiers rangs. Il s’effondra aussitôt, la gorge transpercée, et entraina dans sa chute quelques autres, qui trébuchaient sur le cadavre.
Quarante mètres.
Un autre trait partit, touchant comme le précèdent un autre orque, ralentissant quelque peu cette charge.
Vingt mètres.
Un dernier trait parti, dans l’intention comme les deux premiers de tuer leur commandant. Mais un autre éclat métallique et la flèche n’atteint pas sa cible.
Aragorn lâcha son arc, et tira son épée de son fourreau, regarda rapidement Matt, qui lui aussi avait préparé son épée et attendait.
-Pour Frodon, lui dit-il d’un souffle, avant de courir charger les orques. Matt le suivit pensant à cette phrase qu’il avait déjà entendue quelque part, avant de chasser cette idée pour se concentrer exclusivement sur le combat à venir.
Juste avant l’impact, il vit la Main Noire qui s’était arrêté juste un peu derrière et qui le regardait de ses yeux rouge sang.