Vaer aen birke - the Witcher
Chapitre 23 : un marriage une nuit d'été
5267 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 15/09/2025 14:39
Année 1275, Dol blathanna, Fidhail.
La cité de Fidhail bourdonne d'activité alors que le soleil couchant pare le ciel de rose. En dépit des rayons déclinants, les fleurs ne se ferment pas, illuminées par des lueurs magiques qui imitent l'astre solaire. Des guirlandes de roses, d'orchidées, d'acanthes et de lotus décorent les bâtiments de marbre tout en embaumant l'air. De la musique résonne un peu partout tandis que les gens sortent dans les rues, vêtus de leurs plus beaux atours. Des stands ont été montés sur la grande place, décorés d'étoffes multicolores. Certains proposent des jeux, d'autres sont tenus par des marchands et d'autres encore offrent de la nourriture gratuite. Des elfes venus de tout Dol Blathanna pour le mariage royal admirent les étals tandis que des magiciens divertissent la foule avec des spectacles d'illusions saisissantes, racontant des légendes du peuple elfique.
-allez, allez, fait Elina, ses cheveux noirs, qu'elle avait laissés pousser jusqu'à ses épaules, coiffés en une tresse compliquée mais qui épouse parfaitement son visage.
-Du calme Elina, fait Calened en marchant derrière elle, nous avons toute la soirée pour profiter des festivités.
-On n'aura peut-être pas le temps de tout faire avant le mariage, réplique la demi-elfe, toute excitée.
-Mais si, tente de tempérer le Sage. Allons rejoindre Isengrim et nous ferons les stands après, d'accord.
Elina opine énergiquement du chef avant de s'élancer d'un pas rapide en direction de la maison d'Isengrim, faisant virevolter sa robe cyan assortie à ses yeux et décorée de jolis petits rubans. Le Sage lui-même est vêtu d'une robe bleu profond agrémentée de discrets fils d'or. Il porte en boutonnière la feainnewedd, la magnifique fleur violette qu'il a recueillie au pied de la statue de Dana Meadbh à Mahakam il y a plusieurs années. Ses cheveux à lui sont coiffés plus simplement et ses yeux verts sont mis en valeur par une légère touche de maquillage sombre. Il marche sans se précipiter et arrive bientôt au petit palais d'Isengrim où il retrouve Elina, trépignant d'impatience, et Isengrim qui sourit indulgemment à la petite demi-elfe. Isengrim est joliment vêtu d'une tunique courte verte, d'un pantalon bleu et de bottes en peau de daim. Ses cheveux sont repoussés en arrière et tenus par un mince bandeau elfique en argent. Il n'a fait par contre aucun effort pour diminuer ou cacher la terrible cicatrice qui lui barre le visage. Bien qu'ils prévoient eux-mêmes de s'unir, ils n'avaient pas encore emménagé ensemble. Mais ce n'est qu'une question de temps. Pense Calened.
-Céadmil, Calened, le salue Isengrim en souriant, je vois que tu as fini par nous rejoindre. Prêt pour la fête ?
-Oui, oh oui, Athair (père), allons-y maintenant, s'il te plait ? Fait Elina en faisant une mignonne petite moue.
Comment est ce que ses yeux peuvent devenir encore plus ronds ? Se demande intérieurement le Sage.
-Oui, oui, on y va, on y va. Mais reste près de nous Elina, il y a beaucoup de monde.
Isengrim tend le bras que saisit Calened et ils s'engagent à la suite de la jeune fille. Des jongleurs et des acrobates font leurs numéros en plein centre du marché de la ville, non loin du palais royal. Des cracheurs de feu soufflent leurs flammes qui illuminent brièvement le crépuscule. Les spectateurs poussent des cris de ravissement quand certaines de ces flammes, au lieu de se dissiper, prennent des formes de divers animaux qui galopent en un tourbillon dans les airs. Elina et d'autres enfants elfes ouvrent de grands yeux quand un mage conjure l'illusion d'un vaste océan où nagent d'étranges beaux poissons et de magnifiques sirènes au-dessus d'étincelant massifs de corail. Calened prend une douceur en forme de cygnes et la goute en faisant attention à ne pas tacher son vêtement grâce à son mouchoir de batiste. Isengrim regarde une démonstration de lancer de couteaux sur une immense cible avec au centre une femme attachée, une pomme sur la tête. Le lanceur embrasse son dernier couteau d'un geste théâtral avant de l'envoyer se ficher pile dans le fruit, le fendant en deux. La foule applaudit tandis que l'artiste exécute une révérence et Isengrim hoche lentement la tête avec approbation.
-Elina, appelle Calened, Elina, doucement avec les sucreries, tu ne vas plus avoir faim pour le banquet de ce soir. Tu veux toujours y aller, n'est-ce pas ?
-Mwui, répond la petite la bouche pleine.
-Alors contrôle toi un peu et reste à distance de ces stands.
-Oooh mais c'est tellement bon. répond la gamine en regardant le stand de pâtisseries avec toute la convoitise du monde dans le regard.
-Je sais mais tu vas finir par avoir mal au ventre à trop manger. Viens avec moi, allons voir les boutiques des Elfes des Bois, je suis sûr qu'on y verra plein de choses exotiques.
Pour l'occasion, une délégation de diplomates et de marchands elfes des bois était venue du sud, apportant avec eux de l'artisanat purement Aen Caed (peuple des forêts) mais aussi des articles Nilfgardiens. Une troupe nombreuse s'est rassemblée autour d'eux commentant avec plaisirs sur les étranges artéfacts du sud. Les yeux d'Elina se posent sur un drôle de bouton de fleur en bronze décoré d'or. Sous les encouragements du marchand, elle la saisit à deux mains. Aussitôt la fleur finement ouvragée s'ouvre, étalant ses pétales mordorés comme une vraie fleur et une petite fée de verre, décorée de jaune et de vert, surgit du centre et se met à danser tout en émettant une douce lumière. La jeune demi-elfe glousse de ravissement et se tourne vers Calened.
-On peut l'avoir ? S'il te plait Athair, je peux l'avoir ? Dis oui, s'il te plait !
-Je sens que je vais regretter t'avoir amenée ici. Fait Calened dans un soupir avant de se diriger vers le marchand. Combien pour cette fleur ?
-1000 Florins, votre éminence.
-1000...? Dieux du ciel, pour une fleur ?
-Une fleur de bronze finement ciselée par nos meilleurs artisans et enchantée avec le plus grand soin par Maitre Arilith. Ce n'est pas donné, je vous l'accorde mais notez tous les détails des pétales et l'élégance de la figurine, garantie 200 ans. Elle vaut son prix, croyez-moi.
-Dieux du ciel, répète Calened, très bien, je vous la prends. Tiens Elina et fais très attention avec, je t'en prie.
-Pas de problèmes, Athair, je vais faire très attention.
-Dites Otrah te (ferme toi) pour qu'elle se referme et Arale te (ouvre-toi) pour qu'elle s'ouvre. Explique le marchand tout en encaissant le chèque de Calened.
-Otrah te, dit Elina avant de glousser de plaisir en voyant la petite fée se plier en deux tandis que les pétales se referment sur elle, reformant le bouton.
Ils s'éloignent du stand du sud, Elina d'un pas sautillant et Calened d'un air nettement plus grave. Au-dessus d'eux le soleil a fini de se coucher et les étoiles commencent à apparaitre. Parmi elles scintille brillamment l'étoile du soir, la plus aimée des elfes.
-Viens Elina, dit Calened, essayons de retrouver Isengrim, ce sera bientôt l'heure de la cérémonie.
Elina hoche distraitement la tête, trop absorbée par sa nouvelle possession. Le Sage soupire et entreprend de scanner la foule à la recherche de son bien-aimé. Mais autant chercher une aiguille dans une botte de foin, la place regorge d'elfes habillés élégamment avec de magnifiques coiffures, tous parés pour le mariage. Quand il regarde, découragé, vers Elina, il constate que la petite a disparue. Allons bon, je perds tout le monde. Pense t'il. Bon, concentre-toi sur le lien que tu as placé, où est-elle passée ?
Grâce au sortilège de lien qu'il a lancé sur Elina par précaution, il n'a pas de mal à la retrouver par l'esprit. Il voit par ses yeux une bande d'enfants, réunis autour d'elle et qui admirent avec de grands yeux son nouveau jouet, près de la fontaine aux naïades. Il s'apprête à la rejoindre quand il aperçoit Isengrim, torse nu dévoilant de nouvelles cicatrices, au beau milieu d'un ring vaguement délimité par des pierres. En face de lui se trouve un autre elfe blond et plus musclé, les cheveux défaits et le corps luisant. Après un dernier coup d’œil vers Elina toujours avec sa bande d'amis, Calened décide de s'approcher du ring où une petite foule lance des encouragements ou des huées. L'elfe blond tente de saisir Isengrim pour l'enserrer dans une étreinte brutale mais le Scoia'tael lui échappe agilement avant de décocher deux coups de pieds dans le côté droit de son adversaire. L'autre gémit à peine et réplique par un coup de poing puissant qu'Isengrim parvient à bloquer de ses deux bras. Le blond attaque à nouveau et l'elfe esquive, les bras pendants de chaque côté du corps. Alors que la brute vise la tête, Isengrim passe souplement sous sa garde et donne un bon coup de talon derrière le genou. Ceci déséquilibre le blond qui met un genou à terre en grimaçant. Isengrim n'hésite pas et d'un mouvement fluide, saisit la tête de son adversaire avec sa jambe et le fait tomber sur le côté. Avant que l'autre ne puisse se relever, il lui saisit un bras et le tord dans son dos lui arrachant un cri de douleur. L'elfe blond tente de se relever mais Isengrim pèse de tout son poids sur son bras libre tout en lui tordant l'autre. Un autre elfe se met à compter et l'elfe musclé se débat de plus belle, tentant de faire lâcher prise à son adversaire mais Isengrim tient bon. Le compte à rebours atteint finalement zéro et le chef Scoia'tael relâche son adversaire qui s'écroule un instant dans la poussière. L'arbitre saisit le poignée d'Isengrim et le brandit devant la foule qui exulte. Le vainqueur aperçoit enfin Calened qui le regarde et un sourire lui fend le visage.
-Décidé à nous faire faux bond ? Demande le Sage pendant qu'Isengrim remet sa tunique.
-Désolé mais quand j'ai vu cette arène qui met au défi les passants je n'ai pas pu résister à l'idée de mettre à l'épreuve mes capacités. De plus, je ne vous ai pas perdu de vue Elina et toi.
Calened hoche la tête, les épreuves de force brute sont regardées de haut par la plupart des elfes qui les considèrent comme barbares mais cela les rend d'autant plus attrayantes aux regards de certains. Pendant que Isengrim remet de l'ordre dans ses cheveux, le Sage se retourne pour chercher à nouveau Elina par l'esprit. C'est alors que son regard est capté par une silhouette étrange. Elle est vêtue d'une armure de cuir et de fourrure à la mode humaine et porte dans son dos deux épées.
La silhouette se retourne et Calened voit que c'est une femme. Belle et élancée, elle a des cheveux courts couleur de cendres, ses yeux émeraude reflètent la lueur des étoiles et une cicatrice lui barre la joue. Autour de son cou pend un médaillon en forme de tête de loup. Cette fille... elle m'est étrangement familière... et c'est une sorceleuse ? Comment est-ce possible ? Pense Calened alors qu'il réfléchit où il a pu la voir. Son médaillon et ses épées la décrivent comme faisant partie de la guilde des Sorceleurs, les fameux mutants chasseurs de monstres. Mais c'est étrange, cette guilde mystérieuse est connue pour ne former que des garçons. Et la jeune fille ne semble présenter aucune des mutations caractéristiques des Sorceleurs. Mais ça pourrait expliquer sa présence ici car malgré sa beauté, ses oreilles rondes la désignent comme humaine. Mais par décret du Conseil, les sorceleurs sont autorisés à traverser les terres d'Hen Uniade.
-Calened ? Demande Isengrim à ses côtés, échangeant des regards entre son bien-aimé et la fille. Que se passe-t'il ?
Le regard vert de la jeune fille croise enfin celui du Sage et une étincelle de reconnaissance s'allume dans ses yeux étoilés. Puis un voile de colère les recouvre et la jeune fille avance d'un pas décidé à travers la foule, droit sur eux. Quand elle les atteints, ses traits sont durs comme la glace.
-Qu'est-ce que vous faites là ? Demande t'elle la voix rageuse et sa main prête à se porter à son épée.
-Qu'est-ce que vous racontez ? Demande Isengrim, légèrement agressif, la main sur son pommeau. Il a tous les droits d'être là en tant que citoyen de Dol Blathanna, bien plus que vous Dh'oine !
La jeune femme le regarde une seconde avant de reporter son attention sur le Sage.
-C'est Ge'els qui vous envoie ? Ou les Aen Saevhernes ? Je croyais ne plus rien avoir à craindre des Aen Elle. (Peuple des Aulnes)
Dieux ! maintenant je me souviens, réalise Calened. Une adolescente chevauchant une jument moreau féroce comme une tempête. Une rumeur, un dernier espoir, le produit de générations d'expériences génétiques.
-Loch'laith, la Dame du Lac dit-il, le souffle coupé. L'Hirondelle, l'Enfant de Sang Ancien. Je me souviens maintenant.
-Les Aen Elle ? Demande Isengrim de plus en plus perturbé, L'Hirondelle ? Calened, je ne comprends pas ce qu'il se passe.
-Je m'appelle Ciri, Déclare la jeune femme, le regard défiant. Et je me souviens de vous, je vous ai vu au palais d'Aubéron, le roi des Aulnes quand j'étais sa prisonnière.
-Et je me souviens de toi, Dame de l'Espace et du Temps. Dit l'elfe roux. Je n'ai fait que t'apercevoir mais je me souviens de toi. Tu as beaucoup grandi. J'ai été ravi d'apprendre ta fuite du monde des Aen Elle.
-Vraiment ? Vous n'êtes pas indigné que le chantage de Aubéron n'ait pas porté ses fruits et ramené le gêne de Sang Ancien aux Aen Elle ?
-Crois le ou non, je ne faisais pas partie de ceux qui souhaitaient que tu nous rendes le pouvoir du Sang Ancien. Je ne sais que trop bien ce que Aubéron et Eredin en auraient fait. Ta fuite a protégé des mondes sans nombres.
-Je croyais que retrouver les pouvoirs d'Ard Gaeth (la Porte Éternelle) afin de pouvoir voyager à nouveau entre les mondes était le rêve de tous les Aen Saevhernes ?
-Pas le mien, j'ai vu les exactions qu'Eredin et sa Chasse Sauvage ont causé sur d'autres mondes, J'ai beaucoup voyagé, Œil Étoilé, et j'ai appris à apprécier tous les mondes. Et je ne souhaite pas leur infliger du mal.
-Ciri, rapelle la jeune femme, Vous les elfes et vos titres ! Tu ne peux pas t'adresser à moi simplement par mon prénom ? Depuis combien de temps est tu sur ce monde ? Dans quel but ?
-Navré, Hiron... Ciri. Je suis ici depuis plusieurs années déjà, j'aide mes cousins et les autres races à survivre dans ce monde dominé par l'homme. C'est mon seul but.
-Le seul, hein ? Attends, si tu es sur ce monde depuis plusieurs années, est ce que ça veut dire que tu étais là quand...
-Quand la Chasse te traquait de part et d'autre de ce monde ? Oui, en effet mais je ne les ai pas aidés. Eredin a essayé de m’enrôler mais j'ai refusé. Comme je te l'ai dit, je ne partage pas leurs ambitions. Je suis ici par moi-même. Et puis, j'ai vu dans mes visions qu'il n'y avait pas de raisons de te poursuivre.
-Dans vos visions ?
-Eh oui, je suis un Aen Saevherne. J'ai vu que tu allais défier le Froid Blanc et sauver mon peuple malgré ce que la Chasse t'a fait subir. Donc ça a retiré la seule raison qui aurait pu me pousser à aider Eredin.
-Je ne l'ai pas fait dans le but de sauver les Aen Elle.
-Néanmoins, tu les as sauvés et je t'en remercie. J'ai averti Eredin qu'il devrait se contenter de cela, mon peuple n'a vraiment pas besoin de plus. Mais il a toujours été trop ambitieux. Je prie pour que Ge'el soit plus sage en tant que nouveau roi des Aulnes.
-Calened, coupe Isengrim, je crois que tu me dois des explications. Maintenant.
-Oui, pard... Je m'excuse d'avance pour tout ce que je vais te révéler, je t'en aurais parlé éventuellement mais il était plus facile d'oublier. Je ne suis pas de ton monde. Je viens de Tir na lia dans le monde des Aen Elle
-Le peuple des Aulnes. Murmure Isengrim, c'est impossible... Comment... Pourquoi... ?
-Je suis un Sage et l'un parmi les rares élus à pouvoir voyager entre les mondes, j'ai voyagé sur de nombreux mondes, observé de nombreux peuples et j'ai appris à aimer cette diversité, plus que les autres Aen Elle. Et je suis venu ici parce que les Aen Seidhes avaient besoin de mon aide. Mon peuple répétait sans arrêt que nous pourrions aider nos cousins une fois le pouvoir du Sang Ancien entre nos mains mais j'ai toujours su que nous pouvions vous aider bien avant. Voyager petits groupes par petits groupes pour vous apporter notre soutien armé contre les Dh'oines. Ou vous évacuer petit à petit vers Tir na lia. Mais les miens ne voulaient pas agir. J'ai compris il y a longtemps que les Aen Saevhernes convoitaient le Sang Ancien non pour sauver comme ils se plaisaient à le dire mais pour conquérir et soumettre. Et le peuple obéissait aveuglément aux Aen Saevhernes, j'étais en minorité, je n'étais pas écouté. Alors j'ai décidé d'agir de mon propre chef et de consacrer mes pouvoirs et mon savoir à aider ton peuple et les autres non-humains à survivre et prospérer. J'ai concentré mes pouvoirs de divination sur ce but précis et j'ai trouvé un moyen.
-Pourquoi n'as-tu jamais révélé ta vraie nature ? Pourquoi te faire passer pour un Aen Seidhe ?
-Parce que j'étais en colère contre les miens pour leur refus d'agir. Et parce que c'était plus facile de prétendre que j'étais Aen Seidhe. Je ne voulais pas donner de faux espoirs en faisant croire que les Aen Elle allaient venir.
-Et pourquoi n'avoir rien dit à moi ? Tous ces mois... tu avais largement l'occasion.
-Je te jure que je t'en aurais finalement parlé. Mais je n'avais pas prévu notre relation, ça m'a pris au dépourvu. Et c'est encore tellement frais et neuf, je ne voulais pas compliquer les choses. Et puis, j'avoue que j'oublie parfois que je ne suis pas Aen Seidhe. Je me sens plus à ma place en ce monde que je ne l'ai été dans le mien.
-Compliquer les choses, hein ? Marmonne Isengrim en s'éloignant d'un pas. Je crois... je crois que j'ai besoin d'un moment.
Isengrim tourne le dos à Calened et s'enfonce dans la foule. Calened le regarde partir, le cœur à la fois plus léger et plus lourd.
-Désolé pour tout ça, dit Ciri. Je ne voulais pas...
-Non bien sûr. Ça serait arrivé de toute façon tôt ou tard. Vous allez assister au mariage ? Demande Calened, désireux de changer de sujet.
-Oui. je resterai dans le coin après ça , il y a pas mal de travail et les sorceleurs sont assez bien acceptés. Depuis que Radovid a déclaré la magie illégale, il n'y a plus vraiment de place pour nous dans le Nord. J'essaierai peut-être ma chance dans le sud plus tard.
-Bien. Je ferais mieux de retrouver ma fille, le mariage va bientôt commencer. Je te souhaite bonne chance sur la Voie, Sorceleuse.
Sur ce, Calened s'éloigne, suivant le lien mental entre lui et Elina, la retrouvant vite parmi la foule.
-Te voilà, Luned, viens, laisse cette panthère tranquille, le mariage va bientôt commencer.
Elina laisse à regret la magnifique panthère noire qu'elle caresse sous l’œil amusé de son propriétaire. Au fil des générations, les elfes ont développé diverses tactiques pour dresser des animaux sauvages sans les briser. Les grands félins sont leurs partenaires préférés, magnifiques, silencieux, précis et mortels, un exemple que tous les guerriers et chasseurs elfes cherchent à émuler.
-Aww, fait la petite, déçue. Est-ce que je pourrais avoir une panthère moi aussi ?
-Une panthère ? À ton âge ? Tu ne crois pas que tu auras assez de responsabilités avec tes études ?
-S'il te plaiiiit ? Le supplie Elina en gonflant comiquement ses joues et en arrondissant ses yeux au point d'y faire pointer une larme.
-On... on en reparlera d'accord ?
Le petit visage se fend aussitôt d'un sourire éblouissant et Calened sent son cœur fondre. Par les dieux, depuis quand suis-je devenu si facile à attendrir ?
Prenant la main d'Elina, ils partent en direction de la colline située le plus à l'ouest, suivant les lueurs magiques qui éclairent doucement la nuit. Arrivés au sommet de la colline, ils découvrent une grande arche de bois tressé, décoré de vignes et de fleurs dans lesquels s’entremêlent d'autres lueurs magiques. La lumière est assez faible pour qu'on puisse apercevoir les étoiles brillantes dans le firmament. C'est la tradition parmi le peuple elfique d'organiser des mariages et autres grands événements sous la lueur des étoiles chéries des elfes. Parmi la foule d'Aen Seidhes se trouvent des représentants des autres races, invités pour l'occasion. Broover Hoog, préférant mourir que quitter ses montagnes, c'est un nain richement vêtu d'un lourd manteau brodé d'or et des ornements dorés dans sa barbe blanche qui le représente. Sur sa poitrine scintille une broche sertie d'un fabuleux saphir. Egdhimold Vrostchmil a fait le chemin depuis Mahakam malgré son grand âge avec une escorte de Gnomes, relativement peu armés mais dont les ceintures est garnies de grenades et autres ustensiles probablement très explosifs. Elle est vêtue d'une robe verte brodée d'argent et arbore un visage amical. Keral Vaäkssil, le Voïvode des Vrans est là avec plusieurs des siens. C'est la première fois que Calened le voit sans armure et seulement une courte épée avec plusieurs pointes à sa ceinture. Ses vêtements rouges et blancs sont étranges et ornés de fourrures. Ses mouvements et ceux des siens semblent nettement plus lents qu'en plein jour.
Neoth Korm, l'Ancien des Marmottins à la fourrure blanche et aux yeux brillants est assis sur l'un des bancs de marbre installés partout sur le sommet de la colline. Il est habillé de manière simple en dépit de son rang et constamment éventé par un marmottin plus jeune avec un éventail. Plusieurs Halfelins sont présents dont Dermin Biberveldt habillé d'un beau surcot vert et de chausses grises. Les bagues d'argent qui ornent ses pieds et ses mains scintillent à la lueur de la lune et des lumières magiques. Ils tiennent une conversation animée avec plusieurs invités tout en faisant un sort au banquet. Heureusement, Francesca, tenant compte de ses invités, avait prévue suffisamment de tables et de plats pour sustenter même des Hobbits. Sh'eenaz et sa fille sont également présentes avec d'autres sirènes et tritons qui jettent des regards émerveillés autour d'eux. La jeune enfant de Sh'eenaz avait été transformée récemment en véritable sirène grâce au talent des mages elfes et arbore les cheveux céladon caractéristiques de ce peuple. Près de l'estrade où se trouvent plusieurs musiciens dansent joyeusement des dryades et des naïades, habillées de patchworks de tissus dans les tons verts et bruns pour les nymphes des arbres et bleus et blancs pour les nymphes des eaux. Même Eithné Œil-d'Argent laisse de côté son habituelle froide réserve et participe aux festivités. Ida Emean discute posément avec d'autres elfes dans sa robe vaporeuse.
Soudain, une trompette retentit, signal que le mariage va commencer et tous les invités s’installent sur les bancs ou les chaises de bois arrangés devant l'arche. Filavandrel apparait portant une robe bleue moulante à la lueur des étoiles, ses long cheveux argentés sont laissés libres derrière ses épaules et il porte un très fin maquillage qui fait ressortir ses yeux noirs selon la mode elfique. Il avance seul sur le chemin dessiné entre les deux rangées de chaises et de bancs. Il se place sous l'arche à la droite du prêtre qui l'attend déjà. Ce dernier est un elfe aux longs cheveux blonds et au regard doux comme l'été. Il porte une robe argentée et deux étoles bleues symbolisant sa fonction.
Une autre trompette annonce l'arrivée de la fiancée et tous se retournent. Francesca apparait dans une robe épaisse aux couleurs du crépuscule, de jaune doré à ses épaules et qui devient graduellement plus sombre plus on va vers ses jambes. À ses côtés se pressent deux grands lynx tachetés. Des rubans blancs ondulent autour de ses bras et de son dos, comme soufflés par une brise que nul ne perçoit. Sur ses cheveux doré sombre est posé une magnifique tiare d'argent sertie de gemmes blanches. Elle porte en boutonnière la rose de souvenance que lui a offerte Filavandrel. Son maquillage met en valeur son visage et ses yeux bleus et ses lèvres rouges forment un fin sourire. Elle se place à la gauche du prêtre, face à Filavandrel.
-Peuple de Dol Blathanna, vos excellences et représentants de nos alliés et de terres lointaines. Nous sommes tous réunis, sous le regard des Dieux célestes et dans l'étreinte de notre Mère Nature, pour assister à l'union sacrée du seigneur Fillavandrel aén Fidhail des Tours d'Argents de la maison Feleaorn des Navires Blancs et du Bout du Monde à sa majesté, Francesca Findabair, Enid an Gleana, reine de la Vallée des Fleurs. Sous le regard bienveillant des étoiles, nous vous prions d'échanger vos vœux.
-Francesca, commence Filavandrel. Il n'y a pas si longtemps encore, je dirigeais ce qui restait de notre peuple libre dans les montagnes, privé de nos terres, de nos cités et de nos douces forêts avec seulement la fierté de notre héritage pour emplir nos ventres et réchauffer nos cœurs. Nous étions malades, désespérés et sans-abris avec pour seule option, quand la corde de notre volonté aurait été usée jusqu'au plus fin filament, de mourir dignement dans la vallée de nos ancêtres aux mains de ceux qui nous ont dépouillés. Puis tu es venue et tu nous as rendu nos terres, tu nous as rendu nos forêts et nos foyers et plus que tout, tu nous as rendu l'espoir de lendemains meilleurs. Tu nous as rendu l'avenir. Et Je t'ai vu gouverner avec bienveillance, sagesse et perspicacité, tu as consenti de grands efforts et sacrifices pour assurer la pérennité de notre royaume. J'ai vue ta force, Francesca et elle m'a coupé le souffle, je t'ai vue vulnérable et cela a attendri mon cœur, Je vois la beauté de ton âme et elle aveugle mes yeux. Jamais je n'ai désiré être plus proche d'une femme que toi et les Dieux, dans leur bonté, nous ont offert le plus merveilleux, le plus impossible des cadeaux, continue l'elfe en souriant au ventre rond de sa compagne. Si tu veux bien de moi pour mari, je jure devant les Dieux, notre mère la terre et les étoiles célestes, de te chérir pour les siècles à venir, d'être à tes côtés dans les bons comme dans les mauvais moments et de t'offrir mon épaule et ma lame quand tu en auras le plus besoin. Tels sont mes vœux devant tout ce qui nous est sacré.
Sur ce, il tend ses bras en avant comme l'exige la tradition. Francesca lui sourit tendrement, ses yeux bleus brillant d'une joie sans égale.
-Mon cher Filvandrel, se lance la reine. Tu as été un soutien fidèle et dévoué pour moi, en tant que reine de la vallée mais aussi en tant que femme. J'ai vu le fier seigneur en toi qui ne s'abaisse devant rien ni personne et puis l'homme, amoureux de son pays et de son peuple. Je t'ai rencontré à ton plus bas puis à ton plus haut, je vois tout de toi et j'aime tout de toi. Tu m'as soutenue dans mes moments de faiblesse et dans mes décisions les plus dures et il n'est aucun elfe, aucune créature vivante sur cette terre qui me connaisse aussi bien que toi. Je t'aime et je t'aimerai pour les siècles qui nous restent à vivre. Je serai à tes côtés dans la force comme dans la faiblesse et je te soutiendrai quoi qu'il arrive. Tels sont mes vœux devant tout ce qui nous est sacré.
À son tour, elle tend les bras et joint ses mains à celles de Filavandrel. Le prêtre s'empresse alors d'enrouler un ruban entre leurs mains entrelacées en un nœud complexe.
-L'amour est une chose fragile, précieuse et puissante, dit ce dernier. Elle plait aux Dieux, fait scintiller de joie les étoiles lointaines et nous offre les richesses de la terre. Il n'y a pas de serment plus sacré qu'une promesse d'amour et puisse-t-elle être honorée dans les siècles à venir. Ce ruban symbolise maintenant le lien qui vous unit et il devra, ainsi est la tradition, être attaché au-dessus de votre lit conjugal. Puisse Dana Méadbh vous combler de sa bienveillance, que Mori Righain garde votre serment et puisse Nehaleni garder vos destins entrelacés.
Là-dessus, les deux nouveaux mariés se lâchent les mains et le ruban se détend brusquement. Vifs comme l'éclair, ils en attrapent chacun l’extrémité et le présentent à la foule qui applaudit aussitôt. Les elfes se redressent et chantent une courte chanson traditionnelle pour le bonheur et la prospérité du nouveau couple. Souriants, les jeunes mariés se dirigent vers le banquet, vite entourés de leurs courtisans.
-Ils n'ont pas laissé tomber le ruban, c'est un bon signe pour eux, commente Calened.
-C'est important ? Demande Elina en se frottant un peu les yeux.
-Oui, si on veut, c'est un signe de mauvaise fortune pour le couple s'ils le laissent tomber. Surement de la superstition. Enfin, tu veux manger un morceau avant de rentrer ? C'est maintenant ou jamais.
Elina hoche la tête en baillant. Les familles avec de jeunes enfants ne resteront pas très longtemps mais pour tous les autres, la fête ne fait que commencer. En se dirigeant vers le banquet, main dans la main avec Elina, Calened ne peut s'empêcher de se demander où se trouve Isengrim.