Le voleur et l'assassin

Chapitre 2 : Un peu de chaos...

2181 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 22/04/2019 17:26

Toutes les explosions ne se valent pas. A vrai dire, pour celui qui sait voir plus loin que leur aspect brouillon, les explosions sont des merveilles de finesse et d’esthétisme, tant il est complexe de savoir maîtriser le chaos qui est à la fois leur origine et leur objectif. Quoi qu’il en soit, à bien des égards, la déflagration qui embrasa le côté Sud de la coupole ce soir-là était un modèle en la matière. L’impact du projectile avait étoilé l’épais panneau de verre ayant mis un terme à sa trajectoire. Des vagues incandescentes avaient noirci de toute part la verrière tandis que des panaches de fumée noire s’étaient élevés, voilant un instant le ciel à la foule anxieuse qui, dans le hall du Musée, avait relevé la tête. Le silence s’était fait, un instant. Puis était venu le rire. Un rire aigu, qui ne s’aventurait dans les basses que le temps de repartir en de longues trilles vers des sonorités qui faisaient grincer plus d’un dignitaire.


Le Conservateur se risqua à prendre la parole.

« Je vous prie de garder votre calme, la situation va être prise en charge par les services de sécurité et…

Une voix stridente vint vite l’interrompre :


-ALORS PILTOVER ! JE DERANGE, SANS DOUTE. ON NE M’INVITE MÊME PLUS AUX SOIREES ?


Le panneau de verre, déjà fragilisé, s’effondra en une pluie scintillante alors qu’une silhouette passait son buste par l’ouverture. Deux bras chargés d’un lance-roquettes aux allures de requin, deux nattes bleu électrique entourant un visage livide, deux secondes pour dégrader l’un des plus augustes monuments de Piltover. Avec une moue vaguement déçue, elle lâcha simplement :


-C’est pas trop grave. De toute façon cette soirée va devenir grave nulle. ‘Fin encore plus que maintenant. »


C’est sur ces sages paroles que Jinx, fléau qui harcelait continuellement Piltover depuis que l’idée saugrenue d’en faire un accomplissement personnel avait traversé ce qui lui servait d’esprit, bondi depuis le ciel tout en noyant la salle sous une salve de projectiles.




              La fête était finie, à la grande joie de Katarina. Convaincre Jinx de faire, une fois de plus, tout exploser, n’avait clairement pas été difficile. La contraindre à le faire à un horaire bien précis en revanche… Katarina avait rarement dû se montrer aussi créative qu’à cette occasion : c’était une chose de travailler avec des tarés, s’en était une autre de vouloir encadrer leur folie. D’ailleurs, si l’assassin avait voulu être pointilleuse, Jinx avait 45 secondes de retard et ne s’était pas assez déportée vers l’Est. C’était l’ennui de travailler avec des non-professionnels, le manque de rigueur. Enfin… Alors qu’un épais nuage de fumée accompagné d’une douce symphonie de cris de terreurs s’élevait sous le dôme, elle plongea vivement depuis son perchoir en abandonnant le cadavre du garde qui s’y trouvait avant elle. Sa seule victime du soir si tout se déroulait bien, ce qui était difficile à garantir, vu le chaos dans lequel elle filait à vive allure.




              Mais quel crétin, mais quel crétin ! Il avait vu la roquette filer droit vers eux mais n’avait pas été assez vif pour prévenir la foule. Et avant que qui que ce soit ait pu tenter d’instaurer une réaction coordonnée, le chaos ambiant avait réduit l’assemblée de hauts dignitaires à une cohue générale noyée par la fumée. La hauteur de l’estrade lui apportait tout juste assez de hauteur pour voir l’étendue du carnage : les explosions avaient pulvérisé la plupart des vitrines, répandant un tapis d’éclats de verre sur les dalles en marbre. Les ambassadeurs s’agitaient sur place sans savoir vers où fuir, à l’exception de quelques valeureux qui s’étaient élancés vers l’origine du chaos. Garen avait rassemblé quelques bonnes volontés et semblait décidé à agir avant les services de sécurité du Musée. Le voir progresser à travers le tumulte sans sa sœur fît naître une pointe d’inquiétude dans la poitrine d’Ezreal, dont le regard se mit à scruter ce champ de ruines, certes plus moderne que ceux dont il avait l’habitude. Et c’est en cherchant éperdument la silhouette de Lux qu’il la vit.

Une silhouette sombre, toute de cuir vêtue, qui s’affairait à droite de l’estrade dans une des vitrines explosées. Mais déjà elle grimpait le long d’une corde qui montait vers les étages. Personne ne semblait avoir prêté attention à ce qui se passais à l’opposé du combat qui opposait désormais Jinx aux représentants de Demacia. C’est donc sans hésitations qu’il tendit le bras droit. La pierre de son gantelet vibra doucement, en se parant d’une douce lueur jaune.


« Jeune homme ? »


En réponse à son interrogation, le Conservateur n’eut droit qu’à un nuage d’étincelle dorée dans lequel disparu l’explorateur qui était à ses côtés.



              Katarina retenait jurons sur jurons. La troisième roquette de Jinx n’avait pas explosé assez loin et la fumée dans laquelle elle aurait du pouvoir se dissimuler tenait plutôt du filet que du panache abondant, et elle avait manqué de se couper gravement en brisant la vitrine qui contenait sa cible. Enfin… elle avait agi assez prestement et Garen avait, hasard fort heureux, amplifié la diversion crée par Jinx. Avant longtemps, elle aurait mis les voiles, il lui suffisait de suivre la galerie jusqu’à cette fenêtre et de là, elle pourrait…



WOUMSH



              Quelques étincelles dorées et un croche-pied plus tard, elle tentait d’improviser ue réception souple sur le plancher en bois. Elle bascula vivement son buste pour se redresser et faire face à ce qui… Deux projectiles dorés la frappèrent en pleine poitrine, suivi par un nettement moins élégant coup de genoux qui percuta sa pommette gauche. Elle se sentit glisser sur le flanc, alors qu’elle posait enfin les yeux sur son agresseur. Quelle dégaine ! C’était le blondinet de l’estrade, engoncé dans la combinaison de cuir sanglé qui faisait office d’uniforme chez les explorateurs.

Autant son apparence le reléguait au rang de « contretemps », autant le fait qu’il ait pu l’intercepter alors qu’il se trouvait plusieurs mètres plus bas quelques instants plus tôt tendait à le classer dans la catégorie « menace certaine ». Ça, et l’espèce de gantelet métallique gorgé d’énergie arcanique bleue qu’il pointait sur elle. Ses deux mains glissèrent le long de ses hanches, filant vers les poches de sa combinaison.


« Garde les mains bien en vue ! Si je te vois faire le moindre geste suspect, je tire !


Elle leva tranquillement ses bras, les paumes visibles. Elle n’avait pu saisir de dague, mais elle s’était assuré que le cylindre d’agate qu’elle avait dérobé était toujours intact : elle avait le champ libre pour agir. Lentement, elle se redressa.


-Qui es-tu ? Qu’est-ce que t’as volé ? Tu es de mèche avec Jinx ?


Ezreal s’efforçait de gommer la tension qu’il sentait poindre dans sa voix. C’est que, bien que son saut dimensionnel ait été parfaitement exécuté, le reste de sa manœuvre était quelque peu plus flou. Il ne s’attendait pas à autant de vivacité chez le voleur. Qui était d’ailleurs une voleuse. Elle lui donnait l’impression d’un ressort tendu attendant la moindre de ses inattentions pour lui sauter à la gorge. Il reprit :


-Je crois pas que Jinx s’intéresse trop à l’archéologie. Tu travailles pour qui ?


Toujours le même mutisme, accompagné d’une absence terrifiante d’expression. Il se résigna : à l’évidence, il n’en obtiendrait rien. Mieux valait laisser la police prendre le relai… D’un mouvement de poignet, il indiqua l’escalier le plus proche.


-Comme tu veux… Va par là, et pas de mouvement brusque !


              L’ordre, qu’il avait espéré autoritaire, ne provoqua qu’un fin sourire.


-J’ai dit par là ! »


Ne pas céder à la panique. Il sentait le temps filer sans parvenir à faire évoluer la situation. Peut-être qu’elle ne le comprenait pas ? Une étrangère ? Gardant le bras droit tendu, il alla de la main gauche replacer une mèche qui s’était aventurée sur son front.

Ce fût tout ce dont elle eût besoin. Un éclair de cuir noir et deux pieds bottés le firent lourdement chuter en arrière. Le tir de son gantelet se perdit en l’air, tandis qu’elle lui bondissait dessus. Elle ne pesait pas lourd, mais son genou venait douloureusement comprimer ses côtes , lui tirant un cri. Un objet froid vint caresser sa paume, et il vit un coude amorcer une courbe vers son visage. Il ferma les yeux, se préparant pour l’impact.


Rien ne vint. Que le silence, suivi de pas rapides qui venaient vers eux.


Pour la deuxième fois dans la soirée, la main du Conservateur vint s’abattre sur l’épaule du jeune explorateur. Ce dernier ouvrit les yeux. De la voleuse rousse, plus aucune trace. En revanche, la galerie était désormais occupée par trois vigiles, armes à la main, ainsi que par le Conservateur qui était agenouillé à ses côté. Redressant vivement le buste, Ezreal s’écria :


« Vous l’avez eu ? Dites-moi que vous l’avez eu !

-Qui donc, jeune homme ? demanda posément le Conservateur.

-La voleuse ! Elle courait vers l’aile Ouest quand je l’ai interceptée et…

-Vous étiez seul quand nous sommes arrivés, le coupa le Conservateur. Vu votre cri, je suppose que votre petit tour de passe-passe depuis l’estrade s’est mal terminé.


              Ezreal accusa le coup. Ainsi, elle avait réussi à s’enfuir… Il voulut se relever, mais le vieil homme l’en empêcha fermement.


-Maintenant, et si vous m’expliquiez ce qui vous a poussé à dérober ce porte-documents ? Votre maître m’avait bien laissé entendre que notre collaboration n’avait pas remporté l’adhésion générale, mais je ne m’attendais certes pas à ce que votre guilde de parvenus orchestre un attentat de cette envergure…


              A la mention du porte document, Ezreal avait suivi le regard du Conservateur. Il peinait à le croire mais, à peine tiédit par la chaleur de sa paume, un petit tube d’agate verte engravé reposait dans sa main, et non sur le présentoir qui lui était dédié un étage plus bas. Estomaqué, l’explorateur se tourna vers le vieil homme. La panique revenue, c’est en bafouillant qu’il se défendit vaguement :


-Ce n’est pas… vous savez très bien que jamais… C’est elle qui a dû profiter de l’occasion pour…


Les traits de son interlocuteur se fermèrent.


-Emmenez-le, et prenez cette preuve. Jeune homme, je vous laisserai vous expliquer au commissariat. »


Deux vigiles se portèrent à leur niveau et saisirent les bras du jeune explorateur, tandis que le Conservateur se relevait dignement. Avec un dernier regard empreint de mépris, il se détourna en laissant Ezreal se répandre en justification dans le vent. Et bien vite jeune homme fut escorté vers l’une des innombrables sorties du Musée, les poignets enserrés par une paire de menottes. Bien loin de l’attroupement devant les colonnades qu’avait causé l’explosion sur la verrière, une carriole de police attendait qu’on lui livre un suspect. C’est vers elle que fût poussé un Ezreal dont personne n’écoutait les dénégations.





°°°




Merci de m’avoir lu ! Ceci est ma toute première fan-fiction, aussi je suis encore assez hésitant sur le style, le rythme, la longueur… N’hésitez pas à commenter pour me faire des remarques, cela ne pourra que m’aider ! ^^


Au plaisir !

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