Tranches de vices

Chapitre 2 : Les hâvres

678 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/04/2016 09:39

Tranches de vices – Les hâvres

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Une passerelle fut jetée vers la nef et un chœur de jeunes elfes entonna un lai de Valinor. Une nuée de papillons s’éleva des berges gazonnées, se dispersant vers l’azur des montagnes ourlées d’argent.

Descendit sur le quai de marbre, un homme vêtu d’une riche robe immaculée. Sa haute taille et sa prestance de grand seigneur exigeaient des égards. Une profonde clairvoyance illuminait son regard pénétrant. Mais ni la détermination de son noble front, ni l’adresse de ses longues mains, ni même la sagesse de bien des âges qui éclairait son visage aquilin, ne frappèrent l’assistance autant que sa voix.

Lorsqu’il prit la parole devant l’assemblée des belles gens venues l’accueillir, ce fut comme si le verbe des Seigneurs de Valinor était descendu parmi eux, sur ces rivages de la terre du milieu : les fautes de jadis seraient pardonnées, le mal mystérieux qui s'était levé serait percé à jour, les vaines alliances d’antan seraient forgées à neuf, la sage vigilance de l’envoyé des Valar éclairerait la destinée du peuple des étoiles.

Captivant son auditoire, Curumo épiait sur les visages, les stigmates des années de doute et de souffrance, s’évanouir sous le charme de ses savantes modulations. Soudain il s'avisa d'un détail.

Un personnage hirsute, descendu comme lui de la nave elfique, avait sauté au bas du quai. Pataugeant dans les algues, une mouette décatie sur l’épaule, il semblait absorbé dans la contemplation passionnée d’un banc de moules.

Une onde d'irritation altéra la puissante harmonie des nobles propos de Curumo. D’un auguste geste d’autorité, il frappa sèchement la dalle de son bâton blanc.

-« Aïwendil ! Ne me faites pas regretter d’avoir accordé la faveur de votre présence à Dame Kementari ! »

Apostrophé, le bonhomme ébouriffé et hagard renifla vivement, fit mine de disperser les crabes qui s’accrochaient à sa robe de laine brune et gravit gauchement les marches du quai, tandis que sa mouette lui fientait sur l’oreille avec un cri réprobateur à l’adresse du mage blanc.

La paupière lourde de mépris, Curumo dédaigna son grotesque comparse avec un rictus de dégoût et un soupir de résignation. Se détournant vers un grand elfe à la courte barbe claire, il l’entreprit d’un air grave.

Cependant un troisième personnage descendait la passerelle, embarrassé d’une grosse malle de chêne cerclée d’argent. Quelques elfes gris vinrent à son secours, évitant que le précieux bagage ne terminât dans les eaux de la baie. Ajustant son propre balluchon, le vieillard, voûté et grisonnant, remercia ses sauveurs et tira bruyamment le coffre sur les pavés, s'attirant un regard lourd de reproches de la part de Curumo.

Passant outre cette seconde interruption, le mage blanc entraina Cirdan, l’entretenant de ses hautes vues pendant qu'Olorin s’occupait de ses malles. Le plus urgent, disait-il de sa voix profonde et captivante, était de retrouver la trace des sorciers bleus qu’il avait envoyés en éclaireurs. Puis il s’attellerait  alors à coordonner les efforts de l’ordre des sorciers au grand complet…

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A suivre… 

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